B. UN BILAN GLOBAL PLUTÔT POSITIF POUR L'ANNÉE PARLEMENTAIRE 2011-2012

1. Le flux des lois nouvelles promulguées durant la session : presque 90 % d'application partielle ou totale

Considérées dans leur ensemble, sur les 57 lois promulguées au cours de la session 2011-2012, 16 étaient d'application directe, et 41 appelaient des mesures réglementaires d'application.

Sous les réserves terminologiques exposées ci-avant, parmi ces 41 lois nécessitant des mesures d'application :

- 11 lois sont devenues totalement applicables,

- 23 lois sont partiellement applicables,

- seulement 7 lois attendent encore d'être mises en application.

Récapitulatif des mises en application des lois
promulguées au cours de l'année parlementaire 2011-2012

Lois promulguées

Application directe

Lois mises en application

Partiellement mises en application

Non mises en application

57

16

11

23

7

en %

28 %

19 %

41 %

12 %

Ainsi, toutes catégories confondues, on constate que seulement 12 % des lois promulguées durant la période de référence demeuraient non appliquées au 31 mars 2013, ce qui représente (en tenant compte des lois d'application directe) un taux d'application totale ou partielle particulièrement élevé, puisqu'il atteint 88 %.

2. Le décompte par mesures : un satisfecit plus nuancé

Ainsi qu'il est exposé dans les premières lignes du présent rapport, l'interprétation des statistiques d'application des lois reste délicate , et ce score de 90 % de lois mises en application totale ou partielle, pour rassurant qu'il soit, n'en mérite pas moins d'être nuancé par un décompte « par mesures » (et non « par lois »), technique moins globalisante et qui amène à des conclusions plus prudentes.

En effet, le décompte par mesures atténue le poids relatif des lois d'application directe (généralement des lois assez brèves et qui, par définition, s'appliquent sans nécessiter de décret) ou celui des lois n'appelant qu'un nombre réduit de décrets, tout en rétablissant à sa juste importance le poids relatif des mesures nécessaires à la mise en oeuvre des différents articles de lois parfois très longues, comme notamment les lois de finances, les lois de financement de la sécurité sociale, les lois portant diverses dispositions dans tel ou tel domaine, etc...

Tel est l'intérêt d'un décompte par mesures qui, du coup, ramène aux alentours de seulement 55 % le taux effectif (avant redressement) de mise en application des textes adoptés par le Parlement au cours de l'année parlementaire 2011-2012 , ainsi qu'il ressort du tableau suivant :

Décompte détaillé du taux de mise en application des mesures figurant
dans les lois promulguées durant l'année parlementaire 2011-2012 (*)

Mesures prescrivant
un texte réglementaire

Affaires
économiques

Affaires
étrangères

Affaires
sociales

Culture

Développement
durable

Finances

Lois

Total
(**)

Nombre total,

dont

9

5

151

12

31

104

170

482

- mises en application

1

1

99

8

12

76

67

264

- restant à mettre en application

8

4

52

4

19

28

103

218

Taux de mise en application

11 %

20 %

66 %

67 %

39 %

73 %

39 %

55 %

(*) Données issues de la base APLEG - Statistiques arrêtées au 20 mai 2013.

(**) Aucune loi examinée par une commission spéciale durant la période de référence

Ce pourcentage -qui ne prend pas en compte la publication par le Gouvernement de 19 mesures supplémentaires se révélant finalement nécessaires à l'application de dispositions législatives qui n'en avaient pas expressément prévu- appelle deux observations importantes :

- on pourrait, tout d'abord, être frappé par la forte différence de taux de mise en application selon les commissions permanentes, avec un écart allant de 1 (pour la commission des affaires économiques) à 7 (pour la commission des finances). Mais ces écarts apparents en pourcentages n'ont qu'une signification relative, et ne prennent de sens que rapportés au nombre des mesures législatives concernées et à celui des décrets à prendre. Or, ces paramètres varient beaucoup d'une commission à l'autre, et rendent peu pertinentes les comparaisons. Ainsi, le taux d'application à peu près comparable concernant les mesures relevant de la commission des affaires sociales (64 %) et de la commission de la culture (67 %) correspond-il, pour la commission des affaires sociales, à 55 textes d'application encore en souffrance, mais seulement 4 textes d'application pour la commission de la culture.

- par ailleurs , ce taux global de 55 % semble accuser un déficit de 10 % par rapport aux statistiques réalisées de son côté par le Secrétariat général du Gouvernement, avec lequel les secrétariats des commissions permanentes du Sénat et, depuis sa création, celui de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, échangent pourtant des informations régulières. Selon les décomptes du Gouvernement, en effet, il a été publié sur la période considérée 241 mesures sur 367 attendues, soit un taux arrondi de 66 %.

En fait, cet écart est surtout optique : il ne traduit pas de discordance de fond mais résulte, pour l'essentiel, des différences de méthodes de comptabilisation entre les services du Sénat et ceux du Gouvernement, de telle sorte qu'il disparaît moyennant les redressements adéquats.

Ainsi, à une date donnée, l'outil statistique du Sénat (la base APLEG) enregistre comme « disposition législative appelant une mesure d'application » les articles de loi à entrée en vigueur différée que, pour sa part, le Gouvernement ne comptabilise qu'au moment où ils entrent effectivement en vigueur (il considère que par définition, un article qui n'est pas en vigueur est en tout état de cause insusceptible d'être mis en application).

Dans le même ordre d'idée, le Sénat inclut dans ses statistiques les arrêtés ministériels, là où le Gouvernement ne décompte que les décrets ; en revanche, le Sénat ne comptabilise pas en « mesures attendues » les décrets dont le pouvoir exécutif prend l'initiative pour permettre l'application de dispositions législatives qui, au départ, n'en avaient pas envisagé la nécessité (« mesures spontanées »).

L'état de rapprochement ci-après, établi sur des bases équivalentes, montre ainsi qu'il n'y a réellement pas de différence d'appréciation sur le pourcentage de mise en application entre la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et le Secrétariat général du Gouvernement :

État de rapprochement des mesures d'application des lois promulguées
durant l'année parlementaire 2011-2012

RUBRIQUE

SENAT

GOUVERNEMENT

1.

Mesures prescrivant
un texte réglementaire

482

2.

Décrets sur articles
à entrée en vigueur différée

- 57

3.

Arrêtés ministériels

- 82

Total redressé

343

4.

Mesures mises en application

264

5.

Décrets spontanés

+ 19

6.

Arrêtés ministériels déjà pris

- 56

Total redressé

227

7.

Mesure à prendre

367

8.

Mesures prises

241

Taux de mise en application (arrondi)

66 %

66 %

3. Des délais moyens de parution des textes d'application se rapprochant des objectifs fixés par la circulaire de 2008

Sauf à minorer la portée et l'efficacité de la volonté du législateur, il faut non seulement que la loi soit assortie des textes nécessaires à son application, mais encore que ces textes soient publiés par le pouvoir exécutif dans des délais raisonnables , en dépit du cheminement relativement complexe de l'élaboration des normes réglementaires, notamment lorsqu'elles nécessitent l'intervention de plusieurs ministères ou qu'elles imposent de procéder à de nombreuses consultations préalables.

Cette exigence logique impose une obligation de résultat , car conformément à la jurisprudence administrative, la non-parution des décrets d'application dans un délai d'une année a été admise par le Conseil d'État comme de nature à engager la responsabilité de l'État.

Reste à déterminer la durée du délai raisonnable...

En l'état actuel de la pratique administrative, le délai assigné aux ministères pour prendre tous les décrets relatifs à une loi a été fixé à six mois par une circulaire du 29 février 2008. Cet objectif , bien que déterminé par le précédent Gouvernement, a été confirmé par l'actuel Gouvernement , ainsi que l'a rappelé très clairement M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement, lors de son audition du 18 décembre 2012 devant la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois : « [...] les mesures nécessaires à l'application d'une loi doivent être prises dans les six mois suivant sa publication. L'objectif est maintenu, et il sera respecté ».

Pour ce qui concerne les délais de parution des mesures prises pour l'application des lois promulguées au cours de l'année parlementaire, on relève qu'avec un délai moyen de 6 mois 8 jours, le bilan se révèle conforme à l'objectif fixé par la circulaire, comme l'établit le tableau ci-après :

Nombre et délais de parution des mesures réglementaires
prises cette année pour l'application des lois
promulguées au cours de l'année parlementaire 2011-2012

Mesures réglementaires
prises dans un délai de :

Affaires
économiques

Affaires
étrangères

Affaires
sociales

Culture

Développement
durable

Finances

Lois

Total

moins de 6 mois

-

-

49

4

1

47

35

136

6 mois à moins d'un an

-

1

43

5

13

24

21

105

1 an et plus

-

-

14

-

1

6

5

26

TOTAL

-

1

106

9

15

77

61

269

Cela étant, ce constat favorable mérite d'être relativisé car l'énoncé d'un « délai moyen » conforme à l'objectif ne saurait masquer les écarts significatifs entre les mesures publiées dans un « délai normal » (136 mesures sur 269, soit seulement la moitié), les mesures publiées avec quelques mois de retard (105 mesures, soit près de 40 %) et les mesures publiées dans un délai de 1 an et plus, pouvant, pour le cas, être jugé excessif au regard de l'objectif assigné (26 mesures, soit 10 %).

En outre, un « délai moyen de parution » ne renseigne, par définition, que sur les textes publiés, laissant dans l'ombre les mesures -parfois nombreuses- restant en attente de parution au-delà des six mois...

C'est sans doute ce qui explique le jugement assez contrasté émis sur ce point par les différentes commissions permanentes. Ainsi pour la commission de la Culture, « [...] Le délai moyen de mise en application tend [...] à diminuer fortement par rapport aux législatures antérieures [...] Ce renversement de tendance [...] est particulièrement remarquable, marquant une césure avec le traitement du stock de lois partiellement ou non mises en application au cours des législatures précédentes ». Dans le même sens, selon la commission des Affaires étrangères, « [...] de manière générale, si les mesures réglementaires ne sont pas toutes prises pour les lois promulguées lors de l'année parlementaire précédente, on peut cependant saluer l'effort du Gouvernement qui semble vouloir faire en sorte que ces lois deviennent rapidement applicables ».

À l'inverse, la commission des Affaires économiques « a le regret de constater que l'engagement du Gouvernement [...] de respecter l'objectif consistant à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de la loi , n'est encore une fois pas respecté. En effet, alors que les deux dernières lois votées au cours de l'année parlementaire de référence sont d'application directe, la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d'obtention végétale n'est applicable qu'à hauteur de 12 % et la loi du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique est totalement inapplicable » (raison pour laquelle aucune mesure n'est mentionnée pour cette commission dans le tableau ci-avant).

4. Les premières tendances pour les lois de la XIVème législature

Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour produire des statistiques significatives sur l'application des lois votées depuis le début de la XIVème législature (c'est-à-dire à compter du 20 juin 2012), mais les données disponibles au 15 mai 2013 semblent indiquer une tendance plutôt favorable, alors même que le délai de 6 mois assigné au Gouvernement pour publier ses textes d'application n'est pas encore expiré pour la plupart des lois adoptées depuis le début de la présente session ordinaire.

Le Gouvernement a même fait preuve d'une grande diligence pour mettre intégralement en application deux lois prévoyant au total 10 mesures d'application, relevant l'une comme l'autre de la commission des Finances (la loi de finances rectificative pour 2012, promulguée le 16 août 2012 et prévoyant 8 mesures d'application, et la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, promulguée le 17 décembre 2012 et prévoyant 2 mesures d'application).

État provisoire de la mise en application des lois promulguées
depuis le début de la XIVe législature (à compter du 20 juin 2012)

Lois promulguées

Application directe

Mise en application complète

Mise en application partielle

Lois non mises en application

24

10

2

8

4

en %

42 %

8 %

33 %

17 %

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page