N° 268

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes ,

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

Votre rapporteur spécial avait souhaité engager début 2006, en application de l'article 57 de la LOLF, un contrôle sur pièces et sur place relatif à la gestion des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes, contrôle qu'il n'avait pu mener à bien faute d'obtenir des données précises sur une réalité particulière vécue au Quai d'Orsay, comme dans d'autres ministères : celle des personnels d'encadrement supérieur sans affectation, ou affectés à des postes sans rapport avec leur qualification, leur parcours professionnel, leur grade et leur expérience. Ce point particulier paraissait pourtant essentiel à votre rapporteur spécial parce qu'il pouvait révéler deux types de dysfonctionnements :

- un dysfonctionnement dans la gestion des ressources humaines du Quai d'Orsay qui le conduisait à ne pas tirer profit des compétences et des talents de ses agents, d'où pour ceux-ci le risque d'une profonde démobilisation, et d'un malaise particulièrement dommageable dans l'encadrement supérieur ;

- un dysfonctionnement budgétaire , lié à l'existence de postes occupés par des diplomates expérimentés, et notamment par d'anciens ambassadeurs, ne correspondant pas au niveau de responsabilité que l'on pouvait attendre d'eux, d'où une masse salariale plus coûteuse que nécessaire, et des sureffectifs qu'il conviendrait de résorber.

Aussi la communication à votre commission des finances d'un référé de la Cour des comptes, le 6 mars 2008, relatif aux « personnels sans affectation du ministère des affaires étrangères et des affaires européennes » a-t-elle conduit votre rapporteur spécial à relancer son contrôle sur la base d'éléments nouveaux. Selon ce référé, la question des personnels sans affectation n'est pas une question marginale. La Cour des comptes aurait ainsi recensé à l'été 2006, 14 hauts fonctionnaires « disponibles », 16 autres 1 ( * ) « prochainement disponibles », 17 sur des missions ponctuelles et 4 « en prolongation légale d'activité ». Au 31 décembre 2005, toujours selon la Cour des comptes, 407 agents (conseillers des affaires étrangères hors classe ou ministres plénipotentiaires) auraient eu vocation à occuper des fonctions de chef de mission diplomatique, pour 177 postes, auxquels il fallait rajouter 66 emplois de direction. Ce document aurait donc recensé 51 hauts fonctionnaires sans affectation et 164 agents de grades les plus élevés sans affectation adéquate.

Par ailleurs, la lecture de certains passages laissait entendre que la politique poursuivie par le Quai d'Orsay pour résorber ce phénomène inquiétant n'était pas adaptée : la formule des ambassadeurs en mission souffrirait ainsi selon le référé « d'insuffisances dans la définition du contenu des missions et partant d'un défaut de légitimité vis-à-vis des services. (...) Elles correspondent à des activités d'une visibilité incertaine, exercées dans des conditions matérielles inégales. Ces emplois devraient faire l'objet d'une évaluation périodique et être systématiquement rattachés à un supérieur hiérarchique autre que le ministre et son cabinet ». Par ailleurs, la Cour des comptes jugeait que : « la définition des fonctions de conseiller diplomatique du gouvernement n'a jamais été prévue et elle ne correspond guère à la responsabilité éminente que laisserait espérer cette réalité prestigieuse ».

Dès qu'il a pris connaissance de ce référé, votre rapporteur spécial a souhaité examiner dans le détail les données relatives aux personnels d'encadrement supérieur non employés, ou bien sous-employés, et évaluer la gestion de ce dossier délicat par le ministère des affaires étrangères et européennes.

Il a ainsi engagé un contrôle sur pièces et sur place « à chaud », dont il a rendu compte à votre commission des finances le 9 avril 2008. Dans cette perspective, il a rencontré le secrétaire général du Quai d'Orsay, M. Gérard Errera, ainsi que le directeur général de l'administration, M. Xavier Driencourt. Il a enfin obtenu communication, le 7 avril 2008, du fichier non nominatif des affectations des diplomates de grade le plus élevé (ministre plénipotentiaire et conseiller des affaires étrangères hors classe) afin d'affiner et d'approfondir le constat posé par la Cour des comptes.

Si l'on souhaite examiner la question des sureffectifs dans l'encadrement supérieur du Quai d'Orsay, il ne faut pas, en effet, s'arrêter au nombre de personnes « sans affectation », mais également intégrer dans l'analyse des fonctions dites « transversales », ou « d'appui et de conseil ». Rarement encadrées par des lettres de mission claires et précises, elles visent à fournir un « débouché », malheureusement sans contenu convaincant, à des agents ayant rempli leur mission avec dévouement et compétence.

Dans son intervention, en séance publique, sur le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, le 29 avril 2008, votre rapporteur spécial a ainsi clairement posé les termes du problème : « on parle parfois de « placard » ; au Quai d'Orsay, on parle de « couloir de la mort » pour les diplomates qui ne trouvent pas les postes qu'ils ont espérés et qui correspondent à leurs compétences. C'est une singulière manière de récompenser et de motiver des agents dont la vocation est le service de l'intérêt général et le dévouement au pays ». Selon ses calculs, près d'un diplomate expérimenté sur cinq n'occupe pas de poste correspondant à son expérience.

De son travail, votre rapporteur spécial tire donc la conclusion de la nécessité d'une rénovation profonde de la gestion des cadres supérieurs du Quai d'Orsay, en fixant un clair objectif de resserrement des effectifs de haut niveau, ce qui passe par la mise en place d'un plan « 2 ème carrière » . Il convient ensuite de poursuivre l'objectif d'une meilleure gestion des compétences , liée à une diversification des profils et à la promotion de diplomates à même de remplir la fonction « d'ambassadeur-préfet », c'est-à-dire dotés de qualités de « managers » .

* 1 A ce sujet, le Quai d'Orsay a indiqué à votre rapporteur spécial que les agents « prochainement disponibles » ne sont pas par définition sans affectation. Le fait qu'ils soient recensés par la direction des ressources humaines du ministère vise à anticiper le plus en amont possible la fin de leur mission. Le ministère des affaires étrangères et européennes a, dès lors, regretté que cet effort de gestion prévisionnelle soit assimilé par la Cour des comptes à une absence d'affectation.

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