III. QUE FAIRE DE L'AFICAR ?

Par courrier en date du 13 mars 2008, M. Philippe Vasseur a notifié au ministre de l'agriculture et de la pêche sa démission du mandat de président de l'AFICAR . Cette initiative, dont M. Vasseur a précisé à votre rapporteur spécial qu'elle était envisagée depuis plusieurs mois, est apparue comme le révélateur des difficultés que traversait l'agence. Ces difficultés conduisent à identifier les raisons du relatif échec de l'AFICAR et à poser la question de la pérennité d'un tel établissement.

A. LES RAISONS D'UN ÉCHEC

1. Une absence d'objectif commun et de consensus sur les modalités de financement

Afin de prendre connaissance du jugement que les organisations représentées à son conseil d'administration portaient sur l'AFICAR , votre rapporteur spécial a posé 50 ( * ) à leurs responsables les questions figurant dans l'encadré ci-dessous.

Sur les 10 organisations contactées :

- l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), l'Union nationale des associations familiales (UNAF), la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et la Fédération nationale des syndicats de forestiers privés ont adressé des réponses écrites ;

- l'APCA, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont été auditionnés , à leur demande.

En revanche, la Confédération paysanne, la Coordination rurale Union nationale, la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA) n'ont pas adressé de réponse et n'ont pas manifesté la volonté d'être entendues par votre rapporteur spécial.

Questions adressés aux responsables des organisations
siégeant au conseil d'administration de l'AFICAR

1) Quelle appréciation générale portez-vous sur le fonctionnement et la gestion de l'AFICAR ?

2) Le cas échéant, quelles améliorations pourraient être apportées à ce fonctionnement et à cette gestion ?

3) L'organisation que vous représentez au conseil d'administration de l'AFICAR mène-t-elle sa propre politique de communication en direction du grand public sur le monde agricole et rural ? Si oui, pouvez-vous en fournir une brève description ?

4) L'organisation que vous représentez a-t-elle participé ou envisage-t-elle de participer au financement de l'AFICAR à court terme ?

5) Quelle doit être, selon vous, la part respective des financements publics et privés à apporter à l'AFICAR ?

Source : commission des finances

a) Les intérêts sectoriels semblent primer sur la définition d'un message commun

Des réponses aux questionnaires qu'il a adressés et des auditions auxquelles il a procédé, il ressort tout d'abord pour votre rapporteur spécial, que l'AFICAR s'est heurtée à la prééminence de logiques sectorielles tenaces qui ont entravé l'émergence d'une communication « générique », commune à l'ensemble de la profession. Ainsi, selon les termes employés par M. Philippe Vasseur, plusieurs de ses interlocuteurs ont été tentés de privilégier « l'émetteur » plutôt que le « message ».

De fait, plusieurs réflexions sont symptomatiques d'une approche des actions de communication de l'AFICAR très centrée sur les intérêts propres de chaque organisation professionnelle . Il en va ainsi, entre autres :

- des Jeunes agriculteurs, qui insistent sur la nécessité de communiquer sur le métier d'agriculteur pour favoriser l' installation de nouveaux exploitants ;

- de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, qui considère que « partir des produits est une très bonne façon de parler de l'agriculture, et le magasin fournit un cadre intéressant à ce propos » ;

- des Forestiers privés, qui ne contribuent financièrement qu'aux actions de l'AFICAR présentant un intérêt direct pour la filière bois ;

- ou encore de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), qui s'est sentie « très peu concerné(e) par les actions menées par l'AFICAR, qui étaient essentiellement tournées sur des questions strictement agricoles ».

Cette inclination traduit la difficulté qu'éprouvent les organisations professionnelles agricoles à faire passer des intérêts sectoriels au second plan pour privilégier l'élaboration d'un message commun. Au demeurant, votre rapporteur spécial se demande si la définition d'un tel message est tout simplement possible, compte tenu des divergences de fond qui peuvent exister entre ces organisations sur des problématiques aussi complexes que celles des liens entre l'agriculture et l'environnement, de la politique agricole commune ou des organismes génétiquement modifiés, pour ne citer que quelques exemples.

A cet égard, il a été expliqué à votre rapporteur spécial que l'AFICAR n'avait pas vocation à créer un « consensus » entre les organisations professionnelles, mais à faire émerger une « convergence ». Cette distinction sémantique, pour subtile qu'elle soit, ne suffit pas à justifier le maintien d'un opérateur public pour inventorier les plus petits dénominateurs communs du monde agricole .

b) L'absence de consensus sur les modalités de financement et le refus de la « cogestion »

La quasi-inexistence de contributions financières extérieures est naturellement liée aux difficultés éprouvées pour forger une stratégie de communication commune à la profession. Mais elle résulte également d'une double réticence des organisations professionnelles agricoles, qui redoutent :

1) de perdre la maîtrise ultime des fonds qu'elles alloueraient à un opérateur public dont elles n'assurent pas le pilotage intégral ;

2) de prendre part à une forme de « cogestion » de fonds publics et privés aux franges de la légalité.

Sur ce second point, les représentants de la FNSEA ont notamment fait part à votre rapporteur spécial de leur souci de ne pas reproduire la situation connue sous l'empire de l'Agence de développement agricole et rural (ADAR). Cette agence était, en effet, dotée d'un conseil d'administration majoritairement composé de représentants de la profession agricole. Le conseil était donc placé dans une situation ambiguë dès lors qu'il était amené à se prononcer sur l'attribution d'aides au financement de projets de développement présentés par des organismes représentés au conseil. Ce risque de prise illégale d'intérêts a conduit le contrôle d'Etat à considérer que le conseil ne pouvait plus se prononcer dans sa collégialité sur l'attribution de certains financements et a abouti à la paralysie de l'établissement , seuls les représentants de l'Etat et de certains syndicats agricoles minoritaires étant autorisés à prendre part au vote sur les dossiers présentés par les organisations appartenant au syndicalisme majoritaire. Votre rapporteur spécial observe toutefois que le fonctionnement de l'AFICAR est sensiblement différent de celui de l'ADAR, son conseil d'administration étant paritaire , et l'agence n'ayant pas vocation à verser des subsides sur la base de projets présentés par les organisations professionnelles agricoles.

En tout état de cause, la décision de constituer un établissement public avait été principalement motivée par le souci de mobiliser plus facilement les financements extérieurs . Selon le contrôleur budgétaire et comptable du ministère de l'agriculture et de la pêche, une telle option ne présentait un intérêt économique que si le surcroît de recettes propres obtenues grâce au statut d'établissement public 51 ( * ) était supérieur aux coûts fixes induits par l'existence d'une structure juridique autonome . Compte tenu de la faiblesse des partenariats financiers extérieurs constatés, il est donc permis de douter de la pertinence du choix opéré.

* 50 Ces questions ont été posées par voie de questionnaire adressé par courrier, assorti de plusieurs relances téléphoniques en cas d'absence de réponse. Le détail des réponses figure à l'annexe 2.

* 51 Ce surcroît de recettes pourrait notamment être défini comme la fraction de financements que les partenaires extérieurs consentiraient au-delà d'un apport par voie de fonds de concours au budget de l'Etat.

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