N° 259

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mars 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur la politique européenne de l' énergie,

Par M. Aymeri de MONTESQUIOU,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM.  Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert del Picchia, Marcel Deneux, André Dulait, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Mme Catherine Tasca, MM. Alex Türk, Serge Vinçon.

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La question de l'énergie a été à l'ordre du jour du sommet européen de printemps qui s'est tenu à Bruxelles les 23 et 24 mars 2006. Il y a urgence à agir. L'envol des cours des hydrocarbures sur les marchés mondiaux l'an dernier est venu rappeler à l'Europe sa dépendance économique en matière énergétique. La crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine en début d'année a souligné la grande vulnérabilité géostratégique qui en découle.

Le paradoxe est que la sécurité énergétique fut en partie à la base de la construction européenne, qui a débuté par la signature du traité CECA en 1951 et du traité Euratom en 1957. Mais force est de constater que la Communauté européenne, en dépit des grands progrès réalisés depuis 1958, n'a pas su développer une politique de l'énergie digne de ce nom. La logique de marché et le règne du chacun pour soi l'ont emporté. Les États membres ont fait des choix énergétiques très différents, en l'absence de toute vision stratégique commune.

Au cours des dernières années, le discours européen officiel s'est focalisé sur le développement des énergies renouvelables et sur les économies d'énergie. Dans le même temps, en réalité l'Union européenne a subi la croissance de la consommation énergétique et la suprématie des énergies fossiles.

Elle a aussi voulu être exemplaire dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, en se faisant la promotrice, au niveau mondial, du protocole de Kyoto pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, l'extrapolation des tendances actuelles montre qu'elle risque de ne pas réussir à tenir les engagements qu'elle a contractés dans ce cadre international.

Heureusement, on assiste aujourd'hui à une prise de conscience généralisée. Les Italiens ont été traumatisés par le black-out de leur réseau électrique en 2003. Les Britanniques ont découvert avec stupéfaction à la fin de 2005 que leur pays n'est désormais plus exportateur net d'hydrocarbures. Les Allemands s'interrogent sur la pertinence de leur décision prise en 1999 de sortir du nucléaire. Les nouveaux pays membres s'inquiètent de leur dépendance énergétique quasi totale à l'égard de la Russie. Tous les Européens subissent les prémisses du changement climatique et constatent l'envolée des prix des carburants à la pompe.

Plus généralement, les grandes puissances sont engagées dans une véritable guerre pour le contrôle des ressources énergétiques : guerre économique, mais aussi parfois guerre militaire, comme l'illustre l'aventure des États-Unis en Irak.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, fin juin 2005, un Livre vert sur l'efficacité énergétique intitulé « Comment consommer mieux avec moins » (transmis pour avis au Parlement sous le numéro E 2914). Le thème abordé est fondamental, mais ne constitue qu'une partie de la solution du problème. La Commission a d'ailleurs plus récemment présenté, le 8 mars 2006, un autre Livre vert intitulé « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable » (transmis pour avis au Parlement sous le numéro E 3101).

Le présent rapport d'information vise ainsi à resituer le sujet des économies d'énergie dans le cadre plus large de la politique européenne de l'énergie, prise dans son ensemble.

I. LA GRANDE VULNÉRABILITÉ DE L'EUROPE

A. LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS NATIONALES

1. La place de l'Europe dans un monde boulimique d'énergie

En 2005, la consommation totale d'énergie primaire dans le monde devrait s'établir à près de 11 milliards de tep (tonnes équivalent pétrole), alors qu'elle n'était que de 8 milliards en 1990. Cette consommation mondiale d'énergie devrait croître de près de 52 % à l'horizon 2030 par rapport au niveau de 2003. La demande énergétique mondiale augmentera d'environ 2,2 % par an entre 2000 et 2020. La demande énergétique chinoise devrait connaître une hausse annuelle moyenne de 4,7 % durant cette période.

En termes de parts de marché, le pétrole est la source d'énergie la plus courante, avec 35 %, en raison de l'importance du secteur des transports, où il reste encore sans substitut sérieux. Il est suivi, à parts presque égales, par le charbon (23 %) et le gaz naturel (24 %). Le nucléaire représente un peu moins de 7 % de la consommation mondiale. L'hydroélectricité et les autres énergies renouvelables en représentent environ 11 %.

Du point de vue géographique, la répartition de la consommation d'énergie montre que l'Amérique du Nord est le plus gros consommateur d'énergie, avec une part de 29 %. L'Union européenne consomme plus de 17 % de l'énergie mondiale. L'Asie en développement l'a déjà dépassée, puisqu'elle consomme plus de 20 %, dont 11 % pour la Chine et 4 % pour l'Inde. Plus modestement, l'Amérique latine ne consomme qu'un peu plus de 6 % de l'énergie mondiale et l'Afrique moins de 3 %.

Les principaux pays producteurs d'énergie primaire sont en 2003, par ordre décroissant : les États-Unis 1 632 millions de tep, la Chine 1 381 millions de tep, la Russie 1 107 millions de tep, l'Arabie Saoudite 534 millions de tep, l'Inde 455 millions de tep et le Canada 385 millions de tep. Les principaux pays consommateurs d'énergie primaire sont, par ordre décroissant : les Etats-Unis 2 281 millions de tep, la Chine 1 426 millions de tep, la Russie 640 millions de tep, l'Inde 553 millions de tep, le Japon 517 millions de tep et l'Allemagne 347 millions de tep.

Ces chiffres n'ont toujours pas de rapport proportionnel avec le poids démographique de chacune de ces régions. Mais, tendanciellement, on peut dire que l'on passe d'un monde où un quart de la population consommait les trois quarts de l'énergie, à un monde où la consommation énergétique sera de plus en plus répartie en fonction des populations des différents pays.

Selon les prévisions de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), l'Europe devra importer près de 70 % de ses besoins en énergie en 2030, contre 50 % actuellement. L'Union européenne sera ainsi dépendante à 90 % pour le pétrole, 70 % pour le gaz et 100 % pour le charbon.

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