II. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

A. UNE AIDE MASSIVE QUI DEVRA ÉVOLUER AVEC LA TRANSITION ÉCONOMIQUE DU VIETNAM

1. Près de 4,5 milliards de dollars d'engagements en 2007

Compte tenu de son statut politique (un parti unique rationnellement ouvert à l'économie de marché, sorte d' « alibi communiste » de la communauté internationale ), de ses perspectives économiques prometteuses et de ses capacités d'absorption supérieures à celles de la plupart des PMA, le Vietnam est l'objet de toutes les attentions des bailleurs (APD évaluée à 11,2 milliards d'euros de 2000 à 2005) qui voient en lui une « petite Chine » et sont confortés dans l'idée qu'ils contribuent directement à la réduction de la pauvreté. Les relations avec le FMI n'ont pourtant pas toujours été au beau fixe, avec l'arrêt du FRPC en 2001.

Pas moins de 49 bailleurs bi- et multilatéraux ont ainsi annoncé, lors des réunions du groupe consultatif des donateurs de décembre 2005 et décembre 2006, des engagements d'aide à hauteur de 3,75 milliards de dollars en 2006 (3 et 3,4 milliards de dollars annoncés respectivement en 2004 et 2005) et de 4,44 milliards de dollars en 2007 , soit près de 9 % du PIB. Les priorités sectorielles annoncées sont : 36 % en faveur des secteurs sociaux (santé, éducation et formation, environnement, technologie), 30 % pour les transports, les télécommunications, l'eau potable urbaine et l'assainissement, 18 % pour le développement rural et l'agriculture, et 16 % en faveur de l'industrie et l'énergie.

Cette situation contraste avec la modestie des montants consacrés à certains pays d'Afrique , mais où l'aide est parfois décrite avec dépit comme « un arrosage du désert »...

Les principaux contributeurs en 2007 sont la BAsD avec 1.140,5 millions de dollars, l'Union européenne (948,3 millions de dollars), le Japon (890,3 millions de dollars), suivis de la Banque mondiale (890 millions de dollars) et de la Corée du Sud (110 millions de dollars). Parmi les donateurs bilatéraux, la France figure en 2 e position (en 4 e position parmi tous les bailleurs) avec des promesses d'aide de 370,4 millions de dollars.

Le montant de l'aide chinoise n'est pas connu dans la mesure où la Chine ne participe pas au système de coordination, comme cela est d'ailleurs le cas pour l'ensemble de la région, mais est estimé à 500 millions de dollars par an, selon des termes vraisemblablement très concessionnels. Environ 500 ONG/OSI sont également présentes au Vietnam.

Selon le CAD de l'OCDE, les flux nets d'aide perçus par le Vietnam se sont élevés à 1,84 milliard de dollars en 2004 et à 1,9 milliard de dollars en 2005 , dont 670 millions de dollars apportés par le Japon, 418 millions de dollars par la Banque mondiale, 207 millions de dollars par la BAsD, et 116 millions de dollars par la France.

Engagements et décaissements des principaux bailleurs de fonds au Vietnam de 2003 à 2005

(en millions de dollars)

2003

2004

2005

Engagements

Décaissements

Engagements

Décaissements

Engagements

Décaissements

Banque mondiale

575

230,9

750

572,9

750

572

BAsD

252

156,9

337

263,4

374

263,4

Commission €

45

23

86

26

32

26

Japon

549

476

837

485,8

902

485,8

France

106

101,3

126

97

444

193,4

Australie

65

49,7

53,8

69,5

58

69,5

Danemark

61

24,4

63

33,3

81

33,4

Allemagne

40,5

12,8

44,1

12,8

44,1

12,7

Royaume-Uni

90,9

16,5

70

40,4

107

40,4

Total

1.784,4

1.091,5

2.366,9

1.601,1

2.792,1

1.696,6

Source : La coopération franco-vietnamienne - Faits et chiffres, édition 2006

L'aide internationale se caractérise également par l'importance des prêts , qui représentent environ les deux tiers du total, une forte tendance à la recherche de l'efficacité de l'aide (cf. infra ), et un taux d'absorption des engagements d'aide dans les délais prévus d'en moyenne 60 %, qui tend à s'améliorer. Le FMI considère cependant que l'aide internationale est trop abondante au regard des capacités d'absorption du pays. Aussi votre rapporteur spécial a-t-il souligné auprès du vice-ministre du plan et de l'investissement l'importance d'un renforcement de ces capacités.

2. Des évolutions attendues du fait de la croissance vietnamienne

Compte tenu des conditions d'intervention des bailleurs, notamment des banques multilatérales, la prochaine accession du Vietnam au seuil des PRITI va se traduire par une modification de la nature et de l'affectation de l'aide , et vraisemblablement une diminution des montants, à partir de 2010-2011 126 ( * ) . Les stratégies des bailleurs sont toutefois disparates (cf. encadré infra ).

Les termes de concessionnalité seront « mécaniquement » relevés pour certains bailleurs - selon un processus graduel sur 2 ans pour la Banque mondiale (par application d'une « clause de grand-père ») - du fait de l'amélioration des capacités de remboursement. Les prêts à conditions commerciales et instruments d'aide à l'investissement, liée ou non, prendront progressivement le pas sur l'aide « traditionnelle », en particulier l'assistance technique.

Pour la France, la question du maintien du Vietnam dans la ZSP - et partant de la mise en oeuvre de projets FSP - se pose à moyen terme.

La gestion de la transition vietnamienne par les bailleurs internationaux

1 - Banques multilatérales

La Banque Mondiale et la BAsD prévoyaient de concentrer leur aide sur le secteur de l'énergie. La BAsD avait déjà initié cette transition vers des crédits à taux moins concessionnels et prévoit d'intervenir au Vietnam jusque vers 2015-2018. A partir de 2018-2020, il deviendra sans doute trop onéreux pour le gouvernement vietnamien de recourir à ses financements.

La Banque Mondiale pourrait encore concéder des prêts aux taux de l'AID pendant 2 ans après le changement de catégorie du Vietnam, soit jusqu'en 2011-2012. Elle lancerait à partir de 2009 des prêts à taux moins concessionnels, qui seraient concentrés sur le secteur de l'hydro-électricité. La BIRD rechercherait les co-financements (par exemple avec le DFID britannique) pour maintenir la compétitivité de ses prêts, notamment pour poursuivre une aide dans le secteur social.

2 - Banques bilatérales

La banque japonaise JBIC, qui devrait fusionner ses activités avec celles de la JICA pour se concentrer sur un rôle de banque d'import-export, ne considérait pas 2010 comme un seuil significatif et maintiendrait des prêts à des taux légèrement plus intéressants que les taux du marché . Si les infrastructures continueront à représenter une part importante dans l'APD nippone au Vietnam, les Japonais accroîtront leur aide dans des secteurs comme la gouvernance, la formation des autorités locales et l'environnement.

La KfW allemande ne prévoit pas non plus de rupture , mais un durcissement continu des conditions des prêts.

3 - Bailleurs bilatéraux

Le DFID exécute un plan sur 10 ans, sans stratégie de sortie . Un changement est toutefois prévu, car le DFID est tenu par la loi d'apporter un pourcentage déterminé de son APD à des pays à bas revenu. Jusqu'en 2010, le volume d'APD britannique au Vietnam s'accroîtra ; puis après une période de stabilisation jusqu'en 2020, il devrait décliner.

Les dons des Etats-Unis se sont accrus de 20 % par an au cours des trois dernières années, pour l'essentiel du fait du programme PEPFAR de lutte contre le sida (80 millions de dollars). Cette tendance devrait se poursuivre. Toutefois, l'USAid n'avait pas de planification à long terme début 2007 et le plan d'action actuel s'arrêtera en 2008. Si l'ambassadeur a demandé une orientation plus forte de l'APD américaine sur des thèmes tels que la lutte contre la corruption, la gouvernance ou l'éducation, rien n'a encore été réellement décidé pour la suite.

Le prochain plan stratégique de l'APD néerlandaise au Vietnam couvrira la période 2008-2012. Le niveau de l'aide baissera par rapport à celui niveau. Toutefois, l'ambassadeur n'évoque pas encore de stratégie de sortie ; d'autres instruments seront mis en place pour aider au développement économique.

Le plan de 7 ans de la Commission européenne s'étend jusqu'en 2013. Jusqu'à cette date, le Vietnam devrait recevoir de 45 à 50 millions de dollars par an de la Commission.

Le Danemark poursuivra son aide au niveau actuel dans les secteurs existants.

Le Vietnam est depuis 1993 l'un des pays de concentration de l'aide suisse , avec ses voisins de l'ex-Indochine (70 % Vietnam, 20 % Laos, 10 % Cambodge). Les prêts sont en diminution, les dons représentant 85 % actuellement de l'APD . Ceux-ci sont en accroissement et orientés vers le développement durable, la gouvernance et la réforme administrative. Les Suisses n'évoquent pas de stratégie de sortie, mais au cours du nouveau plan d'aide (2007-2010), se produira un glissement lent de l'aide suisse vers le Laos , avec en 2010 50 % pour le Vietnam, 40 % au profit du Laos, et 10 % au Cambodge.

L'Australie n'attend pas de changement dans le volume de son APD à l'horizon 2010 ; en revanche, les modalités évolueront. La Belgique ne prévoit plus d'octroyer des dons après 2010 ; l'intervention de la coopération belge se fera par le biais de programmes régionaux.

Les Nations Unies comptent avancer sur le projet « One U. N. » sous l'égide du PNUD ; les institutions du système onusien prévoient globalement une aide renforcée dans le secteur social, y compris après 2010.

4 - Evolutions structurantes

Au total, le tour de table de fin 2006 a montré que, pour la plupart des bailleurs, 2010 ne signifiera pas un retrait mais qu'auront lieu :

- un durcissement des conditions de prêts des banques de développement ;

- une évolution des secteurs d'intervention : l'importance de la lutte contre la pauvreté décroîtra, et on passera de l'éducation primaire à l'éducation supérieure et à la recherche ;

- un changement de la relation avec les autorités vietnamiennes qui devront à la fois élaborer un nouveau mode de gestion de l'aide (notamment pour choisir les emprunts) et se préparer à une politique industrielle. Cette perspective induira une évolution du dialogue institutionnel, et en particulier des réunions semestrielles du groupe consultatif. Sur le sujet de l'annualité des réunions, les avis ont été assez discordants, même si une assez grande unanimité s'est fait jour sur la nécessité d'arrêter l'exercice des annonces d'engagement , compte tenu de l'écart permanent avec les décaissements effectifs.

Source : ambassade de France au Vietnam

Les modalités de cette transition devaient être à nouveau discutées par les bailleurs mi-2007. La réaction des autorités devant cette perspective est quelque peu ambiguë : s'il est très probable qu'elles sont bien au fait de la hausse du coût de l'aide à moyen terme (ainsi que le vice-ministre du plan et de l'investissement et le responsable du FMI l'ont confirmé à votre rapporteur spécial), elles n'abordent guère le sujet et espèrent manifestement maximiser les versements. Contrairement à l'Inde, qui a retenu seulement 7 bailleurs (dont la France, mais sans aide liée), le Vietnam sera probablement « tiraillé » entre le besoin de reconnaissance internationale auprès d'un grand nombre de partenaires et la sélection des bailleurs pour minorer les coûts de transaction et de coordination.

* 126 La Banque mondiale a ainsi indiqué qu'elle maintiendrait ses conditions actuelles jusqu'en 2011, mais les bailleurs bilatéraux ont

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