B. UN BUDGET PEU LISIBLE

La Cour des Comptes dans son rapport de 1994 a eu l'occasion d'observer que :

"L'addition des dotations des articles intitulés "direction de la navigation aérienne" répartis dans différents chapitres du budget annexe ne permet pas d'établir le coût global des services de la navigation aérienne... "

La direction de la navigation aérienne estimait les coûts de la navigation aérienne en 1995 à 5,576 milliards de francs alors que le projet de loi de finances les fixait à 4,791 milliards de francs.

De la même manière, les crédits de navigation aérienne s'élèvent à 5,03 milliards de francs dans le projet de budget pour 1996 alors que les coûts complets du service sont estimés à 5,86 milliards de francs (le produit des redevances s'élevant à 5,56 milliards de francs).

Les documents budgétaires entretiennent donc la plus grande confusion quant à la nature des dépenses qu'ils sont pourtant censés présenter.

Cette carence est particulièrement mal venue s'agissant d'un budget annexe.

C. UN USAGE ABUSIF DES REDEVANCE

Les redevances de navigation aérienne financent l'essentiel des dépenses et du budget annexe de l'aviation civile : 72,6 % pour un produit de 5,56 milliards de francs.

Il existe deux redevances :

- la redevance de route qui est due pour un vol traversant l'espace aérien contrôlé ;

- la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) qui est due par un usager au titre d'un atterrissage et d'un décollage jusqu'à une distance de 20 kilomètres autour des aérodromes.

En théorie, ces redevances ne devraient financer que l'activité de la navigation aérienne.

Dans les documents budgétaires, les dépenses de navigation aérienne s'élèvent à 5 milliards de francs dont 1,18 milliard de francs de dépenses d'études et d'équipement.

Une précision liminaire doit être apportée : on l'a évoqué, les dépenses de navigation aérienne figurant dans les documents budgétaires ne correspondent pas aux coûts de la navigation aérienne estimés par la DGAC.

Le système des redevances fait l'objet d'un contentieux permanent.

Par un arrêt du 10 février 1995, le Conseil d'État a été amené à régler l'un des nombreux contentieux suscités par les redevances de navigation aérienne au détriment de la DGAC.

Rendu par la Section du Contentieux du Conseil d'État à la demande de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, l'arrêt a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports daté du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.

Les motifs retenus par le Conseil ont été les suivants :

Ø Le premier, technique, a consisté à reprocher aux auteurs de l'arrêté de n'avoir pas établi la liste des aérodromes où les services de circulation aérienne rendus donnaient lieu à rémunération en considération du seuil d'activité des bases aéroportuaires. En somme, l'administration se serait affranchie d'exercer son pouvoir d'appréciation qui est aussi, en droit public français, un devoir.

Ø Le second a consisté à estimer qu'en imputant de façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts supportés par la DGAC comme des coûts générés par la contrôle d'approche, l'administration n'étant pas en mesure de justifier que la fraction des coûts ainsi imputée correspondait bien à des charges auxquelles l'expose ledit contrôle.

Ø De fait, une série de coûts considérés par la direction de la navigation aérienne DNA comme imputables aux usagers de la navigation aérienne suscite des interrogations.

Il en va ainsi des crédits destinés à rémunérer les prestations de services d'organismes extérieurs.

La convention encadrant les relations entre la DNA et l'OFAC suisse a été dénoncée.

Mais la contribution française, qui est relevée de 2 millions de francs dans le projet de budget, justifiée en principe par les missions de contrôle aérien effectuées par la partie suisse à partir de Genève sur une partie de l'espace aérien français, pose problème.

En effet, il semble que l'OFAC suisse ait pris l'habitude de facturer à la DNA des coûts non réellement imputables à sa mission de contrôle de l'espace aérien français.

En outre, l'obligation où se trouve l'organisation suisse d'amortir ses coûts fixes sur un nombre restreint de mouvements aériens conduirait Swisscontrol à pratiquer des tarifs plus élevés qu'en France.

La DNA chiffre l'économie réalisable du fait d'une réorganisation des relations franco-suisses à 100 millions de francs.

Si l'argumentaire de la DNA devait être tenu pour justifié, il y a lieu d'observer qu'en intégrant dans les coûts imputables aux usagers la dépenses résultant de ses relations avec l'OFAC, la DNA surestime les charges à imputer aux usagers.

La contribution de la France à Euro control amène la France à être le premier contributeur à cette organisation avec l'apport de 26,4 % de l'ensemble des contributions des États membres. Elle est suivie par l'Allemagne (23,7 %) et le Royaume-Uni (20,8 %). Le quatrième contributeur, la Belgique, ne verse que 4,3 % du montant global des contributions nationales. Le projet de budget accroît de 20,3 millions de francs le montant de notre contribution.

L'intégration de la totalité de la contribution française à Euro control dans les coûts du service de navigation aérienne n'apparaît conforme ni à la jurisprudence du Conseil d'État, ni aux recommandations de l'OACI.

A l'évidence, une proportion importante des dépenses d'Euro control ne rend aucun service actuel aux usagers du contrôle aérien.

En outre, une partie de la contribution française sert à financer des services rendus, en particulier, à deux États membres de la Commission européenne de l'aviation civile - CEAC - très actifs dans le domaine aérien : l'Espagne et l'Italie. Ces derniers, en s'abstenant d'adhérer à Euro control ont adopté une attitude de "passager clandestin", qui leur a permis d'économiser des efforts financiers reportés sur les membres d'Euro control.

Quelques évaluations doivent être citées.

L'adhésion de l'Espagne, l'Italie et la Slovénie allégerait la contribution française de 64 millions de francs tandis que celle des États de la CEAC se traduirait par une économie de 94 millions de francs. Quant à elle, la participation de l'ensemble des États de la CAC au financement de la CFMU et d'EATCHIP - les deux programmes phares d'Euro control - diminuerait notre contribution de 84 millions de francs.

Les relations entre la DNA et Météo France sont précisées par une convention du 24 mai 1994. Mais les conditions d'application de celle-ci ne paraissent pas satisfaisantes ainsi qu'en témoignent les contestations auxquelles ont donné lieu la mise au point du protocole financier pour 1995. Malgré cela, la contribution à Météo France est majorée de 14,7 millions de francs dans le projet de budget.

Le directeur de la Navigation Aérienne estimait la surévaluation des coûts opérés par Météo France à environ 30 millions de francs en 1995. Pour cela, il se fondait sur :

- une surestimation par Météo France de ses coûts d'investissements, les amortissements dépassant de 200 millions de francs leur valeur réelle et sur une valeur excessive du ratio imputé à ce titre aux usagers aéronautiques (32 %) ;

- sur la prise en compte de coûts au titre de satellites non encore en service opérationnel et sur une surévaluation du ratio imputé à ce titre aux usagers aéronautiques ;

- enfin, sur une sous-estimation des coûts de fourniture d'informations météorologiques aux vols VFR qui ne sont pas assujettis aux redevances de navigation aérienne et doivent ainsi prendre en charge l'intégralité des prestations qui leur sont fournies.

Enfin, une partie non négligeable des redevances sert à financer des études et équipements qui, par nature, ne rendent pas de service immédiat aux usagers de la navigation aérienne.

La question de savoir si cette situation est conforme à la légalité ne peut être tranchée aisément car s'il est bien vrai que le Conseil Constitutionnel a donné des dépenses pouvant être considérées comme rendant un service aux usagers des services dont les opérations financières sont regroupées dans un budget annexe, une définition extensive à propos du budget annexe des postes et télécommunications dans sa décision sur la loi de finances pour 1985, l'appréciation du Conseil d'État est beaucoup plus restrictive.

Il faut d'ailleurs noter qu'au-delà de ces problèmes juridiques, l'attitude des usagers de la navigation aérienne - qui n'est certainement pas sans liens avec la fragilité juridique de l'ensemble du financement du BAAC -est une source de difficultés pratiques considérables pour le système des redevances qui est, en permanence, contesté.

L'inclusion dans le projet de loi de finances pour 1996 de deux articles de validation rétroactive de titres de perception émis pour les recouvrer témoigne de cette fragilité.

En témoignent encore le refus de certains usagers de s'acquitter des redevances de navigation aérienne, refus d'ailleurs plus déterminé lorsqu'il s'agit de perceptions nationales (redevances d'approche) que lorsqu'il s'agit de redevances perçues par Euro control (redevances de route) et qui a, par ailleurs, pour conséquence de créer des situations intolérables de distorsion de concurrence entre compagnies aériennes.

Une réflexion doit donc être poursuivie afin d'imaginer un autre système de financement. Elle implique évidemment que soit repensées l'organisation budgétaire de l'aviation civile et, sans doute, son organisation administrative.

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