II. UN RETARD FRANÇAIS PRÉOCCUPANT AU REGARD DES EXEMPLES ÉTRANGERS

La France souffre aujourd'hui dans la gestion de ses flux migratoires d'un important retard par rapport à d'autres pays étrangers - Australie, Canada ou même Espagne - où il existe une véritable politique d'immigration professionnelle, et, par ailleurs, une action déterminée pour attirer les talents de demain . Certains États, comme le Canada, sont il est vrai historiquement des terres d'immigration. Un canadien sur cinq est né à l'étranger selon le dernier recensement de 2006.

A l'inverse, la France n'est sortie que récemment de la logique introduite en 1974 d'une interruption de l'immigration de travail, sans que n'aient cessé d'ailleurs les flux migratoires.

L'héritage de la période passée se caractérise par le recours, dans quelques secteurs économiques, et dans un nombre d'entreprises limité, à une main d'oeuvre en situation irrégulière, qu'il s'agisse d'économie souterraine ou, plus couramment, d'emploi de salariés présentant de faux documents d'identité (passeport, carte de séjour, autorisation de travail). Cette situation n'est pas satisfaisante, au regard des conditions d'accueil et d'intégration en résultant.

La relance d'une politique de l'immigration professionnelle, dans le cadre d'une gestion concertée des flux migratoires avec les pays d'origine, constitue une inflexion majeure à mettre à l'actif du présent gouvernement . Elle nécessite de régler, au préalable, au cas par cas, la situation d'un certain nombre de travailleurs présents sur notre sol de manière irrégulière, mais employés de manière régulière (quoique sous une fausse identité) par des entreprises de bonne foi : tel est l'objet de l'article 40 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, relatif à la délivrance de cartes de séjour portant la mention « salarié » qui doit prendre en compte la réalité des emplois concernés.

A. LES EXEMPLES ÉTRANGERS MONTRENT QU'IL EST POSSIBLE DE DÉVELOPPER L'IMMIGRATION PROFESSIONNELLE

1. Une priorité forte dans un certain nombre de pays

Sur moyenne période, l'immigration économique est devenue une priorité aux États-Unis.

Dans ce pays, selon une étude de la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) annexée au présent rapport d'information, le seuil maximal d'immigrants économiques fixé par les services de l'immigration (USCIS) s'établissait en 2005 à 140.000 visas de résidents permanents, auxquels il fallait ajouter le quota de visas non utilisé au cours de l'année précédente dans le cadre du regroupement familial. Des projets de loi, n'ayant pas abouti, ont même proposé, lors des 108 ème et 109 ème législatures, de faire passer la limite totale de 140.000 à 290.000, ou même 460.000 visas de travailleurs attribués chaque année. Cette croissance aurait conduit à une redéfinition des quotas entre les diverses catégories d'immigrants économiques et à une augmentation considérable de visas attribués aux travailleurs non qualifiés.

En Espagne, le nombre d'entrées de travailleurs immigrés avec un contrat de travail est passé de 70.553 personnes en 2003 à 234.457 en 2007, soit une augmentation de 300 % en 4 ans . Cette augmentation a été constante, exception faite de l'année 2005 où le processus de régularisation a conduit à de moindres recrutements à l'étranger, les besoins des entreprises étant couverts en grande partie par les régularisations.

2. L'immigration économique représente une part déterminante des migrations en Australie et au Canada

Il n'est pas étonnant que, dans ces pays précurseurs, selon l'étude précitée, la part de l'immigration professionnelle soit sans commune mesure avec celle constatée en France, même si le mode de calcul de ce pourcentage diffère selon les pays 3 ( * ) : en Australie, la proportion des visas au titre de l'immigration économique est de l'ordre de 66 % des visas octroyés, hors visas délivrés pour des raisons humanitaires. Ce taux est de l'ordre de 60 % au Canada.

Le recrutement en nombre important de travailleurs en provenance de l'étranger ne va pas d'ailleurs sans difficultés d'organisation : selon l'étude précitée, le Canada serait victime du « succès » de sa politique d'immigration, puisque ce pays est confronté à une longue liste d'attente : le nombre de demandes en cours de traitement s'élèverait à 800.000 dossiers.

Dès lors, la France accuse un retard certain en matière d'immigration professionnelle . Elle ne paraît toutefois pas seule dans cette situation : l'Allemagne, selon l'étude précitée de la direction générale du trésor et de la politique économique, ne développe une action qu'en direction des personnes très qualifiées, en application d'un séminaire gouvernemental organisé en août 2007 à Meseberg.

* 3 En particulier, les conjoints des travailleurs étrangers entrés au même moment sur le territoire sont parfois pris en compte au titre de l'immigration professionnelle.

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