B. LA PANOPLIE DES AIDES EXISTANTES EST INCOMPLETE

1. La doctrine européenne en matière d'aides au secteur maritime

a) Le droit européen admet les aides à la filière maritime

L'Union européenne vient de procéder au cours des dernières années à un aggiornamento de sa politique maritime. Après s'être, dans un premier temps, préoccupée uniquement de libre concurrence entre flottes et chantiers navals nationaux, et de libre circulation des personnels navigants, la commission a pris en compte plus récemment les considérations de sécurité maritime. Le Conseil européen a adopté le 8 juin 1993 une résolution sur la politique commune de la sécurité maritime 6 ( * ) et la Commission européenne a depuis bien travaillé pour faire progresser cette question au sein de l'Organisation Maritime Internationale (OMI).

Enfin, le 13 mars 1996, la Commission des communautés européennes a rendu publiques deux communications fondamentales. La première, intitulée "Forger l'avenir de l'Europe maritime", fixe les orientations de l'Union pour l'ensemble des industries maritimes, dont le rôle est reconnu comme étant vital. La seconde communication, intitulée "Vers une nouvelle stratégie maritime", est plus spécialement consacrée aux transports maritimes.

La Commission européenne, tout en demeurant attentive, comme il se doit, à l'égalité des conditions de concurrence entre armateurs européens et à l'ouverture des marchés de frets nationaux, a reconnu que le secteur maritime méritait un traitement particulier, éloigné de tout "angélisme libéral".

Ainsi, la Commission reconnaît que "les mesures de soutien n'en restent pas moins nécessaires à l'heure actuelle au maintien et au développement du secteur maritime communautaire. En principe, les aides d'État, telles qu'elles sont définies à l'article 92, paragraphe 2 du traité sont bien sûr incompatibles avec le marché commun. Néanmoins, la Commission continue de penser que la dérogation visée à l'article 92, paragraphe 3, alinéa c peut se justifier par l'importance que revêtent le maintien et le développement du secteur des transports maritimes tant pour des raisons économiques et d'emploi que du fait de la nature particulière de la concurrence internationale à laquelle il doit faire face. "

Toutefois, elle rappelle "qu'en vertu du traité CE, les aides d'État ne peuvent être autorisées que dans des conditions particulières. La Commission veillera dès lors à ce que les mesures d'aide accordées au secteur maritime cadrent avec la politique industrielle générale et la politique menée en matière d'aide par la Communauté. La Commission doit toujours jauger les propositions d'aide à l'aune de l'intérêt commun. Les régimes d'aide ne doivent pas porter préjudice aux économies des autres États membres et ne doivent comporter aucun risque de distorsion inacceptable de la concurrence entre les États membres ou entre les modes de transport. L'aide doit être limitée au niveau nécessaire pour atteindre son but ; elle doit être fournie dans une manière transparente et en général d'une manière dégressive."

C'est dans ce cadre communautaire bien dessiné que s'inscrivent les aides françaises en faveur de la flotte de commerce, et que viendra prendre place la nouvelle mesure d'incitation fiscale proposée par le gouvernement.

La Commission européenne l'a d'ailleurs reconnu, en approuvant par une lettre en date du 3 mai 1996 le projet qui lui avait été notifié par la France le 15 janvier.

b) La Commission européenne a donné son aval au projet du gouvernement

Après avoir précisé sa propre analyse de la mesure qui lui était soumise et rappelé les orientations communautaires en matière d'aides aux flottes européennes, la Commission considère qu "`aux termes de ces conditions, le régime mis en place par le gouvernement français contribuera à la modernisation de la flotte sous pavillon français et permettra de maintenir une capacité stratégique, ainsi que d'encourager l'emploi des marins communautaires. Etant donné que les navires seront exploités de façon commerciale pour faire du profit, et qu'il n'y a pas de conditions liées au type de navire que les quirataires doivent acheter, le dispositif ne devrait pas conduire à des investissements dans des types de navires où une surcapacité est enregistrée. La mesure est temporaire et limitée aux investissements faits avant le 31 décembre 2000 et transparente."

Les seules réserves émises par la Commission ont trait, d'une part, à une éventuelle contradiction avec les obligations communautaires dérivant de l'accord OCDE sur les aides à la construction navale après son entrée en vigueur et, d'autre part, aux conditions de nationalité fixées par la loi française pour les armateurs susceptibles de bénéficier du dispositif.

Sur ce second point, la Commission européenne considère que les conditions de nationalité exigée des armateurs en droit français pour accéder au pavillon national, par l'article 3 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967, tel que modifié par la loi n° 96-151 du 26 février 1996, pourraient faire obstacle à ce que certaines sociétés d'armement établies dans la communauté puissent s'établir sur le territoire français pour exploiter un navire financé par le système des quirats.

Par conséquent, aux termes de sa lettre d'approbation, "la Commission se réserve le droit de prendre toute action appropriée au cas où la législation nationale ne serait pas alignée aux obligations du traité CE". Le gouvernement devrait donc présenter très bientôt des dispositions législatives rectifiant l'article 3 de la loi précitée dans le sens souhaité par la Commission européenne.

* 6 JO n°C 271 du 7.10.1993 p. 1

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