N° 33

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 octobre 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur les prélèvements obligatoires et leur évolution ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Impôts et taxes.

INTRODUCTION

L'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) est l'occasion de se pencher sur les différentes étapes de la procédure budgétaire.

Seul le Sénat, pour des raisons de calendrier, fait usage de la possibilité qui en est offerte aux assemblées par l'article 52 de la loi organique, d'organiser un débat sur le rapport du gouvernement qui comporte « l'évaluation financière pour l'année en cours et les deux années suivantes, de chacune des dispositions de nature législative ou règlementaire, envisagées par le gouvernement ».

Le contenu du rapport du gouvernement, tout à fait symétrique de celui du rapport économique, social et financier figurant en annexe du projet de loi de finances, conduit à ne pas esquiver la question de principe de l'utilité d'une telle démarche.

Un rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, pour quoi faire ?

En fait, loin de constituer un doublon avec la discussion budgétaire, ce rapport apparaît à votre commission des finances comme le moment de s'abstraire de l'urgence qui caractérise l'examen de la loi de finances de l'année, pour prendre du recul afin de mettre en perspective les mesures fiscales annoncées par le gouvernement et d'avoir une vue d'ensemble des prélèvements obligatoires .

Dans les rapports qu'elle a jusqu'à présent rédigés dans ce cadre, votre commission des finances s'est surtout efforcée de se donner un peu de visibilité sur tel ou tel aspect de notre fiscalité ou de faire avancer des idées, comme cela a été le cas, l'année dernière, avec la « TVA sociale ».

Cette année, la situation se présente, indépendamment de l'entrée en vigueur de la LOLF, sous un jour assez particulier pour un ensemble de raisons :

1) pour la première fois depuis 1996, le gouvernement soumet au Parlement une réforme d'ensemble d'un grand impôt, en l'occurrence l'impôt sur le revenu . Même si celle-ci ne sera effective qu'en 2007 sur les revenus de 2006, il convient d'en examiner la cohérence au regard des impératifs d'équité sociale et d'efficacité économique ;

2) le projet de loi de finances pour 2006 comporte d'importantes rectifications de frontières entre prélèvements sociaux et fiscaux , ce qui amène votre commission des finances à réfléchir sur les rapports entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Il y a là un besoin de clarification d'autant plus impérieux que les enjeux en sont, d'une part, la portée de la règle dite du « zéro volume », et d'autre part, la possibilité d'accroître la responsabilisation des assurés sociaux ;

3) le Conseil d'analyse économique a fait paraître un rapport intitulé « Croissance équitable et concurrence fiscale » de MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux, qui renouvelle le débat en proposant une simplification radicale sur la base d'un diagnostic éclairant de l'état fiscal de la France.

L'année dernière, l'examen du projet de loi de finances pour 2005 avait été l'occasion de poser la question, dans le sillage du rapport de M. Michel Camdessus 1 ( * ) , de la viabilité du modèle social français ; cette année, c'est un nouveau rapport qui nous amène à nous interroger sur la soutenabilité de notre modèle fiscal, qui n'est que le reflet de notre modèle social, et le produit des politiques suivies par les majorités successives.

Le présent rapport d'information va partir d'un constat : le respect des règles du pacte de stabilité et de croissance dépendra, pour les prochaines années, dans une large mesure, de notre capacité à maîtriser les déficits sociaux , bien qu'il faille rappeler que du fait de sa masse, le déficit des administrations publiques en reste le facteur déterminant. La question fondamentale à cet égard est de savoir si un système de protection sociale a vocation à rester durablement déficitaire .

Lorsque l'on se penche sur l'évolution de ces vingt dernières années, l'on ne peut qu'être frappé par un constat : alors que la progression continue des prélèvements obligatoires n'est que difficilement contenue ces dernières années, la plupart des réformes entreprises ont consisté à prévoir l'allègement des impôts et d'eux-seuls, sans réduire les dépenses à due concurrence. Il en est résulté logiquement une explosion de la dette publique qui a donc joué le rôle de variable d'ajustement .

Une concurrence fiscale de plus en plus intense

Une bonne part de cette évolution tient aux effets de la concurrence fiscale qui apparaît aujourd'hui d'autant plus vive avec l'instauration de l'euro, et les taux de change fixes, qu'elle constitue un instrument privilégié pour renforcer l'attractivité du territoire.

De ce point de vue, la France se caractérise, comme le souligne le rapport du Conseil d'analyse économique, par une préférence pour des taux nominaux élevés qui du fait de la multiplication des exceptions, se concilient avec une pression fiscale effective beaucoup plus modérée.

LES EFFETS PERVERS DU MODÈLE FISCAL FRANÇAIS 2 ( * )

Pour votre commission des finances, « il y a un véritable modèle fiscal français. Celui-ci reflète largement un tempérament national caractérisé, en la matière, par un certain clientélisme et par une propension au perfectionnisme.

Par delà les alternances de ces trente dernières années, il est une constante de notre fiscalité : le souci de traiter les cas particuliers, malgré la passion très nationale pour l'égalité...

La France estime indispensable de lutter contre toutes les inégalités et en particulier d'assurer un égal accès aux services publics, alors que dans d'autres pays, on fait plus de place à l'égalité des chances qu'à celles des revenus directs ou indirects.

Il en résulte non seulement un niveau élevé des prélèvements obligatoires de façon à financer des services, satisfaits ailleurs souvent par l'initiative privée, mais encore une multiplication des régimes particuliers La France a donc tendance à afficher une pression fiscale nominale élevée, mais la compense immédiatement et très imparfaitement par une multiplication des exceptions.

Ainsi s'accumulent, pour les entreprises comme pour les particuliers, les régimes affichant le principe d'une fiscalité lourde, dont on ne peut justifier l'assouplissement que pour des motifs d'intérêt général.

Or, une telle logique a vraiment atteint ses limites, à la fois parce que les régimes spécifiques comportent des effets pervers, et parce qu'ils suscitent, de façon continue, des demandes reconventionnelles des catégories de contribuables qui veulent obtenir de préserver un avantage fiscal. Le cas de la déduction fiscale pour dons aux oeuvres d'aide aux personnes en difficulté est emblématique de cette « échelle de perroquet ». Enfin, l'insuffisance des ressources publiques et l'étroitesse croissante des marges de manoeuvre conduisent à définir des mesures de trop faible ampleur pour exercer de réels effets économiques.

La complexité de notre code général des impôts est la conséquence directe d'une telle logique en vertu de laquelle il n'est pas de règle générale qui ne soit assortie, tôt ou tard, de cas particuliers, quand on ne cherche pas directement à définir des régimes fiscaux spécifiques pour telle ou telle activité, ou tel ou tel contribuable.

A cela s'ajoute une réelle méfiance vis à vis des mécanismes du marché qui conduit à considérer la neutralité fiscale comme une principe discutable et à lui préférer des mécanismes d'incitation à une activité ou à un besoin jugés insuffisamment pris en compte par le jeu normal de l'offre et de la demande. Alors que dans d'autres pays, on estime qu'il suffit de laisser jouer ce qu'on a pris coutume de qualifier, depuis Adam Smith, la « main invisible », en France, il faut stimuler l'initiative par les mesures ad hoc, sans en avoir vraiment les moyens au demeurant.

Il faudrait en France avoir le courage de faire preuve d'un certain « minimalisme fiscal » c'est-à-dire évoluer vers un système dans on lequel on ne paye pas forcément moins d'impôt mais dans lequel les différents régimes fiscaux sont plus simples, plus fonctionnels, moins sophistiqués : t rop d'impôt tue l'impôt, mais trop d'exceptions finissent par dissoudre la règle, qui perd alors à la fois efficacité et légitimité . »

Le rapport précité de MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux souligne d'emblée un paradoxe : les agents économiques sont, en matière d'impôts , sujets à ce que l'on pourrait qualifier d'illusion nominale : « La pression fiscale globale ou les taux faciaux d'imposition des bénéfices des sociétés, par exemple, dont la théorie indique qu'ils ne sont pas pertinents dans l'analyse des phénomènes de concurrence fiscale traditionnelle, sont cependant souvent considérés par les contribuables concernés et par les décideurs publics comme importants 3 ( * ) ».

Les auteurs du rapport du Conseil d'analyse économique poursuivent 4 ( * ) : « la puissance de la « concurrence par comparaison » éclaire sans doute aussi le rôle - symbolique - que jouent, dans les choix de localisation des entreprises, des facteurs tels que les cotisations sociales, par exemple, alors que, là encore, la théorie économique standard inciterait plutôt à ne leur accorder qu'une influence mineure, voire nulle en principe, sur les choix d'implantation des entreprises, dans la mesure où leur incidence, à long terme, est sur les revenus salariaux et non sur le coût de la main-d'oeuvre » 5 ( * ) .

Un aspect important de cette concurrence fiscale est donc son caractère subjectif , que résume l'expression de « compétitivité fiscale ressentie » employée par le rapport qui, même si elle diffère de la compétitivité réelle, est néanmoins celle qui conditionne les choix de localisation. Il y a une « sorte de primat politique et médiatique des taux nominaux ». Comme le souligne le rapport, « si les taux nominaux d'un pays sont très élevés dans un environnement faible, il n'est plus crédible, voire audible, d'arguer que les taux effectifs sont faibles 6 ( * ) ».

Il y a bien ainsi un coût spécifique des systèmes fiscaux comme le nôtre qui combinent des taux nominaux élevés avec un grand nombre d'exceptions destinées à faire baisser la charge fiscale réelle :

- coût administratif d'abord, car un système complexe et coûteux tant pour l'administration qui le gère, que pour les agents économiques qui investissent du temps ou de l'argent dans l'optimisation fiscale ;

- coût en terme d'image , aussi, auprès des agents économiques tant extérieurs qu'intérieurs, - ce n'est d'ailleurs que récemment qu'a été systématiquement indiqué sur la feuille d'impôt le taux moyen d'imposition.

On ne saurait qu'approuver la formule du rapport selon laquelle « la concurrence fiscale est une guerre tout autant psychologique que rationnelle 7 ( * ) ».

Votre rapporteur général rappelle que la concurrence fiscale est loin de ne présenter que des effets négatifs :

- il convient de distinguer la concurrence pour la localisation des activités et de l'emploi , (qui fait entrer en jeu des facteurs structurels tels que la situation et la taille des marchés, l'importance du savoir faire, la qualité des infrastructures et des biens publics, le dynamisme de la recherche, etc.) de la concurrence pour la localisation des bases d'imposition, qui dépend, elle, des régimes fiscaux de chaque pays dans lesquels s'effectue le processus productif ;

- il est également souhaitable de faire la part entre une concurrence fiscale saine , en ce qu'elle oblige les pays à se montrer économes de prélèvements et donc de moyens publics, et une concurrence « prédatrice » qui incite à rogner sur toutes les dépenses publiques non directement utiles aux facteurs les plus mobiles.

A cet égard, il faut rappeler la distinction classique, mais fondamentale, relative au caractère mobile ou non des facteurs de production , telle que votre rapporteur général l'avait exposée dans un rapport déjà ancien 8 ( * ) .

Si la France est si peu compétitive sur le plan fiscal, c'est que son modèle se caractérise par une fiscalité hyper-concentrée sur les facteurs de production les plus mobiles , capital et compétences, qui sont aussi ceux dont le rôle dans la croissance apparaît aujourd'hui de plus en plus déterminant.

Sur le plan mondial, mais aussi au sein même de l'Union européenne, avec l'entrée des pays de l'Est européen, on assiste à une baisse de la fiscalité sur les assiettes les plus mobiles que sont les bénéfices des sociétés, le patrimoine des individus et les revenus des salariés disposant des compétences les plus recherchées.

L'interpénétration des économies s'accompagne d'un accroissement de la mobilité des individus qui risque de provoquer un phénomène de « nomadisme fiscalo-social » caractérisé par des changements de résidence selon les coûts et les bénéfices propres à chaque système fiscal national, le cas échéant variable suivant les âges de la vie.

Refonder notre modèle fiscal

La France est donc confrontée à un défi, qui menace directement les modalités actuelles de financement de son modèle social. Peut-elle réagir et mettre en place un système fiscal acceptable sur le plan politique, qui tienne compte des réalités économiques ?

Il lui faut trouver l'énergie politique pour concilier simplicité, efficacité et justice d'une part, équité horizontale et verticale 9 ( * ) , d'autre part. Il convient également de chercher à optimiser le système fiscal en termes de rationalité économique . Deux choses sont importantes, à cet égard :

- que les frais de collecte soit faibles ;

- et que l'impôt soit , du moins tant que les mécanismes du marché fonctionnent de façon satisfaisante, neutre , c'est-à-dire qu'il affecte le moins possible les choix des agents économiques.

La succession récente de réformes ayant pour but d'alléger la pression fiscale pesant sur les agents économiques, résulte d'une tentative pour suivre une tendance mondiale à l'abaissement des prélèvements sur les facteurs mobiles . Aussi nécessaire et légitime cette politique soit-elle, à court terme, il faut souligner qu'elle n'est pas forcément soutenable à long terme.

Le mouvement général de baisse des taux d'imposition semble irréversible . Toutefois, dès lors qu'il n'est pas suffisamment compensé par un élargissement des assiettes, il place la France dans une situation difficile : telle est la raison pour laquelle votre rapporteur général aurait préféré que l'on puisse éliminer les niches au lieu d'en plafonner les effets.

Participer de ce mouvement mondial de baisse des impôts sans avoir les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires, expose nos finances publiques à de graves dangers, à partir du moment où, sous toutes les majorités, se font jour des tentations d'allégements d'impôts non compensés.

En tout état de cause, il ne paraît guère possible d'abaisser durablement les impôts, quelle que soit la conjoncture, si les charges permanentes du secteur public ne sont pas réduites en conséquence.

L'augmentation de la dette résulte largement de cette asymétrie . Elle revient à financer à crédit des baisses d'impôt et à maintenir, en dépit des évolutions démographiques, une protection sociale, dont il faudrait se demander si l'on peut encore la financer , de façon quasi exclusive, au moyen de prélèvements obligatoires.

Cette problématique débouche naturellement sur une réflexion sur les assiettes taxables et les capacités contributives.

Il est tentant, prenant pour référence une « flat tax », d'alléger au maximum les impôts pesant sur les « assiettes mobiles » ; toutefois, imposer de moins en moins les plus-values à long terme ou la détention du patrimoine immobilier, contribue à concentrer encore davantage la charge des prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus courants du facteur de production le moins mobile, en l'occurrence le travail, au risque de pénaliser la compétitivité des entreprises.

Il n'est pas question ici de prétendre résoudre ces difficultés, mais simplement d'esquisser des problématiques qui permettront de mieux juger des réformes contenues dans le projet de loi de finances pour 2006, qu'il s'agisse de la redéfinition des relations entre l'Etat et les administrations de sécurité sociale ou du nouveau barème de l'impôt sur le revenu et des mécanismes de plafonnement dont il est assorti.

A cet égard, et même si le présent rapport d'information ne comporte pas de développements spécifiques sur ce sujet faute de disposer des éléments précis permettant d'effectuer des simulations, il est important de souligner que le plafonnement des prélèvements fiscaux que le gouvernement propose d'instaurer sous l'appellation de « bouclier fiscal », doit être conçu de la façon la plus large.

Votre rapporteur général est en mesure d'indiquer qu'il sera particulièrement attentif aux éléments qui seront pris en compte au numérateur comme au dénominateur de la fraction définissant le « bouclier fiscal ». Deux points peuvent à ce stade être tout particulièrement mis en avant : d'une part, il serait peu cohérent de ne pas prendre en compte la contribution sociale généralisée (CSG), qui constitue bien une imposition de toute nature ; d'autre part, il ne serait pas normal de faire figurer au dénominateur des revenus non taxables, tels que les plus-values exonérées en raison de la durée de détention de l'actif, dès lors que cela pourrait aboutir à taxer ce type de revenus au taux prévu par le « bouclier fiscal ». Enfin, il doit être clair que les revenus pris en compte au titre du plafonnement sont bien les revenus en numéraire des redevables et non les revenus en nature, issus, par exemple, de la jouissance de leur résidence principale.

A ce stade une mise au point s'impose. Cette approche n'est pas une mise en cause de la légitimité de l'impôt et de la dépense publique et encore moins l'amorce d'une « participation à la course au moins-disant fiscal ».

Des grands pays comme la France, l'Allemagne et l'Italie ont des avantages en termes de taille de marché et de qualité des infrastructures qui leur permettent de supporter des charges fiscales plus importantes. Ce qui compte, c'est que le rapport qualité/prix de la dépense publique soit attractif .

Un Etat peut se spécialiser sur la base d'un niveau élevé de biens publics et d'une fiscalité importante à la condition que la dépense publique soit efficace , et qu'un choix collectif soit explicitement exercé en ce sens. Tel est le défi que la LOLF va s'efforcer de relever à la condition que la volonté politique soit efficacement relayée par ceux qui, à tous les niveaux, ont la responsabilité de la mise en oeuvre des politiques publiques.

En d'autres termes, le débat sur le modèle fiscal est indispensable et, depuis de nombreuses années, votre commission espère y contribuer. Trop de choix lourds de conséquences résultent d'enchaînements administratifs ou de lâchetés collectives. Eclairer l'opinion sur les enjeux , permettre à nos concitoyens d'exercer leur droit de suffrage en toute connaissance de cause, telle est la première responsabilité d'une assemblée parlementaire . Le fait de poser chaque année de telles questions et d'interpeller aussi bien le gouvernement que l'opinion publique sur la cohérence et les conséquences de nos attitudes en matière de financement du secteur public par les prélèvements obligatoires est dont bien au coeur des missions relevant du Sénat de la République.

I. LE CONSTAT : LA PRESSION CONSTANTE DES DÉFICITS SOCIAUX

La part croissante des prélèvements sociaux ou affectés à la sécurité sociale dans l'ensemble de prélèvements obligatoires, les place naturellement au coeur d'une réflexion sur la maîtrise des dépenses publiques. L'instauration d'une loi de financement de la sécurité sociale en 1996 et tout récemment le vote de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, constituent à l'évidence un progrès.

Mais, du point de vue du budget de l'Etat , dont il convient de rappeler qu'il est le garant en dernier ressort de l'ensemble, on ne peut que s'inquiéter d'un système qui crée la confusion par suite de l'enchevêtrement des flux croisés et de l'arbitraire de la répartition des organismes entre administrations d'Etat et de sécurité sociale et qui empêche que se mettent en place des mécanismes de régulation faisant clairement la place à une logique de responsabilité.

A. LA FRANCE TOUJOURS DANS LE PELOTON DE TÊTE EN MATIÈRE DE TAUX DE PRÉLÈVEMENT

1. Les comparaisons internationales

Parmi les principaux pays de l'OCDE, la France est celui où la part des recettes publiques 10 ( * ) dans le PIB est la plus élevée .

La part des recettes publiques totales dans le PIB des principaux pays de l'OCDE

(en %)

Source : OCDE

Prélèvements obligatoires et recettes publiques

1. La notion de prélèvements obligatoires

Selon l'OCDE , les prélèvements obligatoires se définissent par un triple critère :

- les flux doivent correspondre à des versements effectifs (ce qui conduit à ne pas comptabiliser les régimes de retraites directs d'employeurs, ne comprenant pas de circuit effectif de cotisations, comme dans la fonction publique et certaines grandes entreprises) ;

- les destinataires des versements doivent être des administrations publiques (ce qui conduit à exclure, notamment, les versements à des ordres professionnels, ou à des sociétés mutualistes) ;

- les versements doivent être non volontaires, c'est-à-dire en particulier être caractérisés par l'absence de contrepartie immédiate.

Au sein de l'Union européenne, la notion de prélèvement obligatoire ne figure pas dans le système européen de comptabilité nationale (SEC 95). Les impôts et les cotisations sociales y sont cependant définis selon des critères précis et contraignants.

2. La notion de recettes publiques

La notion de recettes publique sse distingue de celle de prélèvements obligatoires par le fait qu'elle comprend, outre ceux-ci, des recettes qui correspondent à des versements considérés comme « volontaires ».

C'est le cas, en ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale, de certaines taxes ou cotisations professionnelles.

Dans le cas du budget de l'Etat, ne sont pas considérés comme des prélèvements obligatoires :

- certaines recettes qui sont la contrepartie d'un service rendu (redevance de télévision, amendes non fiscales, droits de timbre sur les passeports, cartes grises...) ;

- certaines recettes non fiscales.

Ainsi, en 2004 les recettes publiques correspondaient en France à 50,7 % du PIB, contre environ 45 % pour l'Allemagne et l'Italie, (qui sont dans la moyenne de la zone euro), 40 % pour l'Espagne et le Royaume-Uni, et 30 % pour le Japon et les Etats-Unis.

La situation de certains pays a connu des changements importants depuis 1980. Ainsi, l'Italie est passée d'un taux de 35 % en 1980 à un taux de 46 % en 2004. En sens inverse, le Royaume-Uni est passé d'un taux de 42 % en 1980 à un taux de 41 % en 2004. Le caractère modéré de cette diminution témoigne qu' il est plus facile d'accroître le poids des administrations publiques que de le réduire .

* 1 « Le sursaut Vers une nouvelle croissance pour la France ». La Documentation française. Paris, 2004.

* 2 Rapport d'information n° 389 (2003-2004) de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation budgétaire pour 2005.

* 3 Opus cité page 20.

* 4 Opus cité page 20.

* 5 Prolongeant l'analyse, on peut aussi se demander qui paie en définitive l'impôt. La théorie économique, qui n'est pas la réalité, laisse penser que les entreprises sont normalement en mesure de répercuter les impôts mis à leur charge sur les agents, consommateurs à travers des hausses de prix, ou épargnants à travers une moindre rémunération des apporteurs de capitaux

* 6 Opus cité page 32.

* 7 Opus cité page 34.

* 8 La concurrence fiscale en Europe : une contribution au débat. Rapport d'information n° 483 (1998-1999).

* 9 L'équité horizontale implique que deux personnes en situation identique soient traitées de la même façon, c'est le principe d'égalité de traitement ; l'équité verticale consiste à imposer plus les foyers fiscaux ayant les revenus les plus importants.

* 10 Le taux de recettes publiques prend en compte l'ensemble des recettes publiques. Certaines recettes ne sont pas considérées comme des prélèvements obligatoires. C'est le cas, en ce qui concerne la loi de financement de la sécurité sociale, de certaines taxes ou cotisations professionnelles, et, en ce qui concerne la loi de finances initiale, de certaines recettes non fiscales.

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