III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. L'EXIGENCE EXPRESSE DU CARACTÈRE INTENTIONNEL DE L'ACTE DE TERRORISME

En première lecture, votre rapporteur avait consacré de longs développements au problème du caractère intentionnel de l'acte de terrorisme. Il avait, en particulier, insisté sur la spécificité de cette infraction qui suppose, non seulement une infraction de droit commun, mais également un dol aggravé, à savoir la relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

Il avait, rappelons-le, considéré que le principe général de l'article 121-3 du code pénal s'appliquait sans ambiguïté au « premier étage » de cette infraction mais que le doute pouvait exister s'agissant du dol aggravé : la relation involontaire avec une entreprise de terreur ne risquait-elle pas de conduire à considérer un délinquant comme terroriste à son corps défendant ?

Le rapporteur de l'Assemblée nationale estime simplement qu'il ne peut « y avoir aucune ambiguïté sur le fait qu'une infraction n'est considérée comme constituée que si l'intention criminelle ou délictuelle de son auteur est établie, ce qui implique, lorsqu'il s'agit d'infractions terroristes, la connaissance de la finalité terroriste de l'acte accompli » .

On ne peut bien évidemment que se rallier à la première partie de cette affirmation : sauf disposition contraire, une infraction suppose l'intention délictuelle de son auteur. C'est bien ce qu'exige l'article 121-3 du code pénal.

Mais de quelle intention délictuelle s'agit-il ? N'est ce pas simplement l'accomplissement volontaire de ce que l'on sait être interdit par la loi pénale indépendamment de la raison (de la « finalité » pour reprendre le terme de M. Marsaud) pour laquelle on agit ?

Il convient à cet égard de rappeler une jurisprudence constante de la Cour de cassation, établie sous l'empire de l'ancien code pénal, à une époque où l'élément intentionnel ne faisait pas l'objet d'une disposition générale mais était rappelé dans les incriminations particulières. Ainsi, à propos des violences volontaires, la chambre criminelle considérait l'infraction constituée dès lors qu'existait « un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qui (avait) inspiré cet acte » .

L'intention délictuelle se limitait donc à la conscience de violer la loi pénale, c'est-à-dire au dol général. Elle ne s'étendait pas au dol aggravé, c'est-à-dire au mobile, lequel n'était pas un élément constitutif de l'infraction et ne pouvait donc « être retenu autrement que pour l'application de la peine » .

Cette distinction dol général-dol aggravé, qui fut au centre des discussions du Sénat en première lecture, n'a pas été évoquée à l'Assemblée nationale. L'acte de terrorisme y a été considéré comme une infraction ordinaire alors qu'elle est une infraction composite, commise dans des circonstances particulières, avec un but particulier.

Par ailleurs, l'argument avancé pour justifier la suppression de toute référence à l'intentionnalité (à savoir le risque qu'une interprétation a contrario conduise à s'interroger sur le caractère intentionnel des infractions, pour lesquelles la volonté coupable ne serait pas expressément exigée) passe sous silence une considération sur laquelle votre rapporteur s'était longuement arrêté en première lecture : l'existence, dans le code pénal, de nombreuses infractions pour lesquelles l'élément intentionnel est d'ores et déjà expressément exigé. On citera, sans prétendre à l'exhaustivité :

- l'atteinte à la vie privée (article 226-1) ;

- l'atteinte au secret des correspondances (article 226-15) ;

- la filouterie (article 313-5) ;

- le recel (article 321-1, deuxième alinéa).

Pour résumer, on peut dire que le risque d'une interprétation a contrario ne serait pas à craindre si le caractère intentionnel du terrorisme était expressément exigé.

En outre, serait ainsi levée une ambiguïté que les débats de l'Assemblée nationale n'ont point écartée et qui concerne le fait de savoir si l'intention exigée par l'article 121-3 du code pénal s'applique à la seule volonté de transgresser la loi (dol général) ou s'étend également à une intention plus lointaine, à savoir la volonté de parvenir à un certain résultat, en l'occurrence de semer la terreur (dol aggravé). Cette ambiguïté demeure tant en raison des textes que de la jurisprudence (selon laquelle les mobiles importent peu pour la réalisation de l'infraction).

Dès lors, pour éviter avec certitude ce que ni l'Assemblée nationale ni le Sénat ne souhaitent (à savoir la condamnation pour terrorisme d'une personne qui aurait certes eu l'intention de commettre une infraction mais sans vouloir semer la terreur), votre commission vous propose, comme en première lecture, de préciser que l'acte de terrorisme suppose l'intention de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

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