AVIS n° 88 - Tome IV - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - DEFENSE - NUCLEAIRE ESPACE ET SERVICES COMMUNS


M. Jean FAURE, Sénateur


Commission des Affaires étrangères de la défense et des forces armées - Avis n° 88 - Tome IV - 1997/1998

Table des matières






N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

DÉFENSE - NUCLÉAIRE, ESPACE ET

SERVICES COMMUNS


Par M. Jean FAURE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart,  Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexes n° s 43 et 44 ) (1997-1998).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS
DE LA COMMISSION SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 1998 1( * )

1/- L'enveloppe globale des crédits du titre III du ministère de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998, qui s'élève à 103,7 milliards de francs, traduit la priorité affichée en faveur de la professionnalisation des armées.

Toutefois, la compression des dépenses de fonctionnement (hors rémunérations et charges sociales) est préoccupante et menace, avec l'insuffisance des crédits d'entretien programmé des matériels, l'entraînement et l'activité des forces .

La période de transition est par ailleurs fragilisée par les conséquences potentielles, particulièrement pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de reports d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail qui rendront nécessaire l'adoption de mesures de compensation.

2/- La brutale diminution des crédits du titre V (- 8,7% en francs courants, -9,9% en francs constants), qui sont réduits à 81 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, donne à penser que les crédits d'équipement militaire ont joué le rôle de " variable d'ajustement " du budget de l'Etat . Il s'agit là d'un signal négatif adressé à la nation dans son ensemble .

Au sein même des crédits d'équipement militaire, les crédits consacrés au nucléaire subissent une amputation encore supérieure de 13 % (alors que la programmation ne prévoyait qu'une diminution de 1,4%), évolution qui représente un motif d'inquiétude pour l'avenir.

3/- Cette réduction des crédits d'équipement constitue un mauvais signal adressé aux industries de la défense en raison :

- du coût de ces réductions budgétaires en matière d' emplois ,

- du surcoût des équipements faisant l'objet de mesures d'étalement ou de moratoires,

- de la perte de " lisibilité " que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels,

- et de l'affaiblissement qui en résultera pour les industriels français dans la perspective des restructurations indispensables de l'industrie européenne de l'armement.

4/- Le projet de budget de la défense pour 1998 constitue surtout un signal très négatif adressé à nos armées au moment même où un effort d'adaptation exceptionnel leur est demandé.

Les orientations de ce budget, si elles n'étaient pas corrigées après 1998, poseraient deux interrogations majeures pour l'avenir :

- ne risquent-elles pas de compromettre la cohérence de la réforme entreprise dans son ensemble ?

- ne risquent-elles pas de remettre en cause le futur modèle d'armée professionnelle lui-même ?

5/- Si les économies imposées à la Défense pour 1998 avaient - comme il est annoncé - un caractère exceptionnel , leurs conséquences, pour regrettables et dommageables qu'elles soient, seraient peut-être surmontables.

Si, en revanche, la Défense ne retrouvait pas à partir de 1999 le niveau de ressources prévu par la loi de programmation militaire 1997-2002, l'ensemble de l'édifice et la loi de programmation elle-même se trouveraient remis en cause .

Or, la loi de programmation - contrairement à ses devancières - comportait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire et constituait la traduction d'une réforme d'ensemble devant aboutir à la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non respect ou - a fortiori - son abandon ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense ou à la révision à la baisse de ce modèle d'armée .

La commission réaffirme en conséquence son ferme attachement à l'exécution intégrale de la loi de programmation pour les années 1997-2002.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées a émis un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère de la Défense pour 1998.

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport pour avis porte sur les crédits de la défense de l'ancienne " section commune ", c'est-à-dire ceux ne relevant ni des trois armées ni de la Gendarmerie.

Il s'agit d'un ensemble extrêmement composite qui regroupe aussi bien les crédits alloués à la Délégation générale pour l'armement, la rémunération des personnels civils affectés dans les armées, les dépenses de l'administration centrale et de diverses directions ou services comme le service de santé des armées, le service des essences, le SIRPA, les directions du renseignement (DGSE et DPSD), ou encore la direction des centres d'expérimentations nucléaires.

Les crédits prévus au titre de ces différentes actions pour 1998 s'élèvent à 47,2 milliards de francs et diminuent de 1,9 % par rapport au budget voté en 1997. Les crédits du titre III s'établiront à 24,3 milliards de francs et régresseront de 2,4 %. Les dépenses en capital des titres V et VI représenteront 22,8 milliards de francs, soit une diminution de 1,4 % par rapport à 1997.

Ainsi, l'évolution des crédits de l'ancienne section commune se distingue-t-elle de celle de l'ensemble du budget de la Défense qui diminue plus fortement (- 3,2 %), le titre III progressant de 1,5 % alors que la baisse du titre V atteint 8,7 %.

Cette divergence apparente n'est due qu'à d'importants transferts de crédits au profit de la Délégation générale pour l'armement qui, cumulés, atteignent 2,2 milliards de francs.

Abstraction faite de ces mouvements, les crédits de l'ancienne section commune connaissent une évolution analogue à celle de l'ensemble du budget de la défense, à savoir :

. une évolution des dépenses ordinaires qui permet de poursuivre la professionnalisation des armées,

. des dépenses en capital très inférieures au niveau prévu par la loi de programmation.

Votre rapporteur se propose, après avoir donné quelques indications générales sur l'évolution du budget de la défense pour 1998, de centrer son analyse sur les points les plus importants de l'ancienne section commune :

. le domaine du nucléaire, qui subit une très forte diminution de crédits inquiétante pour l'avenir de la dissuasion,

. les programmes spatiaux militaires, dont le développement est affecté par les difficultés de la coopération franco-allemande,

. le renseignement, qui voit ses moyens humains renforcés,

. la délégation générale pour l'armement, en profonde réorganisation, qui cherche à renforcer l'efficacité de la gestion des programmes d'armement en réduisant leur coût, mais qui doit également adapter ses structures industrielles,

. le service de santé et les autres services communs.

CHAPITRE PREMIER -
LE NUCLÉAIRE, L'ESPACE ET LES SERVICES COMMUNS
DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 1998

Les crédits consacrés au nucléaire, à l'espace et aux différentes actions communes pour 1998 s'inscrivent dans le cadre d'un budget de la Défense marqué par une forte régression des crédits d'équipement, à la fois par rapport au budget voté de 1997 et au regard des dotations résultant d'une stricte application de la loi de programmation militaire 1997-2002.

Votre rapporteur se propose d'évoquer brièvement les grandes lignes du budget de la défense pour 1998 avant de présenter l'évolution globale des masses financières consacrées au nucléaire, à l'espace et aux services communs.

I. UN BUDGET DE LA DÉFENSE EN FORT RETRAIT PAR RAPPORT À LA LOI DE PROGRAMMATION

En planifiant pour six ans l'ensemble des crédits de fonctionnement et d'équipement des armées et l'évolution des effectifs de la défense, la loi de programmation constituait un schéma global et cohérent permettant de réaliser la professionnalisation, de réduire les effectifs et de moderniser les équipements afin d'atteindre en 2002 un modèle d'armée répondant aux quatre grandes missions de notre système de défense, la dissuasion, la prévention, la projection et la protection.

Votre rapporteur avait insisté sur la cohérence d'ensemble de cet exercice en soulignant combien la réussite de la réforme reposait sur le strict respect de la programmation, tant du point de vue des lois de finances initiales que de leur exécution budgétaire.

Sensible dès la gestion de l'exercice 1997, l'écart entre les crédits programmés et les crédits effectivement disponibles va aller croissant puisque le projet de loi de finances pour 1998 est inférieur de près de 9 milliards de F à l'annuité prévue.

A. UNE "ENTRÉE" DIFFICILE DANS LA PROGRAMMATION

Dans son rapport sur la gestion budgétaire et la programmation au ministère de la Défense remis en juin dernier, la Cour des comptes estime que " les mesures de régulation budgétaire, qu'il s'agisse de gels, d'annulations, ou de reports de crédits de paiement, même justifiées par le contexte budgétaire général, sont excessives par leur ampleur, qui de surcroît est allé en augmentant d'année en année jusqu'en 1995 inclusivement". La Cour des comptes constate également que "tout concourt à ce que l'équilibre du budget général soit obtenu, in fine, par un ajustement des dépenses en capital du ministère de la Défense, alors que celles-ci sont impropres à subir des à-coups importants et répétés, en raison des conséquences qu'ils entraînent sur le plan de charge des industriels et sur les coûts des matériels d'armement".

De telles pratiques étaient incompatibles avec le bon déroulement de la programmation et il aurait été nécessaire qu'aucun report de charges excessif ne vienne fausser dès le départ l'application de la loi.

Tel n'a pas été le cas puisque la gestion de l'exercice 1996 n'a pas permis, loin de là, d'apurer la situation financière du ministère de la Défense qui se caractérise depuis plusieurs années par un "déficit" en crédits disponibles qui génère un stock de factures reporté d'un exercice à l'autre.

Ainsi, le montant des reports de charges de 1995 sur 1996 s'est élevé à 11 milliards de F et il a entraîné, pour 1996, plus de 800 millions de F d'intérêts moratoires. Par ailleurs, les annulations de crédits intervenues en 1996 se sont montées à 8,5 milliards de F et 4,8 milliards de F qui n'ont pu être consommés, car disponibles trop tardivement, ont été reportés sur 1997. Au total, le report de charges de 1996 sur 1997 s'est élevé à près de 10 milliards de F.

Entamée avec ce report de charges considérable, qui devrait générer des intérêts moratoires de l'ordre de 300 millions de F, la première annuité de la loi de programmation a subi trois annulations de crédits d'équipement représentant 5 milliards de F, alors que parallèlement, 2 milliards de francs étaient ouverts au titre III, notamment pour financer des dépenses liées aux opérations extérieures.

Il apparaît ainsi clairement que dès la première année d'exécution de la loi, le ministère de la Défense n'a pu disposer de la totalité des ressources correspondant au contenu physique de l'annuité 1997 de la programmation.

Au regard des exercices précédents, notamment 1995 et 1996, trois améliorations peuvent cependant être relevées :

· malgré une dotation budgétaire en réduction par rapport à la loi de programmation, le montant des charges de l'année 1997 reportées sur l'exercice 1998 devrait être très significativement diminué, le stock de factures à payer ayant été largement résorbé puisqu'il s'élève actuellement à 3 milliards de F, selon l'information fournie le 5 novembre dernier à votre commission par le Délégué général pour l'armement. Il importe bien entendu que de nouvelles mesures de régulation ne viennent pas alourdir ce passif.

· le ministère de la Défense et le ministère du budget ont élaboré le 24 avril 1997 une instruction interministérielle relative à la gestion des crédits d'équipement du ministère de la défense ayant pour objectif d'améliorer l'efficacité des procédures financières du ministère.

· enfin, les modalités de prise en charge du coût des opérations extérieures ont été revues, grâce à la notion d'opérations extérieures exceptionnelles dont le financement restera extérieur à la défense. Le conseil de défense de mars 1997 a retenu l'ex-Yougoslavie au titre des opérations exceptionnelles pour 1997. Le financement des opérations normales par le ministère de la Défense devrait être facilité par la révision à la baisse du régime de solde des militaires en opération à l'étranger et par la couverture, au moins partielle, des besoins de financement par le produit de fonds de concours rattachés au titre V du budget de la défense, dès lors qu'ils constituent des recettes nettes (entre 450 et 500 millions de F par an en moyenne). Le projet de budget pour 1998 prévoit, pour compléter ces mesures, une dotation de 260 millions de F inscrite en loi de finances initiale au titre de la rémunération des forces en opérations extérieures normales.

B. DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENTS AMPUTÉS DE 9 MILLIARDS DE F EN 1998

Le projet de budget de la Défense pour 1998 s'élève, pensions comprises, à 238,3 milliards de F, soit un recul de 2,1 % par rapport au budget voté de 1997.

Hors pensions (53,4 milliards de F), le budget s'établit à 184,7 milliards de F , soit un recul de 3,3 % par rapport au budget voté de 1997.

Ce recul résulte d'une légère augmentation des dépenses ordinaires du titre III (103,7 milliards de F soit + 1,5 %) alors que les dépenses en capital des titres V et VI régressent de 8,7 % et passeront de 88,7 à 81 milliards de F.

Les effectifs du ministère diminuent de 4,4 % en 1998, passant de 548 508 à 524 026 (- 24 482), la réduction du nombre d'appelés (- 31 853) et de sous-officiers (- 1 837) étant en partie compensée par l'augmentation du nombre de personnels civils (+ 1 366) et de militaires du rang engagés (+ 7 838), alors que le nombre d'officiers reste stable (+ 4).

L'évolution des crédits du titre III traduit une hausse sensible des dépenses de rémunération et de charges sociales qui s'élèvent à 80,5 milliards de F (+ 3,5 %) due pour partie à des modifications de la structure budgétaire (prise en compte au titre III du coût de fonctionnement du service des programmes navals de la DGA, jusqu'alors inclus dans les crédits du titre V, inscription au budget de la gendarmerie des redevances du fonds de concours acquittées par les sociétés concessionnaires d'autoroute), mais aussi à la réévaluation des rémunérations et à l'accentuation des mesures d'accompagnement de la professionnalisation (notamment pour les pécules d'incitation au départ qui bénéficient de 250 millions de F supplémentaires). Parallèlement, les crédits de fonctionnement courant diminuent de 5,1 % et passent de 24,5 à 23,2 milliards de F, à la fois en raison des effets de la réduction de format des armées et de mesures d'économies supplémentaires portant sur l'administration centrale, la DGA et le service de santé des armées.

Les dépenses en capital des titres V et VI régressent quant à elles de 8,7 % et passent de 88,7 à 81 milliards de F. Les crédits consacrés aux fabrications (30,7 milliards de F), diminuent de 8,6 %. Les crédits d'entretien programmé des matériels (15,6 milliards de F) ne diminuent que de 4,6 % mais cette diminution affecte très différemment les différentes armées. Les crédits d'infrastructure (9,4 milliards de F, soit - 3,8 %) sont relativement épargnés par les réductions budgétaires qui touchent beaucoup plus sévèrement les crédits d'études et de développements (19,6 milliards de F, soit - 12,3 %), l'entretien programmé des personnels (habillement, couchage) qui, avec 1,9 milliard de F diminuera de 17,2 %, et les munitions (3,1 milliards de F, soit - 18 %).

S'agissant des différents domaines couverts par des crédits d'équipement, les diminutions seront respectivement de 7,8 % pour les forces classiques, de 5,6 % pour l'espace et de 13,3 % pour le nucléaire.

Par rapport à l'annuité actualisée de la programmation, les crédits d'équipement subissent un "abattement" de l'ordre de 9 milliards de F qui se traduira :

· par des économies sur les programmes, mais surtout sur l'entretien programmé de matériels et sur les études,

· par des reports dans l'engagement de certains programmes et de certaines commandes,

· par des étalements de programmes.

II. LES CRÉDITS DU NUCLÉAIRE, DE L'ESPACE ET DES SERVICES COMMUNS

Les crédits de l'ancienne section commune diminuent sensiblement moins vite que l'ensemble du budget de la Défense, principalement en raison de modifications de la nomenclature budgétaire. Abstraction faite de ces modifications, on observe que l'évolution du titre III est conforme à la mise en oeuvre de la professionnalisation alors que les crédits inscrits au titre V sont très inférieurs au niveau prévu par la loi de programmation.

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE

Pour 1998, les crédits de l'ancienne section commune se monteront à 47,189 milliards de F, soit une diminution de 1,9 % par rapport à 1997. Leur part dans l'ensemble du budget de la Défense s'accroît et atteint 25,5 %.

Évolution des crédits de l'ancienne section commune

(en millions de F.)

1997

1998

%

TITRE III

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

24 957

6 200

3 241

789

14 727

24 360

6 703

2 726

806

14 125

- 2,4

+ 8,1

- 15,9

+ 2,2

- 4,1

TITRES V ET VI

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

23 148

18 830

2 784

651

882

22 829

18 949

2422

561

897

- 1,4

+ 0,6

- 13,0

- 13,8

+ 1,7

TOTAL

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

48 105

25 030

6 025

1 440

15 610

47 189

25 652

5 148

1 367

15 022

- 1,9

+ 2,5

- 14,6

- 5,1

- 3,8

L'évolution générale des crédits de l'ancienne section commune pour 1998 est donc sensiblement divergente de celle de l'ensemble du budget de la Défense puisque les crédits du titre III, qui progressent pour l'ensemble de la Défense, diminuent de 2,4 % pour la section commune alors que les crédits d'équipement de cette dernière ne régressent que de 1,4 %, soit beaucoup moins que l'ensemble des dépenses en capital de la défense.

Cette évolution est en effet affectée par d'importantes opérations de transferts de crédits ou de modifications de la structure budgétaire qui conduisent notamment à majorer les crédits de la DGA de plus de 2 milliards de F . En effet, la DGA bénéficiera en 1998 :

· de l'inscription à son titre III de 690 millions de F provenant pour la quasi totalité des crédits d'équipement de la Marine, qui correspondent au coût de fonctionnement du service des programmes navals et qui résultent de la séparation des activités "étatiques" et industriels de la Direction des constructions navales,

· d'un transfert au titre V de crédits d'études-amont en provenance des autres armées pour un montant de 844 millions de F,

· de l'inscription à son titre V également d'une dotation de 500 millions de F destinés à être transférés au budget civil de recherche et de développement au titre de la recherche duale en matière spatiale.

A périmètre constant, les crédits de l'ancienne section commune accusent une baisse plus sensible, au titre III mais surtout au titre V.

S'agissant des crédits du titre III, ils se répartissent entre les rémunérations et charges sociales (18,507 milliards de F), qui progressent de 0,5 %, et les crédits de fonctionnement (5,852 milliards de F) qui régressent de 10,6 % (Cf tableau ci-après).

Évolution des dépenses ordinaires de la section commune (en millions de F.)

1997

1998

%

Rémunérations et charges sociales

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

18 413,6

4 043,3

1 499,4

574,8

12 296,1

18 507,4

4 637,1

1 423,1

602,4

11 844,8

+ 0,5

+ 14,7


- 5,1

+ 4,8

- 3,7

Fonctionnement

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

6 543,5

2 156,4

1 741,6

214,1

2 431,4

5 852,3

2 065,9

1 303,0

203,7

2 279,7

- 10,6

- 4,2

- 25,2

- 4,9

- 6,2

Total dépenses ordinaires

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

24 957,1

6 199,7

3 241,1

788,9

14 727,5

24 359,7

6 703,0

2 726,1

806,0

14 124,6

- 2,4

+ 8,1

- 15,9

+ 2,2

- 4,1

L'évolution modérée des rémunérations et charges sociales au sein de la section commune, malgré les transferts au profit de la DGA et l'accroissement des effectifs de civils, tient à ce que le montant des provisions à répartir en cours d'année ne sera que de 654 millions de F en 1998, contre 1,766 milliard de F en 1997. En effet, à la différence de l'an passé, chaque armée disposera dès la loi de finances initiale des crédits permettant de couvrir la revalorisation de la solde des militaires du rang intervenue en juin 1997 et d'une partie des crédits finançant le pécule d'incitation au départ.

La réduction des crédits de fonctionnement courant sera en revanche particulièrement forte pour les services communs puisqu'elle dépassera 10 %. Pour plus de 430 millions de F, ce recul correspond à la mise en oeuvre de la loi de programmation, et plus particulièrement de la disparition en 1998 de la Direction des centres d'expérimentations nucléaires suite à l'arrêt des essais (- 222 millions de F) et de la réduction des versements à la SNCF (- 146 millions de F) à la suite de la diminution du nombre d'appelés. A cette baisse normale des crédits s'ajoutent des économies supplémentaires pour un montant de 385 millions de F qui affectent les crédits de fonctionnement du service de santé des armées (- 175 millions de F), de la DGA (- 168 millions de F) et de l'administration centrale (- 42 millions de F).

Les crédits d'équipement du titre V se monteront pour 1998 à 21,076 milliards de F et diminueront de 4,5 %. Les diminutions sont particulièrement fortes sur les crédits de fabrication (1,731 milliard de F soit - 8,4 %) et d'infrastructure (1,186 milliard de F soit - 10 %) alors que les crédits d'investissements restent stables (1,329 milliard de F soit - 0,4 %). Les crédits consacrés aux études , qui représentent l'essentiel du titre V de la section commune et qui recouvrent notamment une bonne part du financement des programmes relatifs à l'espace et au nucléaire, représenteront en 1998 une masse de 16,828 milliards de F , en recul de 4 %. Si l'on tient compte du transfert à la DGA des études amont jusqu'à présent inscrites au budget des trois armées, le recul est beaucoup plus fort et approche les 10 %.

Enfin, le montant des subventions d'investissement figurant au titre VI atteint, pour la section commune, 1,753 milliard de F, soit une progression de 62 % due essentiellement à la dotation de 500 millions de F destinés à être transférés au budget civil de recherche et de développement pour la recherche duale en matière spatiale, mais aussi à une augmentation des dotations du Fonds pour les restructurations de la défense, qui passent de 136 à 176,3 millions de F.

Évolution des dépenses en capital de la section commune (en millions de F.)

1997

1998

%

Équipement (titre V)

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

22 070,8

18 188,4

2 482,1

651

749,4

21 076,1

17 766,9

2 040,5

561

707,9

- 4,5

- 2,3

- 17,8

-13,8

- 5,5

Subvention d'investissement (titre VI)

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

1 081

642

302

-

137

1 753,4

1 183

381,1

-

189,3

+ 62,2

+ 84,2

+ 26,2

+ 38,2

Total dépenses en capital

DGA

Soutien interarmées

Renseignement

Administration générale

23 151,8

18 830,4

2 784,1

651

886,4

22 829,5

18 949,9

2 421,6

561

897,2

- 1,4

+ 0,6

- 13,0

- 13,8

+ 1,2

B. L'INCIDENCE DE L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DANS LE DOMAINE DU NUCLÉAIRE, DE L'ESPACE ET DES AUTRES ACTIONS COMMUNES

L'évolution des crédits relevant de l'ancienne section commune et consacrés au nucléaire, à l'espace et aux services communs peut être retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution par action des crédits de l'ancienne section commune

(en millions de F.)

1997

1998

%

NUCLÉAIRE

DGA

DIRCEN

12 491

11 526

945

11 264,9

10 819,5

445,4

- 9,8

- 6,1

- 53,8

ESPACE

DGA

Etat-major des armées

3 098

2 977

121

2 923

2 786

137

- 5,6

- 6,4

+ 13,2

CLASSIQUE

DGA (hors nucléaire et espace)

Service de santé

Service des essences

Autres services de soutien (hors nucléaire et espace)

DGSE

DPSD

Administration centrale

Personnels civils extérieurs

Affaires pénales militaires

Contrôle général des armées

Divers administration générale

32 519,9

10 527,1

2 322,7

506,8

2 109,7

1 362,6

77,3

1 533,0

8 900,8

46,7

69,7

5 063,8

33 001,5

11 922,5

1 983,3

526,1

2 055,9

1 296,1

71,0

1 479,9

9 453,5

47,3

61,2

3 979,9

+ 1,5

+ 13,3

- 14,6

+ 3,8

- 2,6

- 4,9

- 8,2

- 3,5

+ 6,2

+ 1,2

- 12,1

- 21,4

TOTAL

48 108,9

47 189,4

- 1,9

S'agissant du nucléaire , les crédits inscrits à la section commune, tout comme ceux relevant de l'armée de l'air et de la Marine, connaissent une baisse très importante , indépendamment de la suppression de la DIRCEN prévue en 1998, beaucoup plus forte en tout cas que celle prévue par la loi de programmation. Globalement, les ressources affectées à la dissuasion nucléaire sont inférieures de plus de 2 milliards de F à l'annuité qui aurait résulté d'une stricte application de la loi de programmation .

Ce "décrochage" implique une série de mesures palliatives telles qu'un retard dans le développement du futur missile balistique M51, une forte compression du budget de la Direction des applications militaires du CEA qui devra ralentir le démantèlement de l'usine de Pierrelatte, repousser des essais, réduire les programmes de recherche amont ainsi que les simulations effectuée à partir des matériels actuels. Les réductions opérées sur la Marine entraîneront un retard de l'admission au service actif du 3e sous-marin nucléaire lanceur d'engins, et le décalage de l'adaptation de ces bâtiments au futur missile M51.

Votre rapporteur considère que cette réduction de crédits est très inquiétante alors que l'enveloppe définie par la loi de programmation correspondait à la stricte mise en oeuvre des grands choix effectués pour l'avenir de notre dissuasion nucléaire : arrêt des essais et développement d'un programme de simulation destiné à garantir la fiabilité et la sûreté des armes futures, abandon de la composante terrestre, modernisation de la composante sous-marine (SNLE/NG et M51) et aéroportée (ASMP amélioré).

Dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle la dissuasion nucléaire, maintenue à son niveau de suffisance, voit sa modernisation se poursuivre sans remise en cause, repose uniquement sur l'hypothèse d'une réduction exceptionnelle de crédits en 1998 et d'un retour en 1999 au niveau prévu en programmation, seul compatible avec la réalisation des choix effectués l'an passé. Si tel n'était pas le cas en 1999, on ne voit pas comment l'on pourrait à la fois poursuivre le programme de simulation, maintenir nos deux composantes et entreprendre leur modernisation comme prévu.

Les crédits relatifs à l'espace diminuent de 5,6 % et avec 3,1 milliards de F, sont très inférieurs au niveau fixé en programmation, soit 3,5 milliards de F. Si les réductions de crédits entraînent le report de programmes tels que la surveillance de l'espace, moins importants que nos programmes majeurs, elles traduisent également les difficultés de la coopération franco-allemande sur les programmes spatiaux d'observation. Compte tenu du caractère de plus en plus hypothétique de la participation allemande, le programme d'observation radar Horus semble désormais, du moins sous sa forme actuelle, compromis . Plus généralement, cette absence d'entente franco-allemande fragilise considérablement l'avenir d'une composante spatiale militaire proprement européenne de nature à doter l'Europe dans ce domaine stratégique, d'une autonomie vis-à-vis des Etats-Unis.

Les crédits consacrés au renseignement diminuent sans pour autant compromettre la poursuite de l'accroissement des effectifs , nécessaire au développement de ce domaine jugé prioritaire sur le plan stratégique. Votre rapporteur rappellera à ce sujet que la question des modalités d'information du Parlement sur le secteur du renseignement reste toujours posée.

L'évolution des crédits concernant la DGA est difficile à suivre d'une année sur l'autre en raison de l'importance des mouvements de transferts prévus en 1998. Par ailleurs, ces crédits n'ont qu'une signification limitée puisqu'au travers des programmes d'armement, la DGA gère en réalité 80 % des crédits d'équipement de la Défense. Votre rapporteur retiendra l'effort effectué par la DGA pour diminuer ce que l'on appelle son "coût d'intervention", c'est-à-dire son coût de fonctionnement propre. Quant à l'objectif de réduction de 30 % du coût des programmes, il est encore trop tôt pour juger de sa réalisation. Des premiers résultats ont été enregistrés mais on peut se demander si les mesures de réduction de crédits imposées en 1998, avec les retards et avec les surcoûts qu'elles génèrent sur les programmes, ne viendront pas notablement compliquer la tâche de la DGA. Enfin, la DGA doit mener à bien une difficile restructuration de ses services industriels, essentiellement la Direction des constructions navales.

Enfin, au titre des autres services communs, votre rapporteur retiendra la très forte diminution des crédits du service de santé des armées (- 14,6 %) qui va bien au-delà des conséquences de la réduction de ses effectifs et de son format. Une mesure d'économie de 325 millions de F , portant à la fois sur les rémunérations et charges sociales et les crédits de fonctionnement courant, a été décidée au motif que l'activité propre des hôpitaux militaires pourrait procurer une recette supplémentaire du même ordre l'an prochain, ce qui permettrait de maintenir l'équilibre global du budget des services. Votre rapporteur s'étonne vivement de cette mesure qui consiste à transférer une part importante du fonctionnement du service de santé sur des ressources extrabudgétaires aléatoires. Il doute que l'activité militaire hospitalière, alors que l'on ferme des établissements, augmente l'an prochain de manière suffisante pour compenser la diminution des ressources budgétaires du service, et il craint qu'une telle opération perturbe gravement le fonctionnement d'un service essentiel aux armées actuellement en pleine restructuration, touché de plein fouet par la professionnalisation et de plus en plus appelé à contribuer aux opérations extérieures.

CHAPITRE II -
LES QUESTIONS NUCLÉAIRES

Avec 16,5 milliards de francs dans le projet de budget pour 1998, les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire sont inférieurs de 2,3 milliards de francs, soit près de 13 %, au niveau prévu par la loi de programmation militaire 1997-2002.

La loi de programmation tirait les conséquences de la révision à la baisse de notre posture nucléaire, fondée sur le principe de suffisance, dans le cadre d'un nouveau contexte géostratégique, qui se traduit par l'abandon de la composante terrestre, l'arrêt de la production de matières nucléaires militaires dans les usines de Pierrelatte et de Marcoule et l'arrêt des essais nucléaires. Elle maintenait toutefois le rôle central de la dissuasion dans notre stratégie et mettait en place les moyens financiers permettant au pays de disposer d'un arsenal nucléaire sûr et crédible, grâce à la modernisation des composantes océanique et aéroportée et au développement d'un programme de simulation, corollaire indispensable de l'arrêt des essais.

Dans un domaine aussi essentiel, qui nécessite plus que tout autre le meilleur niveau de crédibilité, les réductions de crédits qui seront opérées en 1998 ne peuvent que susciter l'inquiétude.

Votre rapporteur rappellera tout d'abord les deux impératifs qui conditionnent la crédibilité de notre dissuasion future : le programme de simulation et le maintien de deux composantes modernisées.

Il présentera ensuite les incidences du budget 1998 sur ces deux volets de notre politique, qui risquent d'être fragilisés par l'incertitude qui pèse sur le financement des programmes nucléaires au cours des années prochaines.

I. LE PROGRAMME DE SIMULATION ET LA MODERNISATION DE NOS DEUX COMPOSANTES : UN DOUBLE IMPÉRATIF POUR LA CRÉDIBILITÉ A LONG TERME DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

Le rapport annexé à la loi de programmation militaire 1997-2002, tel qu'il a été approuvé par le Parlement rappelle que " la dissuasion reste l'élément fondamental de la stratégie de défense. Elle demeure la garantie contre toute menace sur nos intérêts vitaux, quelles qu'en soient l'origine et la forme. Elle reste nécessaire dans un monde où la vigilance continue de s'imposer ".

Il ajoute que " sur le plan des moyens, notre politique de dissuasion doit tenir compte à la fois de la permanence de certains risques et des évolutions favorables de l'environnement international ".

Aussi a-t-il été décidé de revoir la situation et le niveau de la force de dissuasion " dans le strict respect des principes de suffisance et de crédibilité ".

Cette doctrine débouchait sur deux impératifs :

. après l'abandon de la composante sol-sol, la modernisation programmée des composantes océanique et aéroportée qui doivent offrir " la souplesse et la diversité qui permettront à la dissuasion française de rester pertinente et crédible en toutes circonstances ",

. après l'arrêt des essais, la poursuite du programme de simulation qui permettra " de garantir, dans l'avenir, la sûreté et la fiabilité de nos armes nucléaires ".

Lors du vote de la loi de programmation, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait souligné qu'elle considérait que ces deux axes majeurs constituaient le seuil incompressible en-deçà duquel la dissuasion nucléaire perdrait sa crédibilité. Ainsi reste-t-elle particulièrement vigilante sur la poursuite de ce double objectif et sur le respect des engagements financiers indispensables à leur réalisation.

A. LE PROGRAMME DE SIMULATION

Le programme de simulation est le corollaire indispensable de l'arrêt des essais et du démantèlement des installations d'expérimentation car lui seul permet de garantir la fiabilité et la sûreté des armes futures.

1. L'arrêt des essais et le démantèlement des installations du centre d'expérimentations du Pacifique

En signant le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT) et en supprimant de manière irréversible ses capacités d'expérimentation, la France a pris deux décisions majeures qui pèsent lourdement sur les nouvelles orientations des programmes nucléaires.

Votre rapporteur ne reviendra pas longuement sur ces deux décisions qu'il a largement commentées dans son avis budgétaire de l'an passé.

S'agissant du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, rappelons simplement qu'il interdit " toute explosion expérimentale d'arme nucléaire, ou toute autre explosion nucléaire ", formule qualifiée d'option zéro car elle prohibe tous les essais, y compris ceux de faible puissance. Elle n'exclut pas cependant les programmes de simulation tels que ceux mis en oeuvre par la France et les Etats-Unis.

Il met également en place un régime de vérification qui s'appuie sur plusieurs éléments : un système international de surveillance constitué de 321 stations de mesures réparties d'une manière globalement uniforme sur les continents et les océans, de laboratoires et d'un centre international de recueil, de stockage et de gestion de données, un régime d'inspection sur place, des procédures d'échange d'informations entre les Etats-parties et l'organisation internationale du traité. Cette dernière comprend une conférence des Etats-parties, un conseil exécutif et un secrétariat technique qui, sous la supervision du conseil exécutif, assume la responsabilité d'ensemble du système de vérification. L'organisation doit progressivement se mettre en place à Vienne, sous l'égide d'une commission préparatoire installée depuis mars dernier et qui poursuivra sa mission jusqu'à l'entrée en vigueur du traité.

Il reste désormais à rendre effective l'application de ce traité, dont l'entrée en vigueur nécessite la ratification par 44 Etats-membres de la Conférence du désarmement possédant des capacités nucléaires de recherche ou industrielle, ce qui permet d'inclure sans les viser expressément les cinq puissances nucléaires déclarées et les trois Etats du seuil : l'Inde, le Pakistan et Israël. Si cette condition n'est pas atteinte au bout de deux ans, une conférence des Etats ayant déjà ratifié devra se réunir pour statuer sur l'entrée en vigueur sans attendre que la condition inscrite dans le traité soit totalement remplie.

Cette hypothèse est aujourd'hui la plus probable dans la mesure où l'Inde s'oppose toujours à la signature du traité.

L'application effective du traité d'interdiction des essais et la mise en oeuvre de vérifications efficaces sont d'autant plus importantes pour notre pays que la France a non seulement renoncé aux essais, mais également aux capacités matérielles d'expérimentation dont elle disposait dans le Pacifique, alors que des puissances nucléaires comme les Etats-Unis, la Russie et la Chine ont conservé leurs sites d'essais.

En effet, le démantèlement des installations des centres d'essais du Pacifique à Mururoa et Fangataufa a commencé dès 1996. Au 1er juillet dernier, près de 60 % de la surface construite avait été traitée.

Cette opération représente un coût global de 130 millions de francs.

Une partie des équipements scientifiques a été ramenée au CEA en métropole alors que l'essentiel des matériels sont récupérés par les armées, notamment au profit du 5e Régiment étranger stationné sur l'atoll de Hao. Les matériels restants ont été cédés aux communes et au territoire de Polynésie française ou vendus.

Par ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie atomique doit rendre en fin d'année ses conclusions sur les conséquences des essais effectués et la surveillance des atolls de Mururoa et Fangataufa reposera désormais sur un système de mesures et de détection automatiques, dont le gardiennage sera assuré par une section du 5e Régiment étranger.

La totalité des opérations de démontage devrait être achevée en 1998, année au cours de laquelle disparaîtra la Direction des centres d'expérimentations nucléaires (DIRCEN).

En résumé, la France qui a pris l'engagement juridique de renoncer aux essais en signant le traité, ne dispose plus aujourd'hui des moyens techniques nécessaires à la réalisation des expérimentations nucléaires.

Au-delà de l'ultime campagne d'essais qui a permis de certifier les têtes nucléaires TN75 qui équipent désormais les missiles M45 des SNLE de nouvelle génération, d'étudier le comportement d'amorces robustes, plus tolérantes aux variations technologiques, et d'acquérir de nouveaux éléments indispensables de mesure des phénomènes physiques, la simulation constitue désormais un moyen nécessaire pour pérenniser la capacité de dissuasion nucléaire de la France.

2. La garantie de la fiabilité et de la sûreté de la dissuasion repose désormais sur le programme de simulation

Votre rapporteur croit utile de revenir cette année encore sur les enjeux et le contenu du programme de simulation.

Il faut en effet rappeler que le programme de simulation répond à la nécessité de garantir à la fois la sûreté et la fiabilité des armes actuelles et de celles qui les remplaceront, mais aussi d'assurer à plus long terme la fiabilité de la dissuasion :

- les armes subissent des phénomènes de vieillissement des charges qu'il importe de surveiller et dont il faut mesurer les incidences pour y remédier. En l'absence d'essais, la simulation permettra d'évaluer les conséquences du vieillissement des charges et contribuera au maintien de la durée de vie des armes actuelles, telle qu'elle est prévue jusqu'à leur remplacement.

- les têtes nucléaires appelées à remplacer les charges actuelles bénéficieront des concepts " robustes " testés lors de la dernière campagne d'essais, qui devraient limiter les modifications par rapport aux engins testés. Mais seule la simulation permettra de garantir la fiabilité et la sûreté de ces charges nouvelles, garantie sans laquelle la dissuasion perdrait une part de sa crédibilité.

- enfin, à plus long terme, les concepteurs des armes qui assureront le renouvellement appartiendront à une génération n'ayant pas été confrontée aux essais en grandeur réelle. Au-delà des données recueillies lors de ces essais, la simulation leur fournira des calculateurs et des moyens expérimentaux adaptés (la machine radiographique AIRIX et le laser Mégajoule) leur permettant d'apporter la garantie de la fiabilité et de la sûreté des armes.

En résumé, le maintien de la dissuasion nucléaire suppose non seulement un arsenal d'armes nucléaires mais aussi une garantie permanente de la fiabilité et de la sûreté de ces armes qu'en l'absence d'essais, seule la simulation peut apporter.

La mise en oeuvre du programme de simulation repose sur de puissants moyens de simulation numérique fournis par des ordinateurs beaucoup plus performants que ceux actuellement en service, et sur des installations expérimentales permettant de valider les modèles physiques décrivant les phénomènes essentiels du fonctionnement des armes nucléaires : la machine radiographique AIRIX pour la visualisation détaillée du comportement dynamique de l'arme, et le laser Mégajoule pour l'étude des phénomènes physiques, notamment thermonucléaires.

La machine radiographique AIRIX , en phase de construction à Moronvilliers, en Champagne, sera vouée à l'analyse de la dynamique des matériaux et elle permettra d'étudier le fonctionnement non nucléaire des armes, à l'aide d'expériences au cours desquelles les matériaux nucléaires sont remplacés par des matériaux inertes. Elle devrait être opérationnelle dès 1999 et succéder à l'actuelle machine GREC.

Projet de plus grande ampleur, le laser Mégajoule qui sera installé au Barp, en Gironde, est pour sa part destiné à l'étude du domaine thermonucléaire. Il permettra de déclencher une combustion thermonucléaire sur une très petite quantité de matière et de mesurer ainsi les processus physiques élémentaires. Le développement du projet doit s'effectuer en plusieurs étapes, avec tout d'abord la construction d'une ligne d'intégration laser (LIL) qui devra valider et qualifier la définition de la chaîne laser de base du laser Mégajoule.

Le calendrier du programme de simulation a été arrêté en fonction de plusieurs critères : d'une part, la relève des équipes de concepteurs actuels par des équipes n'ayant pas connu les essais nucléaires, qui implique la mise à disposition de ces dernières de moyens de simulation, et d'autre part les échéances de remplacement des charges nucléaires actuelles .

Les principales phases de ce calendrier sont :

. 1999 : premier tir de démonstration sur AIRIX et début de la construction du bâtiment du laser Mégajoule,

. 2000 : recette finale de l'installation d'AIRIX,

. 2001 : qualification de la ligne d'intégration laser,

. 2006 : premières expériences sur le laser Mégajoule avec un tiers des faisceaux,

. 2010 : premières expériences sur le laser Mégajoule avec la totalité des faisceaux.

Le respect de ce calendrier implique celui des enveloppes financières affectées au programme, dont les investissements ont été évalués à 6,5 milliards de francs pour le laser Mégajoule, 500 millions de francs pour la construction d'AIRIX et 170 millions de francs pour la première génération d'ordinateurs.

Au-delà des exigences liées à la garantie de nos armes nucléaires, votre rapporteur souhaiterait également souligner l'importance du programme de simulation pour le maintien en France d'une très forte capacité scientifique dans le domaine du nucléaire militaire, qui place nos chercheurs, avec les Américains, au plus haut niveau de compétence. Il importe de préserver ce potentiel scientifique exceptionnel qui, par ailleurs, ne manquera pas de favoriser des retombées positives dans la recherche civile , que ce soit dans le domaine des lasers ou par l'apport de la méthodologie de la simulation pour des domaines tels que la sûreté nucléaire ou la biologie.

B. LA MODERNISATION DES COMPOSANTES OCÉANIQUE ET AÉROPORTÉE

L'abandon de la composante sol-sol implantée au plateau d'Albion, effectif depuis l'an passé, rend d'autant plus nécessaires la modernisation et le renouvellement des deux composantes complémentaires sur lesquelles repose désormais notre dissuasion.

1. La composante océanique

La modernisation de la force océanique stratégique passe :

- par la construction des 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engin de nouvelle génération , nombre minimal pour assurer si nécessaire la présence à la mer de 2 bâtiments,

- par le programme de missiles M45, dotés de la tête nucléaire TN75, qui doivent équiper les SNLE/NG.

Son renouvellement implique :

- de mener à bien le programme M51, qui sera doté dans un premier temps (2010) de la TN75, puis à partir de 2015 de la nouvelle tête nucléaire océanique, dont la portée sera de 6 000 km avec chargement complet contre 4 000 km pour le M45.

- l'adaptation des SNLE/NG à ce futur missile.

S'agissant des SNLE/NG , le Triomphant a été admis au service actif au début de 1997. Un nouvel étalement du calendrier de réalisation a été effectué si bien que les dates d'admission au service actif des futurs bâtiments sont les suivantes :

- SNLE/NG le Téméraire : printemps 1999

- SNLE/NG le Vigilant : hiver 2003

- SNLE/NG n° 4 : été 2007.

Rappelons que si les SNLE/NG emportent autant de missiles que les actuels sous-marins à propulsion nucléaire de type Redoutable, ils se caractérisent par une discrétion très supérieure, ce qui accroît considérablement leur invulnérabilité.

Le coût total du programme de SNLE/NG a été évalué à environ 88 milliards de francs.

Le missile M45, actuellement en service sur le Triomphant et qui équipera les autres SNLE/NG, a une portée supérieure à 4 000 km avec un chargement complet de ses têtes nucléaires TN75. Il dispose d'une meilleure capacité de pénétration que la version antérieure et a été durci vis-à-vis des effets d'une agression nucléaire en vol.

Il doit être remplacé à partir de 2010 par des missiles M51 équipés dans un premier temps de la TN75, puis, après 2015, de la nouvelle tête nucléaire océanique. Beaucoup plus lourd que le M45 et conçu pour résister aux systèmes de défense antimissiles futurs, le M51 aura également une portée beaucoup plus longue puisqu'elle sera de 6 000 km. Cette portée supérieure permettra d'élargir les zones de patrouille et donc d'accroître l'invulnérabilité des sous-marins.

Enfin, bien qu'ayant été conçu dès l'origine pour accueillir des missiles plus importants que les M45, les SNLE/NG devront subir certaines adaptations pour accueillir le M51. Le coût de développement du M51 (hors tête nucléaire et adaptation des SNLE/NG) est estimé à plus de 30 milliards de francs.

En résumé, pour faire face à sa mission consistant à assurer la permanence de la dissuasion face aux menaces massives, la FOST doit disposer :

. d'un nombre minimal de 4 sous-marins, dotés de hautes qualités de discrétion et d'indétectabilité,

. de missiles durcis contre les agressions et de portée accrue, afin d'accroître l'invulnérabilité des sous-marins en favorisant l'élargissement des zones de patrouille.

2. La composante aéroportée

La composante aéroportée repose sur les Mirage 2000-N de l'armée de l'air et sur les Super Etendard de l'aéronavale, qui emportent le missile air-sol moyenne portée (ASMP). Ces appareils doivent être à terme remplacés par le Rafale, tant dans l'armée de l'air que dans la Marine.

La modernisation de la composante aéroportée implique à partir de 2007 le remplacement de l'ASMP par un missile aux performances sensiblement accrues, l'ASMP amélioré, dont la portée et la capacité de pénétration de la défense antimissiles seront supérieures. Il sera dès son entrée en service doté d'une tête nouvelle. Il bénéficiera d'un vecteur à statoréacteur dit VESTA, dont le développement servira également au missile antinavires futur.

Le coût prévisionnel du programme ASMP amélioré s'établit à 4,3 milliards de francs.

Votre rapporteur souhaite insister sur l'importance de ce programme tant la composante aéroportée apparaît comme le complément indispensable de la composante océanique , surtout depuis l'abandon de la composante terrestre. Par sa souplesse d'emploi et sa mobilité, elle permet de diversifier les modes de pénétration. Mise en oeuvre depuis le sol ou depuis le porte-avions, elle peut offrir, selon les circonstances, au pouvoir politique, un moyen plus visible de dissuasion. Enfin, elle renforce la crédibilité de la dissuasion face au risque représenté par les progrès toujours envisageables, fût-ce à long terme, dans la détection des sous-marins.

Son maintien à un niveau crédible s'impose dans un contexte mondial marqué par la persistance des menaces et des risques liés à la prolifération.

II. DES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES DONT LA POURSUITE SERAIT PORTEUSE DE GRAVES INCERTITUDES POUR L'AVENIR DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

Avec une enveloppe de l'ordre de 16,5 milliards de francs consacrée à la dissuasion nucléaire, le projet de budget pour 1998 se situe en recul de près de 13 % et de 2,3 milliards de francs par rapport au budget voté de 1997 mais également par rapport à l'annuité prévue par la loi de programmation.

Cette forte diminution intervient alors que la loi de programmation avait déjà largement revu à la baisse les moyens financiers destinés au nucléaire, confirmant une tendance amorcée dès le début des années 1990.

Les crédits pour 1998 resteront donc très en-deçà du niveau défini par la loi de programmation, pourtant considéré comme calculé au plus juste, pour garantir la modernisation de composantes, réduites de trois à deux, et mener à bien le programme de simulation.

Compte tenu de l'ampleur de cette réduction de crédits, la question du respect des objectifs définis en 1996 est incontestablement posée. A l'évidence, la réponse à cette question ne peut être identique selon que la baisse des crédits du nucléaire présentera un caractère exceptionnel, limité à la seule année 1998, ou qu'elle sera confirmée au cours des exercices futurs. Il est clair que, bien que n'étant pas à ce stade formellement remises en cause, les grandes orientations qui fondaient la modernisation de notre dissuasion nucléaire risquent d'être fragilisées par la poursuite des orientations retenues pour 1998.

Votre rapporteur analysera l'évolution des crédits avant d'en évaluer l'incidence, à court et à moyen terme, sur la poursuite des programmes.

A. LA DIMINUTION DES CRÉDITS DU NUCLÉAIRE S'ACCÉLÈRE

S'inscrivant dans une tendance amorcée au début de la décennie, la loi de programmation avait prévu une diminution régulière des crédits de la dissuasion nucléaire.

Le projet de budget pour 1998 représente une nette rupture au regard de cet échéancier et il accélère la décrue des crédits du nucléaire qui atteindront l'an prochain un niveau exceptionnellement bas.

1. L'évolution générale des crédits consacrés au nucléaire : un niveau exceptionnellement bas en 1998

Les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire inscrits dans les budgets de l'armée de l'air, de la Marine, de la DGA et de la DIRCEN représentent un montant global de 16,56 milliards de francs pour 1998.

Les mêmes crédits se montaient à 18,95 milliards de francs dans le budget voté de 1997 (hors BCRD). Selon la loi de programmation, et après application des coefficients représentant la hausse des prix, ils auraient dû atteindre 18,89 milliards de francs en 1998.

On constate donc un recul de près de 13 % et de plus de 2,3 milliards de francs, par rapport au budget voté de 1997 et au niveau prévu pour 1998 par la programmation.

Dans l'ensemble des dépenses en capital du ministère de la défense, le nucléaire ne représente plus que 20,4 % contre 21,4 % en 1997, ces dépenses en capital étant par ailleurs inférieures de près de 10 % en francs constants à celles de 1997. L'impact des réductions de crédits est donc plus fort sur le nucléaire que sur le reste du budget de la défense . La part du nucléaire sur un budget d'équipement lui-même en forte baisse, diminue nettement.

Toujours en francs constants, les crédits de la dissuasion nucléaire ne représenteront plus en 1998 que la moitié de ce qu'ils étaient en 1992, ce qui signifie qu'en volume, l'enveloppe destinée au nucléaire aura été divisée par deux en six ans.

Cette décrue s'inscrit dans une tendance amorcée au début de la décennie, avec la révision progressive à la baisse du format des forces nucléaires et de plusieurs programmes.

Evolution de la part des crédits du nucléaire dans les dépenses en capital du budget de la défense

(1990-1996)

Année

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Nucléaire/TV-VI

31,4 %

30,1 %

29,0 %

25,7 %

22,8 %

21,8 %

21,9 %

Quoique de manière moins nette, cette évolution devait se poursuivre dans le cadre de la loi de programmation. Sur la base d'une enveloppe constante pour les dépenses en capital sur toute la durée de la programmation (86 milliards de francs en 1995), la part du nucléaire devait passer de 21,4 % en 1997 à 19,7 % en 2002.

Evolution des crédits du nucléaire prévue par la loi de programmation 1997-2002

MF 95

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Crédits nucléaires

18 361

18 103

17 789

17 447

17 142

16 943

Nucléaire TV-VI

21,4 %

21,1 %

20,7 %

20,3 %

19,9 %

19,7 %

En francs constants, les crédits consacrés au nucléaire en 1998 sont inférieurs de 12,3 % au niveau prévu pour cette même année 1998. Ils sont d'ores et déjà très inférieurs au montant qui aurait dû être atteint en 2002, après 6 années de diminution régulière.

Enfin, la réduction de crédits opérée en 1998 représente à elle seule une diminution de 2,1 % de l'ensemble de l'enveloppe prévue sur toute la durée de la programmation pour les programmes nucléaires.

2. Les crédits de la direction des applications militaires du CEA

Le CEA, par l'intermédiaire de sa direction des applications militaires (DAM), remplit trois types de missions dans le domaine du nucléaire militaire :

- la conception, la fabrication et la maintenance des armes , qui constituent l'essentiel de son activité et qui couvrent la livraison des TN 75 équipant les SNLE/NG, la conception des futures têtes nucléaires pour la composante océanique et la composante aéroportée et la mise en oeuvre du programme de simulation.

- la fourniture de matières pour les armes nucléaires et surtout désormais le démantèlement et l'assainissement des usines de production,

- enfin, la mise au point des systèmes de propulsion nucléaire, c'est-à-dire des chaufferies nucléaires équipant les sous-marins et le porte-avions Charles de Gaulle.

Globalement, les crédits inscrits au budget de la Défense qui seront transférés à la DAM en 1998 s'élèveront à 6,651 millions de francs. Ils seront inférieurs de 4,5 % à ceux transférés en 1997, et de près de 600 millions de francs au niveau attendu en application de la loi de programmation.

Si l'on se limite aux crédits inscrits au chapitre 51-70 (articles 16 et 30) et relatifs aux missions concernant les armes et les matières, les crédits prévus pour la DAM en 1998 s'élèvent à 5,979 milliards de francs, soit 4,7 % de moins qu'en 1997. Les crédits prévus pour la mission " armes ", qui concernent notamment les études et la réalisation du programme de simulation s'établissent à 4,538 milliards de francs et reculent de près de 13 %, alors que ceux concernant la mission " matières " s'élèvent à 1,441 milliard et augmentent de plus de 30 % en raison du coût des démantèlements et du traitement des déchets nucléaires.

La forte diminution des crédits de la DAM intervient après plusieurs exercices difficiles en raison d'annulations de crédits importantes survenues en cours d'année. Pour 1997, ces annulations ont représenté 250 millions de francs et elles ont entraîné un ralentissement des opérations d'assainissement des usines de Marcoule et de Pierrelatte, ainsi que des reports dans le lancement ou le déroulement de certaines études.

Pour 1998, s'agissant des crédits relevant de la mission " armes ", ils devraient pour l'essentiel être affectés au programme de simulation, auquel sera consacré 1,7 milliard de francs (dont 1 milliard de francs d'études et près de 700 millions de francs pour les investissements liés aux calculateurs, à la section radiographique AIRIX, et à la ligne d'intégration laser) ainsi qu'à la production de la TN 75.

Les crédits relatifs à la mission "matières" sont ajustés à la suite de l'arrêt de la production matières fissiles et sont consacrés à la récupération de matières sur les armes retirées du service et aux crédits d'assainissement et de démantèlement des usines en production de la vallée du Rhône.

Par ailleurs, le CEA poursuivra en 1998 l'importante restructuration de la DAM , dont les effectifs doivent être ramenés de 5 700 à 4 500 agents sur la période 1996-2000.

Cette restructuration se justifiait à la fois par l'arrêt des essais nucléaires et la diminution de l'ampleur des programmes d'armes mais aussi par la nécessité de privilégier l'effort d'investissement très important lié au programme de simulation. Elle se traduit :

- par une diminution des effectifs de 1 200 postes environ entre 1996 et 2000, effectuée sans licenciements grâce aux nombreux départs en retraite sur la période,

- par la fermeture de plusieurs sites d'implantation dont la charge d'entretien et de maintenance risquait de devenir trop lourde au regard du budget de la DAM, et par le regroupement des activités autour de quatre grands pôles.

La restructuration de la DAM bénéficie de crédits au titre du Fonds d'adaptation industrielle (219 millions de francs en 1997 et 241 millions de francs en 1998).

Après la fermeture du Centre d'Expérimentations du Pacifique en 1996, le centre de Vaujours sera fermé à la fin de l'année, celui de Limeil-Valenton cessant son activité fin 1999.

Le CESTA en Aquitaine, où sera réalisé le laser mégajoule, ainsi que les sites du Ripault en Touraine (matières non nucléaires) seront renforcés par des mutations de personnels des sites fermés en région parisienne. L'implantation en Ile de France sera concentrée à Bruyères le Chatel, qui accueillera l'autre partie des personnels des sites arrêtant leur activité. Le site de Moronvilliers en Champagne sera consacré aux expérimentations sur la machine radiographique AIRIX.

Une fois réalisée, la restructuration devrait permettre un allégement de 350 millions de francs des charges annuelles de fonctionnement de la DAM. D'ores et déjà, compte tenu des opérations engagées, l'économie pourrait être de l'ordre de 250 millions de francs en 1998.

A ce propos, votre rapporteur tient à souligner que les dépenses de rémunérations et de charges sociales ainsi que les dépenses de fonctionnement courant représentent environ la moitié du budget de la DAM. Or, ces dépenses, comme l'ensemble du budget de la DAM, sont intégralement financées sur le titre V du budget de la Défense.

Cette situation n'est guère justifiée. En effet, la DAM ne peut être considérée comme un industriel fournisseur de l'Etat alors qu'elle assure pour ce dernier des missions fondamentales, exigeant une continuité dans le temps. Alimentée exclusivement par le titre V, la DAM subit de plein fouet le contrecoup des annulations de crédits qui frappent régulièrement les crédits d'équipement de la défense.

On remarque que pour ses activités civiles, le CEA perçoit une subvention de fonctionnement inscrite au titre III du budget de l'Etat. De même, et de manière tout à fait justifiée, des crédits seront inscrits en 1998 au titre III du budget de la Défense pour le fonctionnement des activités étatiques de la Direction des constructions navales, nettement séparées des activités industrielles pour lesquelles la DCN reçoit des crédits du titre V.

Il serait tout à fait utile -et logique- qu'une telle séparation des dotations budgétaires distinguant les charges de fonctionnement et celles d'investissement puisse à l'avenir s'opérer pour la DAM.

3. Les autres crédits

Les autres crédits sont tout d'abord ceux de la Force océanique stratégique (FOST) qui passent de 5,692 à 4,235 milliards de francs de 1997 à 1998, soit un recul de 25,6 %.

Les dotations de la FOST devaient certes légèrement décroître au cours de la programmation, mais la diminution est beaucoup plus forte que prévu, les crédits étant inférieurs de plus de 700 millions de francs au montant prévu pour l'annuité 1998 de la programmation.

Le programme de construction du SNLE/NG type le Triomphant (y compris les crédits de recherche et de développement et ceux liés à l'environnement des bâtiments) représente à lui seul près de 2,6 milliards de francs. L'entretien programmé des matériels de la FOST bénéficie de crédits d'un montant de près de 1,2 milliard de francs. Enfin, le programme d'adaptation des SNLE/NG au futur missile M 51 fait l'objet d'un décalage et ne mobilise que 54 millions de francs en 1998.

Les crédits relatifs aux systèmes d'armes (hors têtes nucléaires), s'élèvent à 1,9 milliard de francs , dont 305 millions de francs pour le missile M45, 1,052 milliard de francs pour le missile M 51 et 215 millions de francs pour l'ASMP amélioré.

B. DES RETARDS DANS LE DÉROULEMENT DES PROGRAMMES DONT LA POURSUITE SERAIT PORTEUSE DE GRAVES INCERTITUDES A LONG TERME

La forte régression des dotations consacrées au nucléaire impose dès 1998 des retards et des étalements dans les programmes. Ces mesures palliatives permettent d'absorber les restrictions budgétaires sans remise en cause fondamentale des objectifs, du moins si l'on considère qu'aucune autre diminution de crédits ne viendra frapper ces programmes après 1998. S'il n'en était pas ainsi, la poursuite de la modernisation de nos deux composantes et la mise en oeuvre de la simulation se trouveraient alors incontestablement fragilisées.

1. L'impact des réductions de crédits en 1998 : des retards dans le développement des programmes

Même si elle ne conduit pas, à ce stade, à remettre en cause les différents programmes en cours dans le domaine de la dissuasion nucléaire, la diminution de 2,3 milliards de francs opérée en 1998 par rapport au niveau de dotations attendues en application de la loi de programmation entraînera des conséquences importantes sur leur déroulement.

La Direction des applications militaires du CEA, dont les crédits sont inférieurs de près de 600 millions de francs au montant attendu, fera essentiellement porter l'effort d'économies sur ses activités " matières " et " armes ". Le démantèlement de l'usine de production d'uranium enrichi de Pierrelatte, qui devait démarrer en 1998 et durer six ans, sera considérablement ralenti. L'activité de récupération des matières nucléaires sera elle aussi ralentie. Les programmes de recherche-amont seront réduits, ainsi que les programmes de simulation effectués avec les matériels actuels. Un certain nombre d'expérimentations (non nucléaires), importantes pour la mise au point des charges de renouvellement, seront repoussées.

En ce qui concerne la FOST, l'économie demandée représente environ 740 millions de francs, dont près de 400 millions de francs sur le programme SNLE/NG, plus de 200 millions de francs sur l'adaptation des SNLE/NG au futur missile M51, 100 millions de francs sur l'entretien programmé des bâtiments et 40 millions de francs sur l'adaptation opérationnelle du SNLE/NG. L'admission au service actif du 3ème SNLE/NG, le Vigilant, équipé de missiles M45, sera décalée d'un an, de 2002 à 2003, et imposera le maintien en service durant une année supplémentaire du Tonnant, équipé de missiles M4. Le programme d'adaptation des SNLE-NG au M51 fait l'objet d'un moratoire d'un an, qui ne remet pas en cause l'échéance de remplacement du M 45 par le M 51 (2010). S'agissant des SNLE de type Redoutable, un étalement sera opéré sur leur adaptation opérationnelle, notamment dans le domaine de la navigation et de la discrétion acoustique, et sur la mise en condition opérationnelle, par une réduction des travaux et des rechanges.

Une réduction de crédits de près de 450 millions de francs sera également opérée sur le développement du missile M 51 , par application d'un moratoire d'une année. Cette mesure intervient alors que dans le cadre de la loi de programmation, une économie de 20 % sur l'ensemble du programme avait déjà été réalisée par le passage du programme M5 au M51. Le moratoire appliqué en 1998 devrait, selon le ministère de la Défense, rester sans incidence sur le calendrier de mise en service , le développement étant réalisé dans un temps plus court. On notera que le respect de cet objectif impliquera donc de concentrer l'enveloppe de crédits sur une période plus brève et, par conséquent, d'allouer à ce programme à partir de 1999 des dotations supérieures à celles prévues en programmation.

D'une manière générale, les économies imposées ne 1998 ne font en réalité que reporter des charges inéluctables, correspondant à des opérations qui ne peuvent être purement et simplement annulées.

2. L'apparition d'incertitudes sur l'avenir des programmes nucléaires à long terme

Comme votre rapporteur l'a rappelé en début de ce chapitre, les grands choix opérés en 1996 tendaient à maintenir la crédibilité de la dissuasion nucléaire en définissant deux objectifs à moyen terme : la modernisation puis le renouvellement de nos deux composantes, la mise en oeuvre de la simulation, moyen essentiel pour garantir la fiabilité et la sûreté des armes futures.

Pour atteindre cet objectif, la loi de programmation avait défini une enveloppe financière sur six ans, que votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées avait alors considéré comme " calculée au plus juste ", en soulignant qu'elle correspondait, pour la force de dissuasion, à un seuil strictement incompressible .

De ce point de vue, même s'il ne faut observer pour le moment que quelques " glissements " dans le déroulement de programmes par ailleurs maintenus, l'importante ponction , supérieure à 2,3 milliards de francs, opérée en 1998 sur les crédits de la dissuasion nucléaire constitue un signe très négatif.

Pour votre commission, une réduction durable des crédits du nucléaire, c'est-à-dire au delà de 1998, impliquerait une remise en cause profonde de l'édifice bâti en 1996. En effet, comment maintenir deux composantes, les moderniser et assurer le renouvellement des armes tout en menant à bien le défi considérable constitué par la simulation avec des ressources très inférieures à celles prévues par la programmation ?

Certes, ces objectifs sont officiellement réaffirmés, mais pour les atteindre, il faudrait qu'après les restrictions budgétaires de 1998, le nucléaire retrouve en 1999 et au delà l'intégralité des dotations inscrites dans la programmation. Aussi les orientations de ce budget paraissent-elles inquiétantes, car si elles n'étaient pas corrigées après 1998, le financement de la dissuasion nucléaire atteindrait un nouveau palier peu compatible avec la réalisation des programmes prévus dans notre modèle d'armée.

Votre commission tient à rappeler avec force que le maintien de la crédibilité de la dissuasion nucléaire exige la modernisation et le renouvellement des deux composantes océanique et aéroportée qui apparaissent plus que jamais complémentaires. Il ne saurait davantage être question de fragiliser le programme de simulation, enjeu essentiel pour l'avenir de la dissuasion après l'arrêt des essais.

Aussi estime-t-elle que l'entorse très importante au respect de la loi de programmation, dans un domaine aussi fondamental que la dissuasion nucléaire, n'est pas acceptable si aucune garantie n'est apportée sur l'évolution des crédits indispensables à la poursuite des programmes après 1998.

CHAPITRE III -
L'ESPACE ET LE RENSEIGNEMENT MILITAIRES

Cités par le livre blanc sur la Défense au premier rang des nouvelles capacités prioritaires de nos forces armées, le renseignement et le commandement sont désormais reconnus comme des fonctions déterminantes pour la prévention et la gestion des conflits. Le renforcement de ces fonctions se traduit par une priorité affichée en faveur du développement des programmes spatiaux militaires et des moyens humains du renseignement.

I. L'ESPACE MILITAIRE : UN DOMAINE STRATÉGIQUE QUI POURRAIT SOUFFRIR D'UNE INSUFFISANTE COOPÉRATION EUROPÉENNE

La loi de programmation a reconnu le rôle essentiel des programmes spatiaux militaires de communication et d'observation, à la fois pour garantir l'autonomie et la fiabilité des décisions et pour assurer l'efficacité des actions de projection.

De fait, tout en ne représentant qu'un peu moins de 4 % des dépenses d'équipement des armées, l'effort de la France dans le domaine spatial militaire est très significatif, notamment par rapport à celui des autres pays européens, même s'il reste sans commune mesure avec le budget spatial militaire des Etats-Unis, environ vingt-cinq fois supérieur.

La suprématie américaine dans ce domaine crucial souligne avec plus d'acuité encore la nécessité pour la France de maintenir son effort si elle souhaite préserver, pour elle-même et pour l'Europe, l'autonomie que procurent les équipements spatiaux.

Rappelons que la loi de programmation préservait l'enveloppe consacrée à l'espace, représentant 20,7 milliards de francs sur six ans soit près de 3,5 milliards de francs par an, et retenait un double objectif : la poursuite et le perfectionnement du programme de communication SYRACUSE d'une part, et d'autre part, le développement en coopération d'un système d'observation global et cohérent, efficace de jour comme de nuit et par tous temps, grâce à l'association d'un satellite d'observation optique plus performant (HÉLIOS II) et d'un satellite d'observation radar (HORUS).

Au regard de ces objectifs et du caractère stratégique de l'équipement spatial, le projet de budget pour 1998 apparaît comme un signe inquiétant . En effet, les crédits relatifs à l'espace se montent à 3,1 milliards de francs et régressent de près de 200 millions de francs par rapport au budget voté de 1997. Ils se situent également nettement en retrait du niveau envisagé par la loi de programmation.

En dépit du caractère stratégique des programmes spatiaux et du rôle moteur de la France pour leur développement en Europe, l'espace n'est pas épargné par la réduction générale des crédits d'équipement des armées.

Cette contraction de l'enveloppe se traduit inévitablement par des mesures de moratoire ou d'étalement des programmes, mesures qui reflètent aussi très largement les difficultés de la coopération avec nos partenaires européens. A ce titre, l'absence d'engagement allemand sur HÉLIOS II et surtout sur HORUS s'avère gravement préoccupante pour l'avenir des programmes spatiaux militaires d'observation.

Avant d'analyser les conséquences de la réduction des crédits affectés à l'espace pour 1998, votre rapporteur souhaite en effet rappeler l'absolue nécessité de parvenir à poursuivre et à développer la coopération européenne dans le domaine spatial militaire.

A. UN ENJEU MAJEUR DE SOUVERAINETÉ QUI PASSE PAR UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE ACCRUE

L'acquisition de moyens spatiaux militaires constitue pour la France, et au-delà pour l'Europe, un enjeu majeur de souveraineté qui implique une coopération européenne beaucoup plus active. Cette dernière paraît aujourd'hui très affaiblie en raison du caractère de plus en plus hypothétique de la participation allemande aux programmes spatiaux d'observation .

1. Un enjeu majeur de souveraineté

Le rôle croissant des équipements spatiaux dans la prévention ou la gestion des crises les rend indispensables à tout pays ou tout ensemble de pays soucieux de préserver une capacité d'action autonome.

Ceux-ci sont en effet nécessaires aux communications à longue distance lors d'opérations de projection, les besoins spécifiquement militaires concernant la couverture géographique, la protection contre les agressions, le brouillage ou les interceptions exigeant des moyens adaptés, même s'ils peuvent en partie reprendre les caractéristiques des satellites civils.

Ils permettent surtout un développement considérable des capacités d'observation, grâce à la liberté de survol, à la faible vulnérabilité, à l'ampleur du champ observé et à la fréquence élevée d'observation. Ils améliorent la qualité de la documentation militaire (cartographie et surtout sites sensibles et objectifs militaires) et favorisent la surveillance d'un territoire que ce soit en temps de paix ou en temps de crise. Ces observations sont rapidement remises à jour. Elles permettent de connaître le positionnement des forces, de repérer les objectifs et de guider les armes à longue portée.

Les équipements spatiaux militaires connaissent en outre d'autres applications telles que l'écoute électromagnétique, qui permet de détecter une activité militaire avant l'éclatement d'une crise ou d'un conflit, la détection des tirs de missiles (alerte avancée), les systèmes de localisation et de navigation.

En raison de la capacité de décision et de l'autonomie d'action qu'ils confèrent, les moyens spatiaux militaires constituent un enjeu majeur de souveraineté. La France a pu en faire l'expérience depuis le lancement de ses satellites d'observation HÉLIOS I en 1995, car elle a pu se livrer à sa propre appréciation de certaines situations, sans dépendre exclusivement de sources d'information extérieures.

Toutefois, bien que sans équivalent en Europe, les moyens spatiaux militaires français restent très modestes au regard de ceux des Etats-Unis. On rappellera que le budget spatial militaire américain représente annuellement environ 15 milliards de dollars, soit un niveau 25 fois supérieur au budget français. La politique américaine vise aujourd'hui à multiplier la puissance et l'efficacité des moyens satellitaires en envisageant, au début du siècle prochain, la mise en orbite de "constellations" de satellites de communication, d'observation ou d'écoute électromagnétique qui amélioreront considérablement les performances dans le domaine du renseignement et des transmissions.

Face à la puissance américaine dans le domaine spatial, il importe de développer des capacités françaises et européennes propres qui, sans rivaliser avec le niveau atteint par les Etats-Unis, doivent permettre de préserver une certaine autonomie stratégique. Malheureusement, l'association de l'Allemagne aux efforts entrepris par la France et certains de ses partenaires européens, paraît aujourd'hui compromise à court terme.

2. Une coopération européenne en panne faute d'engagement allemand

Votre rapporteur a souligné à plusieurs reprises par le passé la nécessité d'une coopération européenne accrue dans le domaine spatial, à la fois pour des raisons financières (le coût des équipements, difficilement supportés par un seul Etat), pour des raisons industrielles (le renforcement de la synergie entre programmes civils et militaires dans le cadre d'une industrie spatiale européenne consolidée) et pour des raisons politiques (le rôle que peut jouer l'espace dans la concrétisation d'une Europe de la défense).

En dehors du centre expérimental satellitaire de Torrejon (Espagne), créé dans le cadre de l'UEO, il n'existe pas pour l'instant d'initiative européenne d'envergure dans le domaine spatial militaire.

En revanche, plusieurs initiatives nationales ont débouché vers des solutions de coopération bilatérale ou multilatérale de nature à faciliter le financement et la mise en oeuvre des programmes.

Ainsi, le système d'observation optique HÉLIOS I, lancé par la France en 1986, a-t-il été rejoint par l'Italie en 1987 et l'Espagne en 1988.

Dans le domaine des satellites de télécommunication, le programme SYRACUSE III, qui succédera à SYRACUSE II en 2005, devrait être conduit en coopération franco-britannique, avec éventuellement une participation allemande.

Enfin, l'accord intervenu le 7 décembre 1995 lors du sommet franco-allemand de Baden-Baden devait jeter les bases d'une importante coopération entre la France et l'Allemagne dans le domaine des satellites d'observation. Outre une participation dans le programme HÉLIOS II, l'Allemagne devait assurer la maîtrise d'oeuvre et prendre en charge la plus grande part du financement du satellite d'observation radar HORUS, complément indispensable des satellites d'observation optique pour obtenir une capacité d'observation par tous les temps.

L'accord de Baden-Baden revêtait une portée politique importante, car il rattachait l'Allemagne à l'Europe dans le domaine du renseignement satellitaire, domaine dans lequel elle entretenait une relation privilégiée avec les Etats-Unis. Il ouvrait par ailleurs de vastes perspectives pour le développement futur de moyens spatiaux européens, l'apport industriel et financier de l'Allemagne apparaissant décisif, aux côtés de celui de la France, pour enclencher une dynamique dans ce domaine.

Depuis lors, et malgré l'engagement personnel du chancelier allemand, aucune décision concrète de confirmation de la participation allemande à nos grands programmes spatiaux n'est intervenue.

Les implications financières de ces programmes et la possibilité de recours aux moyens américains ont incité certains responsables publics allemands à remettre en cause l'opportunité de construire un système d'observation radar européen.

Officiellement, l'Allemagne n'a pas renoncé à s'associer aux programmes HÉLIOS II et HORUS mais force est de constater qu'aujourd'hui sa participation s'avère de plus en plus hypothétique.

Cette probable défection allemande rend désormais plus lointaines les perspectives d'une Europe spatiale militaire et fragilise la possibilité pour les européens d'acquérir des capacités propres leur conférant une certaine autonomie stratégique. Elle renforce au contraire l'hypothèse d'une domination américaine plus affirmée encore.

B. UN BUDGET EN FORT RECUL

Avec 3,1 milliards de francs, les crédits relatifs à l'espace inscrits dans le projet de budget pour 1998 régressent de 5,6 % par rapport à 1997 et sont inférieurs de plus de 10 % au niveau prévu par la programmation.

S'il ne remet pas en cause les programmes SYRACUSE et HÉLIOS, ce recul traduit en revanche l'incertitude qui pèse désormais sur le programme HORUS.

1. L'évolution générale des crédits

L'enveloppe consacrée aux programmes spatiaux par la loi de programmation s'élevait à 20,7 milliards de francs sur 6 ans, soit 4 % des crédits d'équipement de la défense. Elle incluait pour plus de 6,2 milliards de francs le financement des programmes de télécommunications (2,2 milliards de francs pour SYRACUSE II, 4 milliards de francs pour SYRACUSE III) et pour plus de 11,6 milliards de francs les programmes d'observation (2,8 milliards de francs pour HÉLIOS I, 6,4 milliards de francs pour HÉLIOS II et 2,4 milliards de francs pour HORUS).

Le montant du budget spatial militaire devait représenter en moyenne 3,5 milliards de francs par an, et croître légèrement d'année en année tout au long de la période. Il faut observer que ce niveau consacrait un maintien des crédits par rapport aux années antérieures, l'espace se trouvant de ce fait préservé de la réduction générale des crédits d'équipement.

Le projet de budget pour 1998 tranche nettement avec les orientations retenues par la loi de programmation.

Crédits consacrés à l'espace (en millions de francs)

1997

1998

%

Autorisations de programme

3 407

2 790

- 18,1 %

Crédits de paiement

3 298

3 112

- 5,6 %

Comme le montre le tableau ci-dessus, la diminution des autorisations de programme est particulièrement forte et si celle des crédits de paiement est plus modérée, le niveau est de loin inférieur à celui prévu par la loi de programmation (près de 3,5 milliards de francs, compte tenu des coefficients d'actualisation).

On doit cependant se féliciter que conformément à la loi de programmation, le budget spatial militaire ne supporte plus de contribution au budget civil de recherche et de développement. Une dotation de 500 millions de francs a été inscrite à cet effet au titre VI, pour la participation de la défense au financement de la recherche duale.

Pour l'essentiel, la diminution de crédits résulte du moratoire d'un an décidé sur le programme HORUS , en l'absence de décision allemande. Le programme de satellite de télécommunication SYRACUSE III sera ralenti et le programme de surveillance de l'espace verra son lancement suspendu.

2. Les programmes de télécommunications SYRACUSE

Le programme SYRACUSE I, entré en service à partir de 1984, a permis de doter les armées de capacités de télécommunications par satellites.

Le programme SYRACUSE II visait à assurer la continuité du service au delà de 1995, à étendre le réseau à de nouveaux types de stations et à accroître la protection d'un certain nombre de liaisons.

Mis en service en 1991, le système SYRACUSE II a définitivement pris le relais de SYRACUSE I en 1995. Le lancement des deux derniers satellites en décembre 1995 et en août 1996 permet de garantir la continuité de service jusqu'en 2005 . A la fin de l'année 1997, l'ensemble des stations, au nombre d'une centaine contre 23 seulement pour SYRACUSE I, aura été livré. Le programme fait l'objet d'améliorations successives qui visent notamment à permettre une meilleure interopérabilité avec les systèmes alliés, notamment le système britannique SKYNET.

Le coût total du programme, y compris les compléments, est évalué à 13,6 milliards de francs, 10,8 milliards de francs ayant déjà été consommés.

Le projet de budget pour 1998 consacre 509 millions de francs de crédits de paiement à SYRACUSE II.

Le système successeur SYRACUSE III doit remplacer en 2005 le système SYRACUSE II. Il devra en outre accroître la capacité de résistance d'un nombre important de liaisons aux moyens de guerre électronique et étendre la zone de couverture, tout en améliorant la cohérence interarmées et l'interopérabilité avec nos alliés. La composante spatiale devrait comprendre 4 ou 5 satellites. Le nombre de stations devrait passer à près de 400 et leurs types seront diversifiés (notamment petites stations tactiques).

En phase de faisabilité depuis 1993, le programme devrait prochainement passer en phase de définition, de manière à respecter l'échéance fixée pour le lancement du premier satellite (2005).

Toutefois, les différentes options de coopération internationale pour la réalisation de ce programme n'ont toujours pas été tranchées.

Si une réalisation purement nationale demeure à l'étude, le coût prévisible du programme et la recherche d'une meilleure interopérabilité avec les alliés font privilégier la recherche de partenaires.

L'option la plus probable semble aujourd'hui consister en une coopération trilatérale (projet TRIMILSATCOM) entre la France et le Royaume-Uni (dont les besoins sont complémentaires compte tenu de la nécessité de remplacer SYRACUSE II et SKYNET) auxquels se joindrait l'Allemagne.

Le retard pris dans les discussions relatives à la coopération sur ce programme justifie la mise en place en 1998 de crédits d'un montant inférieur à celui prévu en programmation (255 millions de francs).

Dans l'hypothèse d'une coopération entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, le coût budgétaire de SYRACUSE III se monterait à 15,7 milliards de francs.

3. Les programmes d'observation optique HÉLIOS

Le système d'observation optique HÉLIOS I est opérationnel depuis octobre 1995. Il permet déjà d'assurer les fonctions de base du renseignement spatial mais ses capacités sont limitées à l'observation de jour et par temps clair.

Le programme d'observation optique HÉLIOS I a été lancé par la France en 1986 mais l'Ialie en 1987, puis l'Espagne en 1988 se sont joints au programme à hauteur respectivement de 14,1 % et 7 % et disposent d'un droit d'utilisation potentielle des images à due concurrence. Le système inclut un module expérimental d'écoute électromagnétique (EURACOM) qui est exclusivement réalisé par la France.

Ce programme a été mené en liaison avec le programme civil SPOT 4, les deux satellites utilisant une plate-forme commune.

Le premier satellite, HÉLIOS I A, est entrée en phase opérationnelle en octobre 1995. Le second, HÉLIOS I B, est disponible et stocké depuis fin 1996 en vue de la relève d'HÉLIOS I A, qui doit normalement intervenir en 1999.

Le coût total du programme HÉLIOS I s'élève à 9,6 milliards de francs. Plus de 8 milliards de francs avaient déjà été consommés au début de l'année.

Le projet de budget pour 1998 inscrit un crédit de 557 millions de francs au titre d'HÉLIOS I.

Le système HÉLIOS II doit normalement permettre d'assurer la continuité du service dès 2001 , en remplacement du système HÉLIOS I.

Sa phase de définition a débuté en 1994 avec les objectifs suivants :

· permettre l'observation de nuit grâce à une capacité infrarouge ,

· améliorer les capacités de prise de vue et de transmission des images afin d'en augmenter le nombre et de réduire les délais d'acquisition de l'information,

· améliorer la résolution des images pour mieux détecter les objectifs d'intérêt militaire.

Le système comporterait trois satellites dont le premier devait normalement pouvoir être lancé dès 2001.

Comme HÉLIOS I, HÉLIOS II doit être réalisé en coopération européenne. L'Italie et l'Espagne, déjà partie prenantes dans le cadre d'HÉLIOS I ont bien entendu été sollicitées. Le principe d'un élargissement à l'Allemagne de cette coopération a été décidé au sommet franco-allemand de Baden-Baden en décembre 1995 puis confirmé au sommet de Dijon en mai dernier.

Pour le moment, la participation de chacun de nos partenaires à ce programme n'est pas clarifiée.

L'hypothèse d'un taux de coopération de 20 % dont 10 % pour l'Allemagne et 10 % répartis entre l'Espagne et l'Italie, a été retenue. Le coût global du programme étant estimé à plus de 14 milliards de francs, la part incombant à la France, dans cette hypothèse, dépasserait 11,2 milliards de francs.

Pour l'heure, la participation allemande paraît compromise. La France a annoncé qu'elle poursuivrait le développement d'HÉLIOS II tout en ménageant à l'Allemagne la possibilité de rejoindre le programme ultérieurement.

La France a déjà consacré (fin 1996) près de 2 milliards de francs à HÉLIOS II. Les crédits inscrits au budget 1997 pour ce programme se montaient à 1,049 milliard de francs et ils passeront à 1,42 milliard de francs en 1998.

La date de lancement du premier satellite a été décalée de 6 mois et si la non-participation allemande se confirme, il faudra soit accroître significativement les dotations consacrées à ce programme dans les toutes prochaines années, soit revoir à nouveau la date du passage du relais entre HÉLIOS I et HÉLIOS II.

4. Le programme d'observation radar HORUS menacé par l'absence de participation allemande

Le programme d'observation radar HORUS a été conçu en complément du programme optique HÉLIOS pour obtenir des images par tous les temps, même en cas de couverture nuageuse, de jour comme de nuit, y compris sous des couverts (fumée, camouflage), avec des possibilités de surveillance de larges zones.

L'ensemble des avantages de l'observation radar est toutefois contrebalancé par une plus grande difficulté d'interprétation des images, si bien que la référence aux observations optiques demeure indispensable .

Il existe donc une très forte complémentarité entre observation optique visible ou infrarouge et observation radar , la fusion de ces trois types d'images enrichissant considérablement l'information et permettant le recueil des renseignements quelles que soient les conditions sur le terrain.

Seule la mise en oeuvre du programme d'observation radar HORUS peut donc permettre, associée au système HÉLIOS, de construire un système d'observation spatiale militaire complet et cohérent.

Le programme HORUS, qui comporterait le lancement de trois satellites à partir de 2005, devait faire l'objet d'une coopération européenne avec l'Allemagne et l'Italie. Le principe d'une répartition de la charge industrielle à hauteur de 60 % pour l'Allemagne et de 40 % pour la France avait été retenu au Sommet de Baden-Baden. La participation d'autres partenaires éventuels devait s'imputer sur la part des deux pays, de manière à respecter la proportion 60 %/40 % entre la France et l'Allemagne. Dans la perspective d'une participation italienne, l'Allemagne assurant la maîtrise d'oeuvre et prenant à sa charge la plus grosse part du financement, la France n'aurait financé le programme qu'à hauteur du tiers et l'Italie du cinquième.

L'absence de confirmation de l'engagement allemand a d'ores et déjà conduit à appliquer un moratoire sur ce programme , si bien que le lancement du premier satellite interviendrait au mieux en 2006.

Le projet de budget tire les conséquences de cette situation et n'inscrit que 30 millions de francs au titre du programme HORUS.

Si l'Allemagne renonçait définitivement à sa participation, on ne voit pas comment ce programme pourrait être maintenu, sinon dans une version profondément remaniée et revue à la baisse.

II. LE RENSEIGNEMENT : DES MOYENS HUMAINS ACCRUS

La priorité accordée au renseignement, sous toutes ses formes, suppose que le développement de nouveaux moyens techniques tels que les satellites d'observation, s'accompagne d'un renforcement du potentiel humain et matériel des services chargés de recueillir, de traiter et d'exploiter l'information.

Le projet de budget prévoit une diminution globale des moyens affectés au service de renseignements mais celle-ci résulte plus d'une baisse des crédits d'équipement, notamment des dépenses d'infrastructure, que d'une baisse des moyens de fonctionnement, ceux-ci progressant légèrement.

Votre rapporteur analysera l'évolution des moyens des différents services concourant au renseignement avant d'évoquer une nouvelle fois la question de l'implication du Parlement dans le domaine du renseignement.

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

Le "bleu" budgétaire regroupe dans un agrégat "Renseignement" les crédits alloués à la Direction générale de la sécurité extérieure et à la Direction de la protection et de la sécurité de défense.

Pour 1998, ces crédits s'élèvent à 1,367 milliard de francs, soit une diminution de 5,1 % par rapport au budget voté de 1997.

Evolution des crédits relatifs au renseignement

(en millions de francs)

1997

1998

%

Personnel

Fonctionnement

574,802

214,067

602,377

203,667

+ 4,8

- 4,9

Total titre III

788,869

806,044

+ 2,2

Titre V

651,000

561,000

- 13,8

Total

1 439,869

1 367,044

- 5,1

Il faut toutefois observer que ces chiffres ne concernent, s'agissant de la DPSD, que les dépenses hors rémunération et charges sociales.

Par ailleurs, la Direction du Renseignement Militaire (DRM), rattachée à l'Etat-major des armées, n'est pas incluse dans cet ensemble.

B. LES MOYENS DES DIFFÉRENTS SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Votre rapporteur évoquera successivement la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction de la protection et de la sécurité de défense (DPSD), la Direction du renseignement militaire (DRM) et la délégation aux affaires stratégiques (DAS).

1. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

Les crédits de la DGSE se monteront à 1 296 millions de francs en 1998 contre 1 362 millions de francs en 1997, soit une diminution de 4,9 %.

Les dépenses ordinaires , qui se monteront à 762 millions de francs, progressent de 2,6 %, la réduction de 4,8 % des crédits de fonctionnement courant (159 millions de francs) étant contrebalancée par l'augmentation de 4,8 % des crédits de rémunération et charges sociales (602 millions de francs), en raison de l'augmentation des effectifs.

Les dépenses en capital s'élèveront à 534 millions de francs, soit 13,9 % de moins qu'en 1997 . Les crédits destinés aux fabrications (399 millions de francs) baissent de 6,1 % mais ce sont surtout les crédits d'infrastructure (135 millions de francs) qui diminuent le plus fortement, puisqu'ils seront inférieurs de 30,8 % et de 60 millions de francs à ceux de 1997.

En ce qui concerne les effectifs , ceux-ci progressent de 2,2 % et atteindront 4 045 personnes en 1998. La loi de programmation a retenu le principe d'une augmentation régulière des effectifs, qui devraient se situer autour de 4 300 personnes en 2002. Cette augmentation devrait essentiellement s'effectuer par un accroissement des postes occupés par des personnels civils. Ceux-ci représentent déjà les deux tiers des effectifs de la DGSE et leur proportion devrait dépasser 70 % d'ici 2002.

L'année 1998 verra la création de 65 emplois civils et de 22 emplois de militaires. Les effectifs seront donc répartis entre 2 714 civils et 1 331 militaires, dont 166 appelés du contingent.

Votre rapporteur précise que les corps de fonctionnaires de la DGSE ne sont pas régis par le statut général de la fonction publique mais par un dispositif spécifique.

En ce qui concerne les crédits d'équipement, on ne peut que constater que leur baisse brutale risque de peser sur le déroulement du programme de réalisation de nouveaux centres d'interception et sur les travaux d'extension du siège de la direction, sur le site de la caserne Mortier, travaux qui avaient été évalués à 380 millions de francs sur la durée de la programmation.

2. La direction de la protection et de la sécurité de défense (DPSD)

Les crédits dévolus à la DPSD , hors rémunérations et charges sociales, accuseront une baisse sensible en 1998, passent de 77,26 à 70,96 million de F, soit une diminution de 8,2 %.

Les crédits de fonctionnement courant passent de 46,26 à 43,96 millions de francs (- 5 %). Les crédits d'équipement du titre V passent de 31 à 27 millions de francs (- 12,9 %) et sont essentiellement consacrés au plan d'équipement informatique de la direction, qui a été revu à la baisse.

En ce qui concerne les effectifs , ceux-ci se situaient depuis plusieurs années autour de 1 620 personnes (1 360 militaires et 258 civils en 1997). La professionnalisation devrait se traduire par une déflation globale du nombre des personnels, par un réexamen de l'organisation territoriale pour prendre en compte la nouvelle répartition des états-majors et des grands commandements, par le remplacement partiel des appelés du contingent (247 en 1997) par des engagés volontaires et des personnels civils et par un recours accru à la sous-traitance, notamment dans les domaines touchant au secteur (gardiennage, nettoyage). En revanche, la professionnalisation ne modifiera pas les missions dévolues à la DPSD en matière de protection des informations, des personnes, des matériels et des installations de la défense.

3. La direction du renseignement militaire (DRM)

Les crédits alloués à la DRM, hors rémunérations et charges sociales, s'établiront à 81,975 millions de francs en 1998 contre 83,475 millions de francs en 1997, soit une diminution de 1,8 % de budget à budget.

Les crédits de fonctionnement inscrits au titre III destinés à la DRM et aux organismes interarmées qui en dépendent (centre de formation interarmées d'interprétation de l'imagerie, centre d'information sur les rayonnements électromagnétiques, unité interarmées Helios, école interarmées du renseignement et des études linguistiques) diminuent de 1,5 million de francs (- 4 %) et s'établissent à 35,975 millions de francs pour 1998. Le quart environ de ces crédits concerne des dépenses de déplacements et transport.

Les crédits d'équipement du titre V s'élèvent à 46 millions de francs et sont identiques à ceux du budget voté en 1997. Ces crédits destinés aux investissements de la DRM ne comprennent pas le financement de certains programmes d'armement (SARIGUE et MINREM notamment) destinés à la recherche électromagnétique du renseignement à vocation opérationnelle et technique.

Conformément aux objectifs retenus par la loi de programmation, les effectifs de la DRM devraient augmenter régulièrement pour atteindre environ 2 000 personnes en 2002.

En 1997, la DRM employait 1 689 personnes réparties comme suit :

- 716 personnes à "l'administration centrale", dont 339 à Paris et 377 à la base aérienne 110 de Creil,

- 347 personnes dans les trois organismes rattachés à la DRM, également situés à Creil : 228 au CFIII (centre de formation et d'interprétation interarmées de l'imagerie), 99 au CIREM (centre d'information sur les rayonnements électromagnétiques) et 20 à l'unité interarmées Helios,

- 626 personnes réparties entre l'école interarmées du renseignement et des études linguistiques à Strasbourg et les détachements autonomes de transmissions.

Organisme récent, créé en 1992, la DRM cherche à accroître progressivement les moyens techniques nécessaires à la conduite de sa mission de renseignement, en particulier à l'exploitation des différentes sources de renseignement. Dans le domaine du renseignement d'origine image, le regroupement à Creil des unités spécialisées des trois armées permet la fusion des systèmes de photo-interprétation de chaque armée, l'entrée en service du satellite Helios I A permettant en outre d'accroître considérablement les capacités de renseignement. Dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique, le CIREM, lui aussi basé à Creil, poursuit sa modernisation en vue de rattraper le retard français dans ce domaine. L'installation d'une station d'interception est en cours de réalisation en zone Antilles-Guyane.

Par ailleurs, l'effort se poursuit en vue d'améliorer les transmissions et l'interconnexion de réseaux entre la DRM et ses organismes interarmées associés. La transmission d'informations vers les théâtres extérieurs fait également l'objet d'une attention prioritaire.

4. La délégation aux affaires stratégiques (DAS)

Créée en 1992, la délégation aux affaires stratégiques (DAS) ne constitue pas un service de renseignement mais elle doit renforcer la capacité d'analyse et de réflexion stratégique du ministère de la Défense.

La DAS assure la coordination et la préparation des données liées à la réforme des armées et à la politique de défense, elle participe à la mise au point des positions internationales intéressant la défense, notamment en ce qui concerne l'OTAN et l'UEO et elle suit, dans le domaine de la maîtrise des armements et de la prolifération, les négociations relatives au traité d'interdiction complète des essais nucléaires. En matière de réflexion prospective, elle est chargée du secrétariat du comité de coordination des études prospectives de défense à caractère politico-militaire, économique et social.

Les effectifs de la DAS comptent environ 110 personnes, dont 57 officiers, sous-officiers et militaires du rang, 30 personnels civils de catégorie A, 14 appelés du contingent et 10 personnels civils de catégorie C.

Du point de vue financier, elle bénéficie de crédits de fonctionnement gérés par la direction de l'administration générale du ministère de la défense. Elle pilote un programme d'études stratégiques représentant entre 15 et 17 millions par année qui est financé pour partie par des crédits de la délégation générale pour l'armement, et pour le restant par des subventions inscrites au titre VI et allouées aux principaux instituts de réflexion stratégique ayant passé convention avec le ministère.

C. UNE QUESTION TOUJOURS EN SUSPENS : L'IMPLICATION DU PARLEMENT DANS LE DOMAINE DU RENSEIGNEMENT

Votre commission a évoqué à plusieurs reprises lors des précédents débats budgétaires la question, qui lui semble importante, de l'implication du Parlement dans le domaine du renseignement.

Sans revenir longuement sur ce sujet (cf. avis n° 80, tome IV, 1995-1996, pages 81-82 et page 98, avis n° 89, tome IV, 1996-1997, pages 61 à 66), votre rapporteur souhaite simplement rappeler que sans mésestimer la spécificité du renseignement, dont l'efficacité suppose la confidentialité, la discrétion et le secret, cette démarche s'inscrit dans le souci de conforter une activité reconnue à juste titre comme prioritaire dans le nouveau contexte stratégique. Il apparaît en effet nécessaire de ne pas laisser le Parlement à l'écart d'une activité essentielle pour la sécurité du pays, mais plus encore de contribuer à une meilleure prise de conscience du rôle éminent du renseignement dans notre politique de défense.

Votre rapporteur avait évoqué l'an passé les différentes législations en vigueur chez nos principaux partenaires, notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ont instauré au sein de leur Parlement des structures habilitées à connaître du fonctionnement des services de renseignement. Il lui semble à nouveau qu'une démarche prudente mériterait d'être également engagée dans ce sens en France, par exemple sous la forme d'une structure parlementaire habilitée à entendre les responsables des services et à recevoir des informations périodiques sur leurs activités.

Le précédent premier ministre avait demandé "au secrétaire général de la défense nationale, qui assure le secrétariat du comité interministériel du renseignement (CIR), de lui proposer les procédures à même d'améliorer l'information du Parlement" (JO Questions Sénat, 31.10.96 p. 2837).

Votre rapporteur souhaite, sur ce point important, que l'actuel gouvernement donne suite à cette démarche et effectue des propositions.

CHAPITRE IV -
LES AUTRES ACTIONS COMMUNES

I. LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT

Avec plus de 29,6 milliards de francs prévus pour 1998, le budget de la Délégation générale pour l'armement représente à lui seul plus de la moitié des crédits de l'ancienne section commune. Ce chiffre ne saurait cependant résumer à lui seul la place de la DGA au sein du ministère de la Défense. En effet, au travers des programmes d'armement dont elle suit le déroulement, elle est appelée à gérer environ 80 % des crédits d'équipement de la Défense. C'est dire son rôle pivot tant sur le plan budgétaire qu'au regard de la satisfaction des besoins exprimés par les états-majors et du devenir des industries de défense.

Il était par conséquent logique que la DGA se trouve au coeur de la réforme des armées et de la politique de défense, tout particulièrement dans un contexte de restrictions budgétaires incitant à rechercher une réduction du coût des programmes d'armement.

Votre rapporteur évoquera la mise en oeuvre de la réforme de la DGA puis l'avenir de ses structures industrielles ainsi que de ses centres d'expertise et d'essais, avant de commenter l'évolution des crédits qui lui sont affectés en 1998.

A. UNE RÉFORME AXÉE SUR LA RATIONALISATION DE LA CONDUITE DES PROGRAMMES D'ARMEMENT

L'année 1997 a été marquée par la mise en oeuvre de la refonte institutionnelle de la DGA, autour d'un objectif ambitieux : renforcer la cohérence et réduire les coûts des programmes d'armement. Elle a vu également se poursuivre les efforts de la DGA pour renforcer la coopération européenne en matière d'armement.

1. La refonte institutionnelle de la DGA

Le décret du 17 janvier 1997 a mis en place la nouvelle organisation institutionnelle de la DGA :

. les directions chargées des programmes , jusqu'alors réparties par " milieux " (terre, air, mer, espace) ont été remplacées par trois directions agissant ensemble pour assurer la cohérence de la préparation et de la conduite des programmes : la direction des systèmes de forces et de la prospective, qui pilote les actions de recherche, conduit les développements technologiques communs, prépare les programmes et conduit ceux relatifs aux missiles stratégiques et aux moyens d'observation, de télécommunications et de renseignement ; la direction des systèmes d'armes, qui conduit les programmes terrestres, navals, aéronautiques et de missiles tactiques ; la direction des programmes, des méthodes d'acquisition et de la qualité, qui regroupe les compétences nécessaires pour mener à bien les programmes (achat, qualité, maintien en condition opérationnelle, etc ...).

. les activités industrielles, d'expertise et d'essais, ont été nettement séparées et relèvent de trois structures : la direction des centres d'expertises et d'essais, le service de la maintenance aéronautique et la direction des constructions navales, désormais entièrement vouée à ses tâches industrielles, les tâches étatiques et les personnels les exécutant relevant du service des programmes navals de la direction des systèmes d'armes.

. la politique industrielle et la coopération relèvent de la direction de la coopération et des affaires industrielles alors que le contrôle et la promotion des exportations sont assurés par une direction des relations internationales.

. les tâches d'organisation sont dévolues à la direction de la gestion et de l'organisation et à la direction des ressources humaines

Au terme de l'année 1997, la nouvelle organisation devra être définitivement mise en place et les modes de fonctionnement ainsi que les objectifs à moyen terme devraient être définis.

2. Un objectif ambitieux : accroître la cohérence et réduire les coûts des programmes d'armement

La DGA a engagé au cours de l'année les premières mesures visant à renforcer la cohérence et à réduire les coûts des programmes d'armement.

Le renforcement de la cohérence des programmes d'armement trouve sa traduction dans plusieurs innovations.

Tout d'abord, l' approche par grandes fonctions militaires (par exemple : commandement, conduite, communications, renseignement) ou par grandes missions (par exemple : frappe dans la profondeur, maîtrise du milieu aéroterrestre, du milieu aéronautique, du milieu aérospatial, mobilité stratégique et technique) est désormais privilégiée. Elle présente un fort caractère interarmées et permet de mieux mesurer la complémentarité des différents systèmes, en vue d'une cohérence d'ensemble. La DGA utilise désormais la notion de " système de forces " et a créé dans cette perspective la fonction nouvelle d'" architecte " de système de forces " disposant d'un homologue opérationnel dans les états-majors. Leur rôle consiste à analyser la cohérence et l'opportunité du lancement des nouveaux programmes, et à veiller, pour les programmes existants, à la cohérence d'ensemble de leur déroulement, sur le plan des échéances, du financement et des caractéristiques techniques.

La DGA élabore ensuite un plan prospectif à 30 ans, en s'appuyant notamment sur ces architectes de système de forces. Le plan prospectif doit éclairer les choix sur les armes futures, définir les nouveaux types d'armement à développer à cet horizon ainsi que les technologies nécessaires.

Enfin, une importante refonte du traitement des études amont a été opérée. Les crédits correspondants ont été pour l'essentiel regroupés sous le contrôle de la DGA. Les études-amont seront orientées en fonction du plan prospectif à 30 ans et un plan d'études amont sera établi en vue de mieux les adapter aux besoins futurs et de permettre une utilisation plus optimale de leurs résultats par les utilisateurs.

En ce qui concerne le coût des programmes , l'objectif d'une réduction de 30 % a été affiché, ce chiffre devant être entendu comme représentant l'économie à réaliser sur un programme défini mais dont la réalisation n'a pas commencé. Les méthodes retenues consistent à limiter le besoin de matériel et de système " au juste nécessaire " pour l'exécution des missions des forces armées, à utiliser dans la mesure du possible les normes, les technologies et les standards civils, à renforcer la compétence d'acheteur des cadres de la DGA, à réduire les délais de développement, à recourir plus fréquemment à la concurrence et à fixer aux industriels des objectifs de productivité volontaristes, mais aussi à accroître la politique des commandes pluriannuelles.

Lors de son audition par la commission, le délégué général pour l'armement a précisé que sur la centaine de programmes d'armement en cours, 78 avaient été placés sous contrôle de gestion en vue d'obtenir un coût inférieur à celui prévu lors de l'adoption de la loi de programmation. L'objectif fixé est de réaliser 85 milliards de francs d'économies sur les programmes se déroulant sur la période de la planification, c'est-à-dire d'ici 2015. Selon le délégué, les négociations avec les industriels et les révisions de spécifications admises par les états-majors auraient d'ores et déjà permis d'assurer 27,6 milliards de francs d'économies sur ces programmes, dont 7,4 milliards de francs identifiés sur la période de la programmation (1997-2002) et le restant sur la période 2002-2015.

3. Le renforcement de la coopération européenne

Le renforcement de la coopération européenne constitue également l'un des objectifs majeurs de la DGA, à la fois pour satisfaire les besoins croissants d'interopérabilité des équipements et pour réduire le coût des programmes pour les budgets nationaux tout en offrant un marché plus vaste aux industriels européens.

Dans ce domaine, les évolutions ne peuvent être que lentes et progressives.

La création, le 12 novembre 1996, de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) par l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni constitue à ce titre un élément très positif. Cette organisation, ébauche d'un agence européenne d'armement, entend favoriser une meilleure complémentarité technologique et industrielle entre les pays concernés et dépasser la notion de " juste retour " industriel, apprécié programme par programme, au profit d'un " juste retour " globalisé sur plusieurs années et sur plusieurs programmes.

Dans un premier temps, les programmes de missiles Milan, Hot, Roland et d'hélicoptère Tigre, issus de deux bureaux de programme franco-allemands, seront rattachés administrativement à l'OCCAR.

Pourraient également être concernés ultérieurement les programmes de radar de contrebatterie Cobra, le véhicule blindé VBCI, le satellite de télécommunications Syracuse III et éventuellement, si la coopération se confirme, les programmes Hélios II et Horus.

L'OCCAR dispose déjà d'une structure réduite (30 personnes) installée à Bonn et dirigée par un Français. Son fonctionnement implique qu'elle soit dotée de la personnalité juridique, ce qui n'est pas encore le cas, afin qu'elle puisse passer directement des contrats et recevoir des engagements pluriannuels de la part des Etats.

B. L'AVENIR DES ACTIVITÉS D'EXPERTISE ET D'ESSAI ET DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES DE LA DGA

La réforme de la DGA touche également les différentes structures au travers desquelles elle intervient comme opérateur, dans le domaine des expertises et des essais et dans le domaine industriel, principalement de construction navale.

1. Les centres d'expertise et d'essais

Les 23 centres de recherche et d'études, d'évaluation, d'expertise et d'essais qui dépendaient jusqu'alors de diverses direction ont été regroupés depuis cette année au sein de la Direction des centres d'expertise et d'essais, de manière à séparer nettement ces organismes, considérés désormais avant tout comme des prestataires de service, des directions chargées de la conduite des programmes.

Dans le cadre de l'objectif de diminution de 30 % du coût d'intervention de la DGA, les centres d'expertise et d'essais se voient assigner une amélioration de leurs performances et de leur productivité et un effort de réduction des coûts.

Les effectifs, actuellement au nombre de 12 000 personnes pour l'ensemble des centres, devraient diminuer, notamment par utilisation des procédures de reclassement dans les armées.

Un effort important est également demandé aux centres d'expertise et d'essais pour réduire leurs dépenses de fonctionnement courant et pour mettre en commun leurs moyens et regrouper les approvisionnements.

D'une manière générale, le regroupement des centres sous l'autorité d'une direction unique doit permettre une meilleure coordination de leurs moyens, de leurs investissements et de leurs activités.

Sur ce plan du rôle des centres d'expertise et d'essais, deux orientations sont retenues :

- la contractualisation des relations entre les directions de programme de la DGA et les centres, afin de mieux maîtriser le coût des prestations,

- la diversification des activités par la recherche de commanditaires extérieurs à la défense, soit dans le secteur civil, soit à l'étranger.

Enfin, le passage des centres d'expertise et d'essai sous compte de commerce est évoqué sans que son principe soit actuellement approuvé. Une telle décision entraînerait des conséquences importantes pour des centres dont les missions d'études au profit de l'Etat ne peuvent entièrement être assimilées à de simples prestations de service.

2. Le service de la maintenance aéronautique

Depuis cette année, le service de la maintenance aéronautique regroupe les trois ateliers industriels de l'aéronautique de Bordeaux, Clermont-Ferrand et Cuers-Pierrefeu. Ces ateliers assurent environ 40 % de la maintenance industrielle des aéronefs militaires, et interviennent dès lors que celle-ci requiert des moyens importants.

L'atelier de Bordeaux est spécialisé dans la maintenance de la réparation des moteurs d'aéronefs, celui de Clermont-Ferrand dans la maintenance et la réparation des aéronefs de l'armée de l'air et des hélicoptères de l'armée de terre, et celui de Cuers-Pierrefeu se consacre aux appareils de l'aéronautique navale.

Au 31 décembre 1996, les effectifs du service de la maintenance aéronautique s'élevaient à 3 600 personnes, dont 1 190 à Bordeaux, 1 323 à Clermont-Ferrand et 1 087 à Cuers-Pierrefeu. Au 30 juin 1997, ils avaient été ramenés à 3 554 personnes, la diminution des effectifs du service étant liée à la réduction de format des armées mais aussi à l'amélioration de la conception et de la fiabilité des appareils.

Aussi les ateliers industriels de l'aéronautique sont-ils confrontés à une diminution de leur plan de charge.

3. La Direction des constructions navales

La mise en oeuvre de la réforme de la Direction des constructions navales (DCN) s'est poursuivie en 1997.

La séparation des activités dites " étatiques " et des activités industrielles a été menée à bien. La DCN assure désormais l'ensemble des fonctions industrielles de construction navale alors que les fonctions de maîtrise d'ouvrage qu'elle exerçait relèvent désormais de la direction des systèmes d'armes, et plus précisément du service des programmes navals. Par ailleurs, les centres d'expertise de la DCN sont désormais rattachés à la Direction des centres d'expertise et d'essais.

Cette séparation des activités industrielles et étatiques se traduit par un transfert de personnels jusqu'alors inclus dans le compte de commerce en zone budgétaire. Ce transfert touche 2 026 personnes dont 856 ouvriers, 445 officiers, 50 sous-officiers, et 675 civils titulaires ou contractuels.

L' adaptation des effectifs au plan de charge s'est poursuivie, par le biais de départs anticipés, de dégagement des cadres pour les ouvriers, de cessations anticipés d'activité pour les fonctionnaires, de départs volontaires indemnisés, de détachements et mises à disposition ou de mutations dans les armées.

S'ajoutant aux départs naturels, ces mesures devraient permettre de ramener l'effectif de la DCN à 19 800 personnes pour 1997 , soit environ 2 000 de moins qu'au début de l'année.

Les mesures incitatives devraient concerner au cours de l'année 1 465 personnes et se répartir de la façon suivante : 459 dégagements de cadres, 21 cessations anticipées d'activité, 157 indemnités de départ volontaire, 785 mutations dans les armées et 43 détachements et mises à disposition.

S'agissant des mutations dans les armées et les services communs, au 30 septembre 1997, 1 125 dossiers de mutation avaient été élaborés et 853 avaient été acceptés par les organismes d'accueil, principalement la Marine.

Le fonds d'adaptation industrielle, imputé sur le budget de la Marine, et doté de 327 millions de francs, a permis de financer le dégagement de cadres (230 millions de francs), les départs volontaires (50 millions de francs) et les mutations dans les armées (50 millions de francs).

A la date de rédaction du présent rapport, l'objectif de diminution des effectifs de la DCN pour 1998 n'avait pas encore été fixé et il dépendait à la fois des perspectives d'évolution du plan de charge, des contrats à l'exportation et d'éventuelles adaptations du dispositif de formation-mobilité.

A cet égard, votre rapporteur souhaite souligner que les mutations de personnels des arsenaux vers les armées , principalement la Marine, ont été réalisées en nombre satisfaisant en 1997 mais risquent de s'avérer insuffisantes en 1998. En effet, on constate une certaine distorsion entre les postes proposés dans les armées, souvent pour remplacer les appelés du contingent, et les qualifications des personnels de la DCN. Par ailleurs, ces postes peuvent être géographiquement éloignés des établissements de la DCN et l'on constate déjà que la Marine n'a pu pourvoir des emplois proposés aux ouvriers des arsenaux à Toulon ou à Paris. Fondées exclusivement sur le volontariat, les mutations vers les armées pourraient donc être plus difficiles en 1998, l'essentiel des potentialités ayant été réalisé en 1997. Aussi faudrait-il sans doute envisager une adaptation du dispositif à partir de l'an prochain.

Parallèlement à l'adaptation de ses effectifs, la DCN redéfinit son mode de fonctionnement afin de le rapprocher de celui d'une entreprise. L'aspect essentiel de cette évolution consiste à contractualiser l'ensemble des projets avec le service des programmes navals.

Enfin, l'un des objectifs majeurs de la DCN pour les années à venir consiste à diversifier des activités et à conquérir des marchés à l'exportation.

En ce qui concerne la diversification, une première expérience est actuellement en cours avec la construction de plates-formes pétrolières offshore.

La DCN a par ailleurs enregistré des résultats significatifs à l'exportation , des contrats ayant été conclus ou étant en cours de conclusion avec Taïwan pour la fourniture de frégates proches du type La Fayette, avec l'Arabie saoudite pour une frégate et des matériels de défense antiaérienne et anti-sous-marine, avec la Norvège pour le nouveau système de combat des patrouilleurs de la Marine norvégienne et avec le Chili pour la fourniture de deux sous-marins à propulsion classique de type Scorpène, réalisés avec le chantier espagnol Bazan.

La poursuite de cet effort à l'exportation est absolument indispensable pour redresser la situation de la DCN et favoriser un plan de charge compatible avec l'évolution des effectifs.

Votre rapporteur ne peut que vivement déplorer la décision inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997 de reverser au budget général l'excédent financier de 1,4 milliard de francs réalisé par la DCN sur le contrat de vente de frégates à Taïwan. Cette mesure est critiquable à plusieurs titres :

- elle pénalise la DCN alors que celle-ci est aux prises avec des difficultés considérables liées à l'évolution de son plan de charge,

- elle va à l'encontre du nécessaire encouragement de l'exportation, en privant la DCN des fruits de ses succès sur les marchés à l'étranger,

- elle provoque un déséquilibre financier, lié notamment au fait que les bénéfices réalisés sur le contrat concerné compensaient les pertes subies sur d'autres activités, déséquilibre qu'il faudra bien redresser.

D'une manière plus générale, on peut s'étonner de voir appliquer à un secteur en crise une pratique généralement réservée aux entreprises publiques dégageant d'importants bénéfices.

C. LE BUDGET DE LA DGA

Avec 25,6 milliards de francs en crédits de paiement, le budget de la DGA pour 1998 s'inscrit en hausse de 2,5 % par rapport à celui de 1997. Ce mouvement contraire à celui de l'ensemble du budget de la défense résulte d'importants transferts de crédits liés à la réforme de la DGA. Votre rapporteur évoquera l'évolution de ces crédits avant de détailler celle des effectifs et de mentionner les mesures prises par la DGA pour réduire son coût d'intervention.

1. Un budget marqué par d'importants transferts de crédits

Le montant des crédits alloués à la DGA pour 1998 s'élève à 25,652 milliards de francs contre 25,030 milliards de francs en 1997, soit une augmentation de 2,5 %.

Les dépenses en capital des titre V et VI s'élèveront à 18,949 milliards de francs, soit 0,6 % de plus qu'en 1997.

Les dépenses ordinaires s'élèvent à 6,702 milliards de francs, soit 8,1 % de plus qu'en 1997.

Evolution des dépenses ordinaires de la DGA (en millions de francs)

1997

1998

%

Rémunérations et charges sociales

4 043

4 637

+ 14,7 %

Fonctionnement courant

1 353

1 267

- 6,3 %

Subvention de fonctionnement

771

770

- 0,1 %

Dépenses diverses

32

28

- 11,5 %

Total dépenses ordinaires

6 199

6 702

+ 8,1 %

La forte augmentation des dépenses ordinaires résulte exclusivement de la réforme de la DCN, dont les activités étatiques, désormais clairement séparées des activités industrielles, sont prises en compte par le budget alors qu'elles relevaient auparavant du compte de commerce. Un transfert de 2 026 emplois a ainsi été opéré du compte de commerce vers la zone budgétaire.

Cette " budgétisation de la DCN étatique ", augmente de 690 millions de francs les dépenses ordinaires, dont 535 millions de francs au titre des rémunérations et charges sociales et 135 millions de francs au titre du fonctionnement courant.

Abstraction faite de cette opération, c'est-à-dire à paramètres constants, les dépenses ordinaires de la DGA auraient diminué de 3 %, avec une augmentation de 1 % seulement des rémunérations et charges sociales et une diminution de 16 % sur le fonctionnement courant.

Evolution des dépenses en capital de la DGA

en millions de francs

1997

1998

Etudes

dont

16 778

16 343

- 2,6 %

espace

2 977

2 786

- 6,4 %

nucléaire

11 526

10 819

- 6,1 %

classique :

2 275

2 737

+ 20,3 %

Investissement

1 314

1 323

+ 0,7 %

Infrastructure

96

99

+ 4,1 %

Subvention d'investissement

642

1 183

+ 84,3 %

Total

18 830

18 949

+ 0,6 %

L'évolution des dépenses en capital est également marquée par d'importants transferts de crédits :

- 190 millions de francs provenant du budget de la Marine et finançant des investissements du service des programmes navals, l'ex DCN " étatique ",

- 844 millions de francs représentant les crédits d'études-amont désormais placés sous gouvernorat de la DGA et provenant des trois armées,

- 500 millions de francs inscrits au titre VI et destinés à être transférés au budget civil de recherche et développement au titre de la recherche duale en matière spatiale.

A périmètre constant, les crédits d'équipement de la DGA diminueront de 7,5 %.

Ce recul est particulièrement net pour les crédits d'études, qui constituent l'essentiel des dépenses en capital de la DGA. Votre rapporteur a déjà analysé l'impact de ces réductions de crédits, très supérieures à ce que prévoyait la loi de programmation, dans le domaine de l'espace (moratoire sur le programme Horus notamment) et du nucléaire (réduction des crédits de la Direction des applications militaires du CEA, décalage sur le développement du M51).

2. L'évolution des effectifs de la DGA

Le tableau suivant retrace l'évolution des effectifs budgétaires de la DGA de 1997 à 1998, en englobant les personnels relevant du budget de l'Etat proprement dit, et ceux relevant du compte de commerce.

1997

1998

Officiers

3 500

3 434

- 1,9

Sous-officiers

903

899

- 0,4

MDR

40

20

- 50,0

Contingent

825

625

- 24,2

Total militaires

5 268

4 978

- 5,5

Titulaires

9 696

9 574

- 1,3

Contractuels

4 928

4 879

- 1,0

Ouvriers

23 996

22 646

- 5,6

Total civils

38 620

37 099

- 3,9

Total général

43 888

42 077

- 4,1

L'effectif global, qui avait diminué de 5,3 % en 1997, sera réduit de 4,1 % en 1998, soit une suppression de 1 811 postes, dont 1 370 postes d'ouvriers.

L'application de la loi de programmation entraîne la suppression de 395 postes, la volonté de réduire le coût d'intervention de la DGA se traduisant par une déflation supplémentaire de 59 postes d'officiers et de 1 350 emplois en zone compte de commerce.

La professionnalisation va entraîner la disparition de la ressource en appelés, constituée de scientifiques du contingent, mais la DGA compte y faire face sans difficulté grâce au maintien à un niveau proche du niveau actuel des effectifs de cadres civils et militaires.

La budgétisation des activités étatiques de la DCN a entraîné le passage en zone budgétaire de 2 026 postes relevant jusqu'alors du compte de commerce de la DCN.

Le tableau suivant fournit la répartition des effectifs entre la zone budgétaire et les comptes de commerce.

Répartition des effectifs de la DGA

Zone budgétaire

/97

Comptes de commerce

/97

Militaires

4 165

+ 5,5 %

813

- 38 %

Civils titulaires et contractuels

10 117

+ 5,2 %

4 336

- 13,5 %

Ouvriers

5 755

+ 17,5 %

16 891

- 11,6 %

total

20 037

+ 8,5 %

22 040

- 13,3 %

A périmètre constant, indépendamment du transfert en zone budgétaire des personnels du service des programmes navals, les effectifs en zone budgétaire auront diminué de 2,4 % et ceux relevant des comptes de commerce de 5,4 %.

3. La réduction du " coût d'intervention " de la DGA

La DGA s'est fixé comme objectif de réduire son " coût d'intervention ", notion économique qui retrace le coût de ses structures permanentes et des moyens mis en oeuvre pour assurer leur fonctionnement.

Défini dans le cadre du contrôle de gestion mis en place par la DGA, le coût d'intervention ne concerne pas les activités industrielles de la DGA mais seulement ses activités étatiques, c'est-à-dire celles des services de programmes, des directions centrales et des centres d'expertise et d'essais.

Certains de ces coûts ne sont pas supportés par le budget de la DGA (personnel mis à disposition, prestations reçues en fonctionnement et en investissement).

Ainsi défini, le coût d'intervention de la DGA s'établissait à 7,4 milliards de francs en 1996 (dont environ 3 milliards de francs pour la réalisation d'essais au profit des programmes d'armement), ce qui représentait une diminution de 5 % en francs constants par rapport à 1995. Il devait être ramené à 7 milliards de francs (- 5,4 %) en 1997, l'objectif étant de parvenir à 6,6 milliards de francs en 1998.

Les mesures envisagées touchent :

- les dépenses de rémunérations et charges sociales (53 % du coût d'intervention), par une poursuite de la réduction des effectifs grâce aux départs anticipés et à des mutations vers les armées,

- les dépenses de fonctionnement (31 %) par le regroupement des moyens de soutien sous la responsabilité unique de l'établissement central de soutien et par la redéfinition de la politique d'achats de fonctionnement,

- les dépenses d'investissement (16 %), par un programme d'économies sur l'informatique et par un contrôle centralisé des investissements.

II. LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

Service de soutien indispensable à l'activité des forces, le service de santé des armées se situe, à plusieurs titres, au coeur de la réforme des armées. Il est touché de plein fouet par la professionnalisation, qui implique la disparition de l'apport important en personnel médical jusqu'alors fourni par le contingent. Il doit mener une profonde restructuration, qui se traduit notamment par la fermeture de plusieurs établissements hospitaliers. Enfin, sa participation croissante aux opérations extérieures souligne la réorientation de ses missions vers le soutien de la projection des forces.

La période de transition allant jusqu'en 2002 exige donc de profondes mutations et s'avérera particulièrement délicate pour le service de santé.

Dans ce contexte, les crédits afférents au service de santé pour 1998 connaissent une diminution brutale de près de 15 %, tant en moyens de fonctionnement que d'équipement. Rendue possible, aux yeux du gouvernement, par l'évolution des ressources provenant de l'activité hospitalière et dont le service de santé dispose par ailleurs grâce à un fonds de concours, cette contraction importante des crédits budgétaires risque cependant de pénaliser le service au moment où il traverse une phase d'adaptation complexe.

A. UN SERVICE CONFRONTÉ À UNE PROFONDE MUTATION

L'évolution du service de santé au cours des prochaines années sera marquée par une mutation profonde perceptible au niveau des effectifs, de l'organisation et des missions.

1. Les effectifs : la nécessité d'une politique active de recrutement

La loi de programmation militaire prévoit une diminution de 27 % des effectifs du service de santé des armées, qui doivent passer de 18 451 personnes en 1996 à 13 509 personnes en 2002, cette diminution résultant de la suppression du service national.

Le niveau d'effectifs prévu en 2002 doit permettre le soutien simultané d'une force terrestre de 30 00 hommes, d'une base aérienne projetée et d'un groupe aéronaval sur un théâtre, alors que, sur un second théâtre, un groupement de forces plus limité pourra être engagé.

Le tableau ci-dessous retrace les prévisions d'évolution des effectifs d'ici 2002.

Prévision d'évolution des effectifs du service de santé d'ici 2002

1996

1997

1998

2002

Officiers

3 447

3 453

3 455

3 406

Sous-officiers

3 798

3 935

4 049

3 914

MDR engagés

10

50

100

240

Civils

6 253

6 128

6 077

5 710

Appelés et volontaires

4 943

4 050

3 000

239

TOTAL

18 451

17 616

16 681

13 509

En ce qui concerne les effectifs d'officiers l'évolution est retracée par le tableau suivant.

Evolution des effectifs d'officiers du service de santé

1996

1997

1998

2002

Médecins

2 303

2 330

2 356

2 412

Pharmaciens

255

255

255

208

Vétérinaires

48

53

59

83

Dentistes

0

0

0

58

OCTA *

398

390

384

339

MITHA officiers **

253

245

231

179

Aumôniers militaires

183

173

163

120

Officiers de l'armée de terre

7

7

7

7

Total officiers

3 447

3 453

3 455

3 406

* officiers des corps technique et administratif de la santé

** militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées

On rappellera qu'en 1996, les appelés du contingent fournissaient 38 % des emplois de niveau officier, soit 27 % des médecins, 63 % des pharmaciens, 75 % des vétérinaires et 92 % des dentistes (24 chirurgiens dentistes officiers d'active étaient employés sur des postes de pharmacien).

La suppression du service national implique donc la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de recrutement.

La création d'un corps de chirurgiens dentistes est rendue indispensable par la disparition des 256 postes budgétaires des dentistes du contingent. Aux 24 postes d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA) actuellement réalisés dans le cadre du statut des pharmaciens, qui seront transformés, s'ajouteront 34 postes supplémentaires pour porter à 58 l'effectif du nouveau corps en 2002. Un plan de recrutement prévoit l'étalement des recrutements jusqu'en 2002, à raison de 5 à 6 postes par an, ces postes étant partagés entre les établissements hospitaliers et les forces. La santé dentaire dans les armées sera prise en charge à la fois par les chirurgiens dentistes des forces et des hôpitaux sur une base territoriale. Le recrutement s'effectuera prioritairement par le biais des officiers de réserve servant en situation d'activité (ORSA), avec possibilité d'intégration ultérieure, ainsi que parmi les élèves des écoles du service de santé.

Les fonctions de vétérinaire-biologiste sont elles aussi largement assurées par les appelés, si bien qu'un recrutement sera opéré soit auprès de volontaires diplômés, soit en école de formation initiale pour compléter les effectifs du corps d'officiers d'active déjà existant.

Quant au remplacement des médecins appelés du contingent, il impliquera un recrutement diversifié. Le recrutement sur concours interviendra tant après le baccalauréat, qu'au début de chaque cycle et, enfin, auprès de médecins déjà diplômés d'Etat. Le recrutement sur titre, soit sous contrat, soit sous statut d'ORSA, sera également maintenu car il permet de pourvoir rapidement aux besoins spécifiques du service.

Votre rapporteur tient à souligner que ces recrutements doivent être suffisamment ciblés pour atteindre deux objectifs :

- assurer le soutien des forces en maintenant l'encadrement médical des forces et en renforçant les spécialités hospitalières nécessaires au soutien de la projection, en premier lieu la chirurgie et l'anesthésie-réanimation,

- garantir le maintien du niveau des hôpitaux des armées, tant pour des exigences de qualité des soins et de sécurité que pour conserver la clientèle libre qui apporte au service de santé des ressources financières à peu près équivalentes aux ressources budgétaires.

Enfin, la disparition du service national impose une augmentation des personnels paramédicaux, ceux-ci étant désormais formés dans une école unique, l'école des personnels paramédicaux des armées.

2. L'organisation : un format profondément remanié

La restructuration du service de santé concerne tant sa présence au sein des forces, que l'organisation hospitalière et le ravitaillement sanitaire.

En ce qui concerne le soutien sanitaire intégré aux armées , les nouvelles orientations sont les suivantes :

. dans l'armée de terre, les services médicaux des régiments projetables comporteront un médecin par unité élémentaire de combat, et le soutien médical en opérations se traduira par la professionnalisation du 1er régiment médical, renforcé de deux hôpitaux mobiles de campagne, et par la création d'une unité composée de quatre bataillons médicaux.

. dans l'armée de l'air, de trois à cinq médecins sont planifiés par base, selon l'importance de celles-ci et leurs charges spécifiques (aptitude du personnel navigant, sécurité des vols, médicalisation des évacuations sanitaires par voie aérienne),

. dans la Marine, les conditions d'isolement du soutien médical détermineront les plans d'armement des bâtiments en personnels médicaux.

S'agissant des hôpitaux des armées , le modèle retenu pour 2002 prévoit une réduction de 4 500 à 3 400 du nombre de lits en métropole, ces lits se répartissant entre 9 centres hospitaliers et un centre de rééducation.

Après la fermeture du centre hospitalier des armées de Bourges en 1993, le service de santé compte actuellement 17 établissements, dont 9 hôpitaux d'instruction. Le nombre d'établissements sera ramené à 14 d'ici la fin 1999, avec la fermeture des centres hospitaliers des armées de Lille en 1998 et de Dijon et Strasbourg en 1999.

Enfin, la réorganisation du ravitaillement sanitaire a été engagée, avec la fermeture en 1997 de la pharmacie magasin du port de Toulon et de l'établissement de matériels de mobilisation de Lyon. L'établissement central des matériels de mobilisation de Bordeaux sera fermé en 1998.

3. Les missions : une priorité au soutien des forces de projection

Le service de santé des armées doit prioritairement répondre aux besoins générés par le soutien des forces en opérations.

La participation aux opérations extérieures au cours des années récentes témoigne de l'importance de cette nouvelle orientation mais aussi des difficultés auxquelles elle se heurte.

Au cours de l'année 1997, le soutien médical des forces françaises engagées en opérations extérieures a nécessité, en moyenne, près de 300 personnels médicaux et paramédicaux.

Ce chiffre est certes sensiblement inférieur à l'engagement requis en 1996 et l'optimisation des ressources constitue l'un des objectifs recherchés par le service en liaison avec l'état-major des armées. De même, le caractère multinational des opérations doit permettre de jouer sur la complémentarité des moyens des différents pays, ainsi que l'illustre l'intégration d'une équipe chirurgicale française au sein de l'hôpital allemand de Sarajevo et le déploiement d'un poste de secours allemand à Mostar, avec la compagnie chirurgicale mobile française.

Toutefois, le soutien des unités engagées dans des opérations extérieures n'est possible que par prélèvement de personnels sur les forces et sur les organismes relevant du service de santé, notamment les hôpitaux. On considère en effet que le départ en mission d'une antenne chirurgicale correspond à la mise en sommeil de l'équivalent d'un centre hospitalier des armées. L'engagement simultané et durable de plusieurs antennes chirurgicales réduit d'autant la capacité des hôpitaux des armées à assurer leur mission de temps de paix en métropole. Ainsi, au coût direct des opérations extérieures en termes de rémunérations des personnels, de dépenses de matériel, de médicaments, de transport et de mise en condition des personnels, s'ajoute pour le service de santé un coût indirect, lié à la réduction de son activité hospitalière lorsque ses établissements se trouvent privés d'une partie de leurs équipes chirurgicales.

B. UN BUDGET EN RECUL DE PRÈS DE 15 % EN 1998

Le budget du service de santé subira un recul de 14,6 % en 1998, qui va très au delà des simples conséquences de la réduction de son format. Ce recul traduit une nouvelle répartition entre les ressources budgétaires et les ressources provenant du fonds de concours, qui comporte un risque de fragilisation du service dans la délicate période d'adaptation qu'il traverse.

1. L'évolution générale des crédits

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des crédits du service de santé de 1997 à 1998.

Evolution des crédits du SSA (en millions de francs)

1997

1998

%

Rémunérations et charges sociales

1 286,559

1 185,942

- 7,8

Fonctionnement

753,239

556 ,309

- 26,1

Total titre III

2 039,798

1 742,251

- 14,6

Equipements

128,9

102,0

- 20,9

Infrastructures

154

139

- 9,7

Total titre V

282,89

241

- 14,8

Total général

2 322,688

1 983,251

- 14,6

La diminution des crédits est de même ampleur en ce qui concerne les dépenses en capital et les dépenses ordinaires.

Pour les dépenses en capital , qui représentent traditionnellement une faible part du budget du service de santé, le recul est particulièrement net pour les dépenses d'équipements (- 20,9 %), mais il atteint près de 10 % pour les dépenses d'infrastructure.

La modernisation des installations du service et des formations sanitaires de campagne sera affectée par cette réduction des ressources.

Les opérations prévues en 1998 concernent la poursuite des équipements techniques modulaires, l'équipement du nouveau centre de transfusion sanguine des armées de Clamart, la construction du bloc technique de l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué à Bordeaux et la reconstruction de la pharmacie centrale des armées d'Orléans.

S'agissant des dépenses ordinaires , on assiste en 1998 à une diminution de 7,8 % des dépenses de rémunérations et de charges sociales et de 26,1 % des crédits de fonctionnement courant.

La stricte application de la " tranche 1998 " de la loi de programmation a peu d'impact sur l'évolution des dépenses ordinaires.

En effet, si la suppression de 1 050 emplois d'appelés entraîne une économie de 17,5 millions de francs sur les crédits de rémunérations et charges sociales, ceux-ci sont majorés de 18,9 millions de francs pour assurer les créations d'emplois prévus en 1998 (3 officiers, 47 élèves, 50 MITHA sous-officiers, 50 militaires du rang). En outre, la mensualisation de la solde des élèves officiers entraîne une dépense supplémentaire de 20 millions de francs par rapport à 1997 et un crédit de 2,7 millions de francs est prévu pour la rémunération de personnels vacataires.

Quant aux dépenses de fonctionnement courant, qui couvrent notamment l'entretien et l'achat de matériels, le fonctionnement et l'entretien immobilier ainsi que les dépenses d'alimentation, leur réduction va très au delà de ce qu'impliquait la stricte application de la loi de programmation.

La diminution considérable des crédits de dépenses ordinaires du service de santé est essentiellement imputable à une mesure d'économies de 325 millions de francs , qui s'applique à hauteur de 150 millions de francs aux rémunérations et charges sociales et de 175 millions de francs aux dépenses de fonctionnement.

Présentée par le ministère de la Défense comme une contribution à l'effort général de maîtrise des dépenses publiques, cette mesure appliquée au service de santé prendrait en compte " l'évolution de la structure de financement dont une part est assurée par des recettes externes de cessions de prestations médicales ".

Ainsi, les recettes tirées de l'activité hospitalière du service de santé, qui lui sont reversées par un fonds de concours, compenseraient cette réduction des ressources budgétaires.

2. Un risque de déséquilibre dans les ressources du service de santé

Le service de santé présente l'originalité de fonctionner à partir d'une double catégorie de ressources :

- les ressources budgétaires provenant des titres III et V du ministère de la Défense,

- les produits d'un fonds de concours qui regroupe les recettes des services hospitaliers, qu'ils tirent des prestations médicales délivrées à leur clientèle.

La part des produits de l'activité hospitalière des établissements militaires s'est accrue puis s'est stabilisée à partir de 1993 pour représenter près de la moitié des ressources du service de santé. Selon les indications fournies par le bulletin du SIRPA Santé de juin 1997, le rapport entre les produits des fonds de concours et l'ensemble des ressources du service était de 48,6 % en 1993, 47,93 % en 1994, 47,75 % en 1995, 48,27 % en 1996 et 48,98 % selon les estimations effectuées pour 1997.

On observe donc une relative stabilité de la répartition entre les ressources budgétaires et celles des fonds de concours.

La réduction de 325 millions de francs des crédits du service de santé envisagée pour 1998 aura deux conséquences :

- la diminution de la part des crédits budgétaires, désormais inférieure à 50 %, dans les ressources du service de santé,

- une diminution globale, de l'ordre de 7 %, des ressources totales du service de santé, qui ne pourrait être compensée que par une hausse de l'activité hospitalière, assez peu probable dans un contexte de limitation des dépenses de santé et de diminution du nombre d'établissements.

Votre rapporteur considère qu'il est particulièrement inopportun de rompre l'équilibre entre les deux sources de financement du service de santé, au détriment des ressources budgétaires , alors que ce service se trouve en pleine phase de réorganisation et que les produits des fonds de concours, désormais voués à assurer plus de la moitié des dépenses, présentent un caractère éminemment aléatoire.

Cette démarche, qui n'était absolument pas inscrite dans la loi de programmation, présente deux risques :

- créer des difficultés dans le fonctionnement du service de santé en 1998 en ajoutant aux contraintes budgétaires déjà importantes qui lui ont été imposées

- amoindrir l'effet positif que joue la procédure des fonds de concours dans la gestion des hôpitaux militaires, ceux-ci se trouvant de fait privés d'une partie des fruits de leurs efforts.

III. LES AUTRES SERVICES COMMUNS

A. LE SERVICE DES ESSENCES DES ARMÉES

Chargé du ravitaillement des forces en produits pétroliers, le service des essences est un service interarmées qui exerce son activité dans deux grands domaines :

. la cession des produits pétroliers aux armées et le soutien logistique " carburants " des forces engagées en opérations extérieures ou lors des manoeuvres et exercices,

. l'expertise dans son domaine de compétence technique (définition des spécifications et homologation des produits pétroliers nécessaires aux armées ; définition, réalisation, gestion et soutien des matériels pétroliers ; contrôle technique, notamment des véhicules de transport de produits pétroliers).

La priorité du service des essences est actuellement de dégager une forte capacité de projection sur les théâtres d'opérations extérieures.

Initiées dès 1991, les restructurations engagées par le service des essences se sont amplifiées avec la professionnalisation des armées.

En ce qui concerne les effectifs du service des essences , la professionnalisation du service s'accompagne d'une " militarisation " accrue, afin de répondre aux nécessités opérationnelles qui résultent en particulier de l'engagement du service dans les opérations extérieures (70 à 100 personnes par an engagées régulièrement dans les opérations extérieures depuis 1990, avec des pointes temporaires sur plusieurs mois pouvant atteindre 170 personnes). Ainsi la totalité des postes d'appelés et le tiers des postes de civils seront transformés en postes de militaires du rang engagés d'ici 2002 (suppression des 639 postes d'appelés, diminution de 906 à 610 des personnels civils ouvriers et augmentation de 310 à 850 des postes d'engagés d'ici 2002). En 1998, le service des essences supprimera 120 postes d'appelés et 65 postes d'ouvriers, qui seront remplacés par 113 militaires du rang engagés supplémentaires.

Les enseignements tirés des opérations extérieures conduiront également à redéfinir les matériels dont dispose le service. Dans certaines conditions d'emploi, les ensembles " tracteur/semi-remorque citerne " se sont révélés peu adaptés. Le service des essences souhaite disposer de matériels plus " rustiques " utilisables en métropole comme sur les théâtres extérieurs, et interopérables avec les armées alliées. Il est ainsi équipé depuis 1996 de véhicules nouveaux : un avitailleur rustique, aérotransportable avec remorque et un camion citerne à forte motricité et tous chemins pouvant tracter une remorque, dont les derniers exemplaires seront livrés en 1998. L'armée de terre devrait en outre obtenir livraison en 1998 d'un véhicule citerne sur chassis TRM apte au ravitaillement des chars Leclerc.

L'adaptation du service des essences entraîne également une profonde réorganisation de ses infrastructures.

La totalité des dépôts situés en Allemagne a été fermée, ainsi que certains sites de métropole, notamment ceux de faible capacité ou ceux dont la mise en conformité avec les règles de protection de l'environnement s'avère trop coûteuse. Le service des essences privilégie la rénovation de certains sites, dotés de plus grandes capacités et mis à niveau, et si possible raccordés à des moyens de transport massif (oléoduc, voie ferrée).

Les moyens sont regroupés autour de pôles fonctionnels :

- la base pétrolière interarmées de Chalon sur Saône, pour la formation et l'entraînement des personnels,

- un pôle de soutien technique par regroupement autour du magasin central de Montereau des fonctions de réparation des matériels exercées par les trois ateliers lourds du service.

En ce qui concerne le budget du service des essences, il s'élèvera en 1998 à 526,1 millions de francs contre 506,8 millions de francs en 1997, soit une augmentation de 3,8 %.

Les crédits de rémunérations et charges sociales (216,9 millions de francs) progressent de 15,5 % en raison notamment des recrutements de militaires du rang engagés, alors que les crédits de fonctionnement courant restent stables (143,2 millions de francs).

Les crédits d'équipement représentent 166 millions de francs et diminuent de 5,7 %, les crédits de fabrication (77 millions de francs) diminuant de 20,6 % alors que les crédits d'infrastructure (89 millions de francs) progressent de 12,7 %.

B. LE SERVICE D'INFORMATION ET DE RELATIONS PUBLIQUES DES ARMÉES (SIRPA)

Service particulièrement actif et efficace pour l'information au sein des armées comme en direction de l'extérieur, le SIRPA doit actuellement s'adapter au nouveau contexte créé par la professionnalisation et par la réforme des armées.

La professionnalisation implique en effet la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de communication obéissant à plusieurs objectifs ;

- informer sur la réforme des armées, tant au sein du ministère de la défense qu'auprès de l'extérieur,

- participer au succès des recrutements nécessités par la professionnalisation, en présentant les différents métiers de la défense,

- maintenir et renforcer les liens entre la nation et son armée, travail plus que jamais nécessaire dans l'optique d'une armée entièrement professionnelle qui ne saurait être coupée du reste de la nation,

- optimiser l'organisation de la journée d'appel de préparation à la défense instaurée par la loi sur le service national.

Par ailleurs, le SIRPA fonctionnant avec 40 % d'appelés du contingent, un redéploiement de ses effectifs est indispensable. Il s'effectuera par le recrutement de personnels civils et de militaires du rang engagés, le recours à des volontaires et des réservistes, et l'appel à la sous-traitance pour certains travaux non spécifiquement militaires.

En 1997, les effectifs réalisés du SIRPA et de l'établissement cinématographique et photographique des armées (ECPA) totalisaient 716 personnes (265 pour le SIRPA et 451 pour l'ECPA), se répartissant en 40 % de militaires d'active ou sous contrat, 40 % de militaires appelés et 20 % de civils.

Pour 1998, le budget du SIRPA s'élèvera à 60,6 millions de francs contre 65,2 millions de francs en 1997, soit une diminution de 7,1 %. Ces dotations ne comprennent par les rémunérations et les charges sociales des personnels. Les crédits de fonctionnement courant (47,6 millions de francs) diminueront de 5,2 %, les crédits d'équipement et d'infrastructure (13 millions de francs) étant réduits de 13,3 %.

Les principales actions engagées par le SIRPA sont les suivantes :

- construction du centre de consultation multimédia de l'ECPA, qui devrait être achevée en 1998,

- mise en oeuvre d'un serveur défense INTERNET, opérationnel dans les premiers mois de 1998,

- améliorations techniques de la radio Azur FM diffusant à l'intention de troupes françaises en Bosnie,

- création d'un SIRPA anciens combattants.

C. LE CONTRÔLE GÉNÉRAL DES ARMÉES

Les moyens consacrés au contrôle général des armées s'élèvent pour 1998 à 61,2 millions de francs, soit une diminution de 12,1 % par rapport à 1997 essentiellement imputable à un recul de 12,5 % des crédits de rémunération et charges sociales, alors que les crédits de fonctionnement courant diminuent de 3,6 %.

Les effectifs de contrôle général restent fixés à 160 personnes dont 16 civils et 144 militaires, une proportion variable mais importante des membres du corps servant à l'extérieur, au sein du ministère de la défense ou hors de ce dernier, par voie de détachement ou de mise à disposition.

Les missions et études menées en 1997 ont principalement porté sur la professionnalisation des armées et la réorganisation de la défense ainsi que sur l'équipement des armées.

CONCLUSION

Par leur hétérogénéité, les crédits de l'ancienne section commune se prêtent mal à une analyse d'ensemble. On peut toutefois remarquer que globalement, et une fois neutralisés les effets des changements importants opérés dans la nomenclature budgétaire, ces crédits suivent une évolution comparable à celle de l'ensemble du budget de la Défense pour 1998, à savoir, une légère progression des dépenses ordinaires, en dépit de mesures d'économies rigoureuses sur les crédits de fonctionnement courant, et un fort recul des dépenses d'équipement, très inférieures au niveau résultant de l'application de la loi de programmation.

De manière générale, les motifs de satisfaction dans le domaine des services communs sont rares. On peut se féliciter de l'accroissement des effectifs des services de renseignement, même si les moyens matériels affectés à ces mêmes services ne suivent pas la même tendance. De même, il faut reconnaître l'ampleur des réformes entreprises par la délégation générale pour l'armement, dont il faut souhaiter la réussite tant cet organisme pèse de manière décisive sur la politique d'équipement des armées. Tout au plus peut-on constater que la remise en cause de la loi de programmation, du moins de son échéancier de financement, brouille la vision claire et cohérente des programmes d'armement que la DGA entend par ailleurs promouvoir.

Au titre des motifs d'inquiétude, votre rapporteur retiendra tout d'abord l'évolution défavorable des crédits du service de santé, dont le fonctionnement sera désormais majoritairement tributaire des recettes, par définition aléatoires, tirées de l'activité hospitalière de ses établissements. Cette orientation paraît peu opportune au moment où le service de santé opère une profonde transformation de son organisation et doit faire face au départ des nombreux appelés du contingent exerçant des fonctions médicales.

La réduction des crédits affectés à l'espace est elle aussi inquiétante, car elle traduit l'incertitude qui pèse sur la poursuite des programmes spatiaux d'observation, et surtout du satellite radar Horus, du fait des réticences de plus en plus perceptibles de nos partenaires allemands. La possibilité pour la France, et pour l'Europe, d'acquérir un ensemble complet et cohérent de moyens d'observation spatiale capable de garantir une véritable autonomie stratégique reste encore incertaine.

C'est certainement dans le domaine de la dissuasion nucléaire que réside l'essentiel des aspects négatifs de ce projet de budget, en ce qui concerne l'ancienne section commune. Le recul des crédits du nucléaire -près de 13 %- est beaucoup plus fort que celui de l'ensemble du budget de la défense, si bien que l'on va très au-delà de la réduction programmée des dotations, telle que l'avait prévue la loi de programmation. Par rapport aux grands objectifs définis en 1996 pour l'avenir de la dissuasion nucléaire, qui demeure l'élément fondamental de la stratégie de défense, les réductions de crédits entraîneront des décalages et des retards dans la réalisation des programmes. Cette orientation, si elle se confirmait dans les budgets à venir, ne serait pas compatible avec la poursuite des deux grands objectifs assignés à notre dissuasion : moderniser et renouveler nos deux composantes, mener à bien le programme de simulation, garant de la fiabilité, de la sûreté et donc de la crédibilité à long terme de nos forces nucléaires. Il est clair que si à partir de 1999, la dissuasion nucléaire ne retrouvait pas le niveau de crédits prévu par la loi de programmation, ces objectifs ne pourraient qu'être revus à la baisse, avec les conséquences que cela impliquerait sur le niveau de notre appareil de défense. Dans le domaine du nucléaire plus que dans tout autre, le non-respect de la loi de programmation constitue un signe très inquiétant, qui, aux yeux de votre rapporteur, rend ce projet de budget de la défense pour 1998 inacceptable.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent avis lors de sa réunion du mercredi 5 novembre 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, Un débat s'est ensuite engagé entre les commissaires.

M. Daniel Goulet a estimé qu'au travers de la forte réduction des crédits du nucléaire risquait de se préparer une remise en cause stratégique profonde de notre doctrine, qui devrait nécessairement impliquer les plus hautes autorités de l'Etat.

M. Jacques Genton a rejoint les conclusions du rapporteur pour avis sur ses craintes de mise en cause, pour l'avenir, des capacités nucléaires de la France.

M. Jean Clouet a souhaité obtenir des précisions sur la présence des militaires français à l'étranger, notamment auprès de nos ambassades. Il a souhaité connaître la part des ressources hospitalières dans les crédits du service de santé et s'est inquiété de constater que celles-ci allaient devoir contribuer de manière plus importante encore au fonctionnement courant du service.

M. Charles-Henri de Cossé-Brissac a souhaité connaître le montant des crédits d'équipement du service de santé.

M. Serge Vinçon a indiqué que des événements récents l'avaient conduit à revoir sa position sur le rôle du Parlement en matière de renseignement, qu'il lui apparaissait effectivement utile de renforcer.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné qu'à ses yeux, le Parlement français, à l'image de tous ses homologues des grandes démocraties, devait bénéficier d'une meilleure information dans le domaine du renseignement. Il a estimé que la probable défection allemande sur le programme Horus constituait un indice inquiétant de la dégradation des relations entre la France et l'Allemagne dans le domaine de la défense et il a jugé qu'elle touchait un domaine fondamental pour l'autonomie stratégique de l'Europe. Il a partagé les inquiétudes du rapporteur pour avis sur l'évolution des crédits de la dissuasion nucléaire en rappelant que l'on ne pourrait toucher à la modernisation des armes, à la simulation ou à l'une des deux composantes sans affaiblir gravement notre dissuasion.

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- dans le domaine du nucléaire, il importait de ne pas compromettre la transmission des compétences entre les équipes actuelles, qui ont vécu les essais, et les équipes futures ;

- le budget pour 1998 ne prévoyait pas de mesures particulières de redéploiement ou de restriction de postes pour les militaires affectés dans les ambassades ;

- les ressources du service de santé provenaient à 49 % en 1997 de l'activité propre des hôpitaux militaires ;

- les crédits d'équipement du service de santé passeront de 128 à 102 millions de francs de 1997 à 1998.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que la commission ne voterait sur l'ensemble des crédits de la défense pour 1998 qu'après avoir entendu tous ses rapporteurs pour avis.

La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998, au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 1997.

M. Xavier de Villepin, président, a exprimé les raisons de sa forte inquiétude devant le projet de budget proposé.

S'agissant des crédits du titre III, dont l'enveloppe globale traduisait la priorité affichée en faveur de la professionnalisation, il a néanmoins exprimé une double préoccupation : d'une part, la compression des crédits de fonctionnement (hors rémunérations et charges sociales) qui, avec l'insuffisance des crédits d'entretien programmé des matériels, menaçait l'activité des forces ; d'autre part, les conséquences potentielles, particulièrement pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de reports d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail, qui fragilisaient la période de transition et rendaient nécessaire l'adoption de mesures de compensation.

En ce qui concerne les crédits du titre V -qui connaissaient une brutale diminution (de 8,7 % en francs courants et de 9,9 % en francs constants)- M. Xavier de Villepin, président, a formulé les observations suivantes :

- il a d'abord déploré que les crédits d'équipement militaire jouent le rôle de " variable d'ajustement " du budget de l'Etat, ce qui constituait un signal négatif adressé à la nation dans son ensemble ; il a particulièrement souligné les conséquences de ces coupes budgétaires sur les crédits consacrés au nucléaire (- 13 %), évolution qui constituait un important sujet d'inquiétude pour l'avenir ; il a également regretté les incidences de ces diminutions de crédits sur les programmes spatiaux militaires et sur le programme Rafale ;

- M. Xavier de Villepin, président, a ensuite estimé que le projet de budget de la défense pour 1998 constituait un mauvais signal adressé aux industries de la défense pour quatre raisons : le coût élevé, et quasi mécanique, de ces réductions budgétaires en termes d'emplois, le surcoût inévitable des équipements faisant l'objet de mesures d'étalement ou de moratoires, la perte de " lisibilité " que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels, et enfin l'affaiblissement qui en résultera pour les industriels français dans la perspective des restructurations indispensables de l'industrie européenne de l'armement ;

- puis M. Xavier de Villepin, président, a souligné que ce projet de budget constituait surtout un signal très négatif adressé à nos armées au moment même où un effort exceptionnel leur était demandé ; il a estimé que les orientations de ce budget, si elles n'étaient pas corrigées après 1998, poseraient des interrogations majeures pour l'avenir : ne risqueraient-elles pas de compromettre la cohérence de la réforme entreprise dans son ensemble ? ne risqueraient-elles pas de remettre en cause le futur modèle d'armée lui-même ?

- M. Xavier de Villepin, président, a estimé que toutes ces interrogations revenaient finalement à poser la question de la validité de la théorie dite de l' " encoche " ; il a estimé que, si les économies imposées à la défense en 1998 avaient un caractère exceptionnel, leurs conséquences, pour regrettables et dommageables qu'elles soient, seraient peut-être surmontables ; si, en revanche, la défense ne retrouvait pas, à partir de 1999, le niveau de ressources prévu par la loi de programmation 1997-2002, l'ensemble de la réforme engagée se trouverait gravement fragilisée et la dernière loi de programmation devrait être considérée comme caduque.

Or, a souligné M. Xavier de Villepin, président, la dernière loi de programmation -contrairement à ses devancières- comportait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire et constituait la traduction d'une réforme d'ensemble devant aboutir à la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non-respect ou -a fortiori- son abandon ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense ou à la révision de ce modèle d'armée. Il a en outre estimé que, si l'élaboration éventuelle d'une nouvelle programmation venait à être envisagée, il vaudrait mieux alors renoncer à sa traduction législative, devenue sans valeur.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que la commission n'avait d'autre choix que de rejeter les crédits du ministère de la défense pour 1998 et l'a invitée à réaffirmer son ferme attachement au respect de la loi de programmation votée en 1996. Il a enfin suggéré à la commission, pour expliquer son avis négatif, d'adopter les principales observations qu'il venait de présenter et de les faire figurer dans chacun de ses rapports pour avis au titre des conclusions de la commission.

M. Bertrand Delanoë a alors indiqué que, s'il partageait certaines des inquiétudes exprimées par M. Xavier de Villepin, président -pour des raisons qui étaient d'ailleurs antérieures au projet de budget pour 1998-, il était globalement en désaccord avec les conclusions proposées et approuvait la démarche générale suivie par le Gouvernement. Il a relevé que les programmes conduits en coopération avec nos partenaires européens étaient poursuivis de manière satisfaisante. Il a estimé que les difficultés rencontrées venaient essentiellement de la méthode employée pour professionnaliser nos forces armées qui ne pouvait aboutir qu'à des pressions de plus en plus fortes sur les crédits d'équipement. M. Bertrand Delanoë a conclu en considérant qu'une " épreuve de vérité " était souhaitable et ne devrait écarter aucun des choix nécessaires, qu'il s'agisse des missions assignées à nos forces ou des équipements retenus.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il partageait pleinement chacune des observations formulées par M. Xavier de Villepin, président. Il a estimé que le budget très inquiétant qui était présenté trouvait son origine, non pas dans la méthode suivie pour professionnaliser nos armées, mais, beaucoup plus largement, dans la mise en cause progressive des différentes spécificités des forces françaises et dans le processus de " mutualisation " des forces qui ne pouvait conduire, de manière insidieuse, qu'à la réduction de notre effort national de défense. Il a enfin souligné que la politique conduite par le Gouvernement en matière de dépenses publiques civiles conduisait inévitablement à la compression de nos dépenses militaires.

M. Jean Faure a exprimé son entier soutien à chacune des conclusions présentées par M. Xavier de Villepin, président. S'agissant des crédits consacrés au nucléaire, il a estimé indispensable de respecter les calendriers prévus et souligné, dans ce domaine plus que dans tout autre, l'enjeu majeur que représentait la question de la transmission du savoir et du maintien des compétences scientifiques.

M. Philippe de Gaulle a relevé qu'une quinzaine d'années auront été nécessaires entre le lancement du programme Rafale et la constitution de la première flottille de ces appareils.

M. Claude Estier a enfin indiqué que les commissaires socialistes ne s'associaient pas aux conclusions proposées par M. Xavier de Villepin, président.

La commission a alors adopté, le groupe socialiste votant contre, les principales observations présentées par M. Xavier de Villepin, président, et décidé de les faire figurer en tête de chacun de ses rapports pour avis sur le budget de la défense pour 1998, au titre des conclusions de la commission.

Elle a enfin émis un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998.



1 Texte adopté par la commission au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 1997, le groupe socialiste votant contre.


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