EXPOSÉ GENERAL

Mesdames, Messieurs,

Le débat qui s'ouvre aujourd'hui sur la transposition en droit français de la transposition de la directive n° 93/22/CEE du Conseil des communautés européennes concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières, loin d'être réservé aux seuls spécialistes, est susceptible d'intéresser tous ceux qui se sentent concernés par évolution économique de notre pays.

En effet, derrière le sigle un peu ésotérique de "DSI" trois éléments peuvent être discernés :

- une liberté nouvelle, facilement identifiable mais en partie acquise ;

- u n choix juridique difficile qui incombe au législateur, et à lui seul ;

- un enjeu économique qui dépasse largement le seul devenir de nos intermédiaires financiers.

La liberté nouvelle réside dans le passeport européen, c'est-à-dire la possibilité d'exercer librement son métier, en l'occurrence les "métiers du titre", dans tous les pays de l'Union, sans plus de formalités qu'il n'en faut pour l'exercer dans son propre pays et sous le contrôle de ses propres autorités.

A dire vrai, cette liberté fait désormais partie du passé, puisque la directive services en investissements est entrée en vigueur au premier janvier 1996 et que le législateur a transposé, dans un texte récent sur la protection des investisseurs étrangers, les éléments absolument indispensables pour que nos entreprises et nos marchés financiers n'aient pas à souffrir du retard pris dans l'examen du présent projet de loi.

En outre, les intermédiaires financiers européens et même extra- communautaires n'ont pas attendu la DSI pour exercer leurs activités dans l'ensemble des pays de l'Union. La seule différence, de ce point de vue, est qu'ils pourront le faire plus facilement, sans avoir à créer de filiale soumise au droit du pays d'accueil. On le voit, il s'agit davantage d'une différence de degré que de nature. Son importance ne doit pas pour autant être sous-estimée.

Le débat juridique est celui qui s'engage aujourd'hui. Encore faut-il observer que ce débat a bien failli ne pas avoir lieu, tant sa solution apparaissait acquise à certains.

Il est d'abord de savoir dans quelle mesure notre droit favorise ou, au contraire, entrave la liberté nouvellement acquise.

Est-ce que, tout d'abord, nos catégories juridiques sont suffisamment claires pour permettre à n'importe quel citoyen y trouvant un intérêt, de comprendre, sans trop d'efforts, le contenu qu'elles recouvrent ?

Bien sûr, le fait de ne pas pouvoir forcément apposer une étiquette sur les produits que l'on achète, sur les marchés sur lesquels on traite ou sur les gens avec qui l'on négocie, n'a jamais empêché personne de faire des affaires.

Il n'en reste pas moins évident que la clarté des règles contribue au développement économique. Le fait de savoir, par exemple, qu'un astronome n'est pas un astrologue ou qu'un kinésithérapeute n'est pas un rebouteux, n'est-il pas de nature à favoriser le commerce des uns par rapport à celui des autres ? Il en va de même en matière financière.

Or combien de nos concitoyens connaissent les différences entre les agents des marchés interbancaires et les maisons de titres ? Entre celles-ci et les sociétés de bourse ? Entre ces dernières et les sociétés de gestion de portefeuille ? Entre les conseils en investissement et les conseils en patrimoine ? Etc.

Dans quelle mesure, ensuite, les réalités recouvertes par ces catégories ne sont-elles pas contradictoires ? Quelles sont, par exemple, les différences entre les valeurs mobilières et les titres de créance négociables (TCN) ? Certains vous répondront, de façon tout à fait convaincante : aucune. Quelles sont les différences entre les TCN et les instruments monétaires ? D'autres vous affirmeront, avec autant de persuasion, que les TCN sont bien évidemment des instruments du marché monétaire. Mais voilà, la directive distingue clairement les valeurs mobilières des instruments monétaires. Alors, où classer les TCN ?

Dans ce même ordre d'idées, n'y a-t-il pas conflit entre certains métiers ? Par exemple est-il souhaitable que les professionnels du crédit puissent exercer aussi des métiers financiers et si oui, dans quelles conditions ? Notons d'emblée que ce débat a été tranché et qu'il n'est pas question de le rouvrir. Autre exemple : est-il souhaitable de réunir au sein d'une même profession et sous le contrôle des mêmes autorités la négociation et la gestion ? C'est une question que vous aurez à trancher.

Dans quelle mesure, faut-il s'interroger également, l'accès aux différents métiers doit-il être facilité ou restreint ? C'est tout le problème de l'agrément et de celui qui le donne. Cela doit dépendre bien évidemment du métier exercé, pourra-t-on dire. Mais une fois ce principe admis, faut-il considérer que les risques que fait courir un banquier à ceux qui lui déposent leur argent, sont les mêmes que ceux qu'un gestionnaire fait courir à ceux qui lui confient la gestion de leurs titres ou qu'un négociateur à ses donneurs d'ordre ? C'est un autre grand débat.

Autre question, liée à la précédente, faut-il avoir des agréments donnés par des autorités différentes pour des gens qui exercent les mêmes métiers ? Faut-il par exemple soumettre l'exercice de la gestion pour compte de tiers à l'agrément de la Commission des opérations de bourse (COB), lorsque cette activité est exercée seule, ou à une autorité différente lorsqu'elle est exercée concurremment à une autre activité ? Quel est le sens de cette distinction ? Faut-il soumettre les sociétés de bourse au statut d'entreprise d'investissement, alors que les maisons de titres qui, fondamentalement, exercent le même métier resteraient soumises au statut bancaire ? Voilà encore un thème sur lequel vous aurez à débattre.

Il conviendra également, et ce sera à n'en pas douter l'un des points essentiels du débat, de définir sans ambiguïtés les éléments à prendre en compte lors de la délivrance des agréments. De ce point de vue, et sans trop préjuger de ce qui sera dit, la directive apporte des réponses, semble-t-il, tout à fait claires et dont on peut estimer qu'elles n'ont pas suffisamment été prises en compte dans le projet de loi.

Enfin, dernière grande question adressée au législateur : nos structures de contrôle sont-elles adaptées pour permettre la protection des investisseurs ? Faut-il multiplier les autorités ou au contraire les regrouper ? Les hiérarchiser ou les mettre en parallèle ? Où doit passer la ligne de partage entre les autorités publiques et les autorités professionnelles ? Quel doit être le rôle des entreprises de marché ? A toutes ces questions, il faudra apporter des réponses claires qui favorisent le développement de notre industrie financière.

Mais derrière ces questions, le choix juridique que vous aurez aujourd'hui à effectuer et qui donne au débat un tour parfois si passionné, est de savoir dans quelle mesure le législateur entend ménager une certaine spécificité des métiers du titre par rapport à ceux du crédit ou au contraire, confondre ces métiers dans l'approche plus englobante de la banque universelle.

L'enjeu économique, enfin, intéresse au premier rang les intermédiaires financiers français. Dans quelle mesure l'ouverture du marché européen représentera-t-elle une chance ou au contraire un risque pour eux ? Dans quelle mesure profiteront-ils ou pâtiront-ils du surcroît de concurrence organisé par la directive ? Certes, le droit ne réussira jamais à faire d'entreprises non rentables des champions nationaux. Par ailleurs, d'autres éléments, d'ordre économique, joueront un rôle certainement plus grand, comme par exemple le fait de pouvoir arbitrer les différents instruments financiers dans une monnaie unique. Néanmoins les structures juridiques ont leur part à remplir dans cette nouvelle étape de la compétition entre les places financières européennes.

Derrière cet enjeu, immédiatement perceptible, se profile un enjeu de plus grande importance encore : quel financement pour notre économie : financement par les banques et/ou par les marchés
• Économie d'endettement ou économie de marchés financiers ?

Certes le débat sur les intermédiaires n'est qu'un des éléments de cette question. D'autres tout aussi déterminants entrent en ligne de compte : dans quelle mesure doit-on enrichir la demande par les privatisations ; dans quelle mesure doit-on structurer l'offre autour des fonds de pension ?

*

Quoi qu'il en soit, ces trois éléments - le passeport, le choix juridique et l'enjeu économique - sont étroitement liés.

En effet, il est nécessaire, pour délivrer le passeport européen, de savoir à qui on le donne, pour faire quoi et sur quels produits.

Cette réflexion a conduit les autorités européennes à s'entendre sur certains concepts :

- les produits : c'est la notion "d'instruments financiers" ;

- les services : c'est la notion de "services d'investissement" qui recouvre elle-même plusieurs métiers financiers ;

- les marchés : il en existe de deux sortes : ceux qui sont réglementés et ceux qui ne le sont pas ;

- les prestataires de services c'est la notion "d'entreprise d'investissement".

Ces concepts étant définis, le travail du législateur français est de savoir dans quelle mesure ils recouvrent ceux qui leur préexistent et dans quelle autre mesure, il doit s'efforcer d'en créer de nouveaux.

La tâche n'est pas facile et il faut bien prendre conscience que, s'agissant des professions financières, nous sommes confrontés de façon spécifique à une différence fondamentale entre les produits et les prestations.

En effet, lorsque nous allons chez un coiffeur, une telle dissociation n'existe pas. La coupe de cheveux est à la fois le produit et la prestation.

En revanche, en matière financière, cette dissociation existe bel et bien. Il y a bien en effet une différence entre l'opération de banque - mettre à la disposition de la clientèle des moyens de paiement - et le produit lui même : les moyens de paiement. De même, il existe une différence entre le service en investissement - la négociation de valeurs mobilières - et le produit : les valeurs mobilières.

La difficulté, spécifique de ce projet de loi, et par laquelle il débute, est qu'il faut bien s'entendre sur une définition des "instruments financiers".

Cette difficulté n'existait pas lors de la transposition des directives bancaires, pour une raison bien simple : la définition des instruments bancaires tombe sous le sens commun. C'est la monnaie.

En revanche, la définition des instruments financiers est beaucoup plus problématique. L'article premier est à cet égard très révélateur puisque, tel un inventaire à la Prévert, il énumère une longue liste de douze éléments dont certains se recouvrent, tandis que d'autres peuvent avoir été oubliés (les warrants financiers par exemple).

Partant, fallait-il aligner nos catégories juridiques sur les catégories européennes ? Ce n'est peut-être pas nécessaire. Mais d'un autre côté faut-il continuer à se référer à des notions que nous n'avons jamais définies ? C'est le cas en particulier des valeurs mobilières. N'est-il pas stupéfiant de constater que la seule définition de ce concept partout invoqué ne figure que dans une modeste loi de 1988 sur les organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) ?

Ce qui est vrai des instruments l'est aussi des marchés. Il n'existait pas par exemple de définition en droit français d'un marché réglementé. D'où les craintes qu'a pu avoir notre Banque centrale à l'idée que l'autorité en charge de la réglementation des marchés financiers, simple autorité Professionnelle, puisse avoir son mot à dire sur le marché monétaire, qualifié, sans plus de précision, de réglementé par la loi antérieure.

C'est dire l'importance des définitions que vous aurez à donner dans ce projet de loi et qui ne manqueront pas de rejaillir sur le travail du codificateur, puisque, bientôt, sera soumis à l'examen du Parlement, un projet de code monétaire et financier.

De la pertinence et de la clarté des concepts définis, de l'utilité des règles posées et, enfin, de l'efficacité des contrôles mis en place ne dépendent rien de moins que la stabilité de notre cadre juridique et la capacité de nos entreprises à prospérer dans un vaste marché désormais unifié.

Tel est l'enjeu du présent projet de loi.

Afin d'en prendre l'exacte mesure, il est nécessaire d'effectuer un bref rappel de la signification des concepts et des principes dégagés par la directive, avant de comparer les approches retenues par la proposition de loi adoptée par votre commission en juin 1995 et le projet de loi soumis aujourd'hui à votre examen. Enfin, nous nous efforcerons de présenter les lignes de force qui ont guidé la démarche de votre commission dans l'élaboration des amendements qu'elle vous présente.

I. BREF REGARD EN ARRIÈRE SUR LA DIRECTIVE

Deux séries d'éléments doivent, semble-t-il, être rappelés : d'une part, les concepts, et, d'autre part, les principes.

A. LES CONCEPTS

Les concepts utilisés par la directive sont au nombre de cinq et sont étroitement liés entre eux :

1. Les instruments financiers

Les instruments financiers sont définis par la section B de l'annexe de la directive et comprennent :

- les valeurs mobilières et les parts d'un organisme de placement collectif ;

- les instruments du marché monétaire ;

- les diverses catégories d'instruments financiers à terme et les options.

En fait cette catégorie est si englobante qu'elle doit être plutôt appréhendée en creux : ne sont pas instruments financiers la monnaie nationale et les devises. Si bien que sont exclus du champ de la directive le marché interbancaire stricto sensu et le marché des changes au comptant, ainsi que les marchés à terme de matières premières. A cet égard, le sixième considérant de la directive est sans doute plus éclairant que la longue liste de l'annexe :

"une entreprise d'investissement ne peut pas se prévaloir de la présente directive pour effectuer des opérations de change au

comptant ou à terme ferme autrement qu'en tant que services liés à la fourniture de services d'investissement (...)".

Par ailleurs, le onzième considérant de l'exposé des motifs de la directive précise que :

"la définition très large des valeurs mobilières et des instruments du marché monétaire retenue dans la présente directive n'a d'effet que pour cette directive et qu'elle n'affecte donc en rien les différentes définitions d'instruments financiers retenues dans les législations nationales à d'autres fins, et notamment à des fins fiscales (...) ".

Nous verrons du reste à l'article premier, que notre droit adoptera une classification des instruments financiers quelque peu différente de celle suggérée par la directive.

2. Les "opérations" ou "services" ou "métiers"

Comme il existe des "opérations de banque", il existe des opérations sur titres qui sont susceptibles de constituer plusieurs métiers ou "services" selon la terminologie utilisée par la directive.

En réalité, la directive distingue, comme en matière bancaire, des services principaux, qui seuls bénéficieront du passeport européen, et des services auxiliaires qui n'en bénéficieront pas.

Les métiers principaux sont au nombre de cinq (section A de la directive) :

- la réception et la transmission d'ordres ;

- l'exécution d'ordres pour le compte de tiers (ou négociation pour compte de tiers) ;

- la négociation pour compte propre ;

- la gestion, sur une base discrétionnaire et individualisée, de portefeuilles d'instruments financiers ;

- la prise ferme d'émissions de valeurs mobilières et le placement de ces émissions.

Mais ils peuvent être en réalité regroupés en deux grandes catégories ou familles :

1) la gestion pour compte de tiers ; qu'elle intervienne sur une base individuelle ou sur une base collective. Dans tous les cas, le gestionnaire est la personne à qui l'investisseur a délégué (sous mandat écrit dans le cas de la gestion sur base individuelle), le soin de décider pour son compte des arbitrages de placement sur instruments financiers ; il se distingue ainsi du conseil en gestion de patrimoine qui, comme son nom l'indique, ne prend pas la décision, mais y participe. Cette dernière activité est un métier auxiliaire au sens de la DSI ;

2) la négociation d'instruments financiers ; qu'elle intervienne sur le marché primaire (prise ferme et placement) ou sur le marché secondaire (négociation pour compte propre, négociation pour compte de tiers, courtage). Comme son nom l'indique, le négociateur est celui qui négocie, aux meilleures conditions, pour le compte de son client ou pour son propre compte.

3) Les "intermédiaires" ou "prestataires" ou "professionnels"

Fondamentalement, la DSI ne connaît qu'une seule catégorie de Professionnels : "les entreprises d'investissement".

Ce sont les personnes morales ou physiques qui "exercent habituellement une profession ou une activité consistant à fournir à des tiers un service d'investissement à titre professionnel" (article premier Point 2).

En effet, la directive ne connaît des établissements de crédit que par exception et il est intéressant, à cet égard, de relire son article 2 qui dispose que :

"La présente directive est applicable à toutes les entreprises d'investissement. Cependant, seuls le paragraphe 4 du présent article, l'article 8 paragraphe 2, les articles 10, 11, l'article 12 premier alinéa, l'article 14 paragraphes 3 et 4 et les articles 15, 19 et 20 sont applicables aux établissements de crédit dont l'agrément, délivré au titre des directives 77/780/CEE et 89/646/CEE, couvre un ou plusieurs des services d'investissement énumérés dans la section A de l'annexe de la présente directive. "

La directive, largement inspirée du droit anglo-saxon, diffère ainsi par construction de la réalité des pays de l'Europe continentale, et en particulier de la France et de l'Allemagne, pays dans lesquels les établissements de crédit effectuent entre 60 % et 80 % des opérations sur titres.

En sens contraire, la directive prévoit que les États membres " abolissent les règles ou lois nationales ou les statuts des marchés réglementés limitant le nombre de personnes admises" soit en raison de considérations juridiques (monopole de négociation) ou techniques {numerus clausus). Ce qui signifie, notamment, que les établissements auront désormais la possibilité d'exercer directement la négociation de valeurs mobilières, ce qui, jusqu'à présent, n'était pas le cas de la France, l'article premier de la loi boursière de 1988 établissant un monopole au profit des sociétés de bourse.

Toutefois la directive prévoit que "les États membres qui appliquent, au moment de l'adoption de la présente directive, une législation qui n'autorise les établissements de crédit à devenir membres d'un marché réglementé ou à avoir accès à un tel marché que moyennant une filiale spécialisée, peuvent continuer à appliquer jusqu'au 31 décembre 1996 cette même obligation de façon non discriminatoire aux établissements de crédits originaires d'autres États membres pour l'accès à ce marché réglementé".

Il convient également de noter que la directive ne s'applique pas davantage aux entreprises d'assurance qui représentent également un pourcentage significatif des opérations sur titres, mais au sujet desquelles la directive considère :

"qu'il y a lieu d'exclure les entreprises d'assurance dont les activités font l'objet d'une surveillance appropriée par des autorités compétentes en matière de contrôle prudentiel et qui sont coordonnées au niveau communautaire ainsi que les entreprises exerçant des activités de réassurance et de rétrocession ".

Enfin, la directive exclut également de son champ d'application, les Banques centrales, les personnes morales ou physiques susceptibles d'offrir des services d'investissement, mais dont "l'activité professionnelle est d'une autre nature", comme par exemple les avocats et les notaires ainsi que toute une série de personnes dont il sera donné le détail à l'article 11 du présent projet.

4. Les marchés financiers

La directive ne connaît que deux catégories de marchés financiers : les marchés réglementés et les autres.

1) Les marchés réglementés sont ceux sur lesquels les opérations sont caractérisées par le fait que des dispositions établies ou approuvées par des autorités compétentes définissent les conditions de fonctionnement du marché, les conditions d'accès, les conditions d'admission à la cotation et imposent toutes les obligations de déclaration et de transparence prescrites par la directive (article premier point 13 de la directive).

Les autorités compétentes doivent être :

- soit des autorités publiques ;

- soit des organismes reconnus par le droit national ou par des autorités publiques expressément habilitées à cette fin par le droit national.

Mais il est important de noter que la qualité de marché réglementé résulte tout d'abord d'une "inscription" sur une liste établie par chaque État membre. En d'autres termes, il ne suffit pas, pour être marché réglementé, de fonctionner de façon régulière dans les conditions définies plus haut ; encore faut-il être "reconnu" comme tel par les autorités de son propre pays.

L'intérêt de distinguer les marchés réglementés des autres tient essentiellement à la faculté accordée à chaque État membre d'imposer sur les marchés déclarés par lui réglementés, une obligation de concentration. L'article 14 point 3 de la directive prévoit en effet que les transactions portant sur un instrument négocié sur un marché réglementé soient effectuées sur ce marché (et pas en dehors).

Néanmoins, le paragraphe 4 de ce même article prévoit que lorsque cette obligation est imposée, les États membres doivent autoriser les investisseurs résidant habituellement sur son territoire à déroger à cette obligation en fonction de critères tenant compte des besoins différents des investisseurs en matière de protection et notamment de la capacité des investisseurs professionnels et institutionnels à agir au mieux de leurs intérêts.

La directive reflète sur ce point un compromis entre l'approche anglo-saxonne qui privilégie les marchés de gré à gré, marchés de Professionnels (market makers) dirigés par les ordres et qui se nourrissent d'une certaine opacité (les prix et les ordres sont connus des seules parties à la transaction) et l'approche continentale qui privilégie les marchés organisés, dirigés par les prix et dont le principe essentiel est la transparence (le marché est informé à tout moment du prix et du volume des transactions).

2) Les marchés non réglementés sont de deux sortes :

- l es marchés organisés, susceptibles d'avoir une organisation assez proche de celle des marchés réglementés (présence d'une entreprise de marché organisant les transactions et les réglementant) mais sur lesquels la réglementation n'émane pas d'une autorité publique ou d'une autorité reconnue par le droit national ;

- les marchés de gré à gré, sur lesquels la loi des parties est la seule loi qui prévaut ; toutefois, il n'est pas exclu que les parties aient recours, le cas échéant, à des contrats types, définis par une association professionnelle (par exemple l' International Swap Dealers Association sur le marché des swaps).

Cette distinction n'est pas établie par la directive et n'a qu'une valeur doctrinale.

5. Les contrôles

Deux distinctions doivent être établies :

1) Contrôle des opérations et contrôle des intermédiaires

Le contrôle peut en effet porter sur les intermédiaires (ratios prudentiels, règles de bonne conduite) ou sur les opérations elles-mêmes (régularité).

Il sera important, dans l'analyse des articles qui suivra, de toujours garder présent à l'esprit que les intermédiaires sont toujours contrôlés, qu'ils agissent sur un marché réglementé ou sur un marché de gré à gré, tandis que le contrôle des opérations ne peut intervenir, par construction, que sur un marché réglementé.

2) Contrôle prudentiel et contrôle déontologique

Ces deux types de contrôle portent sur les intermédiaires.

Le contrôle prudentiel, dans son acception française (exactement inverse de la britannique), est celui qui porte sur des normes de gestion, relatives à la liquidité, la sécurité, la solvabilité et, plus généralement, l'équilibre de la structure financière et la fiabilité des procédures internes

(enregistrement des opérations, systèmes informatiques...). La réglementation prudentielle porte, notamment, sur des exigences en capital et des ratios de division et de couverture des risques, définis en l'occurrence par une autre directive européenne : la directive "adéquation des fonds propres" plus connue sous son appellation britannique de capital adequacy.

Le contrôle "déontologique" (qui est le contrôle prudentiel au sens britannique) porte sur "les règles de conduite" que doivent respecter les intermédiaires. Ces règles établissent quelle doit être la bonne conduite (fair practice) des uns et des autres, en fonction des particularités de leur métier et, surtout, de la nature professionnelle ou non professionnelle de l'investisseur pour le compte de qui ils agissent.

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