B. LES PRINCIPES

Les principes qui ont guidé l'élaboration de la directive sont relativement peu nombreux. Ils se résument, pour l'essentiel à la libre prestation et au libre établissement pour les intermédiaires et à la liberté d'accès aux marchés réglementés.

1. Libre prestation de services et libre établissement

Le "passeport européen" consiste tout simplement à pouvoir exercer son métier dans tous les pays de l'Union, sans plus de formalités qu'il n'en faut pour le faire dans son propre pays et sous le contrôle de ses propres autorités (article 14 de la directive).

En d'autres termes, les intermédiaires désireux d'étendre leurs activités aux autres pays de l'Union n'auront plus à créer de filiales soumises au droit national de chaque pays, mais pourront exercer soit directement (libre prestation de services) soit par l'intermédiaire d'une succursale, simple démembrement physique de l'entreprise (libre établissement).

a) L'agrément ou passeport

(1) Le monopole de prestation

Pour pouvoir délivrer le passeport, il est nécessaire que "chaque État membre (fasse) dépendre d'un agrément l'accès à l'activité des entreprises « investissement dont il est l'ÉTAT membre d'origine" (article 3).

C'est le principe qui réserve l'exercice des métiers du titre aux Professionnels agréés. Ce principe ne vaut que pour les services exercés à titre professionnel, c'est-à-dire habituellement et pour compte de tiers. Ce "monopole" est identique, en son principe, à celui qui pèse, par exemple, sur les médecins : pour pouvoir exercer la médecine à titre de profession, il faut avoir un diplôme en médecine. Il en va de même en matière financière où les capitaux propres et l'expérience professionnelle suppléent le rôle du diplôme dans la délivrance de l'agrément.

Il est entendu par ailleurs que l'agrément, au sens de la directive, ne peut en aucun cas être délivré pour des services auxiliaires. Ce qui signifie que les autorités de chaque État peuvent laisser libre l'exercice de ces métiers, ou au contraire le soumettre à un agrément, mais que dans ce cas, l'agrément national ainsi délivré ne vaut pas passeport européen.

(2) l'agrément à géométrie variable

L'article 3 point 1 de la directive prévoit en effet que "dans l'agrément sont spécifiés les services d'investissement (...) que l'entreprise est autorisée à fournir".

Ce qui signifie en d'autres termes que l'agrément peut être délivré métier par métier.

Il s'agit là d'un apport tout à fait essentiel de la directive européenne et qui se démarque de l'approche retenue en droit français pou r les banques.

La loi bancaire de 1984 ne connaît en effet qu'un seul agrément bancaire. Même s'il existe plusieurs statuts bancaires (banque, banque mutualiste ou coopérative, caisse d'épargne et de prévoyance, caisse de crédit municipal, société financière ou institution financière spécialisée), le troisième alinéa de l'article 18 prévoit bien que "les banques peuvent effectuer toutes les opérations de banque".

Tel n'est pas le cas en matière financière l'entreprise d'investissement ne peut exercer que les services pour lesquels elle a été agréée.

Le corollaire de ce principe est celui de la pondération de l'exigence en capital par la nature du métier exercé. L'article 3 point 3. est, de ce point de vue, tout à fait explicite puisqu'il dispose :

"les autorités compétentes n'accordent l'agrément que si :

- l'entreprise d'investissement dispose, compte tenu du service d'investissement en question, d'un capital initial suffisant en vertu des règles prescrites dans la directive 93/6/CEE (adéquation des fonds propres) ;

- les personnes qui dirigent en fait l'activité de l'entreprise d'investissement remplissent les conditions requises d'honorabilité et d'expérience.

Ce principe est essentiel, puisqu'en pondérant la délivrance de l'agrément par la nature du métier exercé, l'objectif affiché en droit européen est de permettre à de petites entreprises de voir le jour, alors qu'elles ne pourraient pas nécessairement le faire si on leur demandait autant de fonds propres qu'il est nécessaire pour exercer les métiers les plus risqués. Ce principe favorise donc la concurrence entre les intermédiaires.

Par ailleurs, l'expérience professionnelle est appelée à jouer un rôle tout aussi essentiel que l'exigence en capital, dans les conditions de délivrance de l'agrément.

b) Les contrôles

Le principe dégagé par les articles 8 et 11 de la directive est le suivant :

(1) le contrôle prudentiel s'exerce à raison de l'agrément

Cela signifie que les autorités françaises en charge de ce contrôle seront compétentes pour contrôler les entreprises agréées en France, que celles-ci exercent sur le territoire national ou dans un autre pays de l'Union.

Inversement, les entreprises non agréées en France, même lorsqu'elles exerceront sur notre territoire, échapperont à la compétence de contrôle de nos autorités.

C'est le principe dégagé par l'article 8 point 3 selon lequel :

"La surveillance prudentielle d'une entreprise d'investissement incombe aux autorités compétentes de l'ÉTAT membre d'origine, que l'entreprise d'investissement établisse ou non une succursale ou qu'elle fournisse ou non des services dans un autre État membre

(2) Le contrôle "déontologique" s'exerce à raison du territoire

Cela signifie concrètement que lorsqu'une entreprise française ira exercer en Angleterre, elle devra le faire selon les règles de bonne conduite établies et contrôlées par les autorités britanniques.

Inversement lorsqu'un broker anglais exercera en France, il devra le faire selon les règles de bonne conduite établies et contrôlées par les autorités françaises.

C'est le principe dégagé par l'article 11 point 2 selon lequel :

"Sans préjudice des décisions à prendre dans le cadre d'une harmonisation des règles de conduite, la mise en oeuvre et le contrôle du respect de celles-ci demeurent de la compétence de l'ÉTAT membre où le service est fourni. "

2. Le libre accès aux marchés réglementés

Ce principe est posé à l'article 15 point 1. deuxième alinéa de la directive. Il prévoit que :

"Les États membres abolissent les règles ou lois nationales ou les statuts des marchés réglementés limitant le nombre de personnes admises. Si, en raison de sa structure juridique ou de ses capacités techniques, l'accès à un marché réglementé est limité, les États membres font en sorte que cette structure et ces capacités soient régulièrement adaptées. "

Il impose donc la suppression des monopoles (structure juridique) mais aussi celle des numerus clausus à raison de la capacité technique du marché et pour ce qui concerne les entreprises d'investissement (la question se pose en des termes différents pour les personnes physiques qui ne seraient pas des entreprises d'investissement (négociateurs individuels de parquet). Ces personnes ne bénéficiant pas des dispositions de la présente directive (article 2 point 2 point j.), le maintien de numerus clausus les concernant peut apparaître légitime.

La liberté des intermédiaires européens à accéder sur n'importe quel marché ne doit pas être confondue avec la liberté des entreprises de marché d'établir un marché dans n'importe quel autre État membre.

Il est par exemple totalement exclu par la directive que le LIFFE anglais installe demain un marché à terme en France ou que le MATIF français fasse de même en Angleterre. L'article 15 point 5 de la directive prévoit en effet que :

"Les dispositions du présent article ne préjugent pas de la faculté des États membres d'autoriser ou d'interdire la création de nouveaux marchés sur leur territoire. "

Toutefois, cela n'exclut pas que les marchés qui fonctionnent sans requérir la présence d'une personne physique (marchés électroniques) puissent fournir des écrans sur les territoires des autres ÉTATS. En effet, il s'agit en ce cas de permettre l'accès au marché.

Liberté des intermédiaires, liberté d'accès aux marchés réglementés (mais pas liberté des entreprises de marché), les principes de la directive sont en définitive assez simples et laissent une grande marge de manoeuvre à chaque législateur national pour les interpréter. C'est du reste ce que l'on pourra constater en comparant l'approche retenue par la proposition de loi adoptée par votre commission des finances et le présent projet de loi.

Page mise à jour le

Partager cette page