IV. DÉPLACEMENT A NICE ET SOPHIA ANTIPOLIS (14 ET 15 OCTOBRE 2010)

Composition de la délégation :

M. Martial Bourquin, président ; M. Alain Chatillon, rapporteur ; M. Marc Daunis, secrétaire .

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PROGRAMME
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Jeudi 14 octobre

Visite de l'Ecole des Mines Paris Tech' ;

Visite du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et table ronde avec les représentants du secteur « Bâtiments et nouvelles technologies » ;

Déjeuner de travail à l'invitation de l'entreprise Galderma sur la propriété intellectuelle et la protection des innovations et technologies ;

Visite de l'entreprise Mane et Fils à Bar-sur-Loup ;

Rencontre avec les partenaires sociaux à la Mairie de Valbonne ;

Dîner de travail à l'invitation de M. Marc Daunis à Valbonne avec la délégation italienne.

Vendredi 15 octobre

Entretien avec le sous-préfet de Grasse et la responsable de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) ;

Réunion de travail avec des représentants des districts italiens à la Chambre de commerce et d'industrie de Nice ;

Déjeuner de travail à l'invitation de la CCI de Nice avec la délégation italienne.

A - VISITE DE L'ECOLE DES MINES PARIS TECH'

Après une courte présentation de M. Jean-François Agassant, Professeur à l'Ecole des Mines , la délégation a visité le site de l'Ecole des Mines Paris Tech' à Sophia Antipolis, au coeur du technopôle.

L'Ecole des Mines forme des doctorants et des ingénieurs spécialisés plutôt que des ingénieurs civils. La présentation de l'Ecole a fait ressortir les points suivants :

- l'installation de l'Ecole des Mines à Sophia Antipolis, dans le cadre de la construction du technopôle voulu par Pierre Laffite, en 1976, a permis de décentraliser les compétences et la formation de haut niveau de l'établissement du Boulevard Saint-Michel vers le Sud de la France ;

- le succès de cette école résulte largement du fait qu'elle travaille en réseau, en étroite symbiose avec les entreprises installées sur le site du technopôle et dans la région. Elle a acquis une telle notoriété qu'elle reçoit des commandes de recherche financées par plusieurs grands groupes d'envergure nationale, européenne et internationale, tels qu'EDF, Areva, Total ou encore Arcelor Mittal. Au total l'Ecole a signé près de 1 000 contrats avec plus de 200 entreprises, dont 30 % avec des partenaires étrangers. La plupart de ces études sont réalisées dans le cadre des pôles de compétitivité dont elle est partenaire ou dans le cadre de différents centres ou associations de recherches et d'études (Centre énergétique et de procédés [CEP], Pôle d'études et de recherches de Sophia Antipolis Nice [Persan]). Les sujets d'étude portent notamment sur : la mise en forme des matériaux, la sécurité industrielle (coeur de métier de l'Ecole qui travaillait à l'origine en 1783 sur la prévention des risques miniers), sur les processus de production, les énergies renouvelables et les réseaux, les procédés de conversion... ;

- sur les vingt-cinq élèves recrutés chaque année, quinze le sont parmi les premiers reçus au concours d'entrée à l'Ecole polytechnique et cinq ou six viennent de l'Ecole normale supérieure. Au niveau master, la moitié des élèves sont d'origine étrangère ; on observe en particulier la présence croissante d'étudiants chinois (une centaine environ). Contrairement à d'autres écoles analogues, l'Ecole des Mines n'a aucune difficulté de recrutement . Mais il est vrai que la filière n'offre pas des salaires très attractifs, ce qui explique un certain « désamour des jeunes pour l'industrie » . De nombreux élèves de l'Ecole ou de Polytechnique choisissent finalement de s'orienter vers les banques où ils peuvent percevoir des salaires d'un niveau beaucoup plus élevé que dans l'industrie ;

- plusieurs dispositifs contribuent à soutenir les initiatives de l'école dans le domaine de la recherche : en particulier le crédit d'impôt recherche (CIR) qui gagnerait à être mieux canalisé et contrôlé, l'agence nationale de la recherche, le développement des pôles de compétitivité, le fonds unique interministériel, ...

- il faudrait également veiller à améliorer la rémunération des doctorants , les Allemands étant mieux payés que les Français, afin d'inciter les jeunes à s'orienter vers la recherche ;

- enfin, l'Ecole a contribué à la création de nombreuses entreprises, en suscitant la vocation de plusieurs étudiants.

B - VISITE DU CENTRE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DU BÂTIMENT (CSTB) ET TABLE RONDE AVEC LES REPRÉSENTANTS DU SECTEUR « BÂTIMENTS ET NOUVELLES TECHNOLOGIES »

Participants : M. Patrick Morand, directeur du CSTB ; M. Christian Lenôtre, président du Centre d'animation régional en matériaux avancés (CARMA) ; M. Philippe Bardey, société ACRI ; M. Mathieu Debonnet, société Altus Energy ; M. Emmanuel Tric, société Géosciences Azur.

M. Christian Lenôtre, président du Centre d'animation régional en matériaux avancés (CARMA), a tout d'abord présenté brièvement le CARMA : créé à l'initiative de plusieurs entreprises industrielles, ce centre de recherche et de ressources technologiques dans le domaine des matériaux offre des réponses collectives et collaboratives aux besoins en recherche-développement des entreprises. Il regroupe plus de 150 adhérents, dont 90 % de PME-PMI, et leur apporte des solutions techniques sur les matériaux dans des domaines aussi divers que l'aéronautique, l'emballage, l'électronique, l'énergie, le BTP ou encore le domaine médical. Il a créé également une grappe d'innovations dans la filière « aluminium ».

Les solutions apportées par le centre permettent de réaliser des prototypes (céramiques industrielles) et de mettre directement en application les innovations sur les chaînes de production.

Le centre travaille en coordination avec les Pôles régionaux d'innovation et de développement économique solidaire (Prides), qui rassemblent, au niveau de la région, les entreprises d'un même secteur d'activité en les incitant à coopérer sur des projets de recherche et à mutualiser leurs moyens.

M. Philippe Bardey, président de la société ACRI, s'est dit attaché au maintien des pôles de compétitivité et à la stabilisation du CIR, reconnaissant leur contribution positive à l'essor des investissements en R&D. Soulignant les atouts de la France en matière de recherche et de conception, il a regretté que la traduction industrielle de ces innovations ne se fassent que très rarement en France. Afin d'augmenter le « retour géographique » des investissements en R&D en termes de création de valeur ajoutée et d'emplois, il a suggéré de conditionner le versement du CIR à la fabrication d'au moins 50 % des produits issus des recherches concernées en France. Il a fait valoir que les PME réalisent 100 % des produits innovants ayant bénéficié du CIR en France, ce qui n'est souvent pas le cas pour les grands groupes.

M. Martial Bourquin, président, est convenu de la nécessité de mieux encadrer le CIR et de l'orienter davantage vers l'industrie , rappelant qu'un tiers de la dépense fiscale correspondante est captée par le secteur bancaire ou par des entreprises de services ou d'assurances.

M. Patrick Morand, directeur du CSTB , a souhaité que le CIR soit stabilisé et que les PME-PMI soient mieux informées sur les aides existantes et accompagnées dans l'ingénierie de leurs projets grâce au développement de partenariats avec les organismes de recherche.

M. Christian Lenôtre, président du CARMA, a souhaité que la législation et les politiques publiques soient davantage orientées en direction des PME-PMI qui sont plus créatrices d'emplois que les grands groupes. Le CIR, par exemple, doit être mieux adapté à leurs contraintes, ce qui suppose à la fois de mieux les informer sur cet outil, de le stabiliser et de réduire les contrôles sur les PME.

M. Mathieu Debonnet, président de la société Altus Energy, a suggéré de basculer le dispositif de défiscalisation des investissements en faveur des PMI-PME, mis en place pour l'impôt sur la fortune, sur l'impôt sur le revenu, faisant valoir que, grâce à ce dispositif, les PMI-PME financent leur développement et leurs augmentations de capital.

M. Patrick Morand, directeur du CSTB , a indiqué que les Instituts Carnot constituent un autre outil d'animation des relations entre recherche universitaire et industrie. Ils permettent d'orienter et de financer les travaux de recherche des laboratoires universitaires en fonction des besoins de l'industrie et aux entreprises de se ressourcer auprès des universités et d'être accompagnées dans leurs projets de R&D. Dans la même logique, le CSTB offre aux entreprises industrielles des moyens techniques ainsi que la possibilité de contribuer à des partenariats de recherche.

En réponse à une question du président Bourquin sur le soutien financier des banques aux PMI-PME innovantes, M. Mathieu Debonnet, président de la société Altus Energy, a affirmé ne pas avoir rencontré de difficultés spécifiques pour obtenir des financements auprès des banques dès lors qu'il a accepté un suivi avec des reporting réguliers sur son activité et la rentabilité des investissements financés.

En revanche, il conviendrait de trouver un schéma participatif innovant permettant de soutenir un projet de recherche, du financement jusqu'à l'industrialisation et la commercialisation sur le marché , du type MITI japonais ou « incubateurs », qui prévoie à la fois le financement de l'innovation, l'accompagnement juridique pour l'achat du brevet, le soutien logistique pour la réalisation des études de marché et la commercialisation. Il convient d'identifier les innovations matures, ayant un potentiel de débouchés important et de soutenir la PME qui les porte, le cas échéant avec un mécanisme de « caution à l'innovation ». Pour la mise en oeuvre de ces actions, le niveau régional paraît le mieux adapté.

Enfin, il convient de stabiliser la réglementation qui s'applique à l'industrie, afin d'offrir une plus grande visibilité aux entreprises qui souhaitent investir. La tarification et les conditions d'homologation des produits varient sans cesse, ce qui modifie les conditions du marché.

M. Alain Chatillon, rapporteur, a dit partager le souhait d'une stabilisation des normes et de la réglementation, en particulier s'agissant des marchés publics. A cet égard, il a déploré que la France ait largement ouvert ses marchés publics à des pays qui n'appliquent pas une ouverture réciproque de leurs appels d'offres publiques. Ainsi, alors que l'Union européenne est ouverte à 75 %, l'Asie ne l'est qu'à 10 % !

S'agissant du financement des programmes de recherche, il a rappelé qu'aujourd'hui, la dotation recherche contribue à hauteur de 20 % au financement du projet (contre 45 % auparavant), ce qui permet de jouer un effet de levier. Il convient également de soutenir les centres industriels et techniques qui jouent un rôle déterminant.

M. Emmanuel Tric, chercheur et professeur rattaché au centre de recherche scientifique Géo Azur , a souligné les points suivants :

- les pôles de compétitivité favorisent le rapprochement entre entreprises et monde de la recherche ;

- il s'agit de renforcer l'efficacité de la transférabilité en créant des zones de transfert efficaces et ciblées des technologies, les avancées technologiques se faisant principalement en grappes. Il faut créer une interface entre les chercheurs et les entreprises, pour que les résultats de la recherche appliquée se traduisent par des innovations industrielles. Le collège des études doctorales des universités de Nice a mis en place un système permettant aux doctorants de réaliser des missions industrielles rémunérées par les entreprises. Ils sont payés 300 euros par jour, ce qui est trop peu au regard de leur niveau de qualification. Il conviendrait d'accompagner ce type de projet avec un soutien de la région. 80 % des chercheurs ont créé dans l'entreprise des structures de recherche. L'objectif est d'« irriguer les PME avec de la matière grise ».

M. Mathieu Debonnet, président de la société Altus Energy, a souhaité que les dispositifs d'avances remboursables, très utiles aux PMI-PME, soient préservés. Il a souligné le handicap que représente l'impôt sur la fortune pour le développement des entreprises, le capital de l'établissement étant inclus dans le patrimoine. Or, ce handicap n'est pas compensé par l'existence du bouclier fiscal.

C - DÉJEUNER DE TRAVAIL CHEZ GALDERMA SUR LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET LA PROTECTION DES INNOVATIONS

Participants : M. Frédéric Fourquin, Galderma ; M. Gérard Giraudon, INRIA ; M. Lionel Nesta, OFCE ; Mme Martine Clemente, INPI ; Mme Maïssa Bahsoun, ETSI ; M. Ulrich Finger, Eurecom.

La mission a participé à un déjeuner de travail à l'invitation de l'entreprise Galderma sur la propriété intellectuelle et la protection des innovations et technologies, au cours duquel les points suivants ont été évoqués :

- la technopole de Sophia Antipolis qui a regroupé sur un même territoire entreprises, centres de recherches, écoles et universités pour créer des synergies, constitue une des réponses à la question « Comment faire en sorte que la R&D irrigue l'industrie ? » ;

- l'autre défi est de valoriser l'innovation en l'accompagnant jusqu'à la réalisation du produit et sa commercialisation . Il faut trouver les financeurs mais aussi offrir au chercheur ou au chef d'entreprise un accompagnement juridique et logistique pour protéger l'innovation, faire une étude de marché, déterminer le prix du produit et le commercialiser. Telle est la vocation des incubateurs d'entreprises innovantes, créés à la fin des années 90 par M. Claude Allègre ;

- autre piste, la création d'un « chèque emploi conseil » pour que les entreprises puissent rémunérer un chercheur, une à deux demi-journées par semaine, qui pourrait les conseiller pour la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie en recherche-développement. Le coût d'une embauche d'un chercheur de haut niveau à plein temps sur une année n'est souvent pas supportable par une PME. Il faut donc développer un système de mise à disposition de cadres de recherche auprès des entreprises industrielles ;

- autre difficulté, en particulier pour les PMI-PME : la protection des innovations . Il n'est pas toujours opportun de déposer un brevet, car cela est très coûteux et cela « rend public un secret ». Néanmoins, dans un contexte où l'innovation est une « course de vitesse », le brevet procure l'avantage d'offrir un monopole temporaire à son propriétaire, à condition qu'il soit valable partout dans le monde. Ainsi, pour une entreprise comme Galderma, le brevet constitue un élément de protection indispensable pour protéger ses nouvelles molécules. Le brevet constitue donc à la fois une « arme juridique » et une « arme économique ». Il permet de passer de la propriété intellectuelle à la propriété industrielle et, pour les plus petites entreprises, de pénétrer des marchés jusqu'alors réservés aux grands groupes ;

- les PME-PMI ne sont pas assez informées des procédures et devraient pouvoir bénéficier d'une aide pour établir un diagnostic de leurs besoins en matière de protection intellectuelle . L'établissement de ce diagnostic, assorti d'un chiffrage du coût des brevets à déposer, doit faire partie intégrante de la stratégie d'innovation de l'entreprise. Pour déposer un brevet au niveau européen, le coût demeure élevé du fait de l'obligation de traduire le texte dans toutes les langues de l'Union. De la même façon, le coût est extrêmement dissuasif en Corée, par exemple. Pour un dépôt en France, le coût est compris entre 1 000 et 2 000 euros ; pour un dépôt dans 150 pays pour une durée de 30 mois, le coût s'élève à 50 000 euros. Il y a donc un arbitrage à réaliser entre le risque de copie dans un pays non couvert par le brevet, son coût pour le déposer au niveau mondial et ce qu'il peut rapporter. A cet égard, il conviendrait de prévoir la mise en place d'un système d'assurance visant à couvrir les risques de la contrefaçon et prenant en compte le dépôt de brevets, pour limiter le coût de la dépense juridique correspondante. Certains experts conseillent de limiter le dépôt du brevet aux pays dans lesquels sont implantés les sites de production du groupe concerné.

- la France et l'Union européenne pourraient s'inspirer des pratiques des universités américaines, qui ont mis en place une cellule de valorisation des brevets, en établissant un listing, accessible sur Internet, de toutes les technologies nouvelles et des brevets disponibles. A terme, il convient d'envisager la création d'une plate-forme dédiée à l'innovation sur laquelle figureraient trois types d'informations : les innovations étrangères récentes ; les travaux en cours de la recherche fondamentale et les dernières découvertes ; les demandes des entreprises ;

- les recherches pourraient s'orienter vers deux éléments déterminants de l'activité industrielle : la maîtrise des matériaux et de l'information d'une part ; la maîtrise de la consommation d'énergie d'autre part. Un des défis actuels est par exemple de trouver une nouvelle méthode pour passer de la fonte à l'acier sans CO2 ;

- autre enjeu essentiel, la définition des normes dans les secteurs d'avenir. Il convient d'être précurseur en la matière et d'imposer ses normes (sécurité, environnement, hygiène, etc.) au marché. En permettant l'interopérabilité, les normes permettent de financer l'innovation. Cet aspect est déterminant dans le domaine des logiciels, de l'image ou de la téléphonie (normes GSM) par exemple. A l'inverse, il y a un risque à investir dans des secteurs non normalisés ;

- il conviendrait d'orienter davantage les formations universitaires en fonction des besoins des entreprises. L'établissement d'un cahier des charges ou de partenariats « entreprises - universités » pourraient permettre de définir le contenu des formations au plus près des besoins des industriels;

- certaines entreprises ont mis en place un système d'appel à projets de recherche-développement avec l'octroi de primes aux chercheurs qui créent des brevets ;

- pour lutter contre la concurrence des pays à bas salaires, il faut produire des biens intégrant de la haute technologie.

D - VISITE DE L'ENTREPRISE MANE ET FILS A BAR-SUR-LOUP

Participants : M. Eric Angelini, Mane et Fils et M. Thiebaut, Dow Chemical.

La mission a ensuite visité l'entreprise familiale Mane et Fils, septième groupe mondial de production de fragrances industrielles, présents sur tous les continents et dont 9% du chiffre d'affaires sont investis en R&D, majoritairement en France. Le groupe crée et fabrique des arômes ou parfums, destinés aux produits alimentaires, ménagers ou d'hygiène.

L'échange avec les représentants du secteur a fait ressortir en particulier les fortes contraintes et le coût que représente la mise en oeuvre du programme REACH, qui définit les règles relatives à l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques. Entré en vigueur le 1 er juin 2007, REACH a réformé les normes communautaires sur les produits chimiques.

Ses principaux objectifs sont : d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement contre les risques que peuvent présenter les produits chimiques ; de promouvoir les méthodes d'essai alternatives ; de réguler la libre circulation des substances au sein du marché intérieur et de renforcer la compétitivité et l'innovation.

Avec ce programme, il revient aux entreprises industrielles elles-mêmes d'évaluer et de gérer les risques inhérents aux produits chimiques ainsi que de fournir les informations de sécurité aux consommateurs. L'Union européenne peut, si nécessaire, prendre des mesures complémentaires concernant les substances les plus dangereuses.

Sans récuser les besoins d'une telle réglementation, les représentants de l'entreprise Mane ont regretté une « réglementation disproportionnée », qu'il conviendrait de simplifier et d'alléger, lorsque cela ne compromet pas la sécurité des consommateurs.

Enfin, la classification du site des usines chimiques en Seveso est extrêmement contraignante. Il en découle notamment l'obligation de disposer d'un périmètre de sécurité autour de l'usine, ce qui représente un coût supplémentaire non négligeable et une plus grande difficulté pour trouver des terrains assez vastes.

E - RENCONTRE AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX

La délégation a ensuite rencontré plusieurs représentants des partenaires sociaux à la mairie de Valbonne. Plusieurs sujets ont été abordés :

- la revalorisation des métiers industriels nécessite la mise en oeuvre de campagnes de promotion, à l'image de celles dont a bénéficié le secteur du BTP. Cela suppose également une revalorisation des salaires, ceux-ci étant moins attractifs dans l'industrie que dans le secteur bancaire par exemple ;

- il convient également de changer l'image de l'industrie elle-même en faisant de la pédagogie auprès des populations et en y associant les collectivités. Cela suppose par exemple de faire la distinction entre danger et risque, tout en veillant à sécuriser les sites industriels ;

- on constate une plus grande osmose entre recherche appliquée et recherche fondamentale, notamment grâce à la mise en place de clusters au sein des universités. Mais les plus petites entreprises ont encore des difficultés à mettre en place et assumer la charge financière d'une unité de recherche-développement ;

- parallèlement, les chercheurs étant insuffisamment payés, on observe une délocalisation de la matière grise. La législation pourrait être plus souple et les autoriser à cumuler plus facilement des activités de recherche universitaire et de consultant auprès des entreprise. Il convient également de favoriser la création d'entreprises en développant une culture industrielle à l'université ;

- plutôt que de donner des aides publiques aux entreprises privées, il est préférable de créer les conditions favorables à leur implantation en développant les infrastructures locales et les structures de formation (université, centre de formation des apprentis, lycée professionnel, crèches, transports, autoroutes, etc.) ;

- il est également nécessaire de prévoir la mise en place de contrats de filières, afin de protéger les sous-traitants de l'hégémonie des donneurs-d'ordre.

F - ENTRETIEN À LA CITÉ ADMINISTRATIVE DÉPARTEMENTALE DES ALPES-MARITIMES AVEC LE SOUS-PRÉFET DE GRASSE

La délégation s'est ensuite entretenue avec M. Claude Serra, sous-préfet de Grasse, et Mme Françoise Buffet, responsable de l'unité territoriale des Alpes-Maritimes de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

Plusieurs points ont été évoqués :

- le dynamisme de la région résulte de la présence de plusieurs entreprises stratégiques, qui produisent de la technologie de haut niveau, telles que Thalès, premier assembleur de satellites en France, qui exporte beaucoup aux États-Unis et en Asie ;

- autre groupe de dimension internationale, Mane et Fils est une industrie traditionnelle qui s'est modernisée au fil du temps. L'application du programme REACH, ensemble de normes protectrices dans le domaine sanitaire et alimentaire, constitue une contrainte pour notre industrie, mais aussi une protection contre les entreprises chinoises et indiennes qui sont dans l'incapacité de les respecter. Seuls les Français, les Suisses, les Italiens et les Allemands ont été en mesure de tirer les conséquences des normes fixées par ce programme. Les services de la préfecture ont été mobilisés pour que l'édiction de nouvelles normes ne se traduise pas par des délais trop importants avant la mise en production ;

- un des enjeux forts pour le développement économique local est de préparer l'émergence de l'économie de demain. La région se prête particulièrement à la constitution d'un pôle d'activités fort dans le domaine de l'économie verte. Cela nécessite une mobilisation de tous les acteurs, afin de permettre la mise en place de formations de haut niveau et de projet de recherche de pointe dans ce domaine (gestion des risques en littoral, mise au point de capteurs au bord de la mer). Peu de pays maîtrisent ces technologies et la technopole, en synergie avec Thalès, pourrait être pilote dans ce secteur ;

- l'investissement en R&D est le meilleur antidote contre les délocalisations. Il s'agit de privilégier une production à forte valeur ajoutée, « riche en matière grise » ;

- un soutien accru des collectivités locales est nécessaire, à l'image des Länder qui dès qu'une entreprise voit le jour, la « mettent en pouponnière » pour favoriser son développement. Cela suppose de franchir une nouvelle étape de la décentralisation et de renforcer le pouvoir régional dans le domaine du développement économique et de la création d'emplois. Ainsi, le cadre serait fixé au niveau national et européen, tandis que la mise en oeuvre et l'animation de la politique en faveur du développement économique relèveraient du niveau local avec le soutien logistique des agences de développement. A cet égard, il conviendrait de clarifier les compétences de chaque niveau de collectivité ;

- en ce qui concerne les financements, il faut poursuivre la mise en place de fonds régionaux d'investissement. Aujourd'hui, la filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Qualium, joue principalement un rôle national, qu'il conviendrait de déconcentrer, afin de financer les projets de recherche et la mise en production. L'idée est de faciliter l'amorçage du projet. Il faudra définir ensuite le moment où l'Etat doit se retirer du projet sans le mettre en péril. La région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) envisage la création d'un fonds régional, permettant de financer des investissements en recherche-développement, en mobilisant des fonds du FEDER, de la région et de l'Etat. M. Marc Daunis a suggéré de transférer aux régions un pouvoir réglementaire dans ce domaine. L'impulsion d'une véritable politique de revitalisation nécessite une meilleure optimisation des sources de financement et une clarification des compétences ;

- enfin, il faudra à terme généraliser les contrats de transition professionnelle, qui constituent un bon outil pour accompagner les reconversions professionnelles tout en sécurisant les parcours professionnels.

G - RÉUNION DE TRAVAIL AVEC LES REPRÉSENTANTS DES DISTRICTS ITALIENS À LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE NICE

Participants: M. Alberto Paccanelli, Sistema Moda Italia (Federazione di Confindustria del settore tessile/moda), vice-président de SMA, directeur général de Martinelli Ginetto ; M. Luciano Consolati, membre du Comité Technique de la Fédération des Districts Italiens ; M. Erio Luigi Munari, vice-president de la Chambre de commerce de Modène et président de Promec, agence de promotion de la Chambre de commerce de Modène (céramique, textile, biomédical, mécanique) ; Mme Jessica Bottaccioli, responsable des relations institutionnelles de la Chambre de commerce italienne de Nice ; M. Enea Loreti, président fondateur de la Chambre de commerce italienne de Nice ; M. Michele Palmieri, chargé du service de la communication de la Chambre de commerce italienne de Nice ; M. Bernard Kleynhoff, CCI de Nice

En préambule, M. Martial Bourquin, président, a souligné l'importance du défi que représente pour les États membres de l'Union européenne l'affirmation des pays émergents sur les marchés industriels. Cela doit les conduire, non pas à s'orienter vers une économie de services, mais à tout mettre en oeuvre pour conserver un socle industriel solide, ainsi que l'a fait l'Allemagne. Cela suppose à la fois que l'Union européenne se dote d'une véritable politique industrielle mais aussi qu'elle protège son industrie, davantage qu'elle ne le fait aujourd'hui.

L'Italie a suscité l'intérêt de la mission car elle a su mieux conserver ses industries dans les territoires et poursuivre une politique d'innovation ambitieuse en mettant de la matière grise dans ses produits.

Enfin, il s'est dit convaincu que l'industrie n'appartient pas au passé, mais qu'elle est notre présent et notre avenir.

Puis M. Luciano Consolati, membre du Comité Technique de la Fédération des Districts Italiens, a présenté les caractéristiques du modèle italien des districts :

- l'Italie se caractérise par la forte présence dans le tissu industriel de micro et petites entreprises , qui contribuent de façon importante à la production de valeur ajoutée. Il en découle une moindre productivité de l'industrie italienne , par rapport à l'Allemagne et à la France, les petites entreprises bénéficiant moins que les grands groupes des économies d'échelle. Autre difficulté : les petites entreprises artisanales ont moins de moyens que les grands groupes pour investir en R&D ;

- le poids de l'industrie manufacturière est majeur, comme en Allemagne, et se distingue par la prédominance des secteurs de basse technologie ;

- l'Italie paye au prix fort le choix de ne pas avoir opté pour le nucléaire, le coût de l'énergie étant très élevé par rapport à celui qui prévaut dans d'autres pays tels que la France ;

- pour lutter contre les délocalisations, l'Italie a orienté sa stratégie de développement à l'international sur les produits haut de gamme de qualité (haute couture dans le textile et la mode par exemple). Mais en 2008, la crise et la réduction de la demande mondiale ont induit une forte baisse des exportations ;

- pour réagir face à cette crise de la demande mondiale, l'Italie s'est repositionnée en orientant l'offre vers les pays émergents où la demande augmente (Inde, Brésil, Chine,...) ;

- on compte plus de 150 districts en Italie. Ce modèle ancré dans la culture italienne est certainement difficilement transposable en France sui generis . La création de ces entités plus ou moins formelles ne vient pas d'en haut, mais des entreprises elles-mêmes, de façon spontanée. Puis les structures créées s'institutionnalisent progressivement, selon un modèle qui n'est pas prédéfini ou standardisé, ce qui laisse beaucoup de souplesse aux acteurs. Les districts se caractérisent également par un degré élevé de spécialisation et de division sociale du travail. Ils regroupent un très grand nombre de petites et moyennes entreprises, chacune étant spécialisée dans une des phases de la production. Il n'y a que très rarement des grandes entreprises ; si tel est le cas, elles se désagrègent peu à peu en plusieurs petites entités qui forment un district. Lorsqu'une entreprise ressent le besoin de créer une activité nécessaire au secteur (machines de production par exemple), elle ne fait généralement pas le choix d'investir pour prendre en charge elle-même cette activité, mais elle délègue à un de ses salariés ou à une personne présente dans le bassin d'emploi la responsabilité de créer cette activité au sein du district, lui assurant ainsi un débouché naturel de production et restant elle-même centrée sur son coeur de métier. Le corollaire de cette situation est l'existence d'une très grande flexibilité pour faciliter les créations d'entreprises et d'une réelle mobilité sociale au sein du district. Ainsi, un salarié peut devenir chef d'entreprise, avec l'aide de son employeur ;

- toutefois, l'Italie souffre encore d'une grande rigidité bureaucratique et d'une certaine lenteur de l'administration. Alors qu'il faut 48 heures aux États-Unis pour créer une entreprise, les procédures sont beaucoup plus longues en Italie. Toutefois, un guichet unique a été mis en place pour faciliter les démarches des entrepreneurs. La mutualisation permet également de limiter l'apport en capital, les fonds nécessaires pouvant être prêtés par le district ;

- les facteurs de succès des districts sont le professionnalisme, l'émulation, plusieurs entreprises pouvant se faire concurrence sur le même segment de marché, l'investissement continu dans l'amélioration de la qualité et le haut de gamme, avec un rôle essentiel joué par les banques locales. Le district permet de trouver un équilibre entre compétition et coopération, entre diversification et spécialisation ;

- 40 % de la production, haute gamme, est réalisée en Italie, tandis que les 60 % restants, plutôt bas de gamme, sont fabriqués à l'étranger dans des pays « low costs ». L'objectif est de maintenir la maison « mère » en Italie, en particulier l'activité R&D, afin de limiter les risques de copies ou de contrefaçons.

M. Alberto Paccanelli (Federazione di Confindustria del settore tessile/moda) a fait valoir l'intérêt de la mutualisation et des échanges au sein du district, l'investissement d'une entreprise profitant à l'ensemble du district, ce qui améliore l'efficience globale du capital. Les banques locales sont généralement très coopératives et en étroite relations avec les entreprises du district. Dans la plupart des cas, le district met en place un fonds de garantie et l'adhésion au district constitue déjà une forme de garantie contre le risque pour la banque prêteuse.

En réponse à une question du président Bourquin sur les effets pour l'industrie de l'évolution de la parité euro-dollar, M. Alberto Paccanelli a confirmé que l'« Euro fort » constitue un handicap majeur pour l'industrie italienne, qui perd mécaniquement près de 30 % de sa compétitivité à l'export.

Ensuite M. Alberto Paccanelli a expliqué que l'Italie s'efforce néanmoins de réduire les écarts de coûts de production avec les pays en développement, de l'ordre de 25 %, afin de pouvoir relocaliser une partie de la production délocalisée à l'étranger. Ainsi, il a dit avoir fait le choix pour son entreprise de relocaliser certaines activités transférées en Hongrie afin d'améliorer la qualité des produits. Il s'agit en réalité de préserver l'image de l'entreprise et d'éviter de ne perdre des parts de marché du fait de la diminution de la qualité. L'Italie a investi beaucoup sur le « made in Italy ». Mais il y a eu des dérives, certaines entreprises ayant apposé le label sur des tissus produits en Afrique ou dans les pays de l'Est. Mais l'argument de la qualité ne pourra plus être un motif suffisant car les pays émergents acquièrent très vite les savoir-faire et l'existence d'une main-d'oeuvre de qualité dans les pays développés ne suffira bientôt plus à justifier les relocalisations. D'autant que les marges dégagées grâce aux moindres coûts de la production des sites délocalisés profitent à l'ensemble du district.

La réunion s'est conclue par un déjeuner de travail et la formulation d'un voeu commun en faveur de la mise en place d'une véritable politique industrielle européenne.

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