Rapport d'information n° 324 (2010-2011) de M. Josselin de ROHAN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 28 février 2011

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N° 324

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 février 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la politique africaine de la France ,

Par M. Josselin de ROHAN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice - présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Au moment où la France a entrepris de renouveler les accords de défense qu'elle avait avec un certain nombre de pays africains, comme l'engagement en avait été pris par le Président de la République dans son discours du Cap le 28 février 2008, il a semblé à votre commission pertinent d'analyser ce que sont les lignes directrices de la politique de notre pays vis-à-vis de l'Afrique.

Ces principes, qui fondent notre politique, s'inscrivent naturellement dans le cadre de la diversité et de la singularité de chacun des pays avec lesquels des accords ont été passés.

Le présent rapport traite principalement des questions de défense et de sécurité.

S'agissant de nos rapports avec l'Afrique subsaharienne, l'analyse montre que depuis 1990 c'est la continuité qui l'emporte. Depuis 30 ans, du discours de La Baule au discours du Cap, la politique diplomatique et de défense de la France en Afrique évolue sans rupture majeure mais en suivant l'évolution des grands bouleversements mondiaux et en s'y adaptant.

Elle a été ainsi marquée par deux inflexions majeures dues, pour la première, à la chute du mur de Berlin en 1989 et à l'effondrement du monde bipolaire qui a entraîné une « démocratisation » du continent, et pour la seconde, aux effets de la mondialisation qui conduit inévitablement à l'internationalisation des politiques et au multilatéralisme.

Entre ces deux adaptations majeures, nous avons procédé à de très importants changements de structure de la coopération française qui tirent les conséquences de ces bouleversements et permettent d'accompagner les politiques.

I. POLITIQUES DE LA FRANCE EN AFRIQUE OU POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE ?

La diversité du continent, que ce soit sous l'angle géographique (Afrique du Maghreb et Afrique subsaharienne), linguistique (francophone, anglophone, lusophone, multitude de langues nationales), économique et politique, ne permet pas d'appréhender le continent comme un tout homogène. La politique de la France en Afrique tient naturellement compte de ces spécificités nationales et régionales.

Pourtant, s'il convient de distinguer le nord du continent, dont les problématiques relèvent plus des rapports avec l'Europe au sein de l'ensemble euroméditerranéen, de l'Afrique subsaharienne, le continent est en mouvement vers une unité qui rend plus que jamais nécessaire l'affirmation des lignes directrices d'une politique africaine de la France, d'autant que l'onde de choc des bouleversements politiques partis de Tunisie et d'Egypte ne manquera pas d'avoir des répercussions sur l'ensemble du continent et au-delà.

Dans ce contexte, la présentation des lignes directrices de notre politique est un élément de la réflexion. Si celle-ci a évolué, c'est la continuité qui l'emporte. Cette politique africaine connaît de grandes similitudes quels que soient les gouvernements qui se sont succédé en France.

Depuis trente ans, la politique diplomatique de la France en Afrique évolue sans ruptures majeures mais en suivant l'évolution des grands bouleversements mondiaux et en s'y adaptant.

Elle a ainsi été marquée par deux inflexions sensibles dues pour la première à la chute du mur de Berlin en 1989 et à l'effondrement d'un monde bipolaire, et pour la seconde aux effets de la mondialisation qui conduit inéluctablement à l'internationalisation des politiques et au multilatéralisme. Entre ces deux adaptations, il a été procédé à de très importants changements des structures de la coopération française qui en tire les conséquences et permet d'accompagner les politiques.

Enfin, l'axe fondamental de toute politique étrangère africaine demeure la préservation et la progression des intérêts que les pays européens, dont la France, et l'Europe ont en commun avec les pays africains et l'Afrique.

A. L'INFLEXION « DÉMOCRATIQUE » DE 1990

1. La France accorde une prime à la démocratisation des régimes africains......

En déplacement officiel au Cameroun, à Yaoundé, le 22 juin 1983, le Président de la République, M. François Mitterrand, constatait : « Il n'y a pas de hiatus dans la politique africaine de la France avant mai 1981 et après. Si la méthode a changé, l'objectif est resté.» Dans la conférence de presse qui suivait, il nuançait quelque peu cette affirmation en disant : « Je pense vraiment qu'il y a eu progrès dans le comportement de la France à l'égard du tiers monde, étant entendu que je n'établis pas une sorte de hiatus entre avant 1981 et après, une disposition d'esprit qui ont permis déjà depuis longtemps, comme je le disais à l'instant, d'être plus à l'écoute du tiers monde que certains autres pays. »

Il soulignait ce faisant le rôle singulier de la France en Afrique dû à une longue histoire coloniale commune qui s'est transformée en une relation particulière qu'on a pu qualifier de « familiale ».

Comme le fait aujourd'hui la Chine au nom du principe de non ingérence dans les affaires intérieures, la France - dans un contexte de guerre froide, et partageant sans doute l'idée communément admise que les pays africains n'étaient pas mûrs pour la démocratie - ne mettait pas au premier rang de ses exigences le caractère démocratique des institutions étatiques et la question des droits de l'homme.

La chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'Union soviétique et de l'ensemble des régimes communistes d'Europe orientale et centrale modifient fondamentalement le jeu diplomatique et vont permettre d'impulser un changement capital en Afrique. Comme l'indique très clairement le Président Mitterrand dans son discours prononcé à la Baule à l'occasion du XVI ème sommet Afrique-France, le 20 juin 1990, le principe de démocratie est apparu aux peuples de l'Europe centrale comme une « évidence absolue au point qu'en l'espace de quelques semaines, les régimes, considérés comme les plus forts, ont été bouleversés.» L'Afrique ne peut pas échapper à ces changements et les pays africains doivent prendre la direction de la démocratie.

Le ministre des affaires étrangères, M. Roland Dumas, a résumé cette inflexion en deux phrases, d'une part, " le vent de liberté qui a soufflé à l'Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud ", d'autre part, " il n'y a pas de développement sans démocratie et il n'y a pas de démocratie sans développement. " De manière plus imagée, le ministre de la coopération M. Pelletier, avait indiqué « que le vent d'Est a fait plier les cocotiers ».

La démonstration faite par le Président de la République dans son discours suit les étapes suivantes :

• le développement reste " un élément indissociable des progrès de la démocratie " ;

• la France ne veut pas intervenir dans les affaires intérieures ;

• « la France continuera d'être votre amie, et si vous le souhaitez, votre soutien, sur le plan international, comme sur le plan intérieur ; le principe que s'impose la politique française est que chaque fois qu'une menace extérieure pourrait attenter à votre indépendance, la France sera présente aux côtés. La France en accord avec les dirigeants, veillera à protéger ses concitoyens, ses ressortissants mais elle n'entend pas arbitrer les conflits » ;

• « la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ; Il y aura une aide normale de la France à l'égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation... » ; 1 ( * )

• « s'agissant de démocratie, un schéma est tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure.... » ;

• « A vous peuples libres, à vous Etats souverains que je respecte, de choisir votre voie, d'en déterminer les étapes et l'allure... »

2. Mais ne modifie pas sa posture militaire sur le continent africain

Interrogé sur la situation des troupes françaises en Afrique, le Président de la République a abordé la question des accords de défense :

• « il est un certain nombre de pays avec lesquels nous avons signé dans un temps déjà lointain des accords de coopération militaire. Ces accords de coopération militaire comportent un droit d'assistance en cas de menace ou d'agression extérieure. Certains de ces accords ont précisé par des clauses secrètes qui sont connues de tout le monde, qu'il pourrait y avoir des interventions. Ces dernières dispositions n'ont pas été appliquées depuis de longues années, en tout cas pas depuis que j'ai la charge d'assurer la Présidence de la République. On peut donc estimer que les accords de coopération militaire portent sur un soutien aux pays amis et alliés qui pourraient subir une agression venue de l'extérieur.

• Ce soutien, constate le Président de la République, constitue une menace dissuasive efficace : «  Nous avons eu à nous manifester, nous n'avons encore jamais eu à en découdre. ..... les moyens n'ont pas été utilisés puisque les menaces extérieures ont aussitôt cessé. »

• « il y a des troupes françaises ici ou là. Je vous répète qu'elles ne sont jamais intervenues dans les problèmes de maintien de l'ordre. »

• « Quant aux coopérants militaires : il existe un certain nombre de personnes qui sont dans les administrations de différents pays africains. Quelques militaires, pas beaucoup, quelques policiers, pas beaucoup. J'ai demandé que l'on en fasse le compte exact. Ce sont des personnes à la retraite qui sont libres de leur choix. Mais il faut éviter toute confusion entre le caractère national d'une armée et la mission d'assistance de la nôtre. »

*

* *

L'Afrique est-elle soluble dans la démocratie ?

Le discours de La Baule a donné une indiscutable impulsion au développement de la démocratie en Afrique. Les « conférences nationales » qui se sont tenues au début des années 90 dans un certain nombre de pays d'Afrique subsaharienne (Bénin, Burkina Faso, Mali, Congo....) ont permis la participation de la société civile et l'émergence des revendications démocratiques. M. Jean-Michel Severino constate que « dans de nombreux cas, elles ont permis de définir de nouvelles institutions démocratiques et d'impulser d'importantes révisions constitutionnelles ».

Ce mouvement, irréversible depuis les indépendances, indispensable au développement économique, résulte directement de la chute des régimes et de l'idéologie communiste en Russie et en Europe de l'Est. Le discours de La Baule établit formellement ce lien.

Vingt ans après, les résultats sont contrastés : du régime dictatorial du président Mugabe au Zimbabwe, au Bénin, en passant par l'Afrique du sud, par les démocraties héréditaires, les coups d'Etat et les mascarades électorales, les progrès de la démocratie s'inscrivent dans un temps long.

« On nous demande de faire 1789 en présence d'Amnesty International » soulignait Laurent Gbagbo. 2 ( * )

Le paradoxe du discours en faveur de la démocratie, politiquement fondé, a été que les événements de 1990 en Europe de l'Est ont fait perdre au continent africain son statut de terrain d'affrontement idéologique, économique et militaire entre les blocs capitaliste et socialiste, substituant l'Est au Sud dans les priorités occidentales, et faisant disparaître l'une des motivations essentielle de l'aide au développement. De fait, entre 1990 et 2001, les montants alloués à l'aide au développement pour l'Afrique subsaharienne passent de 34 à 21 dollars par habitant. Les retombées promises de la démocratie n'ont donc pas été au rendez-vous.

Jean-Michel Severino et Olivier Ray en concluent que « les jeunes démocraties qui naquirent dans la convulsion de cette époque ne bénéficièrent pas des dividendes politiques promis par les discours à répétition nés de celui de La Baule. Il leur revint de gérer l'exacerbation de la crise économique en même temps que le retrait du soutien dont les pères dictateurs avaient bénéficié. Nul étonnement, dès lors, à la multiplication des guerres civiles et autres soubresauts domestiques. »

On a récemment pu constater une recrudescence des coups d'Etat en Mauritanie, en Guinée, au Niger qui, selon Saïd Djinnit, Représentant des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest 3 ( * ) , témoignent de l'insuffisante solidité des institutions face à des changements et à une évolution remarquable dans le sens de la démocratie. Il s'agit donc d'une régression mais qui est un « contretemps ».

L'analyse qu'il fait de l'évolution de la démocratie en Afrique et de son application pratique est particulièrement intéressante. Il souligne que :

• « l'erreur est de croire que l'adhésion aux règles démocratiques implique leur application systématique ».

• Selon M. Djinnit « L'Afrique est confrontée à de nombreux dilemmes. Elle veut la paix, elle veut le développement, elle veut aussi la démocratie et la justice. Parfois ces principes sont contradictoires. Si à un moment donné il y a un choix à faire, l'Afrique se rangera toujours du côté de la paix. La paix et la stabilité priment toujours sur le reste. Non pas parce que le reste ne compte pas, mais parce qu'il n'y a pas d'autre solution. ».

• « La paix en elle-même n'est pas le principal problème. C'est la gouvernance, la gouvernance politique et économique. La mise en place d'organismes de gouvernance économique passe par la stabilité et pas forcément la démocratie. Même dans les pays qui ne sont pas démocratiques, tant qu'il y a de la stabilité, les affaires marchent. La stabilité de longue durée repose sur la démocratie. »

• « La gouvernance, politique et économique, est le véritable obstacle à la paix et à la stabilité, car les gens ont besoin de sentir que le pouvoir comme les ressources sont équitablement partagés. »

Cette analyse, extrêmement pertinente au regard des évènements que traversent actuellement les pays arabes, montre que l'action internationale doit venir en appui des institutions, pour renforcer leur solidité et leur légitimité politique. Il s'agit en premier lieu de l'Union Africaine et des organisations régionales comme la CEDEAO. Le refus des coups d'Etat, la condamnation des changements institutionnels non consensuels ou les pressions pour que les auteurs de coups d'Etat ne se présentent pas aux élections, supposent une forte légitimité politique et morale. L'exemple de la Cote d'ivoire en est la démonstration éclatante.

Pourtant, s'il est évident - comme le Président Mitterrand le soulignait - que la démocratie ne s'importe pas selon un modèle occidental ou jeffersonien, on ne peut que constater ses progrès, lents et progressifs - une sorte de « démocratie aux pieds nus » - qui remonte de la société civile vers les gouvernements. La perspective de démocratisation de l'Afrique n'est donc pas une utopie et se réalise pas à pas. C'est ce mouvement qu'il convient d'accompagner sans oublier, comme dans les années 90, d'augmenter ou, au minimum, de maintenir l'aide au développement.

B. 1995-2006 UNE MODERNISATION DES INSTRUMENTS DE LA COOPÉRATION

Avec l'élection de M. Jacques Chirac à la présidence de la République en 1995, vont se mettre en place des réformes de structure fondamentales qui permettront l'adaptation du dispositif français de coopération à la nouvelle donne mondiale issue de 1990. Il n'est pas indifférent de souligner que l'élection présidentielle se situe un an après l'échec de la communauté internationale particulièrement marquant à empêcher le génocide rwandais.

Ces réformes de fond vont permettre de refonder et de faire évoluer les relations entre la France et l'Afrique, mais aussi de mutualiser les interventions, en particulier au niveau européen. Cette politique, qui s'appuie sur un message fort de fidélité et de solidarité avec l'Afrique, va prendre tout d'abord la forme d'une modernisation nécessaire des outils qui, à son tour, permettra l'évolution de la politique africaine de la France. Il est ainsi procédé à trois réformes complémentaires : celle du ministère de la coopération, celle de l'aide au développement et celle de la coopération militaire.

Il faut noter que durant la période de cohabitation, avec l'arrivée au pouvoir en 1998 du gouvernement de M. Lionel Jospin, la position française a été formulée de la façon suivante : « ni indifférence, ni ingérence » vis-à-vis de l'Afrique.

1. La réforme du ministère de la coopération

En 1996, la réforme porte sur le ministère de la Coopération. Ses compétences sont élargies à toute l'Afrique et son autorité étendue aux services diplomatiques en charge de ce continent au sein du ministère des Affaires étrangères (MAE). Sur le terrain, un rapprochement des services sous l'autorité de l'ambassadeur est entrepris 4 ( * )

La réforme du dispositif de coopération date de 1998 en prévoyant :

• Le regroupement des services du secrétariat d'Etat à la Coopération et du ministère des Affaires étrangères ;

• La création d'un « Comité interministériel de la coopération internationale et du développement » (CICID) comme organe de coordination, de réflexion, de débat et d'orientation sur la coopération internationale de tous les ministères concernés ;

• La création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) 5 ( * ) qui a pour mission de piloter la coopération au développement et la politique de rayonnement culturel, scientifique et audiovisuel.

Cette réforme des structures est suivie en 2001 par la modernisation de l'outil de présentation des lois de finances, la LOLF, qualifiée de « constitution financière de la France ». Les crédits d'aide publique au développement (APD) du MAE et du ministère de l'Economie et des Finances (MINEFI) sont regroupés dans un budget au sein d'une mission interministérielle.

Depuis 2004, le ministre chargé de la Coopération est en charge de la coordination de cette politique sous l'autorité du ministre des affaires étrangères et européennes. Presque tous les ministères ont développé directement ou indirectement une action dans le domaine de la coopération, mais la politique de coopération est rationalisée autour de deux grands pôles : les Affaires étrangères et la Coopération d'une part (responsables de la coordination d'ensemble de la coopération, de l'aide programme et de l'aide projet), l'Economie et les Finances d'autre part (en charge de la dette, de l'aide budgétaire globale et des relations avec les institutions financières internationales).

Le décret d'attribution du ministre chargé de la coopération, M. Henri de Raincourt, prévoit qu'il connaît de toutes les affaires relatives à la coopération et au développement notamment pour la préparation et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière de coopération culturelle, scientifique et technique et d'aide au développement.

Il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence, ou y participe. Il représente le Gouvernement ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent, y compris celles des groupes consultatifs de la Banque mondiale.

Il suit les actions de l'Union européenne en matière d'aide au développement. Par délégation de la ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, il peut représenter le Gouvernement aux conseils des ministres prévus dans le cadre de la coopération de l'Union européenne avec les Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

En outre, il accomplit toutes missions que la ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes, lui confie, notamment à l'égard des Français de l'étranger. (Décret n° 2010-1500 du 7 décembre 2010 relatif aux attributions du ministre auprès de la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération ).

2. La réforme de l'aide au développement

L'Agence française de développement (AFD) joue un rôle pivot dans l'ensemble du dispositif 6 ( * ) . Elle a, depuis 1998, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial à vocation d'institution financière spécialisée soumise à la loi bancaire, jouant le rôle de banque de développement. Elle gère l'essentiel des projets et programmes d'aide au développement, qu'ils concernent la lutte contre la pauvreté, les infrastructures économiques de base, le soutien à l'investissement productif, l'aide au secteur privé (par sa filiale PROPARCO), l'environnement, l'allègement de la dette.

Avant 2004, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et l'AFD intervenaient concurremment dans tous les secteurs, désormais une répartition des rôles par secteur est prévue. Depuis la réforme de 2004, l'AFD gère aussi les équipements d'éducation et de santé et les opérations d'assistance technique. Elle dépend à la fois du ministère (administration centrale et services déconcentrés) placés sous la responsabilité d'un ministre des Affaires étrangères et du ministère de l'Economie et des Finances, avec lesquels sont établis des contrats d'objectifs. Conformément aux conclusions du CICID (Comité interministériel de la coopération internationale et du développement) du 20 juillet 2004, la convention-cadre précise les relations entre les ambassadeurs et les agences locales de l'AFD 7 ( * ) .

C'est surtout au plan économique que la présidence de M. Jacques Chirac apporte des changements sensibles. La France s'efforce de relancer son aide au développement et demeure le principal bailleur de fonds de l'Afrique subsaharienne. Alors que l'APD était retombée à 0,3 % du revenu national brut en 2002, l'objectif est d'atteindre 0,5 % et de s'approcher progressivement des 0,7 % fixés par l'ONU. L'accent est également mis sur un certain nombre de questions fondamentales comme la pauvreté, le VIH sida et les autres maladies endémiques, la protection de l'environnement, la lutte contre la déforestation ou la promotion de la micro-finance. C'est également à l'initiative de la France que sont proposées et adoptées un certain nombre d'initiatives permettant de rechercher des financements innovants (comme la taxe sur les billets d'avion) afin de pallier les insuffisances de l'aide au développement. En février 2006 est organisée à Paris une conférence ministérielle sur ce sujet qui réunit plus de 93 pays.

3. La réforme du dispositif militaire

C'est cette politique qui accompagne la mise en place des forces de maintien de la paix africaines prévues par l'Union africaine. Les grandes orientations sont définies par le Conseil de défense du 3 mars 1998 qui procède à un véritable bouleversement de notre dispositif et des orientations de la coopération militaire française sur le continent. L'intégration de la Coopération au sein du ministère des affaires étrangères entraîne la suppression de la Mission militaire de coopération qui était en charge des pays africains « du champ » et la création de direction de la coopération militaire et de défense (DCMD), devenue aujourd'hui, par décret du 16 mars 2009, la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) 8 ( * ) .

Le changement d'orientation de 1998 prévoit en particulier un appui et la prise en charge par les Africains eux-mêmes de la gestion des crises et des conflits avec la mise en place du programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP).

Le programme RECAMP, lancé en 1997, vise à européaniser son propre dispositif. Ce multilatéralisme des actions se marque également par l'étroite coopération de la France avec les Nations unies et l'Union européenne pour la gestion des crises africaines en Cote d'ivoire, en RDC et au Tchad (EUFOR).

C. LA POURSUITE DE L'INFLEXION DE LA MONDIALISATION : DE COTONOU AU CAP

1. Le discours de Cotonou (Bénin) - 24 mai 2006

De 1990 à 2006, il n'y a pas de modification sensible des principes politiques arrêtés à la Baule. C'est la continuité qui prime.

A Cotonou, en 2006, le candidat à l'élection présidentielle, M. Nicolas Sarkozy, fait référence au discours de la Baule et à cette date qui marquent la « transition démocratique » du continent.

Le schéma démocratique, dont il envisage l'accélération, est le même : « faire vivre la démocratie, c'est bâtir un Etat de droit, où l'administration est neutre, les circuits financiers transparents, où la presse est à la fois responsable et indépendante, où l'autorité judiciaire est libre de travailler sans influence extérieure..... Le projet démocratique...... impose le respect des libertés individuelles, le refus du communautarisme, et notamment de l'ethnicisme ».

S'y ajoute le refus des coups d'Etat conformément au principe de l'OUA, de prohibition des changements anticonstitutionnels inscrits dans la déclaration d'Harare et à l'article 4 de l'Acte constitutif de l'Union africaine signé par 53 pays africains, le 11 juillet 2000.

La France veut être le partenaire de l'Afrique pour relever les défis auxquels elle est confrontée : bâtir la démocratie, construire des institutions solides, construire une économie, s'insérer dans un monde globalisé, faire la paix.

Ce partenariat sera bâti sur une « relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d'autre de la Méditerranée ».

Le discours comporte deux idées nouvelles. Il introduit la notion « d'immigration choisie, c'est-à-dire régulée, organisée, négociée entre les pays d'origine et les pays de destination ». Il affirme également que la relation entre l'Afrique et la France n'est pas une relation d'exclusivité. Si la relation avec le continent africain constitue une priorité de l'action diplomatique de la France « il n'y a pas de chasse gardée ».

S'agissant des bases militaires « leur mission est d'aider l'Union africaine à construire une architecture de paix et de sécurité régionale qui permettra au continent de disposer d'un outil pour mieux assurer, solidairement, sa sécurité et sa stabilité ». La prévention des crises passe par le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, renforcement qui justifie l'utilité de la présence militaire française en Afrique.

2. Le discours du Cap (Afrique du Sud) 28 février 2008

La véritable « inflexion de la mondialisation » se situe le 28 février 2008 dans le discours prononcé par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, au Cap, en Afrique du Sud.

La démocratie, la justice et les droits de l'homme - qui constituaient la véritable nouveauté du discours de la Baule - ne sont plus une conditionnalité imposée de l'extérieur. « Ils n'ont rien d'étranger à l'Afrique. Ce sont des aspirations des populations africaines que la France partage ». La démocratie est le meilleur garant de la paix et la sécurité. Elle est une condition du développement. Si son enracinement appelle toujours de nouveaux efforts, elle constitue désormais un chemin bien engagé et non plus une simple « direction ».

Le discours affirme par ailleurs « qu'il ne saurait y avoir d'autres finalités pour notre politique en Afrique que l'unité de l'Afrique et la Renaissance africaine ».

« Pour travailler à cette Renaissance, la France veut refonder ses relations avec l'Afrique...... Cette relation ne peut plus être fondée sur des accords et sur des politiques qui sont des survivants d'une époque où le monde était bien différent de ce qu'il est aujourd'hui ».

a) Une nouvelle posture militaire

La première application de cette constatation concerne les accords de défense qui seront systématiquement renégociés avec les pays partenaires. Ces accords feront l'objet d'une transparence totale. Ils ne comporteront aucune clause secrète. Ils seront intégralement publiés et discutés devant les parlements nationaux. Le Parlement français sera étroitement associé aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique.

L'objectif prioritaire de la présence militaire française en Afrique est orienté vers l'aide apportée à bâtir le dispositif de sécurité collective, en particulier avec la mise en place des « forces en attente » de l'Union africaine. Au-delà de cet objectif « la France n'a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique ».

b) Une multilatéralisation et l'européanisation accentuée de la politique africaine de paix et de sécurité

L'Europe doit être un partenaire majeur de l'Afrique en matière de paix et de sécurité. Le Président de la République fait allusion à la déclaration de Lisbonne adoptée le 9 décembre 2007 au sommet UE-Afrique.

Cette déclaration prévoit un nouveau partenariat politique stratégique qui dépasse les relations traditionnelles établies sur le mode de bailleur de fonds/bénéficiaires et qui s'appuie sur des valeurs et des objectifs communs dans la recherche de la paix et la stabilité, de la démocratie et de l'Etat de droit, du progrès et du développement.

Ces objectifs ont été définis dans une stratégie commune et un plan d'action dont les résultats ont été présentés lors du troisième sommet UE-Afrique en 2010 qui s'est tenu à Syrte, en Libye, les 29 et 30 novembre derniers. Y a notamment été adopté le second plan 2011-2013 de la stratégie conjointe UE-Afrique ainsi que la déclaration de Tripoli du 1 er décembre.

Le partenariat avec l'ONU couvre les mêmes objectifs de paix et de sécurité mais aussi dans bien d'autres domaines couverts par les Objectifs du millénaire en matière de santé (fonds SIDA-Tuberculose-Paludisme) ou d'éducation.

Cette multilatéralisation se traduit également en termes économiques, par exemple avec la Banque mondiale, ou en termes culturels avec l'UNESCO et, bien sur, avec l'OIF.

c) Poursuivre et accroître l'aide économique au développement de l'Afrique

La lettre de mission adressée par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, au nouveau ministre des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, le 27 août 2007, donne la dimension des ambitions du président :

« Il est fondamental de donner une nouvelle impulsion à notre politique d'aide au développement. Celle-ci doit être plus efficace, plus lisible, plus stratégique. Elle doit rechercher et atteindre des résultats concrets et visibles.

A cette fin, vous nous proposerez une nouvelle politique de coopération et d'aide au développement fondée sur les principes essentiels suivants :

- éviter la dispersion de nos moyens et, au contraire, concentrer ceux-ci sur des priorités géographiques et sectorielles. Parmi celles-ci devront figurer naturellement l'Afrique, et, sur le plan sectoriel, la santé, l'éducation et la formation, le développement durable ;

- définir l'aide au développement en tenant compte du respect de la démocratie et de la règle de droit ainsi que de la lutte contre la corruption dans les pays partenaires, privilégier l'aide aux projets concrets, visibles sur le terrain, et directement utiles aux hommes et aux femmes qui habitent dans les territoires que nous aidons ;

- doter notre diplomatie des outils et des moyens qui lui font aujourd'hui défaut pour contribuer efficacement au traitement bilatéral ou multilatéral des sorties de crise ;

- contrôler l'utilisation des fonds et évaluer les résultats atteints.

Vous nous proposerez une réorganisation de notre dispositif de coopération permettant d'atteindre ces objectifs. Vous saisirez l'opportunité de la création d'un service civique obligatoire pour redonner une dimension ambitieuse mais dans un contexte profondément renouvelé au réseau des coopérants français à l'étranger et vous étudierez une réforme de notre système d'assistance technique. »

Le discours du Cap prévoit de nouvelles mesures pour favoriser l'accélération de la croissance économique et contribuer à la création d'entreprises africaines génératrices d'emplois.

Une « initiative de soutien à la croissance économique » est lancée. Un fonds d'investissement de 250 millions d'euros prendra des participations dans d'autres fonds mixtes ou thématiques et un fonds de garantie, doté également de 250 millions d'euros, permettra de faciliter l'accès des PME africaines aux crédits bancaires et au capital. Enfin, le doublement l'activité de l'agence française de développement en faveur du secteur privé est annoncé.

Comme le souligne le Président de la République, ces initiatives devraient mobiliser 2 milliards et demi d'euros en cinq ans qui financeront directement ou indirectement près de 10 000 entreprises, pour la création de 300 000 emplois. 9 ( * )

En intégrant cette initiative, le total des engagements financiers français bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne s'élèvera donc à 10 milliards d'euros sur les cinq prochaines années, soit de 2008 à 2013.

Les priorités de l'aide française ont été redéfinies à l'occasion de la réunion du neuvième CICID du 5 juin 2009. Compte tenu de l'ampleur des défis auxquels elle doit faire face et de sa proximité à la France, l'Afrique reste une priorité géographique de la politique française de développement dont l'action est définie sur une différenciation des pays partenaires en quatre catégories :

- pays pauvres prioritaires ;

- pays à revenu intermédiaire entretenant des relations privilégiées avec la France ;

- pays émergeant enjeux globaux ;

- pays en crise ou en sortie de crise.

La politique de coopération française fait face à trois grands défis : celui de la pauvreté et donc celui de la réalisation des Objectifs du millénaire (OMD), celui de la croissance et de son modèle et celui de la préservation des biens publics mondiaux.

Sur le plan sectoriel, le CICID a défini cinq axes prioritaire : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et climat, soutien à la croissance.

De plus, le ministère des affaires étrangères a établi un projet de document cadre sur la politique de développement et de coopération, qui a été soumis à notre commission 10 ( * ) .

Cette volonté de la France de développer la dimension économique s'affirme dans les orientations données au 25e sommet France-Afrique qui s'est tenu à Nice du 31 mai au 2 juin 2010. En effet, comme l'a souligné le Président de la République française lors de son discours au Cap en février 2008, la croissance économique de l'Afrique et la lutte contre la pauvreté dépendent de l'aide publique au développement mais aussi de l'accroissement du volume des investissements privés sur le continent. L'ouverture au monde économique et social sera une première dans l'histoire des Sommets Afrique-France. Cinq sujets économiques y ont été abordés : l'environnement des affaires ; le financement des entreprises en Afrique ; la formation professionnelle ; la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ; les sources d'énergie de demain.

Le Sommet a donc permis de mettre en valeur le rôle de l'entreprise privée dans le développement économique et l'emploi en Afrique.

D. LA POLITIQUE AFRICAINE : UNE DÉFENSE DES INTÉRÊTS COMMUNS

C'est également au Cap que ces intérêts sont clairement énoncés. Cette relation d'intérêts entre Etats est naturellement réciproque. Une politique c'est finalement la rencontre d'intérêts communs, mutuellement avantageux, de chacune des parties. La politique africaine de la France repose sur cet équilibre, cette convergence des intérêts français, européens, africains et de chacun des pays du continent. Ils sont essentiellement sécuritaires, économiques et de posture internationale :

• « la sécurité et la prospérité de la France et de l'Europe sont indissociables de la sécurité et de la prospérité de l'Afrique » ;

• les accords de défense bilatéraux doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains ;

• « la France a intérêt à la sécurité de l'Afrique. D'abord parce que la paix et la stabilité sont les conditions indispensables du développement. Ensuite, parce que les guerres, les pandémies, les trafics ou le terrorisme en Afrique ont des conséquences directes en France. »

• « si la France veut refonder sa relation avec l'Afrique, elle doit commencer par reconnaître et assumer ses intérêts en Afrique et en particulier :

o la paix et la sécurité du continent africain ;

o la lutte contre la pauvreté ;

o la croissance économique du continent ;

o son insertion dans la mondialisation ;

qui sont des intérêts communs. »

• « La France a intérêt au développement de l'Afrique. Le potentiel de croissance du continent, ses richesses naturelles, son marché prometteur en font une partie du monde que nous ne pouvons négliger ».

• le développement économique et la prospérité limitent les flux migratoires. L'immigration choisie et le co-développement sont deux outils à promouvoir.

• La France et l'Afrique ont un même intérêt à une meilleure régulation de la mondialisation. Il serait totalement illusoire et dangereux de prétendre gérer les affaires du monde sans l'Afrique.

• Enfin, la défense de la francophonie, patrimoine culturel commun, est un vecteur d'influence partagé.

La liste de ces « intérêts » ne reflète pas une vision passéiste de nos rapports avec le continent et les sociétés africaines. On ne peut qu'être frappé par l'extraordinaire dynamisme de l'Afrique bientôt forte de ses 1,8 milliard d'hommes en 2050, c'est-à-dire demain. « La façon dont les africains se déplaceront, se définiront et interagiront avec leur environnement déterminera la trajectoire de leur société - mais aussi des nôtres » 11 ( * ) . Ignorer ces « mutations d'intensité sismique », cette « réémergence stratégique » serait faire preuve de cécité et constituerait une faute politique. « Le grand chambardement africain implique des choix radicaux de politique publique ».

Le fait de parler de « politique africaine de la France » plutôt que « des politiques de la France en Afrique » établit un lien qui, tout en abordant la relation de manière résolument nouvelle, ne fait pas table rase d'un passé riche, même s'il est parfois douloureux. La relation entre la France et l'Afrique, qui s'inscrit dans le temps long de l'histoire, est un atout fondamental.

Le rôle de la solidarité entre la France et l'Afrique ne doit pas être oublié. Certains chefs d'État africain avaient pu constater, de manière désabusée, que « la France préférait ses intérêts à ses enfants ».

Au Cap, le Président de la République avait constaté « qu'en dépit de la profondeur de l'ancienneté des liens, la relation de la France avec l'Afrique, particulièrement avec l'Afrique subsaharienne, se distend..... Nous nous trouvons dans une situation où notre engagement politique, militaire ou économique aux côtés de l'Afrique est perçu par beaucoup non comme une aide sincère, mais comme une ingérence coloniale ; mais où, dans le même temps, une indifférence, un retrait ou une absence d'engagement nous sont reprochés comme un abandon ou une ingratitude ».

C'est pour contredire ces impressions que la banalisation des rapports entre la France et l'Afrique ne doit pas être poussée trop loin.

Lors du 23e sommet Afrique-France consacré à la jeunesse africaine qui s'était tenue à Bamako au Mali, en 2005, le Président Jacques Chirac avait déclaré : « la France sera toujours fidèle aux liens qui l'unissent à l'Afrique, des liens qui se sont d'abord ceux du coeur et des sentiments partagés... Notre relation ne sera jamais banale. Depuis les indépendances, vous avez changé, et nous aussi. Mais ce qui n'a pas changé et ce qui ne changera pas, c'est l'engagement déterminé de la France en faveur et aux côtés de l'Afrique ».

En dépit des changements à la tête de l'Etat et de la volonté de marquer la relation France-Afrique, les différents gouvernements ont poursuivis depuis 1990 une politique d'une grande continuité dans son adaptation à la mondialisation. La « relation singulière » entre la France et les pays africains s'est normalisée en rapports entre Etats et entre blocs - Union africaine et Union européenne - sans toutefois se banaliser.

II. LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE DE LA FRANCE VIS-À-VIS DE L'AFRIQUE

A. L'AFRIQUE, L'ARC DE CRISE ET LES FORCES FRANÇAISES

L'arc de crise, tel qu'il est défini dans le Livre blanc de 2008, s'étend de l'Atlantique à l'océan Indien, de la Mauritanie au Pakistan en recouvrant notamment toute la zone sahélienne, de la Mauritanie jusqu'à la Somalie.

L'Afrique subsaharienne y occupe une position particulière. Les évènements récents au Niger, en Mauritanie et au Mali justifient la pertinence de cette définition. La zone sahélienne est évidemment une zone où le terrorisme islamique cherche à se développer et où la France en particulier est menacée dans ses ressortissants et dans ses intérêts.

Le Livre blanc souligne que la France et l'Europe ne peuvent se désintéresser du continent qui leur est le plus proche. L'Afrique concentre une très grande partie des conflits et zones de tensions de notre monde. La majeure partie de la bande sahélienne, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo constituent un ensemble que le Livre blanc désigne comme des « territoires où l'autorité régalienne est remise en cause », euphémisme pour parler de zones de non droit.

S'il souligne les atouts et le potentiel humain et économique de l'Afrique 12 ( * ) , le Livre blanc souligne aussi les fragilités et les incidences directes que les problèmes de l'Afrique peuvent avoir sur nos intérêts. Il s'agit en particulier de l'immigration clandestine, de la radicalisation religieuse, de l'implantation des groupes terroristes, des réseaux criminels, les trafics divers (drogues, armes etc.) des réseaux de prolifération, du blanchiment d'argent ainsi que des risques sanitaires.

« La bande sahélienne, de l'Atlantique à la Somalie, apparaît comme le lieu géométrique de ces menaces imbriquées et, à ce titre, appelle une vigilance et un investissement spécifique de la durée. »

Ces fragilités comme ces atouts nécessitent une action résolue pour faire progresser la paix et la sécurité en Afrique, condition évidemment essentielle du développement et de la croissance économiques.

Pour atteindre cet objectif de vigilance dans la durée, il était nécessaire de procéder à une reconfiguration de nos moyens militaires et de renouveler les bases juridiques de notre présence en renégociant nos accords de défense. C'est ce qui ressort clairement du discours du Président de la République au Cap.

1. Adapter notre dispositif militaire en Afrique

Notre présence militaire en Afrique prend diverses formes qu'il faut appréhender globalement pour donner une juste idée de nos capacités d'intervention et d'appui à la stabilité du continent.

Il convient donc de distinguer :

• Les forces prépositionnées ;

• Les forces de souveraineté ;

• Les forces engagées par un accord bilatéral ;

• La participation de forces françaises à des opérations internationales, en particulier de l'Union européenne.

La carte ci-dessous permet de visualiser l'importance du dispositif militaire entretenu par la France sur le continent africain. D'un point de vue géostratégique, le choix des implantations est particulièrement important pour contribuer à l'appui et à la montée en puissance des moyens de sécurité collective et régionale des Africains et à lutter contre les diverses atteintes à la sécurité qui menacent le continent comme l'Europe et la France.

Etat des forces françaises en Afrique en 2010

Forces temporaires

• 930 hommes en Côte d'Ivoire (opération Licorne)

• 945 hommes au Tchad (opération Épervier)

• 230 hommes en République centrafricaine (BOALI)

Forces sous mandat international

• 1 500 hommes au Liban (FINUL)

• 190 hommes dans le Golfe de Guinée (Bâtiment CORYMBE)

• 170 hommes dans le Golfe d'Aden (ATALANTA) : 2 frégates et 15 équipes de protection embarquées

• 18 hommes en République centrafricaine (MINURCAT)

• 30 hommes en République démocratique du Congo (MONUC)

• 23 hommes en Côte d'Ivoire (ONUCI)

Forces de présence

• 2 900 hommes à Djibouti avec 10 avions de combat Mirage 2000, 1 avion de transport C-160 Transall et une dizaine d'hélicoptères. Paris a annoncé le renforcement du dispositif militaire à Djibouti en juin 2008, entre autres en envoyant des avions de patrouille maritime Atlantique-2 et des Mirage pour surveiller les frontières, ainsi qu'une force navale. Depuis le 1 er janvier 2009, la base de Djibouti est soutenue par le groupement de soutien de la base de défense expérimentale de Djibouti.

• 1 150 hommes au Sénégal, plus 60 civils de l'administration de la Défense et 400 Sénégalais (avant conclusion de l'accord en cours de négociation)

• 900 hommes au Gabon

• 500 hommes aux Émirats arabes unis dans la base française d'Abu Dhabi inaugurée le 27 mai 2009. Ils sont repartis entre une base aérienne à al-Dhafra, une base navale dans le port de Mina Zayed et une base terrestre, installée dans le camp émirati de Zayed.

Forces de souveraineté

1 460 hommes sur l'île de la Réunion et à Mayotte, plus 1 150 gendarmes.

Les effectifs des forces françaises en Afrique ont été divisés par deux entre 1960 et 1980, passant de 30 000 hommes à 15 000. Cette décrue s'est accentuée de 1995 à aujourd'hui en suivant l'évolution de la professionnalisation de nos armées. Ils atteignent aujourd'hui, toutes forces confondues, moins de 10 000 hommes. Le coût humain et financier de ce déploiement représente un peu moins de 800 millions d'euros par an.

Si l'on s'en tient aux seules forces de présence 13 ( * ) , elles représentent 5 400 hommes pour un coût annuel de 540 millions d'euros. Ces forces permettent :

• d'assurer la prévention, la protection et l'évacuation éventuelle des ressortissants français 14 ( * ) établis dans les différents pays africains ;

• de contribuer à la préservation des espaces essentiels à l'activité économique et à la liberté des échanges ;

• de participer à la réalisation des engagements internationaux de la France dans les cadres européen et onusien ;

• de participer activement, à travers les actions de coopération, à la mise en place de forces africaines autonomes, dans un cadre régional comme dans le cadre de l'union africaine (forces en attente).

La priorité sera donnée à la coopération et à l'instruction au bénéfice des armées des pays hôtes, pour contribuer à leurs efforts concernant la mise en place de leurs propres capacités de réponse aux crises, et participer aux opérations de maintien de la paix de nos partenaires de l'Union africaine et les organisations sous régionales. En 30 ans, 51 opérations ont été conduites par les forces françaises prépositionnées.

L'évolution de notre présence impliquait une concentration de nos moyens relevée par le Livre blanc : « notre dispositif devra comprendre, à terme, une présence sur la façade atlantique du continent africain, une sur sa façade orientale, un ou deux points d'appui dans le golfe Arabo-Persique et un dans l'océan Indien. »

Les deux points d'appui qui seront maintenus sont le Gabon à l'Ouest et Djibouti à l'Est, c'est-à-dire, comme le souligne le Livre blanc « là où elle est souhaitée ».

S'agissant du Sénégal, une cérémonie de restitution symbolique des emprises occupées par les forces françaises a eu lieu au camp Bel Air le 9 juin 2010. En accord avec les autorités sénégalaises, la France ne conservera à Dakar qu'un simple « pôle opérationnel de coopération à vocation régionale », fort d'environ 300 militaires. Une nouvelle affectation, vraisemblablement immobilière, sera donnée à l'emprise du camp Bel Air.

Les bases permanentes françaises en Afrique offrent :

• des points d'appui du soutien français à l'architecture africaine de paix et de sécurité ;

• des capacités prépositionnées à proximité des zones d'intérêt et des forces projetées en complément depuis la métropole ;

• une capacité d'action qui procure des facilités logistiques (ex Djibouti pour Atalanta), qui donne souplesse et réactivité et qui contribue à l'autonomie stratégique de notre pays.

Le dispositif en Afrique est complété par les forces stationnées au Tchad dans le cadre de l'opération Epervier qui reste en place après la fin de l'opération EUFOR menée sous la responsabilité de l'Union européenne. Des effectifs des forces françaises participent également à un certain nombre d'opérations menées sous l'égide de l'ONU comme de l'Union européenne (Corymbe, Licorne en RCI, Boali en RCA et Atalanta).

Par ailleurs, le dispositif français s'étend vers l'est avec l'implantation récente de nos forces aux Emirats Arabes Unis, à Abou Dhabi dont les missions sont plus tournées vers la sécurisation des voies maritimes et la menace de prolifération nucléaire en Iran.

Enfin, les forces de souveraineté basées à la Réunion et aux Maldives participent de l'ensemble du déploiement français dans la zone.

Le dispositif s'est par ailleurs adapté, depuis 2007, à l'organisation du continent en sous-régions.

Il s'adosse aux quatre organisations régionales africaines :

Forces françaises du Cap Vert (FFCV)

Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger,  Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo

Forces françaises au Gabon (FFG)

Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) : Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Tchad, Angola

Forces françaises à Djibouti (FFDJ)

Intergovernmental authority for development

IGAD - EASBRIG : Djibouti, Ethiopie, Kenya, Somalie, Soudan et Ouganda

Forces armées de la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI)

Southern African Development Community (SADC) : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Madagascar, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe

Il est constitué de trois commandements interarmées (COMIA) africains, complétés par les FAZSOI, pour al zone SADC.

2. Renouveler nos accords de défense

Correspondant à une période historique bien déterminée, les accords de défense bilatéraux existants entre la France, le Cameroun, la République Centrafricaine, les Comores, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Koweït, le Sénégal et le Togo au sortir de la période coloniale appartiennent au passé. Certains d'entre eux contenaient des clauses secrètes sur des possibilités d'intervention des forces armées françaises en vue du maintien de l'ordre intérieur dans certains pays.

Le Livre blanc sur la sécurité et la défense reprend les orientations du discours du Cap sur les accords de défense 15 ( * ) : transparence, absence de clauses secrètes, publication et approbation par les parlements de chaque État partie.

Surtout, comme le montre l'exposé des projets d'accord instituant un partenariat de défense entre la France et divers pays africains, l'objectif principal de la coopération est désormais, à côté de la fonction traditionnelle de formation des cadres des armées nationales, d'aider l'Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective.

De plus, ces accords comportent une dimension multilatérale prévoyant l'association au partenariat de défense d'autres pays africains ou européens, ainsi que les institutions de l'Union européenne et de l'Union africaine et les ensembles sous régionaux de cette dernière. Les systèmes de sécurité collective de l'ONU et de l'Union africaine sont pris en compte ainsi que le partenariat stratégique Afrique-Union européenne défini à Lisbonne en 2007.

Enfin, la référence au respect de la souveraineté, de l'indépendance de l'intégrité territoriale des partenaires vient manifester la volonté de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats concernés. 16 ( * )

La renégociation des accords de défense a débuté dès le mois de mars 2008. Lors de l'audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, devant la commission, le 10 février 2010, il avait indiqué que : « Conformément aux engagements pris, l'ensemble de ces accords sera envoyé au Parlement. Dans le cadre de ses renégociations, les pays africains, qui sont en position de partenaire, avancent leurs exigences propres. La politique française veut que la France soit un contributeur majeur du système de sécurité collective des Africains. La France est en effet un des rares pays à avoir encore une envergure continentale. Elle est un véritable interlocuteur des quatre régions subsahariennes. »

S'agissant de la participation des parlements à l'élaboration de la politique africaine de la France, le Livre blanc prévoit une information régulière sur les accords existants et, à l'avenir, une information sera donnée sur la conclusion de nouveaux accords éventuels.

3. Une nouvelle coopération de défense

La politique de sécurité et de défense vis-à-vis de l'Afrique résulte naturellement de la définition et de l'évolution de la politique africaine de la France. Elle a donc connu une période charnière des années 90. En effet, avant 1990 l'Afrique a été le champ clos des affrontements Est-Ouest et la France bénéficiait d'une grande marge de manoeuvre de la part de ses alliés pour contrer les initiatives soviétiques sur le continent.

Pour la France, la décennie 1990 - 2000 a été marquée par un certain nombre d'épreuves dont le véritable déchirement qu'ont constitué les événements génocidaires au Rwanda en 1994, qui a mis en évidence les risques d'instrumentalisation d'un engagement strictement bilatéral. Cette décennie a également été marquée par la professionnalisation des armées françaises et un nouveau Livre blanc.

De cette prise de recul est né le tournant multilatéral de la politique de sécurité de la France en Afrique, étant entendu que cet élargissement implique nécessairement des objectifs globaux.

Le véritable tournant de la coopération militaire se situe le 3 mars 1998 lorsque le Conseil de défense définit les nouvelles orientations de notre coopération militaire en Afrique. Elles reposent sur un renouvellement de la doctrine qui s'appuie sur de grands principes :

• des interventions militaires bilatérales en principe limitées à la sécurité des ressortissants français,

• une présence permanente réduite,

• une multilatéralisation avec l'Europe et l'ONU,

• l'appui aux forces africaines de sécurité (programme RECAMP) et le développement de la régionalisation qui s'appuie sur les écoles nationales à vocation régionales (ENVR).

S'agissant de la coopération, on distingue la coopération structurelle conduite par la Direction de la coopération de sécurité et de défense du Ministère des Affaires étrangères (DCSD) et la coopération opérationnelle conduite par l'EMA, les différentes armes pour le Ministère de la défense, la Gendarmerie et le SCTIP pour le ministère de l'intérieur.

a) La coopération structurelle : composante de l'action diplomatique de la France

La direction de la coopération de sécurité et de défense est chargée de l'étude, de l'élaboration et de la mise en oeuvre des actions de coopération structurelle, dans les domaines à haute teneur politique : formation, séminaires de haut niveau, conseil/expertise, soutien aux exportations d'armement, équipements par aide directe, suivi des accords de coopération et de défense et gestion des demandes d'escales et de survol.

La coopération de sécurité et de défense vise aujourd'hui à garantir la stabilité des pays partenaires, condition essentielle de leur développement, tout en soutenant l'extension de l'influence française dans le monde. Elle s'efforce entre autres :

• de favoriser la préservation de l'État de droit, des libertés individuelles et des droits de l'homme ;

• d'optimiser les structures, l'outil de défense et de sécurité ;

• de privilégier la réflexion et l'action en commun pour optimiser l'emploi des structures de défense et de sécurité ;

• de promouvoir le modèle de défense et de sécurité français :

• de soutenir les exportations d'équipements militaires français ;

• d'assurer l'enseignement du français en milieu militaire. 17 ( * )

Avec un budget de 92,5 millions d'euros avant réserve légale en 2009 (programme 105), la DCSD assure la gestion de 248 projets de coopération de défense (gendarmerie comprise) dans 125 pays, déploie 327 coopérants militaires dans 45 pays, organise 261 missions de courte durée, et forme près de 2 400 stagiaires, en France et dans son réseau d'écoles nationales à vocation régionale (ENVR). Elle a touché, au total, au travers de ces différentes actions, plus de 40 000 auditeurs et stagiaires. De plus, en collaboration avec le SCTIP, elle a participé à la mise en place de programmes dans le domaine de la sécurité intérieure (police et sécurité civile).

En Afrique subsaharienne, les actions de la DCSD en matière de défense ont porté pour l'essentiel sur la coopération de soutien à l'architecture de paix et de sécurité africaine, au maintien de la paix, à la sécurité maritime, à la sécurité dans la bande sahélienne et à la sortie de crise. La DCSD se concentre sur des projets définis en partenariat, privilégiant autant que possible une approche régionale ou sous-régionale, au travers d'écoles et de centres de formation, dans le domaine du maintien de la paix, du renforcement de l'État de droit et de la sécurité intérieure. Cette coopération s'est ouverte aux pays anglophones et lusophones.

Le réseau des ENVR en Afrique

Les ENVR forment chaque année plus de 1 500 stagiaires en moyenne, dans des domaines aussi variés que les opérations de maintien de la paix, la sécurité intérieure, la santé, le déminage ou l'administration. Véritable force d'intégration régionale, elles sont devenues un élément clé de la politique de coopération française.

Les 17 écoles du réseau implantées en Afrique sont :

En 2010, un effort particulier a été fait sur la sécurité de la zone sahélienne (cession de moyens de renseignement et de mobilité et appui à la constitution d'unités d'intervention) et la sécurité maritime (golfe de Guinée, détroit de Bab-el-Mandeb et océan Indien). En matière de sécurité intérieure la priorité de notre coopération s'orientera vers la lutte contre le terrorisme au Sahel, contre la criminalité organisée transnationale, en particulier celles liées aux grands trafics de drogue et aux filières d'immigration clandestine.

Les enlèvements et les assassinats de nos concitoyens montrent le caractère dissymétrique de la lutte qui est menée et de la nécessité d'une approche globale.

Comme le soulignait le Président de la République au sommet Afrique--France de Nice, le 31 mai : « la stabilité est le préalable indispensable à toute politique de développement. Les nouvelles menaces apparaissent : piraterie, terrorisme, trafic de drogue. Elles fragilisent les Etats africains. »

Il convient de remarquer que cette coopération s'inscrit dans un contexte d'implication de plus en plus forte de l'Union européenne, y compris au niveau des financements.

b) La coopération opérationnelle

Elle repose sur le réseau des 26 attachés de défense installés en Afrique. Ils représentent le ministère de la défense dans son ensemble et sont les acteurs et les relais de son action internationale. Comme le soulignait le ministre de la défense, le 21 avril 2010, devant les futurs attachés de défense, en Afrique subsaharienne et dans le contexte actuel des négociations des accords de défense et de la réorganisation de nos forces, ils ont pour mission plus ponctuelle de réaffirmer la continuité de l'engagement français sur le continent.

Cette coopération est mise en oeuvre par les forces prépositionnées sous l'autorité des COMIA agissant régionalement en partenariat avec l'organisation sous-régionale compétente. Elle poursuit deux objectifs :

• participer à la préparation des unités africaines qui s'engagent dans des opérations de maintien de la paix ;

• contribuer à la montée en puissance de la force africaine en attente (FAA) de l'Union africaine.

c) Les moyens de la coopération militaire

Depuis le Conseil de défense de mai 2003, un mécanisme de concertation interministérielle a été mis en place pour mieux coordonner les efforts des deux ministères, de la DCSD et de l'EMA en matière de coopération. Il comprend notamment l'organisation de comités d'orientation stratégique au niveau des ministres et de comités de pilotage au niveau de la DCSD et de l'Etat-major des armées. En 2010 ces comités de pilotage ont été ouverts au ministère de l'intérieur.

La contribution financière française pour la coopération structurelle et opérationnelle en Afrique s'élève à environ 100 millions d'euros par an qui se répartissent en 60 millions d'euros pour la coopération structurelle et 40 millions pour la coopération opérationnelle. On ne peut que souligner la faiblesse relative de ces moyens au regard des enjeux et des tâches confiées.

Lors du sommet Afrique--France du 31 mai 2010 à Nice, le Président de la République a confirmé cet engagement pour les années 2010-2012. La déclaration finale du sommet indique en effet que « la France est convenue d'appuyer l'action de l'Union africaine et des organisations sous régionales dans la montée en puissance de leurs systèmes de sécurité collective, en particulier la force africaine en attente, et à la gestion des crises sur le continent, conformément à la charte des Nations unies et aux principes de la légalité internationale. À cet égard, il s'est engagé à consacrer 300 millions d'euros sur la période 2010--2012 pour soutenir les efforts des Etats africains et les organisations africaines sous régionale. La France s'est également engagée à former 12 000 militaires africains au profit des forces de maintien de la paix de l'Union africaine et de l'ONU sur la période 2010-2012. »

B. MULTILATÉRALISER ET EUROPÉANISER LA POLITIQUE DE COOPÉRATION EN AFRIQUE

1. L'Europe : un acteur de la sécurité en Afrique qui s'affirme

L'Europe ne peut se désintéresser d'un continent qui comptera près de 2 milliards d'habitants en 2050.

Historiquement fondée sur les relations avec les pays ACP, les relations entre l'Union européenne et l'Afrique subsaharienne ont pris un réel tournant en 2000 au premier sommet UE-Afrique au Caire.

Cette orientation politique a été rendue possible en particulier par l'évolution des objectifs et des moyens de la politique africaine de la France. En effet, le passé unilatéraliste de la politique africaine française a été un élément dissuasif pour certains Etats européens qui craignaient d'associer leur image à une politique jugée d'inspiration néocoloniale.

À partir de 2007, l'Union européenne est devenu un gros contributeur financier en matière de paix et de sécurité. Dès 2005 18 ( * ) l'Union a développé un volet stratégique africain de la PESD. En 2006, le Conseil du 13 novembre adoptait des conclusions pour le « renforcement des capacités dans la prévention, la gestion et la résolution des crises. Depuis 2007 l'Union européenne et l'Union africaine ont une stratégie conjointe autour de huit partenariats dont le premier concerne la paix et la sécurité. Cette stratégie conjointe constitue un cadre très structurant pour la coopération.

La France, qui a favorisé l'approche multilatérale, hormis les opérations d'évacuation des ressortissants dont elle conserve l'entière maîtrise, agit dans ce cadre de coopération. Depuis le coup d'Etat en Mauritanie en 2008, la France n'est intervenue dans aucune des crises nationales au Niger, en Guinée, en Mauritanie, ou à Madagascar. Ces interventions se sont faites à travers l'Union africaine comme par exemple aux Comores où la France a transporté des troupes sous mandat de l'Union africaine. Cette nouvelle légitimité de l'action de la France a fait taire les commentaires sur la Francafrique. Les récentes implications de forces militaires françaises pour tenter de délivrer nos ressortissants enlevés au Niger se sont faites avec l'accord et à la demande des autorités des pays concernés.

En raison de son engagement en Irak puis en Afghanistan et de la crise économique qui le touche, le Royaume-Uni n'est plus le partenaire principal en Afrique. La Grande-Bretagne s'est désengagée en Afrique de l'Ouest et a retiré les officiers qui étaient insérés dans les troupes des autres pays africains. Ils ne disposent plus que d'un centre de formation à Accra qui sert non seulement à la préparation de leurs forces en Afghanistan mais aussi à la formation de troupes régionales. Ce retrait n'empêche pas la Grande-Bretagne d'agir au niveau humanitaire, par exemple en mettant à disposition 10 millions de livres sterling pour le Niger récemment.

Le partenariat UE-Afrique pour la paix et la facilité européenne pour la paix

Le sommet UE-Afrique de Lisbonne (8-9 décembre 2007) a établi un nouveau partenariat politique stratégique pour l'avenir qui a pour ambition de dépasser les relations établies sur le mode bailleur de fonds/bénéficiaires en s'appuyant sur des valeurs et des objectifs communs dans la recherche de la paix et de la stabilité, de la démocratie et de l'État de droit, du progrès et du développement.

Le partenariat stratégique pour la paix et la sécurité vise à :

• renforcer le dialogue sur les défis à relever en matière de paix et de sécurité, notamment dans les enceintes internationales, afin de dégager des positions communes et de mettre en oeuvre des approches conjointes en ce qui concerne les défis en matière de paix et de sécurité en Afrique, en Europe et au niveau mondial ;

• rendre pleinement opérationnelle l'architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS), afin d'en assurer le bon fonctionnement et de lui permettre de relever les défis en matière de paix et de sécurité en Afrique, notamment en ce qui concerne la prévention et la reconstruction au lendemain des conflits ;

• assurer le financement prévisible des opérations de soutien de la paix conduites par l'Afrique, notamment en oeuvrant ensemble à l'élaboration, dans le cadre du chapitre VIII de la Charte des Nations unies, d'un mécanisme de l'ONU visant à financer de manière durable, souple et prévisible les opérations de maintien de la paix menées par l'UA ou sous son autorité et approuvées par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Dès l'origine, l'Union européenne a apporté un soutien au renforcement des capacités africaines de gestion des crises et à la Force africaine en attente, notamment à travers la pérennisation d'un nouvel instrument financier : la Facilité européenne pour la paix en Afrique, créée en 2003. 19 ( * ) Les 9e et 10e FED ont créé une facilité de paix dotée de 300 millions d'euros, montée à 450 millions depuis. Cette facilité finance des actions au profit de la paix de manière à pourvoir aux opérations de paix des Africains sur le continent. En effet, si l'Union africaine prononce des sanctions, elle ne dispose pas encore de moyens pour les mettre en application. Sur l'ensemble de son budget de 250 millions de dollars, seuls 45 millions proviennent des cotisations des Etats membres. Au sein de cet ensemble, seuls quelques pays contribuent de manière significative.

Un nouveau sommet UE-Afrique a eu lieu à Syrte, en Libye, en novembre 2010.

La déclaration de Tripoli en date du 1 er décembre 2010 souligne notamment que « Nous sommes fermement décidés à rendre l'architecture africaine de paix et de sécurité pleinement opérationnelle, en étroite coopération avec les organisations régionales. Pour ce qui est des opérations de maintien de la paix dirigées par l'UA, il a été convenu d'oeuvrer à l'obtention de financements souples, prévisibles et durables. »

L'européanisation du concept RECAMP20 ( * )

Le concept RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), créé en 1996-1997, constitue une véritable percée conceptuelle et est un véritable succès à l'international. 21 ( * ) S'il est à l'origine une initiative française et si la France en constitue toujours l'ossature et le principal intervenant, le programme RECAMP est clairement européanisé et placé sous l'égide de l'ONU. Il est emblématique de la nouvelle posture de la France en matière de paix et de sécurité en Afrique.

Cette évolution vers l'européanisation des actions de paix et de sécurité en Afrique correspond aux intérêts et aux orientations de la politique française. Elle permet une mutualisation des moyens, génératrice d'économies financières et une certaine « dépolitisation » des interventions de l'ancienne puissance coloniale à laquelle on est toujours prompt à prêter des intentions cachées.

Il est toutefois évident que la France demeure le principal intervenant en Afrique du fait de sa connaissance profonde des réalités africaines et de ses forces prépositionnées. Aucun autre pays européen n'est susceptible de prêter son concours au niveau nécessaire. A l'exception de l'Italie au sein de la FINUL, ce sont les contingents français et la France qui assurent la participation principale des actions menées sous le drapeau européen. Ce fut en particulier le cas au Tchad, dans le cadre de l'opération EUFOR, sous commandement irlandais.

2. Accompagner la montée en puissance de l'Union africaine

Parallèlement au sommet de Syrte (8-9 septembre 1999) Union africaine Durban 2002, l'organisation de l'unité africaine (OUA) a décidé de mettre en place une nouvelle organisation fondée sur une nouvelle légitimité : l'Union africaine (UA) qui sera officiellement lancée par la déclaration de Durban en 2002, les 9 et 10 juillet lors de la première session ordinaire de l'UA.

La mise en place de l'Union africaine constitue une véritable rupture. Cette organisation a l'ambition d'être un interlocuteur au niveau international et de devenir l'acteur de sa propre sécurité. C'est ainsi que, à l'initiative de l'Union africaine et des communautés économiques régionales (CER), nait en 2003 le projet d'architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) qui souligne la volonté des Africains de s'approprier leur sécurité et de développer une architecture sécuritaire au plan continental. Elle met sur pied un processus de résolution des conflits et une force africaine de paix (force en attente) qui se fixe l'objectif d'être opérationnelle d'ici 2010.

L'article 5-2 de l'acte fondateur de l'Union Africaine (2002) institue ainsi le Conseil de Paix et Sécurité (CPS) qui « constitue un système de sécurité collective et d'alerte rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique ». La mise en place d'une Force africaine en attente (FAA) doit permettre d'atteindre ces objectifs et de permettre aux Africains de ne plus dépendre de la communauté internationale pour la résolution des crises survenant sur leur continent.

Le schéma général adopté par les chefs d'États africains prévoyait la mise en place progressive de la force en attente d'ici 2010. L'essentiel des forces sera en réalité géré au niveau d'organisations régionales : la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Communauté Sud-africaine de Développement (SADC), l'Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) et l'Afrique du nord.

Chacune de ces régions devra abriter une brigade de la FAA sous le commandement d'un Etat-major régional (EMR). À l'exception de la CEDEAO et de la SADC, la décision donnant mandat à ces forces d'intervenir reste néanmoins du ressort exclusif de l'Union africaine.

Par rapport à ce schéma initial, le bilan de la mise en place de la FAA est mitigé. La récente conférence d'Akosombo de décembre 2009 a constaté les indéniables progrès effectués et fixé de nouveaux objectifs à atteindre. L'horizon 2010, fixé comme aboutissement à l'origine, doit être mis dans une perspective plus progressive.

De plus, au travers de ses zones économiques (CDEAO, IGAD, SADC, FAZSOI, CEEAC) -- qui toutes ont précédé la création de l'Union africaine -- l'Afrique à vocation à une véritable intégration économique.

D'autres dates importantes ont accompagné l'évolution de la perception de la politique de sécurité et de défense en Afrique et notamment :

• le sommet de l'ONU de septembre 2000 fixant les objectifs du millénaire (ODM) qui soulignent qu'il ne peut y avoir de développement sans sécurité ;

• le lancement, en 2001, de l'initiative NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) 22 ( * ) ;

• et l'adoption en 2002 par le G8 d'une stratégie pour l'Afrique.

Il s'agit donc d'un véritable regain d'intérêt pour l'Afrique au sens du développement sans pour autant que ces initiatives conduisent à un continent apaisé.

Ces évolutions rejoignent les objectifs fixés aux forces françaises en Afrique par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy qui avaient été précédés par :

• le projet RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) qui, comme son nom l'indique, a pour objectif d'aider les pays africains qui s'engagent sur le maintien de la paix ;

• dès 2002 la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont été les Etats les plus actifs pour supporter l'Union africaine dans le domaine du maintien de la paix 23 ( * ) ;

• à partir de 2005 au plan militaire, la France a fait évoluer sa structure de commandement en nommant des officiers généraux à Dakar en 2006 et à Libreville en 2007. Ces officiers généraux inscrivent leurs actions dans un projet régional d'une coopération militaire qui épousent en fait les contours d'une zone de coopération économique. L'ensemble des services proposés tend à encourager les pays africains à contribuer à la force de maintien de la paix de l'Union africaine.

La crise en Côte d'Ivoire et la manière dont elle sera résolue par les Africains eux-mêmes constitue indéniablement un test de cette volonté et de la capacité de l'Afrique à prendre en main sa propre sécurité.


* 1 Il est frappant de constater que, vingt ans plus tard, le 21 février 2011 les ministres des affaires étrangères de 27 pays de l'Union européenne, réunis pour élaborer une réponse collective aux mouvements dans les pays arabes déclarent promettre: « un nouveau partenariat » ...impliquant un « soutien plus effectif aux pays qui mettent en oeuvre des réformes politiques et économiques ».

* 2 Cité dans Jean-Pierre Foirry « l'Afrique, continent d'avenir ?, Ellipses 2006.

* 3 Afrique Renouveau, Vol. 24#1 (Avril 2010)

* 4 On mesure le temps parcouru quand on constate que l'article 1 er du projet de loi sur l'action extérieure de l'Etat prévoit l'affirmation de l'autorité de l'ambassadeur sur l'ensemble des services d'action extérieure de l'Etat, au delà de son rôle d'animation et de coordination.

* 5 Remplacée en 2009 par la Direction générale de la mondialisation

* 6 Nouvelle appellation de la Caisse française de développement à partir de 1998

* 7 Cette évolution a connu de nouveaux développements en 2009. En effet, le dispositif de coopération a été modifié par la révision générale des politiques publiques. L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui a délégué l'essentiel de ses activités opérationnelles à l'AFD dans les domaines du développement économique et social. Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des politiques de gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD s'est vu transférer une partie des assistants techniques qui relevaient auparavant du ministère des affaires étrangères

* 8 La DCSD est l'un des outils importants de notre action diplomatique. Elle participe à l'élaboration de la politique de la France. Elle propose une coopération structurelle, complémentaire de la coopération opérationnelle conduite sous la responsabilité de l'EMA et par le SCTIP, le service de coopération technique internationale de police du ministère de l'intérieur.

En Afrique subsaharienne la DCSD se concentre sur des projets en partenariat dans un cadre régional ou sous-régional, en particulier à travers le réseau d'écoles et de centres de formation dans le domaine du maintien de la paix, du renforcement de l'Etat de droit et de la sécurité intérieure. Son action n'est pas limitée à l'aire francophone mais englobe les pays lusophones et anglophones.

* 9 De plus, le ministère des affaires étrangères et européenne, en octobre 2008, a présenté un plan d'action pour « renouveler la politique de coopération de la France avec l'Afrique », « Cap 8 », qui repose sur l'appui au développement économique et sur le rayonnement culturel de la France en vue de soutenir la croissance en Afrique, relancer l'agriculture, valoriser le rôle des femmes dans l'économie, multiplier par trois le nombre de volontaires internationaux, augmenter la part des ONG dans l'aide bilatérale, soutenir l'éducation et promouvoir la langue française, conforter l'audiovisuel extérieur français, enfin rénover la coopération de défense.

* 10 Voir les auditions du panel d'experts le 12 mai 2010, et du ministre des affaires étrangères le 26 mai. Rapport d'information n° 566 (2009-2010) du 17 juin 2010 de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME "Pour une mondialisation maitrisée - Contribution au projet de document-cadre de coopération au développement". De plus à la demande de la commission des affaires étrangères un débat s'est tenu en séance publique le 4 novembre 2010.

* 11 Les citations entre guillemets sont extraits du livre « Le temps de l'Afrique » de Jean-Michel Severino et Olivier Ray.

* 12 Voir le livre de Jean Michel Severino et Olivier Ray : « le temps de l'Afrique » (édition Odiel Jacob, mars 2010)

* 13 Les forces de présence participent à la politique de défense de la France. Outre leur évidente, et première, dimension « défense », elles s'inscrivent dans une perspective interministérielle (affaires étrangères, intérieur, culture, industrie). Elles constituent la composante défense de cette politique interministérielle mais également un outil des autres composantes par les actions menées au titre de la coopération ou de la sécurité.

* 14 26 opérations d'évacuation (RESEVAC), dont 1/3 par voie maritime et 2/3 par voie aérienne, ont eu lieu en Afrique et au Moyen-Orient depuis 1990.

* 15 Annexe 5 Les accords de défense dans le Livre Blanc sur la sécurité et la défense

* 16 Ces dispositions générales se retrouvent dans l'accord de défense avec le Gabon qui est encore en cours de procédure interministérielle. S'y ajoutent les dispositions spécifiques au stationnement des troupes françaises.

* 17 Site www.diplomatie.gouv.fr

* 18 Conseil de l'Union européenne, 19 décembre 2005 « L'UE et l'Afrique : vers un partenariat stratégique »

* 19 la facilité pour le soutien de la paix en Afrique a été créée le 11 décembre 2003 en réponse à une demande formulée par le sommet de l'union africaine réunie à Maputo en juillet de la même année. Ce fonds a été doté d'un montant initial de 250 millions d'euros pour une période de trois ans. Ces fonds émanent du fonds européen de développement (FED). Le conseil des ministres a décidé le 11 avril 2006 de prolonger cette initiative pour la période 2008 -- 2010 à travers un financement de 300 millions d'euros dans le cadre du programme indicatif intra-ACP du 10 ème FED. Ce montant peut être mobilisé pour financer les coûts qui résultent, pour les pays africains, du déploiement de leurs forces de maintien de la paix dans un ou plusieurs états africains (frais de transport des troupes, frais de séjour des soldats, développement des capacités etc.), mais en aucun cas les dépenses militaires et en armement. La facilité de soutien à la paix repose sur le principe de l'appropriation africaine. La facilité a financé quatre opérations de paix africaines: la mission de l'UA au Soudan (AMIS, plus de 300 millions d'euros); la mission de l'UA en Somalie (AMISOM, 15,5 millions d'euros); la FOMUC en République centrafricaine (23,4 millions d'euros) et la mission de l'UA aux Comores (AMISEC, 5 millions d'euros). Elle a également soutenu des actions de renforcement des capacités en matière de prévention des conflits et de gestion des crises au niveau régional et sous-régional (à hauteur de quelque 35 millions d'euros au total).

* 20 Devenu EURORECAMP lors de la conférence de l'Union africaine à Addis-Abeba tenue le 21 novembre 2008.

* 21 Voir annexe 3

* 22 Le NEPAD provient de la fusion de deux autres plans proposés pour l'Afrique : le Plan Oméga et le Millenium African Plan ou Plan MAP. Ceux-ci, apparus au cours de l'année 2000, cherchaient à pallier le retard immense qu'avait pris l'Afrique en matière de développement sur la scène internationale. L'Afrique est en effet le seul continent dont le développement et la présence internationale régressent. C'est pour cela que le président sénégalais Abdoulaye Wade proposa en janvier 2001, au sommet France - Afrique de Yaoundé, le Plan Oméga. Celui-ci visait à "résorber l'écart entre pays développés et pays sous-développés par des investissements massifs d'origine externe, coordonnés à l'échelle continentale, pour poser les bases du développement du continent africain". De leurs côtés, le président algérien Abd El-Aziz Bouteflika, le président nigérian Olusegun Obasanjo et le président d'Afrique du Sud Thabo Mbeki proposèrent le plan MAP, qui tentait principalement d'incorporer l'Afrique au sein des actions mondiales. C'est en Juillet 2001, au sommet des chefs d'Etats de Lusaka, que ces deux plans fusionnèrent sous le nom de NEPAD. Le NEPAD n'est pas une institution complètement autonome. C'est avant tout un projet, et ce projet est sous la tutelle de l'Union africaine. Il est l'un de ses programmes. Son ultime but est de combler le fossé séparant l'Afrique du reste du monde

* 23 Le Royaume-Uni, mais surtout les États-Unis sont les partenaires de cette ambition. Les États-Unis ont considérablement augmenté le nombre de leurs attachés de défense, organisent des missions de formateurs pour le maintien de la paix, des formations militaires aux États-Unis, développent des programmes antiterroristes, de lutte contre le sida ou encore d'un programme de coopération et d'aide des vétérinaires militaires. Mais depuis l'échec du commandement AFRICOM en 2007 qui visaient à créer des bases militaires en Afrique, les États-Unis se sont beaucoup rapprochés de la France en raison de l'expertise qu'elle détient. Toutefois, contrairement à la France, si les États-Unis ont de nombreux moyens ils sont peu perméables aux cultures des autres ce qui est, en Afrique en particulier, un handicap.

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