N° 271

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 mars 1996

RAPPORT

FAIT

ou nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :

1°) la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à préciser la portée de l 'incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d'une association de financement électorale ou de mandataire financier,

2°) la proposition de loi de MM. Michel MERCIER, Serge MATHIEU, Emmanuel HAMEL et René TRÉGOUËT tendant à préciser la portée de l'incompatibilité définie à l'article L 52-5, premier alinéa, du code électoral,

Par M. Christian BONNET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 13 mars 1996 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Christian Bonnet, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la portée de l'incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d'une association de financement électorale ou de mandataire financier.

Elle a décidé d'examiner conjointement la proposition de loi similaire de nos collègues, MM. Michel Mercier, Serge Mathieu, Emmanuel Hamel et René Trégouët.

L'objet de ces deux propositions de loi est parfaitement circonscrit : à la suite de l'abondant contentieux consécutif aux élections municipales de juin 1995, régler le problème des colistiers qui, en raison d'une mauvaise appréciation de la portée du nouvel article L. 52-5 du code électoral, ont cru possible d'être membres de l'association de financement électorale ou mandataire financier (personne physique) soutenant leur liste.

À cette fin, a été retenue une disposition interprétative réglant les contentieux en cours et, pour l'avenir, une incompatibilité plus clairement formulée.

Votre commission des Lois a adopté le texte de l'Assemblée nationale assorti d'un amendement reprenant le texte voté par le Sénat le 17 juin 1993 lors de l'examen d'une proposition de loi présentée à l'époque par le Président Jacques Larché.

Cet amendement de portée générale supprime le caractère quasi contraventionnel de la sanction d'inéligibilité frappant actuellement de manière automatique tout candidat, même de bonne foi, dont le compte de campagne a été rejeté, quel que soit le motif de rejet du compte.

Il restitue ainsi au juge de l'élection son plein pouvoir d'appréciation en lui permettant de relever de l''inéligibilité le candidat dont il a reconnu la bonne foi.

Mesdames, Messieurs,

À nouveau, la mise en oeuvre de la législation sur le financement de la vie politique a suscité un abondant contentieux, cette fois à la suite des dernières élections municipales.

À cette sanction électorale s'ajoute une sanction pécuniaire non négligeable puisque les candidats dont le compte de campagne a été rejeté perdent le droit au remboursement par l'État de 50 % de leurs frais de campagne.

D'après les chiffres communiqués par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCFP), 317 dossiers ont été transmis aux tribunaux administratifs à la suite des élections municipales des 11 et 18 juin 1995, dont 240 par suite d'un rejet du compte de campagne (les 77 autres dossiers concernant des non dépôts de compte de campagne ou des dépôts hors délai).

Sur ces 240 comptes rejetés, 75 dossiers portaient sur la présence d'un colistier comme membre du bureau de l'association de financement électorale et 58 dossiers sur la désignation d'un colistier comme mandataire financier, personne physique, soit au total 133 dossiers pour cette seule irrégularité, à l'origine de 55,4 % des rejets de compte.

Ajoutons que sur 29 maires élus, 18 ont vu leur compte rejeté pour ce motif (13 pour composition irrégulière de l'association de financement électorale et 5 pour mandataire financier colistier).

À la date du 13 février 1996, 10 jugements avaient déjà été notifiés par les Tribunaux administratifs saisis, dont 6 ont déclaré à ce titre le candidat tête de liste inéligible et démissionnaire d'office.

Le texte dont le Sénat est aujourd'hui saisi, issu de la proposition de loi (n° 2564 rectifié) du Président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, M. Pierre Mazeaud, a un objet parfaitement circonscrit : régler le problème des colistiers qui, par suite d'une mauvaise appréciation de la portée du nouvel article L. 52-5 du code électoral, ont cru possible d'être membres de l'association de financement électorale soutenant leur liste. Un amendement de notre excellent collègue, M. Raoul Béteille, a opportunément étendu la solution proposée aux mandataires financiers personnes physiques ayant été désignés membres de la liste.

La même préoccupation a animé nos collègues MM. Michel Mercier, Serge Mathieu, Emmanuel Hamel et René Trégouët dans leur proposition de loi (n° 229) déposée au Sénat le 15 février 1996.

Relèveraient ainsi du dispositif proposé les 133 listes (qu'elles aient eu des élus ou non) dont le compte de campagne a été rejeté par la CCFP pour méconnaissance de la séparation entre, d'une part, les candidats et, d'autre part, les personnes chargées de recueillir les sommes affectées à la campagne électorale.

Avant même de s'interroger sur le texte transmis par l'Assemblée nationale, votre rapporteur tient à formuler deux observations.


• Sur le problème ponctuel soulevé par ces propositions de loi, force est de reconnaître que lors de l'élaboration de la loi du 19 janvier 1995 -dont est issu l'actuel article L. 52-5 du code électoral- le législateur n'a pas fait connaître clairement sa position quant à la portée exacte du texte en discussion. Un amendement présenté par M. Guy Allouche et adopté par le Sénat le 21 décembre 1994 aurait, certes, évité ces difficultés d'interprétation, mais la commission mixte paritaire a hélas jugé superflue cette précision.

Il n'y a donc rien de surprenant à ce que cet article ait donné lieu à des interprétations divergentes, aussi bien par les candidats que par les tribunaux administratifs lorsqu'ils ont été saisis du problème.


• Mais d'une façon plus générale, votre rapporteur ne peut que constater à nouveau les conséquences dommageables, non pas de l'encadrement par la loi du financement des campagnes électorales -dont un des premiers mérites a été d'endiguer l'escalade des dépenses électorales -mais de la précipitation dans laquelle le Parlement a dû délibérer de ces textes, trop souvent sous la pression d'une opinion publique mal informée.

Non contentes d'être élaborées dans l'urgence, ces lois ont plusieurs fois été modifiées avant même d'avoir reçu une première application, si bien que les parlementaires eux-mêmes, les préfectures et, a fortiori, les candidats, ont les plus grandes difficultés à apprécier exactement le droit en vigueur.

Cet inconvénient a été encore plus sensible lors des dernières élections municipales car la « règle du jeu » financière a été modifiée alors que la campagne avait déjà débuté et, plus précisément, alors que les associations de financement électorales ou les mandataires financiers personnes physiques avaient déjà entrepris leur mission depuis plusieurs mois.

De fait, des lois élaborées à la hâte, modifiées sans cesse et parfois en pleine campagne électorale ne peuvent que se révéler imparfaites et sources de difficultés.

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