2. ... qui résulte pour beaucoup de l'importance des investissements « hors média »...

La grande majorité des investissements publicitaires échappe aux médias et s'oriente vers le « hors média » ce qui constituerait une singularité française dont le législateur n'a que récemment pris conscience.

a) L'importance particulière de la publicité « hors média » en France...

Ces indicateurs doivent toutefois être interprétés en tenant compte du fort développement de la publicité « hors média » en France .

En effet, globalement, les entreprises basées en France dépensent environ 30 milliards d'euros par an en actions de communication. Si la publicité, à proprement parler, n'absorbe de son côté qu'environ 10 milliards d'euros par an, la communication/promotion « hors média » 5 ( * ) , avec environ 20 milliards d'euros, représente traditionnellement les deux tiers de cette dépense.

LES DÉPENSES DE COMMUNICATION DES ANNONCEURS EN 2004

Secteur

Montants
(en millions d'euros)

Évolution 2004/2003
(en %)

Total cinq grands médias
(presse, télévision, affichage, radio, cinéma)

10 867

4

Annuaires (imprimés et électroniques)

1 079

6,5

Marketing direct

10 049

4,1

Promotion

4 823

1,5

Salons et foires

1 367

2,5

Parrainage

811

5

Mécénat : culture, solidarité et environnement (estimation)

350

2

Relations publiques

1 673

0,7

Achat d'espace Internet

179

Total frais médias

20 331

3,4

Total marché

31 198

3,6

Source : France Pub -IREP

Selon les experts, la forte ampleur des investissements publicitaires « hors média » représenterait une singularité française , qui s'expliquerait par une série de particularismes de marché, mais aussi, géographiques et réglementaires.

b) ... pose un problème au regard du financement des médias qui n'a pas vraiment été résolu

• Si les activités impliquées dans la production publicitaire « hors média » bénéficient de cette situation, c'est au détriment des ressources des médias et, plus globalement, de l'industrie des « biens culturels », dont une part importante du financement dépend des recettes de publicité.

Cette donnée n'a été que récemment prise en compte par le législateur .

La loi de finances initiale pour 1998 a créé un nouveau compte d'affectation spéciale, le compte 902-32, intitulé « fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale », financé par une taxe sur certaines dépenses de publicité, dite « taxe sur le hors média » , créée également en loi de finances pour 1998 par amendement parlementaire à l'Assemblée nationale, voté par le Sénat dans les mêmes termes.

Le financement du fonds de modernisation, qui accorde des aides budgétaires à la presse, provient d'une taxe de 1 % sur le « hors média » censée corriger « le transfert massif des publicités, recettes traditionnelles des médias, vers un autre secteur, le hors média » , selon les termes de l'auteur de l'amendement.

La taxe sur le hors média est due par toute personne physique ou morale assujettie à la TVA dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est supérieur un seuil. Elle est assise sur les dépenses engagées au cours de l'année civile précédente ayant pour objet la réalisation ou la distribution d'imprimés publicitaires, et les annonces et insertions publicitaires dans les journaux mis gratuitement à la disposition du public.

L'introduction de cette taxe avait suscité de grandes espérances du secteur de la presse. Son rendement annuel avait, à l'origine, été estimé à 60 millions d'euros , puis une étude réalisée par la direction du développement des médias l'a estimé à 45 millions d'euros.

En réalité, le produit effectif de cette taxe n'a jamais été supérieur à 27 millions d'euros . En 2002 et 2003, les recettes réellement perçues au titre de cette taxe ont même été inférieures de près de 10 % aux montants prévus en loi de finances initiale.

RENDEMENT DE LA TAXE SUR LE HORS MÉDIA

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Recettes

21,46

23,96

24,82

27,02

26,817

26,69

Source : Agence comptable centrale du Trésor

Dans un rapport 6 ( * ) réalisé par M. Paul Loridant , au nom de la commission des finances du Sénat, celui-ci indique que, par lettre en date du 18 novembre 2002, le ministre de la culture et de la communication avait saisi le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire afin que soit diligentée une mission de l'Inspection générale des Finances « pour analyser les raisons du décalage important entre les ressources attendues au regard de la base taxable et le produit effectif de cette taxe et proposer les modalités susceptibles d'être mises en oeuvre pour améliorer le recouvrement de cette taxe ou le contrôle de son recouvrement » . Il est remarqué qu' aucune suite ne semble pour l'instant donnée à cette demande , malgré un nouveau courrier en ce sens envoyé par le ministre de la culture et de la communication en mars 2004.

Votre rapporteur souhaite que le débat sur la contribution de la publicité « hors-média » au financement des « industries culturelles » soit ouvert en toute sérénité .

Le rapporteur de la commission des finances doute, au regard des analyses fournies par la direction générale des impôts, ...que le moindre produit perçu par rapport à ce qui avait été envisagé par la direction du développement des médias tienne aux défauts du recouvrement opéré par les services fiscaux. Il considère que cette taxe porte en elle ses propres complications. Au regard de la théorie fiscale, elle cumule deux inconvénients majeurs : assiette « pointue » et nombre de redevables potentiels très élevé.

Plus fondamentalement, le rapporteur spécial exprime ses doutes sur l'opportunité de faire financer par le hors média la modernisation d'un secteur (la presse) dont la fragilité économique tient à des facteurs bien plus profonds que la seule concurrence du hors média dans l'investissement publicitaire.

Le présent rapport se gardera bien d'entrer dans le détail de la technique fiscale en laquelle excelle notre commission des finances. Toutefois, il est probablement discutable de récuser un instrument sur la seule base de sa perfectibilité technique .

Sur le fond, l' objectif poursuivi , qu'a partagé en son temps la Haute Assemblée est de modifier la distribution « naturelle » des recettes publicitaires au profit de la presse . Cet objectif correspond à une volonté politique d'aider celle-ci et , in fine , de préserver son pluralisme . Le moyen employé ne parait pas manifestement inadapté à votre rapporteur qui s'interroge sur l'opportunité d'en élargir la portée .

Au demeurant, la « recette » n'est pas particulièrement innovante. Ainsi, les recettes publicitaires des chaînes de télévision sont prises en compte dans l'assiette de prélèvements affectés à des soutiens à des secteurs de la production culturelle (le cinéma et la production audiovisuelle). De ces prélèvements qui sont effectués selon un taux supérieur à celui de la taxe sur le hors média, les dépenses de promotion « hors média » sont exempts, ce qui représente une sorte d'inégalité de traitement, et un étrécissement sans logique de l'assiette, qui ne manque pas de laisser perplexe compte tenu de l'ambition des objectifs de notre politique publique culturelle et de la relative modicité de ses moyens.

Dans ce domaine, comme dans tous les autres domaines de l'action publique, un devoir de cohérence doit s'appliquer qui commande, à tout le moins, de dégager les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs qu'on se fixe .

• Au demeurant, le processus de déréglementation en cours de la publicité télévisée pourrait faire bouger les lignes. L' une des explications au développement des dépenses publicitaires dans le « hors média » tient dans l'existence de contraintes réglementaires fortes sur la publicité , notamment sur la publicité télévisée , et à l'absence d'une gamme suffisamment vaste de supports médiatiques pour toucher, qualitativement et quantitativement, les cibles des campagnes promotionnelles.

Si cette analyse devait être fondée, on peut attendre de la déréglementation de la publicité , et de la diversification des médias , en particulier des médias locaux (avec notamment les télévisions locales), une redistribution du marché publicitaire, du « hors média » vers les industries médiatiques et culturelles. L'ouverture de la publicité aux secteurs interdits devrait d'ailleurs se traduire par un tel phénomène (v. infra) , mais de façon limitée compte tenu des conditions restrictives de cette ouverture.

Ce phénomène de transfert pourrait atténuer les reports de ressources entre les médias eux-mêmes , qui sont redoutés par les adversaires de la libéralisation de la publicité télévisée .

* 5 Annuaires, marketing direct, promotion sur le lieu de vente, salons et foire, parrainage et mécénat, relations publiques.

* 6 « Jusqu'où aider la presse » - Rapport n° 406 (2003-2004), par M. Paul Loridant, Commission des Finances, Sénat.

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