3. Des mesures de nature à assurer une plus grande transparence et à encourager le recours aux procédures de traitement amiable

Au-delà des ajustements susceptibles d'assurer une meilleure cohérence du dispositif existant, les mécanismes de traitement amiable des difficultés des entreprises pourraient voir leur crédibilité renforcée par une amélioration de leur transparence. Le rapport d'expertise envisage par ailleurs des mesures de nature à inciter le dirigeant à engager collectivement le dialogue avec les créanciers dans le cadre des procédures amiables et une ouverture du champ du règlement amiable aux cas de cession et de liquidation lorsque la situation permet encore le désintéressement des créanciers.

a) Améliorer la transparence sans compromettre la souplesse et la confidentialité qui caractérisent les mécanismes de traitement amiable

Afin de clarifier les conditions d'intervention du mandataire ad hoc et du conciliateur et de conforter leur crédibilité face aux critiques qui ont pu être formulées, le document de travail élaboré par la Chancellerie, dans la perspective de la réforme de la législation sur les procédures collectives, propose d'instaurer de nouvelles garanties pour assurer leur indépendance et d'accroître le rôle du parquet.

Il est tout d'abord envisagé de créer de nouvelles incompatibilités et d'imposer aux mandataires ad hoc et aux conciliateurs la souscription d'une assurance garantissant leur responsabilité civile professionnelle. Au cours des cinq années suivant la fin de l'exercice de son mandat un juge consulaire ne pourrait pas exercer les fonctions de mandataire ad hoc ou de conciliateur. De même, une incompatibilité temporaire de deux ans interdirait l'exercice de ces fonctions à toute personne ayant rempli une mission rémunérée pour le compte de l'entreprise concernée. Enfin, et alors que l'article 27 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 23 ( * ) relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise dispose que « la même personne ne peut exercer successivement les fonctions de conciliateur puis de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises avant l'expiration d'un délai d'un an lorsqu'il s'agit d'une même entreprise », il serait prévu de recueillir l'avis du parquet avant toute nomination, comme organe de la procédure collective, d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur .

Si ces mesures, dans leur principe, sont de nature à garantir que le mandataire de justice aura une vision objective de la situation et ne sera pas « trop engagé au profit des intérêts du débiteur », les délais prescrits paraissent cependant quelque peu excessifs comparés au délai d'un an résultant de l'article 27 de la loi du 25 janvier 1985 susvisé. Concernant l'incompatibilité entre ces fonctions et celles de juge consulaire en particulier, il semblerait en outre pertinent d'intégrer le fait que l'affaire en cause relève ou non du ressort du tribunal dans lequel le juge concerné exerçait ses fonctions.

Par ailleurs, la proposition de définir plus précisément dans la loi la mission du conciliateur en vue de la taxation de sa rémunération paraît d'une opportunité discutable. En effet, le législateur a volontairement défini de façon très large l'objet de cette mission 24 ( * ) , son contenu étant laissé à l'appréciation du président du tribunal qui statue en fonction de chaque situation concrète. Le succès des procédures amiables, lorsqu'elles sont mises en oeuvre, s'expliquant en grande partie par leur souplesse, il est impératif de ne pas introduire, par souci de précision, des rigidités dans le dispositif . Dès lors, et comme le fait valoir le rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris 25 ( * ) , il apparaît délicat d'établir un barème de rémunération qui puisse s'appliquer à toutes les interventions, le principe amiable s'accommodant mal, au demeurant, d'un système d'honoraires imposés.

Notons qu'en vertu de l'article 37 de la loi du 1 er mars 1984 26 ( * ) il est déjà prévu que « le président du tribunal fixe en accord avec le demandeur les conditions de rémunération du conciliateur ». Afin de prévenir certaines dérives et de renforcer le contrôle des rémunérations perçues par ces mandataires, il serait cependant envisageable de prévoir qu'à défaut d'accord du débiteur ou en cas de dépassement survenant pendant le déroulement de la mission, le montant de la rémunération serait fixé par ordonnance du président du tribunal. Un contrôle de la rémunération du mandataire ad hoc par le président du tribunal pourrait également être prévu à l'occasion de la définition de la mission de celui-ci. Par ailleurs, et en dépit de l'absence de formalisme qui doit continuer à caractériser le mandat ad hoc , il paraîtrait justifié d'exiger du mandataire qu'il rende compte du déroulement de la mission qui lui a été confiée au président du tribunal qui l'a désigné.

S'agissant du parquet , s'il est concevable d'élargir ses possibilités d'intervention dans les procédures préventives, cela ne doit pas conduire à remettre en cause leur caractère largement informel, gage de leur efficacité.

Il convient à cet égard, afin de ne pas dissuader les chefs d'entreprise de recourir au mandat ad hoc , d'éviter une immixtion du parquet. Plus informelle que le règlement amiable, cette procédure doit rester dominée par la plus grande discrétion. Une exception pourrait cependant être admise pour les sociétés cotées, l'information du parquet étant alors justifiée par l'existence d'un intérêt public économique.

En revanche, certaines informations pourraient être rendues accessibles au parquet dans le cadre de la procédure de règlement amiable , en particulier celles lui permettant de s'assurer du respect des règles déontologiques ou de vérifier que l'entreprise ne se trouve pas en situation de cessation des paiements. Précisons qu'en vertu de l'article 38 du décret du 1 er mars 1985 pris pour l'application de la loi du 1 er mars 1984, l'ordonnance du président du tribunal statuant sur l'homologation de l'accord amiable est communiquée au procureur de la République.

Comme le suggère la Chambre de commerce et d'industrie de Paris 27 ( * ) , l'ensemble du dossier relatif au mandat ad hoc ou au règlement amiable pourrait être communiqué au parquet en cas d'ouverture ultérieure d'une procédure collective.

L'intervention du parquet dans les mécanismes de traitement amiable des difficultés des entreprises serait ainsi renforcée tout en demeurant strictement limitée afin de préserver le caractère informel et la confidentialité, gages d'efficacité, qui doit continuer à entourer ces procédures. Ce principe du secret, déjà inscrit dans les textes en ce qui concerne le règlement amiable 28 ( * ) , devrait d'ailleurs également être formellement mentionné dans la loi pour le mandat ad hoc .

b) Rendre les procédures amiables plus attractives et étendre leur champ d'application

Le rapport d'expertise 29 ( * ) envisage certaines mesures devant inciter le chef d'entreprise à recourir au règlement amiable et, par ailleurs, propose un dispositif très novateur tendant à instituer « un régime de liquidation ou de cession amiables de l'entreprise, sous contrôle judiciaire ».

(1) Les mesures proposées par le rapport d'expertise pour inciter le débiteur à recourir au règlement amiable

Afin de rendre le règlement amiable plus attractif, il est suggéré de prévoir que « l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires intervenant après échec, faute d'accord conclu avec les créanciers, d'un règlement amiable ou après résolution pour inexécution de l'accord résultant d'un règlement amiable ne pourra donner lieu à la fixation d'une date de cessation des paiements antérieure à l'un ou à l'autre de ces événements, sauf fraude ou mauvaise foi du débiteur ». Il fait valoir que le chef d'entreprise trouverait dans un tel dispositif « un avantage évident sur le plan personnel au regard d'une éventuelle action en paiement des dettes sociales ou tendant au prononcé de sanctions personnelles » et que « les tiers y trouveraient, quant à eux, également avantage au regard d'une éventuelle recherche de responsabilité pour soutien abusif (...) ainsi qu'au regard des dispositions sur les nullités de la période suspecte ».

Si ce type de dispositif est sans nul doute, à première vue, de nature à encourager vivement le chef d'entreprise à demander l'ouverture d'un règlement amiable et à favoriser la conclusion d'un accord, il semble qu'il présente également un certain nombre d'incertitudes et de risques.

Le dispositif envisage deux hypothèses : celle où la procédure de règlement amiable a été engagée mais a échoué et celle où, un accord amiable ayant été conclu, il fait l'objet d'une résiliation pour inexécution.

Dans l'hypothèse où la procédure de règlement amiable ne parviendrait pas à son terme , la date de la cessation des paiements déterminée par le tribunal ne pourrait remonter dans le temps avant celle où l'échec serait constaté. Cela aurait pour effet de limiter la durée de la période suspecte qui, correspondant à la période s'écoulant entre la cessation des paiements et le jugement d'ouverture de la procédure collective, est actuellement plafonnée à dix-huit mois par l'article 9 de la loi du 25 janvier 1985 30 ( * ) .

Or, l'échec peut être imputable aux créanciers comme au débiteur, l'imputabilité étant difficile à établir. Ce dernier ayant seul la faculté de demander l'ouverture d'un règlement amiable, le dispositif lui donne en conséquence la possibilité de se prémunir contre la remise en cause d'actes qui auraient été passés pendant les pourparlers menés en vue de la recherche d'un accord. Lorsque le conciliateur n'a pas demandé la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un administrateur judiciaire, chargés d'assister le dirigeant dans sa gestion ou de se substituer à lui, rôle qui ne peut être assumé par le conciliateur lui-même, les actes ainsi passés sont susceptibles d'aggraver la situation de l'entreprise et, en cas d'ouverture d'une procédure collective, de compromettre le redressement de l'entreprise au détriment, in fine , des tiers créanciers. Les tiers ne participant pas aux pourparlers paraissent exposés à un risque encore plus grand dès lors qu'en l'absence de suspension provisoire des poursuites prononcée par le président du tribunal à la demande du conciliateur les pourparlers restent secrets.

Sans commettre d'acte susceptible d'être ultérieurement qualifié de fraude, le débiteur peut être tenté d'utiliser la voie ainsi ouverte à des fins dilatoires ; en outre, sa mauvaise foi, qui l'empêcherait de bénéficier de la protection résultant de la limitation de l'antériorité de la période suspecte, risque de ne pas être aisée à prouver.

Par ailleurs, la détermination de la date du constat d'échec n'est pas évidente sauf à la faire coïncider avec le terme de la durée de la mission confiée au conciliateur pour rapprocher les parties. Enfin, on constate que bien souvent l'échec débouche sur le dépôt de bilan du fait de la survenance de l'état de cessation des paiements : en pareil cas, l'avantage offert par le dispositif s'annule, sauf à reconnaître que la cessation des paiements correspondait déjà à un état avéré, ce qui revient à légitimer le non respect de l'obligation de procéder au dépôt de bilan dans les quinze jours de la cessation des paiements.

Dans la seconde hypothèse , celle où une procédure collective serait ouverte après résolution pour inexécution de l'accord conclu dans le cadre du règlement amiable , la date de la cessation des paiements déterminée par le tribunal ne pourrait remonter dans le temps avant celle du prononcé par le tribunal de cette résolution.

Là encore, le plus souvent, la résolution constitue le prélude à l'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire, soit que la résolution résulte de la non exécution d'un engagement financier tel que le non respect d'une échéance fixée par l'accord - l'ouverture de la procédure est alors obligatoire même lorsque le manquement n'est pas révélateur d'un état de cessation des paiements, ce qui est d'ailleurs rarement le cas -, soit que la résolution résulte d'un manquement d'une autre nature qui provoque la cessation des paiements - ce qui est fréquent car la résolution entraîne la déchéance de tous les délais de paiement prévus par le règlement amiable ou accordés par le tribunal. Ici aussi, fixer comme butoir la date du prononcé de la résolution paraît constituer en définitive un maigre avantage.

Pour cet ensemble de raisons, le dispositif proposé n'apparaît pas opportun.

Hormis ces mesures destinées à accroître le caractère attractif du règlement amiable , le rapport d'expertise suggère d'inciter le débiteur à y recourir en faisant de son refus, qui ne serait pas justifié par une « raison valable », une faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 31 ( * ) .

Cette proposition paraît peu compatible avec le caractère facultatif du recours à la procédure du règlement amiable, laissé à la seule diligence du débiteur. En effet, ni les créanciers extérieurs, ni les salariés, ni le ministère public ne peuvent intervenir et le tribunal ne peut pas se saisir d'office. Seules les entreprises agricoles connaissent un régime différent, les créanciers disposant d'un droit d'initiative concurrent (article L. 351-2 du code rural). Parler de refus supposerait que la proposition d'engager un règlement amiable puisse émaner d'une autre personne, et donc de modifier sur ce point le droit en vigueur.

Cependant, ériger le refus du débiteur qui ne serait pas dûment justifié en une faute de gestion reviendrait en réalité à faire du règlement amiable un préalable obligatoire . En outre, la notion de « raison valable » , susceptible de fonder valablement un refus, paraît d'une portée incertaine et constituerait une source d'insécurité juridique pour le débiteur, laissant en réalité toute latitude d'appréciation au juge. Cela est difficilement admissible lorsqu'on mesure les conséquences qui peuvent en résulter pour le débiteur.

Les différentes solutions préconisées par le rapport d'expertise pour rendre le recours à la procédure de règlement amiable plus attractif, de prime abord séduisantes, semblent donc en définitive devoir être écartées.

(2) Une solution novatrice : l'institution d'une procédure de cession ou de liquidation amiable sous contrôle judiciaire

Partant de l'idée selon laquelle « entre les choix exercés en toute liberté et indépendance par le débiteur ne connaissant pas de sérieuses difficultés et la nécessaire intervention judiciaire contraignante au cas de cessation des paiements, des degrés pouvaient être institués pour répondre aux situations révélées par la pratique », le rapport d'expertise fait valoir que « le surendettement d'une entreprise, sans atteindre le seuil comptable critique de la cessation des paiements (...), s'il compromet la continuité de l'exploitation, devrait permettre, à la demande du débiteur, par analogie avec le règlement amiable, l'ouverture d'une liquidation amiable sous contrôle judiciaire ou même une cession amiable d'entreprise, mais judiciairement contrôlée » 32 ( * ) .

Le critère caractérisant la situation de l'entreprise susceptible de faire l'objet d'une cession ou d'une liquidation amiables sous contrôle judiciaire serait identique à celui qui est retenu pour l'ouverture d'un règlement amiable : la constatation de besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise.

Le débiteur aurait ainsi la faculté de demander au tribunal de désigner « un mandataire qui l'assisterait ou même le représenterait pour planifier la liquidation ou la cession amiables de son entreprise et le paiement de ses créanciers », tous les créanciers devant être désintéressés .

Pareille proposition, qui ouvre de nouveaux horizons aux issues amiables lorsque la situation de l'entreprise n'est pas encore trop dégradée, tend à éviter le traumatisme attaché au dépôt de bilan pour le débiteur tout en préservant intégralement les intérêts des créanciers . Ces formules s'adresseraient, selon le rapport d'expertise, aux débiteurs de bonne foi « quelque peu dépassés par les événements » et auraient pour ambition de « modifier l'attitude des repreneurs potentiels qui, actuellement, attendent la déclaration de cessation des paiements pour se manifester quand ils ne la provoquent pas directement ou indirectement ».

La liquidation amiable sous contrôle judiciaire :

Il existe aujourd'hui déjà une procédure de dissolution-liquidation des sociétés , s'appliquant dans les cas visés à l'article 1844-7 du code civil (expiration de la période pour laquelle la société a été constituée, extinction de son objet, annulation du contrat de société, dissolution anticipée décidée par les associés, dissolution prononcée par le tribunal pour justes motifs tels que l'inexécution de ses obligations par un associé ou la mésentente paralysant le fonctionnement de la société, dissolution demandée à la suite de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main, dissolution pour une cause prévue par les statuts) et dont le régime juridique est fixé par les articles 1844-8 et suivants du code civil et par les articles 390 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales désormais codifiée au livre II du code de commerce.

La durée des opérations de liquidation est limitée à trois ans ; le liquidateur, en principe nommé selon la procédure définie par les statuts ou, à défaut, par les associés ou encore par décision de justice, n'est pas nécessairement un mandataire de justice. Le liquidateur, qui se substitue aux organes de direction et exerce les pouvoirs de gestion et de représentation, dresse un inventaire de l'actif et du passif. Au fur et à mesure des opérations de liquidation, il règle les créanciers « au prix de la course », sans être tenu de respecter un ordre de priorité quelconque. L'état estimatif doit cependant lui permettre de vérifier que les fonds sont suffisants pour désintéresser tous les créanciers car si tel n'est pas le cas il doit procéder au dépôt de bilan. Lorsqu'il existe un boni de liquidation, il est en principe réparti entre les associés proportionnellement à leurs droits.

Cependant, le régime fiscal applicable en cas de dissolution d'une société prospère relevant de l'impôt sur les sociétés est très dissuasif ce qui conduit souvent à préférer une mise en hibernation : en effet, la société doit acquitter l'impôt sur les sociétés calculé sur le résultat de liquidation, lequel prend en compte notamment la cession globale des stocks et la reprise des provisions antérieurement constituées, auquel il faut ajouter les plus-values sur cessions d'immobilisations ; elle doit également acquitter le précompte, au taux de 33,1/3 %, qui s'applique aux sommes non soumises à l'impôt sur les sociétés telles que les réserves de plus-values à long terme. En outre, le boni de liquidation est imposé comme les dividendes, avec application du régime de l'avoir fiscal.

A côté de ces procédures, le rapport d'expertise 33 ( * ) propose d'instituer une liquidation amiable sous contrôle judiciaire à la demande du débiteur lorsque les besoins ne peuvent être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise.

Le régime juridique applicable résulterait de la transposition des dispositions de la loi du 24 juillet 1966 et de celles du nouveau code de procédure civile (articles 1281-1 à 1281-12) pour les modalités de distribution des deniers.

Un ou plusieurs liquidateurs seraient désignés par le président du tribunal, seraient investis d'une mission de conseil, d'assistance, de gestion ou de représentation selon le cas et devraient dresser un inventaire estimatif de l'actif et du passif puis désintéresser les créanciers si les fonds sont suffisants. La durée des opérations serait limitée à trois mois, sauf prolongation accordée par le président du tribunal si la situation le justifie. La déclaration des créances devrait intervenir dans le délai d'un mois à compter de l'avis adressé aux créanciers, sous peine de déchéance du droit de participer à la distribution des deniers consignés, sans que cette déchéance ait pour effet d'éteindre la créance toujours susceptible d'être recouvrée par les procédures de droit commun. En cas de désaccord sur la répartition, après une tentative de conciliation, le juge pourrait être saisi, le jugement de répartition étant alors notifié à la Caisse des dépôts et consignations pour paiement des créanciers dans un délai de quinze jours.

Une telle proposition paraît séduisante dans la mesure où elle est de nature à préserver à la fois les intérêts du débiteur, qui n'aura pas à subir une procédure collective s'il prend l'initiative d'engager la procédure à un moment où la situation de l'entreprise est encore suffisamment saine, et ceux des créanciers qui, par hypothèse, doivent être intégralement désintéressés, la procédure se déroulant sous le contrôle du juge. En outre, à la différence de la procédure susvisée de dissolution-liquidation, son champ serait plus large : pourraient en bénéficier à la fois les personnes physiques et les personnes morales relevant de la loi du 25 janvier 1985 .

Son instauration suppose cependant que le coût fiscal d'une telle opération ne soit pas rédhibitoire : il conviendrait donc d'instaurer un régime d'imposition favorable, le rapport d'expertise faisant valoir à juste titre que « le manque à gagner immédiat serait largement compensé par la disparition de pertes en cascade ultérieurement déductibles du bénéfice imposable des partenaires de l'entreprise et l'apparition de créances fiscales sur le débiteur qui seraient réellement recouvrables ».

La cession amiable judiciairement assistée :

La procédure de cession amiable judiciairement assistée proposée par le rapport d'expertise 34 ( * ) pourrait avoir pour objectif soit une restructuration de l'activité de l'entreprise soit sa cession globale à un moment où, bien qu'éprouvant des difficultés sérieuses susceptibles d'obérer son avenir, la société concernée est encore in bonis .

Si rien n'interdit à ce jour au chef d'entreprise se trouvant dans ce type de situation de céder une branche d'activité, une unité de production ou son fonds de commerce, une telle opération est rarement menée à bien en temps utile car celui-ci forge généralement l'espoir de redresser ladite situation, laisse s'écouler un temps précieux permettant le développement de la spirale de l'endettement et, outre les freins psychologiques favorisant l'inertie, redoute les difficultés qui jalonnent une telle entreprise souvent complexe.

Aussi le possible recours à un mandataire serait-il de nature à l'inciter à réagir plus tôt pour envisager une opération de cession. Ce professionnel pourrait être chargé d'assister le chef d'entreprise dans le but de faire le point de la situation de l'entreprise, de définir les mesures devant remédier aux difficultés rencontrées et de vérifier qu'elles permettent de désintéresser intégralement les créanciers , de susciter des offres de reprise, de négocier le contrat de cession et de veiller à sa mise en oeuvre.

Afin de garantir la transparence de la procédure, celle-ci se déroulerait sous le regard du juge , le débiteur restant cependant seul maître des décisions à prendre. Le juge pourrait être ainsi conduit, à la demande du débiteur ou de son mandataire, à veiller au caractère sérieux des offres ; il pourrait également contrôler que l'initiative prise par le débiteur ne constitue pas une manoeuvre dilatoire. Le recours à cette procédure n'étant possible, par hypothèse, que lorsque les mesures envisagées permettent le désintéressement complet des créanciers, cela justifie que le débiteur reste seul à prendre les décisions correspondantes, le principe de la liberté du commerce conservant dans ce contexte toute sa portée.

Le succès et l'efficacité d'une telle procédure, qui correspond d'ailleurs à une pratique développée par certaines juridictions commerciales les plus avancées en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, seraient cependant subordonnés à la mise en place d'un véritable marché des offres de reprise dont la fluidité serait la meilleure garantie d'une réelle transparence. Comme cela a été préconisé par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris dans un rapport de 1997 élaboré par sa commission juridique 35 ( * ) en matière de procédures collectives, il paraîtrait nécessaire d'organiser un système centralisé de consultation des affaires à céder de nature à renforcer le jeu de la concurrence et à optimiser les conditions de reprise.

*

Outre le renforcement de la prévention et des mécanismes amiables, le traitement judiciaire des difficultés des entreprises appelle un certain nombre d'ajustements et de correctifs. En effet, essentiellement liquidatives, les procédures collectives ont bien souvent un coût et une durée disproportionnés eu égard à la situation en cause. Sans bouleverser l'équilibre défini en 1994, certaines clarifications pourraient permettre de mieux prendre en compte la réalité économique.

*

* 23 Ces dispositions figurent désormais à l'article L. 812-8 du code de commerce.

* 24 En vertu de l'article 35 de la loi du 1 er mars 1984, « le président du tribunal détermine la mission du conciliateur, dont l'objet est de favoriser le fonctionnement de l'entreprise et de rechercher la conclusion d'un accord avec les créanciers ».

* 25 Rapport précité, page 22.

* 26 Ces dispositions figurent désormais à l'article L. 611-5 du code de commerce.

* 27 Rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris sur la réforme du droit des entreprises en difficulté, op. cit., page 24.

* 28 Aux termes de l'article 38 de la loi du 1 er mars 1984, « toute personne qui est appelée au règlement amiable ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal ».

* 29 Rapport d'expertise, annexe 2, pages 67 à 70.

* 30 Ces dispositions figurent désormais à l'article L. 621-7 du code de commerce.

* 31 Article 180 alinéa 1 er : « Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ». Cet article correspond désormais à l'article L. 624-3 du code de commerce.

* 32 Rapport d'expertise, annexe 2, page 70.

* 33 Rapport d'expertise, annexe 2, pages 70 et suivantes.

* 34 Rapport d'expertise, annexe 2, pages 75 à 77.

* 35 Rapport présenté par M. Jean Courtière au nom de la commission juridique et adopté en assemblée générale le 24 avril 1997 intitulé « Procédures collectives : améliorer les cessions d'actifs », pages 17 et suivantes.

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