B. ASSURER LA TRANSPARENCE DES COMPTES

1. Améliorer le suivi de la loi de financement

a) Il est nécessaire de relancer la réforme comptable

L'application du principe de comptabilisation en droits constatés aux opérations des organismes de la sécurité sociale constitue pour la Cour des comptes " un progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la sécurité sociale- dont il importe de souligner l'importance " 16( * ) .

Les considérations du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale relatives à l'application de la réforme sont nettement moins enthousiastes 17( * ) .

Les deux principes de comptabilisation

Une comptabilité en encaissements - décaissements consiste à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées (prestations).

Pour résumer, une comptabilité en encaissements - décaissements est une comptabilité de trésorerie.

Une comptabilité en droits constatés consiste à rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir (créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).

Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une comptabilité de créances et de dettes.

Avant la réforme, les comptes des caisses du régime général étaient en encaissements-décaissements. Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines opérations, la technique des droits constatés (exemple de certaines avances ou compensations de l'Etat).

En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies d'assurance étaient déjà en droits constatés.

La réforme des droits constatés : histoire et avantages

L'histoire de la réforme des droits constatés montre une certaine unanimité des acteurs ; de plus, les avantages du principe des droits constatés sont bien réels.

En 1990, M. Claude Evin, alors ministre de la Solidarité, a demandé à un groupe de travail interministériel, placé sous la responsabilité d'un expert comptable, M. Robert Mazars, d'étudier la comptabilité et les conditions de consolidation des comptes de la sécurité sociale. Le rapport Mazars -rendu public en décembre 1990 par M. René Teulade- a formulé un certain nombre de propositions, parmi lesquelles l'adoption du principe des droits constatés. A la suite du rapport Mazars, tant les rapports de la Cour des comptes, rendus chaque année au Parlement à la suite de la loi de 1994, que les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale ont plaidé pour la mise en oeuvre rapide de cette réforme.

Un groupe de travail 18( * ) , associant les administrations de l'Etat et les représentants a été constitué en 1994. Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996, a officialisé la comptabilisation en droits constatés dans les organismes du Régime général à compter du 1 er janvier 1996.

Puis, il a été décidé d'appliquer la réforme dans les autres régimes à partir du 1 er janvier 1997. Trois décrets du 18 mars 1997 ont étendu le principe des droits constatés aux organismes d'assurance maladie et maternité des travailleurs salariés des professions non agricoles, aux organisations d'assurance vieillesse de ces professions (ORGANIC, CANCAVA et CNAVPL notamment) et aux organismes tels que la Caisse mutuelle d'assurance maladie des cultes (CAMAC), la Caisse mutuelle d'assurance vieillesse des cultes (CAMAVIC), la Caisse des français à l'étranger (CFE), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) ou la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANMSS). Enfin, un décret du 31 mai 1997 étend le principe au régime agricole.

La réforme des droits constatés est ainsi une réforme qui s'est poursuivie sur un certain nombre d'années, sous des ministres différents. Les avantages attendus sont, en effet, importants :

Les avantages attendus de la réforme des droits constatés

Le mécanisme des droits constatés en matière de sécurité sociale présente -pour la Cour des comptes- quatre avantages :

1) Un résultat indépendant des événements venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des prestations ;

2) Une étape importante vers l'harmonisation des comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des régimes ;

3) Un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les régimes complémentaires et les mutuelles ;

4) Une transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.

La mise en oeuvre de la réforme elle-même ne semble pas poser de problèmes majeurs, contrairement aux craintes émises en 1994.

Ces craintes pouvaient se justifier. Un organisme de sécurité sociale n'est pas une entreprise privée. La définition d'un fait générateur -qui va de soi dans le cadre d'une activité lucrative- apparaît beaucoup plus complexe. La notion de résultat est beaucoup moins pertinente.

Grâce à l'opiniâtreté et au pragmatisme du groupe de travail, grâce aux efforts réalisés par les agents comptables, des réponses ont été apportées aux deux principales questions, à savoir la définition des faits générateurs et les modalités de rattachement à l'exercice. Des applications informatiques de comptabilité, lourdes à faire évoluer, sont en train d'être modifiées pour tenir compte de la réforme.

Le bilan de la réforme apparaît aujourd'hui décevant par rapport aux espoirs affichés

Le groupe de travail s'est vu confier, par lettre du 12 novembre 1997, quatre nouveaux objectifs :

1. veiller à la mise en oeuvre de la réforme ;

2. s'engager dans la voie de l'homogénéisation des pratiques comptables ;

3. accélérer la sortie des comptes ;

4. réfléchir à la suppression à terme aussi proche que possible de la présentation des comptes en encaissement/décaissement.

La poursuite de la mission du groupe de travail placé sous l'autorité de M. Alain Déniel montre que le bilan de la réforme, eu égard aux avantages attendus, est plus que nuancé. L'année 1998 est venue confirmer cette impression : alors que la méthode de comptabilisation en droits constatés devait éviter normalement les trop longues périodes complémentaires, les comptes des régimes sociaux pour 1997 ont été remis avec beaucoup de retard. Les comptes 1997 de la CNAF, par exemple, ont été approuvés le 9 septembre 1998.

Deux ans après l'application de la réforme pour le régime général et un an après l'extension de cette réforme, trois questions principales sont apparues, qui avaient été probablement sous-estimées :

- La question du basculement

Les résultats 1996, 1997 et 1998 du régime général sont présentés à la fois en droits constatés et en encaissements/décaissements, afin de garantir la continuité des informations comptables. En effet, les lois de financement pour 1997 et 1998 ont été votées en encaissements/décaissements. Il a donc été nécessaire de reconstruire des comptes en encaissements/décaissements à partir de comptes originaux en droits constatés, ce qui est incontestablement une source de complication supplémentaire et de retard pour la fourniture des comptes. Les incertitudes statistiques dont fait part le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1998 trouvent pour une bonne part leur source dans cette reconstruction.

Il est possible d'apprécier les différences de déficit entre le système des encaissements/décaissements et le système des droits constatés :

Solde du régime général

1996

1997

Encaissements/décaissements

- 53

- 33

Droits constatés

- 56

- 24

en milliards de francs

La date du basculement a été fixée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il faut espérer que la réforme puisse être mise en oeuvre à temps par les régimes spéciaux.

- La question des relations financières Etat-sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont nombreuses, complexes et financièrement lourdes.

Si l'Etat tient une comptabilité générale en droits constatés, celle-ci n'est guère utilisée. L'Etat reste dans une logique de caisse -dépendant de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959- pour sa comptabilité budgétaire. Le régime de retraite des fonctionnaires et le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) restent ainsi en encaissements/décaissements.

- La question de l'harmonisation des comptes

La réforme des droits constatés ne semble pas avoir été l'occasion d'une harmonisation des comptes. Il est d'ailleurs légitime de se demander si la réforme de l'organisation comptable n'aurait pas dû précéder la réforme des droits constatés.

La comptabilité des organismes de sécurité sociale ne permet pas ainsi :

- de mettre en évidence des opérations réciproques entre les organismes et de procéder à leur élimination ;

- de comptabiliser les transferts entre régimes de manière homogène.

Les pistes de réforme

A la lecture des actes d'un colloque consacré à ce sujet le 15 mai 1997 19( * ) , des rapports de la Cour des comptes de septembre 1997 20( * ) et de la Commission des comptes de la sécurité sociale, quatre pistes de réforme sont envisageables ( cf. encadré ).

Quatre propositions pour réussir la réforme comptable

1. Harmoniser les plans comptables des organismes de sécurité sociale. Un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale devrait être approuvé par le Conseil national de la Comptabilité. Il faudra réfléchir aux notions d'amortissement et insister sur la réforme patrimoniale. L'exercice devra aboutir à la consolidation des comptes au niveau de la branche, qui est le niveau retenu par les lois de financement.

2. Unifier les pratiques comptables , ce qui signifie hiérarchiser et contrôler les différents organismes. A cet égard, le système actuel ne permet pas de savoir, par exemple, si les 125 caisses d'allocations familiales passent leurs écritures dans les mêmes conditions. La fixation de normes de liquidation est nécessaire. Par ailleurs, il est à noter qu'il n'existe aucun texte établissant une autorité directe des agents comptables des caisses nationales sur les caisses primaires, ni de texte relatif à la responsabilité des uns par rapport aux autres. Il serait envisageable de donner aux caisses du régime général la responsabilité de la centralisation et de la consolidation des comptes des différents régimes, pour arriver aux comptes d'une " branche ", au sens des lois de financement. La question de la répartition des pouvoirs entre directeur et agents comptables est également posée.

3. Lier plus étroitement systèmes comptables et systèmes d'information. L'architecture des systèmes d'information pourrait être le moyen d'assurer une unité des systèmes comptables. Une comptabilité n'a plus seulement aujourd'hui pour but de décrire des opérations de gestion administrative, elle doit donner des informations nécessaires et suffisantes sur les recettes et les dépenses.

4. Clarifier les relations financières entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale dans le cadre de la réforme des droits constatés ; à cet égard, il serait souhaitable que la réforme de la comptabilité de l'Etat, initiée par M. Jean Arthuis, soit réamorcée dès maintenant.

Il est désormais important de disposer d'une démarche globale. Le rapport demandé, en juin 1997, par M. Lionel Jospin, Premier ministre, à MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse sur l'état des finances publiques mentionnait une difficulté méthodologique : " Une dernière difficulté examinée durant notre mission concerne le passage à la comptabilité en " droits constatés " (...). La comptabilité nationale doit, ultérieurement, passer en droits constatés bien que l'Etat ne prévoie pas de traiter ses comptes dans ce système. Cette situation est troublante. Nous avons donc cherché à mesurer si l'introduction des droits constatés dans les comptes des organismes de sécurité sociale pouvait modifier notre prévision du déficit de 1997 en nous appuyant sur l'information de 1996 disponible dans les deux systèmes. Nous avons dû renoncer à anticiper, même seulement, le signe de la correction, tant l'interprétation du double résultat de 1996 nous a semblé difficile. Par ailleurs, nous n'avons pas abordé ce que pourrait être l'effet d'un retraitement des comptes de l'Etat les rapprochant des droits constatés . " 21( * ) .

Une mission interministérielle, sous l'égide du ministère de l'emploi et de la solidarité et en accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a été chargée de la refonte des dispositifs comptables des régimes de sécurité sociale en vue de leur harmonisation. Sa mise en place, décidée en mai 1998, n'est toujours pas effective, alors que ses axes de travail semblent aller dans le bon sens :

- définition d'un plan comptable des régimes de sécurité sociale ;

- neutralisation des transferts financiers permettant d'agréger les comptes des différents régimes au niveau de la branche ;

- description plus claire des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ;

- propositions d'accélération des délais de production des comptes.

Si votre commission ne peut être qu'approuver de tels objectifs, elle s'étonne néanmoins du peu d'empressement mis à installer cette mission. Six mois, depuis mai 1998, ont d'ores et déjà été perdus, alors même que la fiabilité des chiffres est mise en doute au plus haut niveau, à travers la mission confiée à l'IGAS.

b) La réforme comptable devrait permettre l'élaboration de tableaux de bord et de suivi incontestables

La réforme comptable est le moyen de disposer d'une information fiable annuelle, mais également infra annuelle.

Il n'est pas possible pour le Gouvernement, comme pour les responsables de la sécurité sociale, de se contenter d'effectuer chaque année un vague bilan des comptes de la sécurité sociale et, à l'issue de l'adoption de la loi de financement, de donner rendez-vous pour l'année suivante au Parlement et aux partenaires sociaux. Des tableaux de bord et de suivi infra-annuels, ce que M. Philippe Nasse, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, appelle le " reporting social " , sont désormais nécessaires 22( * ) . Certes, les principaux régimes publient de telles données, mais leur agrégation se révèle délicate. Il faut bien comprendre que les chiffres publiés par la Commission des comptes sont une agrégation effectuée par la direction de la sécurité sociale du ministère de l'emploi et de la solidarité (division des évaluations économiques et financières, devenue sous-direction de la prévision et des études financières) à partir des chiffres fournis par les caisses 23( * ) .

La réforme des droits constatés porte en elle-même des enjeux de nature politique , qu'il convient de clarifier. Le Parlement doit contribuer à cette tâche : ces réformes sont la condition d'un débat véritablement démocratique. Les comptes de la sécurité sociale doivent devenir incontestables, puisqu'ils sont opposables à un certain nombre de professions.

2. Assainir les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont complexes. Elles ont tendance à l'être chaque année davantage. Cette question recouvre des aspects multiples :

a) L'Etat employeur

La question du contrôle de la cohérence entre les versements de cotisations de l'Etat et l'assiette salariale correspondante se pose. Le bilan des encaissements 1997 montre une progression de l'assiette salariale du secteur public de 1,4 %. Ce chiffre ne correspond pas à l'évolution de la masse salariale brute résultant de l'évolution des rémunérations et du glissement vieillesse technicité (GVT). La Cour des comptes a confirmé que le calcul des cotisations patronales de l'Etat employeur était effectuée sur la base d'une assiette minorée. Le décret n° 95-38 du 6 janvier 1995 limite l'assiette aux traitements soumis à retenue pour pensions (2 ème alinéa de l'article D. 712-38 du code de la sécurité sociale), alors que les articles L. 241-6 et L. 242-1 précisent la règle générale : l'assiette est constituée par la totalité des sommes versées aux salariés. Même si elle n'est pas en mesure de chiffrer l'ampleur du manque à gagner pour le régime général 24( * ) , elle l'a estimé de 10 à 15 milliards de francs par an 25( * ) .

Le contrôle apparaît difficile, les URSSAF n'ayant pas d'habilitation juridique pour effectuer le contrôle des versements de l'Etat employeur au régime général. Il faut remarquer que c'est seulement depuis 1997 que la part patronale des cotisations maladie des fonctionnaires est versée aux URSSAF et non plus à l'ACOSS. Enfin, la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale a donné mission à la Cour des comptes d'opérer le contrôle de déclaration de l'assiette des administrations centrales et services déconcentrés de l'Etat.

Cette situation est dénoncée depuis de nombreuses années -à juste titre- par les employeurs privés, qui -strictement encadrés par la réglementation- s'y conforment sous le contrôle exigeant des URSSAF.

b) Les exonérations de cotisations

Grâce aux travaux de la Commission des comptes et de la Cour des comptes, on dispose désormais d'une bonne évaluation du montant des cotisations exonérées et non remboursées par l'Etat : 16,9 milliards de francs en 1998 , correspondant à des mesures prises avant la loi du 25 juillet 1994, c'est-à-dire avant que ne soit posé le principe de la compensation intégrale.

Ces exonérations concernent principalement les contrats emploi solidarité, les contrats emplois consolidés, l'embauche premier salarié et le temps partiel.

Exonérations de cotisations non compensées

en milliards de francs

1996

1997

1998 (prévisions)

1999 (prévisions)

15,0

16,8

16,9

17,3

Le montant des exonérations de cotisations patronales compensées intégralement par l'Etat a connu une très vive augmentation à partir de 1996, année marquée par la fusion des deux dispositifs généraux d'allégement de charges sur les bas salaires -exonération de cotisations d'allocations familiales et ristourne dégressive-, par la montée en charge du contrat initiative emploi et par les premiers effets de la " loi Robien ".

Les différentes mesures relèvent des interventions de plusieurs chapitres budgétaires ministériels (Budget, Emploi et Solidarité et DOM), alors que leurs objectifs sont très proches. Deux chapitres budgétaires étaient jusqu'à cette année principalement concernés : le chapitre 44-75 " Mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle " (budget des charges communes) et le chapitre 44-78 " Exonération de cotisations sociales en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle " (budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle).

Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat

Année

1995

1996

1997

1998

1999

Montant en millions de francs

29.531

53.216

66.492

65.525

61.402 26( * )

La refonte de la nomenclature à l'occasion du projet de loi de finances pour 1999, et la création dans le fascicule " Emploi " d'un nouveau chapitre intitulé " compensation de l'exonération des cotisations patronales " (44-77) a permis de regrouper les mesures du chapitre 44-75 et du chapitre 44-78.

Cette refonte de la nomenclature va dans le sens d'une clarification ; en conséquence, votre rapporteur s'en félicite.

A la suite du rapport 1997 de la Cour des comptes, estimant que les estimations des exonérations de cotisations étaient trop " dépendantes de la qualité des déclarations des employeurs " et " les contrôles réalisés par l'ACOSS insuffisants " 27( * ) , une mission d'enquête a été décidée en septembre 1997 28( * ) par le ministère de l'économie et le ministère de l'emploi et de la solidarité. Elle a été confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Présentées fin juillet aux administrateurs de l'ACOSS, les conclusions ont été rendues publiques fin août 1998. " Les faiblesses importantes " sont " peu compatibles avec l'enjeu que ces mesures représentent pour le budget de l'Etat et la politique de l'emploi "

Le projet RACINE, qui a débuté le 1 er janvier 1998, devrait permettre d'améliorer la gestion des mesures d'exonération, en raison d'un caractère plus détaillé des imputations comptables et de la plus grande rapidité de leur remontée, qui permettra de calculer mensuellement la dette de l'Etat, ainsi que de la possibilité de décentraliser, en les affinant, les contrôles jusque là réalisés par l'ACOSS. Mais les auteurs du rapport notent que la mise en place de RACINE devra s'accompagner d'un développement de la politique de contrôle de l'ACOSS et des URSSAF.

Votre commission observe que la gestion pour l'instant déficiente des exonérations est une des conséquences de la complexité des différents dispositifs établis sans cohérence.

c) Les remboursements de prestations

Des prestations sont gérées et versées par le régime général pour le compte de l'Etat. Il s'agit principalement de la CNAF, qui a été jugée la mieux placée pour gérer ce type de prestations, pour des raisons de proximité.

Malheureusement, l'Etat ne verse pas le plus souvent de participation aux frais de gestion. Le montant total des prestations versées pour le compte de l'Etat est de l'ordre de 96,95 milliards de francs. L'Etat participe à hauteur de 380 millions (seule l'allocation de logement à caractère social fait l'objet d'une participation aux frais de gestion). Si l'Etat remboursait aux caisses un montant de 3 % pour participation aux frais de gestion de l'ensemble des prestations servies pour son compte, il devrait verser 2,9 milliards de francs.

En sens inverse, l'Etat fait payer à l'ACOSS un taux de prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement opéré sur le produit des prélèvements sociaux sur les produits du patrimoine de 0,5 % 29( * ) .

d) Les charges de trésorerie

La charge de trésorerie pesant sur le régime général -pour certaines prestations- est loin d'être neutre. La majoration de l'allocation de rentrée scolaire est principalement à l'origine du décret du n° 98-753 du 26 août 1998 30( * ) , qui a relevé le plafond des avances de trésorerie au régime général de 20 à 31 milliards de francs.

Des prestations liées aux fonds logement sont remboursées ex post par l'Etat. A l'inverse, le versement de prestations comme le revenu minimum d'insertion (RMI) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) fait heureusement l'objet d'une mensualisation.

Les effets de trésorerie de la CSG ne sont pas négligeables ; la CSG sur patrimoine (6,4 milliards de francs en 1997) est recouvrée selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, par voie de rôle. Elle est reversée à l'ACOSS le 15 décembre de chaque année, à la différence de la CSG sur les placements (prélèvement libératoire), versée en plusieurs acomptes, mais le plus souvent en fin d'année (2,2 milliards de francs en 1997).

La création par la loi de financement d'une contribution unique de 2 % affectée à la CNAVTS et à la CNAF, se substituant aux deux contributions de 1 % existantes, a également modifié le reversement de cette contribution, en l'alignant sur le système mis en place pour la CSG sur patrimoine ou sur placements.

Plus d'une quinzaine de milliards de francs seront ainsi perçus par la sécurité sociale à la fin de l'année 1998.

Dans son rapport adressé au Parlement pour justifier un plafond des avances de trésorerie au régime général supérieur aux objectifs fixés par la loi de financement pour 1998, le Gouvernement évoque lui-même cet argument, après ceux relatifs à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et au dérapage des dépenses d'assurance maladie.

Votre rapporteur, Président du Conseil de surveillance de l'ACOSS, veillera à ce que l'application de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS pour les années 1998-2001 fasse bien respecter le principe de complète neutralité en trésorerie entre les deux partenaires.

e) Le régime des fonctionnaires

L'Etat sert les prestations familiales pour les agents de droit public qu'il rémunère (art. D. 212-3 du code de la sécurité sociale).

Le taux de cotisation est inférieur au droit commun pour tenir compte du coût administratif du service et de l'action sociale exercée par l'Etat.

La comptabilité budgétaire de l'Etat ne décrit pas le régime des prestations familiales des agents de droit public de l'Etat. Elle cumule toutes les prestations, qu'elles soient servies en métropole ou dans les départements d'outre-mer. Le solde compensatoire métropole n'a pas de sens : ce n'est pas la différence entre les cotisations versées par l'Etat employeur et les prestations versées par l'Etat, remboursées par la CNAF. Comme l'indiquait la Cour des comptes en juillet 1997 31( * ) : " Les comptes de l'Etat se présentent comme s'il avait en charge les prestations et versait une subvention au régime général, sous l'apparence d'un solde compensatoire. Ils traduisent là l'Etat puissance publique plus que l'Etat employeur. "

Le régime des retraites des fonctionnaires décrit par les annexes de la loi de financement n'a pas réellement de sens. Il s'agit d'une reconstruction ; l'Etat, par le biais des " cotisations fictives ", l'équilibrera toujours.

La création d'un véritable régime spécifique pour les fonctionnaires de l'Etat serait de nature à clarifier les responsabilités et éviter que la puissance publique soit à la fois juge et partie. Cette mesure s'impose dans le cadre d'un débat sur les retraites en France.

f) La question du BAPSA

Le BAPSA est un héritage historique

Le BAPSA a été créé par l'article 58 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959). Il est régi par les articles 1003-1 à 1003-7 du code rural.

La Cour des comptes a consacré à la protection sociale agricole le chapitre VI de son Rapport 1996 . Certaines orientations de son rapport ont pu laisser croire qu'elle remettait en cause l'existence même du régime.

Au-delà des simplifications techniques, d'une plus grande cohérence intellectuelle, il faut reconnaître que l'année 1997 a donné des arguments de poids aux partisans d'une intégration du BAPSA dans la loi de financement. En effet, l'articulation du BAPSA et de la loi de financement s'est avérée impossible.

En raison de la structure démographique très défavorable du monde agricole, le régime des exploitants agricoles est l'un des régimes de sécurité sociale qui dépend le plus de la solidarité des autres régimes et du contribuable. Le BAPSA n'est pas un cas unique ; plusieurs régimes spéciaux bénéficient de subventions d'équilibre, sans faire pour autant l'objet d'un budget annexe : SNCF, marins, mineurs...

L'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles donne au monde agricole l'assurance que ce budget annexe sera toujours équilibré, parce que le budget général assurera -en dernier ressort- cet équilibre.

Il apparaît à l'analyse que le statut de budget annexe n'est pas -en lui-même- source d'équilibre systématique. L'exécution du BAPSA peut révéler un excédent ou un déficit (art. 1003-6 du code rural). Un fonds de roulement existe.

Le système des budgets annexes est un cadre juridique (art. 20 à 22 de l'ordonnance de 1959) créé pour les services de l'Etat producteurs de biens et services marchands. Un régime de sécurité sociale -financé par des prélèvements obligatoires, des transferts et des subventions diverses- correspond difficilement à cette définition.

L'articulation impossible du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale

La lecture comparée du fascicule budgétaire (" bleu ") BAPSA et des comptes prévisionnels du régime des exploitants agricoles présentés en annexe du projet de loi de financement laisse apparaître une différence de présentation. Le BAPSA est, en effet, plus détaillé, notamment en ce qui concerne les recettes ; l'annexe de la loi de financement les regroupe par catégories, alors que le BAPSA permet d'identifier chacune des cotisations ou des impositions.

Le champ couvert par les deux documents n'est pas le même :


 

LOI DE FINANCEMENT

BAPSA

 

- Frais de gestion du régime

- Détail des recettes

Existe

- Action sanitaire et sociale

- Prestations familiales agricoles et recettes correspondantes

Manque

- Branche famille des exploitants agricoles

- Fraction des dépenses de pensions de retraite des exploitants (majorations pour enfants) + recettes FSV

Pour 1998, le projet de BAPSA a été construit " à droit constant ", sans tenir compte de la poursuite du basculement des cotisations sociales maladie sur la CSG et de la mise sous condition de ressources des allocations familiales proposé par le projet de loi de financement.

Pour 1999, le projet de BAPSA n'est pas non plus cohérent avec le projet de loi de financement.

D'une part, les mesures " famille " ne sont pas prises en compte, en-dehors du retour à l'universalité des allocations familiales.

D'autre part, la part d'excédent de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) affectée au BAPSA est de 600 millions de francs dans le bleu budgétaire et d'un milliard de francs dans le projet de loi de financement.

Le calendrier d'élaboration des deux projets n'est pas seul en cause ; bien évidemment, le projet de loi de finances initial doit être déposé au plus tard le premier mardi d'octobre, alors que le projet de loi de financement doit être déposé le 15 octobre, mais le projet de BAPSA est préparé très en amont.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, un amendement de coordination a été nécessaire pour mettre en conformité la loi de finances avec la loi de financement.

Au total, une intégration du BAPSA dans la loi de financement semblerait logique à votre rapporteur sous trois conditions :

1. Assurer le même niveau d'informations ;

2. Etre préparée en concertation avec le monde agricole ;

3. Garantir l'autonomie du régime agricole.

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