N° 335

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée),

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

290 et 336 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Le projet de loi organique vise à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

La commission des lois a accepté le report de sept mois des prochaines élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Elle a jugé que l'article unique du projet de loi organique remplissait les critères justifiant son adoption :

- son caractère limité et justifié ;

- son caractère nécessaire et unique compte tenu des délais enserrant la tenue des prochaines élections provinciales et du congrès, faute qu'un accord soit encore intervenu entre les parties calédoniennes et le gouvernement sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Elle a, en outre, précisé la date d'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi organique, afin de garantir son application en temps utile.

I. LE REPORT DES ÉLECTIONS PROVINCIALES ET DU CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE AU PLUS TARD AU 15 DÉCEMBRE 2024

A. UN REPORT DES ÉLECTIONS AU PLUS TARD LE 15 DÉCEMBRE 2024 INITIALEMENT JUSTIFIÉ PAR LE DÉGEL DU CORPS ÉLECTORAL

1. Un constat partagé : l'absence d'accord sur les conditions d'organisation au terme des mandats actuels, prévu en mai 2024

Si la reprise des négociations, sur la base des préconisations développées en juillet 2022 puis en juin 2023 par la commission des lois, doit être saluée, un accord n'a pas encore été trouvé alors que l'échéance des élections provinciales approche. Celles-ci, sans report, devraient en effet se dérouler au plus tard le 12 mai 2024.

Toutefois, les auditions conduites par le rapporteur ont permis de constater que des discussions entre les acteurs calédoniens locaux sont en cours et pourraient porter les fruits. Les acteurs politiques locaux auditionnés se sont montrés optimistes quant à leur capacité à trouver ensemble en Nouvelle-Calédonie les voies d'un accord global respectueux des attentes de chacun, au bénéfice de tous les calédoniens.

Ces mêmes auditions ont néanmoins confirmé qu'il n'existait pas de consensus local quant à l'organisation et aux modalités de participation des électeurs à un renouvellement général des assemblées des provinces et du congrès de Nouvelle-Calédonie en dehors d'un accord global comportant des solutions notamment sur l'évolution des relations entre la Nouvelle-Calédonie, les modalités d'exercice du droit à l'autodétermination, l'équilibre de la représentation des assemblées provinciales au congrès de Nouvelle-Calédonie.

2. Le projet de loi organique : un report au plus tard le 15 décembre 2024 des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Comportant un article unique le texte présenté par le Gouvernement vise, par dérogation à l'article 187 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, à reporter les prochaines élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie.

Ces élections auraient lieu au plus tard le 15 décembre 2024. Il prolonge, en conséquence, les mandats en cours des membres des assemblées de province et du congrès élus lors du dernier renouvellement général, le 12 mai 2019.

B. EN DÉPIT DE DÉSACCORDS SUR LES MOTIVATIONS INITIALEMENT AVANCÉES PAR LE GOUVERNEMENT, LE REPORT DES ÉLECTIONS

1. Des désaccords sur les motifs avancés par le Gouvernement ayant ravivé le débat autour du corps électoral restreint pour les élections provinciales

Après avoir pris à plusieurs reprises l'engagement de procéder au « dégel » partiel du corps électoral calédonien, le Gouvernement a souhaité, conjointement à ce projet de loi organique, présenter un projet de loi de révision constitutionnelle « en vue de corriger les distorsions qui sont nées des évolutions démographiques intervenues depuis 1998 ».

Ainsi, il a fait le choix de lier les débats entourant la réforme du corps électoral spécial pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie et le report de ces mêmes élections. Ce choix a suscité parmi les responsables politiques calédoniens de vifs débats ravivant un sujet de dissensus récurrent dans les discussions relatives à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Il ne revient pas à la commission des lois, dans le cadre du présent rapport, de se prononcer sur le fond de ce projet de révision constitutionnelle mais d'apprécier les justifications du report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

2. Un avis favorable exprimé par la majorité du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, malgré les réserves méthodologiques et inquiétudes exprimées par les partis indépendantistes

Lors des auditions des présidents et représentants des groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie, le rapporteur a constaté l'accord unanime de l'ensemble des groupes quant au contenu des dispositions du projet de loi organique, indépendamment de l'exposé des motifs et des justifications énoncées par le Gouvernement.

Votes exprimés par le congrès de Nouvelle-Calédonie
lors de la séance du 17 janvier 2024

Source : commission des lois d'après les données transmises
par le congrès de la Nouvelle-Calédonie

Les deux groupes politiques indépendantistes ont néanmoins fait état, indépendamment du vote exprimé lors de la consultation du congrès sur ce texte, de réserves quant à l'approche gouvernementale.

II. ACCEPTER LE REPORT DES ÉLECTIONS PROVINCIALES ET DU CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, À LA SEULE FIN DE PERMETTRE LA CONCLUSION D'UN ACCORD GLOBAL TRIPARTITE RELATIF À L'AVENIR INSTITUTIONNEL

Suivant l'avis du rapporteur, la commission des lois a accepté le report de sept mois au plus tard des prochaines élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie proposé par le Gouvernement.

A. UN REPORT LIMITÉ ET JUSTIFIÉ PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL, QUI RESPECTE LES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES

Selon une jurisprudence constitutionnelle constante, le report d'une élection doit respecter deux conditions :

- d'une part, le législateur doit définir avec suffisamment de précision le calendrier électoral et ainsi éviter tout risque d'incompétence négative. En l'espèce, le projet de loi précise clairement que les prochaines élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie auront lieu au plus tard le 15 décembre 2024 ;

- d'autre part, le report d'une élection doit être exceptionnel et transitoire mais également proportionné à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

Le projet de loi organique du Gouvernement est motivé par « la volonté d'assurer la respiration démocratique nécessaire tout en laissant le temps au dialogue de se nouer, se densifier et éventuellement se conclure [, ce qui constitue] la principale des raisons pour lesquelles il est proposé de reporter les élections »1(*).

C'est un des motifs d'intérêt général suffisant aux yeux du législateur organique pour fonder, dans l'intérêt de la conclusion d'un accord tripartite global consensuel sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, une telle prolongation des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, eu égard au fait qu'il est limité à sept mois et qu'il poursuit des motifs d'intérêt général, ce report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie n'a paru à la commission contraire à aucune exigence constitutionnelle ou conventionnelle.

B. UN REPORT NÉCESSAIRE POUR SE PRÉMUNIR DES RISQUES QUE LA TENUE D'UN TEL SCRUTIN SERAIT SUSCEPTIBLE D'EMPORTER, AU DÉTRIMENT D'UNE SOLUTION CONSENSUELLE GLOBALE TRIPARTITE

La commission des lois a considéré que le report proposé se justifiait, eu égard aux risques que la tenue d'élections provinciales et au congrès sur la base des dispositions en vigueur serait susceptible d'emporter.

En effet, le rapporteur a pris connaissance des avis du Conseil d'État du 7 décembre 2023 et du 27 janvier 2024 qui font apparaître que l'organisation du scrutin peut difficilement être envisagée sur le fondement des dispositions actuelles régissant la composition de la liste électorale, et cela en raison de l'ampleur qui ne cesse de croître des dérogations apportées au principe constitutionnel de l'égalité de suffrage. Il s'agit d'une difficulté objective qu'il appartient par priorité aux parties calédoniennes de résoudre par leurs discussions. Cette difficulté empêche le Gouvernement, qu'il le veuille ou non, d'organiser les élections sur un fondement juridique mettant celle-ci à l'abri de toute contestation.

C'est pourquoi, la commission des lois, sans préjuger du contenu des dispositions qui devront être adoptées, a considéré qu'un texte d'un niveau approprié devrait impérativement intervenir pour régir les inscriptions sur la liste électorale en vue des élections aux assemblées provinciales. Elle a réitéré son souhait que ce texte s'inscrive dans le cadre d'un accord global.

C. UN REPORT URGENT COMPTE TENU DES DÉLAIS NÉCESSAIRE À SON ADOPTION ET SA MISE EN oeUVRE EFFECTIVE

a) La nécessité d'une entrée en vigueur avant le 13 avril 2024 des dispositions organiques reportant les élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour éviter l'édiction d'un décret de convocation des élections qui devrait être aussitôt reporté.

Par dérogation aux dispositions du code électoral régissant la convocation des électeurs, l'article 187 de la loi organique du 19 mars 1999, dispose que les élections provinciales calédoniennes doivent se dérouler dans le mois précédant l'expiration du mandat des membres sortants, en l'espèce le 12 mai 2024. En outre, conformément à ce même article, le Gouvernement est tenu de convoquer les électeurs quatre semaines au moins avant la date du scrutin, soit selon le calendrier résultant des dispositions en vigueur, au plus tard le 14 avril 2024.

Il convient donc que la loi organique reportant les élections provinciales soit publiée au Journal officiel de la République française pour assurer son entrée en vigueur sur le territoire calédonien avant cette date, faute de quoi le Gouvernement devrait prendre un décret de convocation des élections, alors même qu'une loi organique de report des élections aurait été adoptée par les deux chambres. Or, par dérogation au principe énoncé à l'article 1er du code civil, l'article 6-1 de la loi organique précitée dispose que « les lois (...) entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu'[elles] fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française ».

Les délais étant extrêmement contraints, il apparaît donc particulièrement étonnant que le Gouvernement n'ait pas prévu de dispositions prévoyant l'entrée en vigueur de la loi organique le lendemain de sa publication au Journal officiel. En conséquence, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement prévoyant l'entrée en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française de la présente loi organique afin de garantir son application en temps utile. Une telle disposition expresse réduirait ainsi de dix à un jour le délai d'entrée en vigueur.

b) Un délai contraint de mise en oeuvre justifiant l'adoption rapide des dispositions reportant les élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie

Si des interrogations subsistent sur la date effective du prochain renouvellement général des membres des provinces et du congrès de Nouvelle-Calédonie, des sujets très concrets doivent être traités avec anticipation pour s'assurer du bon déroulement du scrutin.

Interrogés sur la faisabilité technique d'un tel calendrier, Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, comme le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, ont indiqué que l'ensemble des mesures préparatoires à l'organisation de ce scrutin avait été identifié et planifié et que les services de l'État étaient pleinement mobilisés pour assurer la tenue régulière du scrutin lorsqu'il serait convoqué.

La commission n'a pas voulu substituer sa propre appréciation à celle des représentants de l'État en charge de l'organisation du scrutin. Elle a cependant jugé indispensable que cette disposition soit rapidement adoptée par les deux assemblées, pour donner les meilleures chances à sa mise en oeuvre effective.

*

* *

La commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN
DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

I. LE REPORT DES ÉLECTIONS PROVINCIALES ET DU CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE AU PLUS TARD AU 15 DÉCEMBRE 2024

A. UN REPORT DES ÉLECTIONS AU PLUS TARD LE 15 DÉCEMBRE 2024 INITIALEMENT JUSTIFIÉ PAR LE DÉGEL DU CORPS ÉLECTORAL

1. Un constat partagé : l'absence d'accord sur les conditions d'organisation au terme des mandats actuels, prévu en mai 2024

L'achèvement des consultations prévues par l'accord de Nouméa a ouvert une nouvelle page de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, qui demeure à écrire.

Si la reprise des négociations, sur la base des préconisations développées en juillet 2022 puis en juin 2023 par la commission des lois, doit être saluée, force est de constater que les actions, certes volontaristes, du Gouvernement n'ont pas encore produit les effets escomptés. Elles n'ont ni permis de renouer un dialogue direct entre les trois parties ni jeté les bases d'un accord quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, alors que l'échéance des élections provinciales approche. En l'espèce, celles-ci, sans report, devraient se dérouler au plus tard le 12 mai 2024.

Toutefois, les auditions conduites par le rapporteur ont été unanimes sur un point : des discussions entre les acteurs calédoniens locaux sont en cours et commencent à porter les fruits. Elles ambitionnent, par la réunion d'acteurs indépendantistes et non-indépendantistes, de traiter l'ensemble des sujets intéressants l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et d'aboutir à un accord global entre les parties. Celui-ci pourrait alors servir de base de discussion avec le troisième acteur de cette négociation qu'est l'État.

L'ensemble des acteurs politiques locaux se sont montrés optimistes quant à la capacité des élus locaux à trouver ensemble en Nouvelle-Calédonie et en responsabilité les équilibres d'un accord global respectueux des attentes de chacun et au bénéfice de tous les Calédoniens. Néanmoins, en l'état des discussions, les positions des principaux responsables calédoniens indépendantistes et non-indépendantistes demeurent sur certains points très éloignés dans leurs demandes et aspirations, au premier titre duquel la tenue sur la base du corps électoral existant de nouvelles élections.

Les auditions du rapporteur ont démontré qu'il n'existait pas de consensus local quant à l'organisation et aux modalités de participation des électeurs à un renouvellement général des assemblées des provinces et du congrès de Nouvelle-Calédonie.

De surcroît, il ressort des auditions du rapporteur qu'aucune des formations politiques calédoniennes n'a initié le commencement d'un processus de campagne électorale : il semble qu'aucun acte concret et opérationnel visant à préparer ou entrer dans une campagne électorale n'ait eu lieu, et ce, quels que soient les bords politiques. Ainsi, aucun travail programmatique, aucune tentative d'organiser une liste électorale, aucune nomination de mandataire financier n'a été porté à la connaissance du rapporteur.

Dès lors, le rapporteur ne peut que prendre acte de l'impossibilité de tenir des élections consensuelles au terme des mandats actuels, prévu en mai 2024.

2. Le projet de loi organique : un report au plus tard le 15 décembre 2024 des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Comportant un article unique, non codifié, le projet de loi organique présenté par le Gouvernement vise, par dérogation à l'article 187 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, à reporter les prochaines élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie. Ces élections auraient lieu au plus tard le 15 décembre 2024.

Il prolonge, en conséquence, les mandats en cours des membres des assemblées de province et du congrès élus lors du dernier renouvellement général, le 12 mai 2019. Ces mandats, en application du deuxième alinéa de l'article unique du projet de loi organique prendraient fin le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues, afin d'éviter tout vide juridique.

Enfin, il est proposé, sur recommandation du Conseil d'État, que la liste électorale spéciale et le tableau annexe mentionnés à l'article 189 de la même loi soient mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin.

Selon les termes de l'étude d'impact, le report des élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie prévu par le projet de loi organique se rattache, dans son principe, à l'objectif de mise en oeuvre de la réforme du corps électoral pour les prochaines élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, il est précisé que « le présent projet de loi organique est étroitement lié à la réforme du corps électoral spécial pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie. Le report envisagé permet de mettre en cohérence le calendrier de la réforme et celui des opérations nécessaires à la tenue des élections provinciales de 2024. »

B. EN DÉPIT DE DÉSACCORDS SUR LES MOTIVATIONS INITIALEMENT AVANCÉES PAR LE GOUVERNEMENT, LE REPORT DES ÉLECTIONS

1. Des désaccords sur les motifs avancés par le Gouvernement ayant ravivé le débat autour du corps électoral restreint pour les élections provinciales

L'examen du présent projet de loi organique a mis en lumière un sujet de division récurrent et qui a cristallisé les antagonismes politiques entre les partis indépendantistes et non indépendantistes. Ces antagonismes se sont notamment exprimés lors de l'examen pour avis par le congrès de la Nouvelle-Calédonie d'un avant-projet de celui-ci et plus encore à l'issue de sa présentation conjointe à un projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral calédonien en conseil des ministres le 29 janvier 2024.

Le principe de la restriction du droit de vote et la portée de cette restriction font l'objet d'une vive controverse2(*), qu'il s'agisse de la participation aux élections provinciales ou de la participation aux consultations d'autodétermination.

En effet, le corps électoral appelé à participer à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté comme celui appelé à participer à l'élection du congrès et des assemblées provinciales ne comprennent pas l'ensemble des électeurs inscrits sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie.

Trois listes électorales pour un archipel :
le système électoral dérogatoire calédonien résultant de l'accord de Nouméa

Il existe trois listes électorales en Nouvelle-Calédonie :

- la liste électorale générale, établie suivant les règles de droit commun pour les élections nationales, européennes et municipales, ainsi que pour les référendums nationaux ;

- la liste électorale spéciale pour l'élection du congrès et des assemblées de province, qui définit les contours de la citoyenneté calédonienne, définie par l'article 4 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précité ;

- la liste électorale spéciale pour la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté, où étaient susceptibles d'être inscrites l'ensemble des « populations intéressées » à l'avenir du territoire, au sens de l'accord de Nouméa et de l'article 77, et non 53, de la Constitution. Elle est définie à l'article 218 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée, conformément au point 2.2.1 du document d'orientation de l'accord de Nouméa.

Comme l'a rappelé le ministre Gérald Darmanin dans un courrier adressé aux parties locales en juin 2023, « ni le Gouvernement, ni aucune formation politique calédonienne ne sollicite le retour à la liste électorale générale pour les élections au congrès et aux assemblées de province. Le maintien ou non d'une citoyenneté calédonienne distincte de la citoyenneté française n'est donc pas en question : il s'agit d'une évolution irréversible ».

Il n'en demeure pas moins que de fortes revendications pour l'ouverture de ce corps électoral persistent et font face à des revendications contraires des partis indépendantistes, attachés au maintien du principe d'un corps électoral restreint considéré comme un acquis irréversible et protégé constitutionnellement de l'accord de Nouméa.

Cette ouverture du corps électoral provincial reste en effet au centre des revendications des partis non-indépendantistes depuis plusieurs années et a été réaffirmée par l'ensemble des représentants rencontrés par le rapporteur au cours de ses travaux.

Si le principe d'un corps électoral plus restreint que le corps électoral de droit commun pour les consultations référendaires ne semble pas, comme pour l'ensemble des consultations d'autodétermination de collectivités d'outre-mer, poser de difficultés, la situation est éminemment différente s'agissant du corps électoral convoqué lors des élections du congrès et des assemblées de province, considérées par les responsables politiques non-indépendantistes comme des élections locales intéressant le quotidien des Calédoniens, qu'ils bénéficient ou non du statut de citoyens calédoniens.

Ces derniers s'appuient, en particulier, sur le fait que le corps électoral référendaire, plus restreint que le corps électoral de droit commun, est, paradoxalement, sensiblement plus large que le corps électoral pour l'élection du congrès et des assemblées de province, comme le présente le tableau ci-dessous, alors même qu'il a vocation à désigner les représentants politiques des institutions locales qui ont un effet direct sur le quotidien des Calédoniens.

Nombre d'inscrits sur les listes électorales
en Nouvelle-Calédonie, au 1er juillet 2023

Liste électorale

Nombre d'inscrits

Liste électorale générale

219 154

Liste électorale provinciale

178 374

Liste électorale spéciale à la consultation

185 004

Source : commission des lois d'après les données
du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie

Sont ainsi en débat : d'une part, la résolution de difficultés identifiées résultant d'incohérences dans les règles actuelles - sur lesquelles un consensus semble se nouer - et, d'autre part, l'introduction du principe d'un corps électoral restreint « glissant » en particulier pour les élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, conditionnant l'inscription sur la liste électorale à une durée de résidence minimale sur le territoire calédonien.

Trois incohérences identifiées de longue date quant aux règles d'inscription
sur les listes électorales spéciales calédoniennes

Des travaux menés par le rapporteur, il apparaît que trois difficultés identifiées, résultant d'effets de bord et d'incohérences induits par les règles aujourd'hui en vigueur, quant à l'inscription sur les listes électorales spéciales calédoniennes sont en voie de résolution.

D'un constat partagé entre l'ensemble des acteurs calédoniens, des ajustements paramétriques pourraient faire l'objet d'un consensus politique s'agissant :

- de l'écart entre le nombre d'inscriptions sur la liste électorale spéciale à la consultation et celle pour les élections provinciales, chiffré par le Gouvernement à 11 000 personnes natives de Nouvelle-Calédonie ;

- du vide juridique entourant la situation des petits-enfants d'un électeur inscrit en 1998 sur la liste pour les élections provinciales, alors que celle des enfants des mêmes électeurs est prévue ;

- de la question des conjoints de citoyens calédoniens qui ne disposent pas, contrairement au droit commun de la nationalité, d'une faculté, même conditionnée à une durée de mariage, d'accéder au bénéfice de la citoyenneté calédonienne et de participer aux élections provinciales.

En sus de ces évolutions paramétriques, des ajustements plus importants relatifs à la réouverture du corps électoral restreint aux personnes installées en Nouvelle-Calédonie, sans faire l'objet d'un consensus local entre les parties, sont appelés de ses voeux par l'État qui a pris à plusieurs reprises l'engagement de procéder au dégel partiel du corps électoral calédonien.

En ce sens, il a proposé, dans un premier temps, par la voix du ministre de l'intérieur et des outre-mer, l'instauration d'une condition de durée de résidence fixée à sept ans. Cette solution a été rejetée par les partis indépendantistes comme les partis non-indépendantistes - ces derniers plaidant pour une durée de résidence minimale de trois années - aucun consensus n'a, à ce jour, été conclu sur ce point.

C'est pourquoi, afin de traduire cet engagement, le Gouvernement a souhaité, conjointement à ce projet de loi organique, présenter un projet de loi de révision constitutionnelle « dont il entend qu'elle puisse s'appliquer aux prochaines élections pour le renouvellement général des assemblées de province et du congrès ». Comme l'expose l'étude d'impact sur le projet de loi organique, il « a souhaité engager un projet de réforme, en vue de corriger les distorsions qui sont nées des évolutions démographiques intervenues depuis 1998 ».

Ainsi, le Gouvernement a fait initialement le choix de lier les débats entourant la réforme du corps électoral spécial pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie et le report de ces mêmes élections. Ce choix a suscité au sein de la classe politique calédonienne de vifs débats mettant ainsi en lumière un sujet de dissensus récurrent depuis plusieurs mois dans les discussions relatives à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ; cette question étant également débattue non seulement à l'approche de chaque échéance électorale locale mais aussi lors de chaque révision annuelle de la liste électorale spéciale.

Un tel projet n'ayant pas été, à ce jour, inscrit à l'ordre du jour de l'une des deux chambres du Parlement, il ne revient pas, dans le cadre du présent rapport de se prononcer sur le fond de ce projet de révision constitutionnelle.

2. Un avis favorable exprimé par une large majorité transpartisane du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, malgré les réserves méthodologiques et inquiétudes exprimées par les partis indépendantistes

En dépit du choix gouvernemental de lier les sujets, lors de la consultation pour avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet de loi organique, obligatoire aux termes des articles 89 et 90 de la loi organique de 1999, une large majorité transpartisane s'est réunie pour émettre un avis favorable au texte.

Plus précisément, 38 membres du congrès ont exprimé un avis « favorable » au texte, quant 16 membres, tous issus du groupe UC-FLNKS et Nationalistes, ont émis un avis « défavorable ».

Votes exprimés par le congrès de Nouvelle-Calédonie
lors de la séance du 17 janvier 2024

Source : commission des lois d'après les données transmises
par le congrès de la Nouvelle-Calédonie

Lors des auditions des présidents et représentants des groupes politiques du congrès de la Nouvelle-Calédonie, le rapporteur n'a pu que constater l'accord unanime de l'ensemble des groupes quant au contenu des dispositions du projet de loi organique, indépendamment de l'exposé des motifs et des justifications énoncées par le Gouvernement.

Les deux groupes politiques indépendantistes ont néanmoins fait état, indépendamment du vote exprimé lors de la consultation du congrès sur ce texte, de réserves méthodologiques et d'inquiétudes quant à l'approche gouvernementale.

Ainsi, si l'Union nationale pour l'indépendance a, à l'unanimité des membres de son groupe, voté favorablement sur ce projet de loi organique, elle a, par la voix de son président Jean-Pierre Djaïwé émis des réserves de trois ordres. Ainsi, il a déploré que la position gouvernementale souffre « d'incohérences et d'une certaine légèreté dans le portage du dossier calédonien ». En outre, il a souligné avec insistance que cette position se cantonnait au contenu du projet de loi organique et ne saurait valoir satisfecit sur l'exposé des motifs du projet de loi qu'il juge « ambigu et décalé », et moins encore, sur le projet de loi constitutionnel « sur le dégel du corps électoral qui fait encore l'objet de discussions entre acteurs locaux calédoniens ». Enfin, il a rappelé que le vote unanime de son groupe au congrès de la Nouvelle-Calédonie avait pour seule motivation de « résolument créer les conditions pour que les discussions en cours aboutissent à un consensus nécessaire pour un accord global ».

De façon analogue, auditionné par le rapporteur, le président de l'Éveil Océanien, Milakulo Tukumuli, a rappelé la position pragmatique qui avait été celle des élus non-inscrits du congrès qui ont émis un avis favorable sur ce texte, et alerté sur les difficultés que le Gouvernement rencontrerait s'il soumettait, selon une procédure identique, le projet de loi constitutionnelle au congrès de la Nouvelle-Calédonie.

À l'inverse, le groupe Union Calédonienne-FLNKS et Nationalistes, seul groupe politique à avoir voté défavorablement sur le texte, a exprimé « ses inquiétudes et questionnements quant à la motivation de ce texte, à la démarche engagée et à la méthode utilisée ». La justification de l'exposé des motifs selon lequel « le projet de loi constitutionnelle propose de corriger les distorsions croissantes entre le corps électoral pour l'élection des représentants de ces assemblées et le corps électoral général qui résultent de l'écoulement du temps et des évolutions démographiques intervenues depuis plus de deux décennies » a cristallisé les inquiétudes des partis indépendantistes qui y ont vu une volonté du Gouvernement de remettre en cause le principe acquis et irréversible depuis l'accord de Nouméa d'un corps électoral restreint, y compris pour la participation aux élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Auditionné par le rapporteur, Pierre-Chanel Tutugouro, président du groupe Union Calédonienne-FLNKS et Nationalistes au congrès, a confirmé la position de son groupe tout en rappelant que l'opposition portait principalement sur le contenu de l'exposé des motifs du projet de loi organique et non sur le strict principe du report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

En outre, les formations politiques non-indépendantistes - Les Républicains, les Loyalistes et Calédonie ensemble - ont salué le projet de report des élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie. Ainsi, si certains à l'image de Sonia Backès appellent l'Etat à poursuivre l'engagement de la procédure permettant le dégel du corps électoral ou, comme Virginie Ruffenach, mettent en avant la tenue par l'Etat de ses engagements sur le dossier calédonien, Calédonie Ensemble a exprimé, par la voix de Philippe Michel, l'importance du report des élections afin de décentrer les acteurs locaux d'une éventuelle campagne électorale pour leur permettre « d'être au rendez-vous de l'histoire calédonienne ».

Enfin, les quatre parlementaires de la Nouvelle-Calédonie auditionnés par le rapporteur - Philippe Dunnoyer, Nicolas Metzdorf, Georges Naturel et Robert Wienie Xowie -, ont unanimement fait état de leur souhait que ce projet de loi organique puisse par le report d'une échéance électorale faciliter l'avancée des négociations et permettre la conclusion d'un accord global consensuel, susceptible d'être par la suite traduit dans les véhicules constitutionnels, organiques et législatifs nécessaires à leur adoption par le Parlement.

Le rapporteur se félicite de cette approche pragmatique, en particulier des représentants politiques indépendantistes, qui a permis d'apaiser le débat local et qui pose les bases d'un large consensus quant au report d'une échéance démocratique locale nécessaire pour fonder l'adoption par le Parlement d'un texte dérogeant ainsi aux dispositions organiques et ordinaires en vigueur.

II. ACCEPTER LE REPORT DES ÉLECTIONS PROVINCIALES ET DU CONGRÈS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE, À LA SEULE FIN DE PERMETTRE LA CONCLUSION D'UN ACCORD GLOBAL TRIPARTITE RELATIF À L'AVENIR INSTITUTIONNEL

Suivant l'avis du rapporteur, la commission des lois a accepté le report de sept mois au plus tard des prochaines élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie proposé par le Gouvernement.

Plus précisément, elle a jugé que l'article unique du projet de loi organique remplissait trois critères justifiant son adoption :

- son caractère limité et justifié ;

- son caractère nécessaire afin de se prémunir de risques politiques et juridiques obérant la possibilité de conclure un accord tripartite global consensuel quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ;

- son caractère urgent, compte tenu des délais dérogatoires enserrant la tenue des prochaines élections provinciales et du congrès.

A. UN REPORT LIMITÉ ET JUSTIFIÉ PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL, QUI RESPECTE LES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES

Conformément à l'article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour fixer la durée du mandat des élus locaux et donc la date des élections.

Il doit toutefois se conformer aux principes constitutionnels qui garantissent, sur le fondement de l'article 3 de la Constitution3(*), l'expression du suffrage des électeurs selon une périodicité raisonnable, la sincérité du scrutin et l'égalité entre les candidats4(*).

Comme l'avait souligné le président Jean-Louis Debré à l'occasion de sa mission sur les conditions d'organisation ou de report des élections régionales et départementales de mars 2021 lors de la crise sanitaire, « la démocratie repose sur le respect des échéances électorales déterminées par la loi et leur tenue dans les conditions les plus parfaites de liberté, d'équité et de sincérité »5(*).

Dès lors, il avait considéré que le report d'une échéance démocratique « ne peut être décidé que d'une main tremblante, en s'assurant que les motifs qui le justifient sont impérieux, non partisans, et font l'objet d'un diagnostic partagé »6(*).

Ainsi, si des dérogations à certains principes constitutionnels tels que l'égalité devant le suffrage ont été admises pour certaines élections locales en Nouvelle-Calédonie au titre XII de la Constitution, le constituant n'a jamais prévu, pour autant, de déroger à cette occasion aux principes d'une périodicité raisonnable ou de sincérité du scrutin. L'ensemble de ces principes constitutionnels doivent trouver à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie et ne sauraient, en conséquence, connaitre de dérogation que dûment justifiée et conforme aux exigences constitutionnelles.

Selon une jurisprudence constitutionnelle constante, le report d'une élection doit respecter deux conditions.

D'une part, le législateur doit définir avec suffisamment de précision le calendrier électoral et ainsi éviter tout risque d'incompétence négative. « En raison des garanties d'objectivité qui doivent présider à toute consultation électorale, le délai susceptible d'être retenu [pour l'organisation des élections] ne doit pas ouvrir à l'autorité administrative une possibilité de choix telle qu'elle puisse engendrer l'arbitraire »7(*).

En l'espèce, le projet de loi précise clairement que les prochaines élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie auront lieu au plus tard le 15 décembre 2024, date qui, si elle est contestée eu égard à son choix en ce qu'elle se tient au début des vacances scolaires estivales calédoniennes, n'en demeure pas moins claire et univoque.

Comme l'indique le Conseil d'État dans son avis, « la date du 15 décembre 2024, qui borne dans le temps la dérogation organisée par le projet de loi organique, résulte, selon les indications données par le Gouvernement, de la prise en compte de plusieurs exigences tenant au respect de la jurisprudence constitutionnelle applicable au report d'élections, aux attentes des partis néo-calédoniens, majoritaires au congrès, favorables à la révision constitutionnelle du corps électoral pour les élections provinciales qui ont indiqué ne pas souhaiter de report au-delà de cette date, au délai nécessaire, selon lui, à la mise en oeuvre de la réforme et enfin, au bon déroulement de la campagne électorale »8(*).

Plus précisément, ainsi que le rappelle l'étude d'impact du projet de loi organique, « la date précise sera déterminée par le décret de convocation des électeurs en fonction de la date de publication de la loi constitutionnelle et du délai nécessaire pour procéder à la révision complémentaire dans des conditions satisfaisantes »9(*).

Aussi, le Conseil constitutionnel a admis qu'il était également loisible au législateur de déroger à la règle, fixée par l'article L. 567-1 A du code électoral, selon laquelle il ne peut être procédé à une modification du régime électoral dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin, à condition d'y procéder en laissant un délai suffisant avant la date du scrutin, de façon à ne pas porter atteinte à sa sincérité10(*).

Dès lors, le rapporteur considère que la modification du terme des mandats précédents des élus des provinces et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, si elle constitue effectivement une modification du régime électoral l'année précédant le premier tour du scrutin, s'accompagne d'un délai de report suffisant pour ne pas entacher d'insincérité le prochain scrutin.

D'autre part, le report d'une élection doit être exceptionnel et transitoire mais également proportionné à l'objectif d'intérêt général poursuivi. Un scrutin ne peut, dès lors, être reporté que dans la limite du nécessaire.

En l'espèce, le report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie resterait limité, au plus, à sept mois et est justifié par le Gouvernement par un double motif.

S'agissant de la durée du report, dans son avis du 7 décembre 2023, le Conseil d'État a estimé qu'un report « pour une durée de l'ordre de douze à dix-huit mois ne se heurterait à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel »11(*). Dès lors, un report limité, au maximum, à sept mois, n'apparait pas, aux yeux du rapporteur, susceptible de poser une quelconque difficulté constitutionnelle.

S'agissant du motif d'intérêt général justifiant un tel report, dans un premier temps, la dérogation ainsi prévue s'attachait à l'objectif de mise en oeuvre de la réforme du corps électoral pour les prochaines élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, matérialisé par la présentation en conseil des ministres par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le 29 janvier 2024, d'un projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie12(*).

Dans un second temps, comme l'a rappelé Stanislas Alfonsi, secrétaire général du Haut-Commissaire de la République française en Nouvelle-Calédonie devant le congrès saisi pour avis sur le projet de loi organique, « la volonté d'assurer la respiration démocratique nécessaire tout en laissant le temps au dialogue de se nouer, se densifier et éventuellement se conclure [constitue] la principale des raisons pour lesquelles il est proposé de reporter les élections »13(*). Sur ce point, « il a été estimé que nouer un dialogue et le conclure dans des conditions harmonieuses juste avant les élections qui devraient se tenir le 12 mai 2024, s'annonçait difficilement réalisable, (...) il est en effet apparu que les conditions pour trouver un accord global ne pourraient être réunies s'il fallait agir sous la pression d'une échéance électorale qui se produirait dans un délai trop bref, c'est-à-dire au mois de mai 2024 ».

Comme l'indique le Conseil d'État, le report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, « est justifié par un motif d'intérêt général tiré de de la mise en oeuvre d'une révision constitutionnelle prévoyant la réforme du corps électoral en vue des prochaines élections provinciales »14(*).

De façon analogue, le rapporteur estime qu'un tel motif d'intérêt général est également constitué par les besoins inhérents à la conclusion d'un accord tripartite global consensuel quant à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, dont les prémices sont aujourd'hui suffisamment robustes et objectivables par le législateur organique comme le juge constitutionnel pour fonder une telle prolongation des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, eu égard au fait qu'il est limité à sept mois et qu'il poursuit des motifs d'intérêt général, ce report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie n'a paru à la commission contraire à aucune exigence constitutionnelle.

Le contrôle du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel exerce un contrôle restreint sur le calendrier électoral, rappelant qu'il « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ».

« Il ne lui appartient pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif »15(*).

En pratique, le Conseil constitutionnel procède à une « pesée des avantages et des inconvénients »16(*) pour vérifier que le législateur n'a pas choisi une solution manifestement inappropriée.

Consultés par le rapporteur, les groupes politiques représentés au congrès de la Nouvelle-Calédonie ainsi que les élus du congrès non-inscrits - indépendantistes et non indépendantistes - se sont montrés en accord avec le calendrier proposé par le Gouvernement, bien que certaines formations politiques locales regrettent la méthode employée et contestent certaines justifications avancées par le Gouvernement.

En conséquence, suivant la position du rapporteur, la commission des lois a considéré que le report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, au plus tard en décembre 2024, au lieu du mois de mai, tel que proposé par le Gouvernement respecte les exigences constitutionnelles et fait globalement consensus au sein de la classe politique calédonienne.

B. UN REPORT NÉCESSAIRE POUR SE PRÉMUNIR DES RISQUES POLITIQUES ET JURIDIQUES QUE LA TENUE D'UN TEL SCRUTIN SERAIT SUSCEPTIBLE D'EMPORTER, AU DÉTRIMENT D'UNE SOLUTION CONSENSUELLE GLOBALE TRIPARTITE

La commission des lois s'est d'ores et déjà prononcée en faveur d'un report, sous conditions, des élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie prévues pour le mois de mai 2024.

En effet, de longue date, elle a, grâce aux travaux menés par François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille dans le cadre de leur mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie depuis mars 2022, estimé que si « l'horizon des élections provinciales doit constituer un butoir autant qu'un aiguillon pour l'aboutissement aussi rapide que possible des négociations en vue d'un accord (...), il ne serait pas réaliste de considérer cet horizon comme indépassable ». Dans le cadre du rapport final de la mission d'information, les rapporteurs avaient ainsi préconisé qu'« au regard de l'enjeu que représente l'aboutissement des discussions, on ne saurait exclure un éventuel report des élections s'il s'avérait impossible de procéder autrement, pour une durée nécessairement limitée par les impératifs de conformité à la Constitution ».

Cette recommandation semble avoir trouvé une traduction concrète dans le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie examiné et inscrit à l'ordre du jour du Sénat par le Gouvernement.

Aussi ne peut-elle qu'être favorable, dans son principe, au dispositif de l'article unique du projet de loi organique, et ce d'autant qu'il reprend les conditions qui avaient fait l'objet de sa recommandation. Elle avait, en effet, estimé qu'« il n'est en effet envisageable de reporter ces élections que pour une courte durée et seulement si un tel report devait finalement constituer une condition sine qua non de la réussite des négociations. Ce report exigerait alors l'adoption d'une loi et impliquerait que le Sénat et l'Assemblée nationale se prononcent par un mandat clair sur la conduite des négociations à l'occasion de l'examen de ce texte ».

Ainsi, les conditions qu'elle avait posées comme nécessaires à l'acceptation d'un report de ces élections sont aujourd'hui remplies, aux yeux du rapporteur. Il ne peut donc être accepté, qu'à ce seul motif lié à la réussite des négociations locales permettant d'aboutir à un accord tripartite global quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

De façon analogue et comme le rappelle le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi organique, « cette option n'exclut pas, évidemment, qu'un accord portant sur l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie soit conclu entre les partenaires politiques de l'accord de Nouméa au cours des prochains mois, et en tout état de cause avant les prochaines élections, ce qui rendrait nécessaire une révision constitutionnelle de plus grande ampleur et pourrait justifier un report des élections à une date ultérieure ».

Toutefois, le rapporteur tient à souligner que, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi, fût-il organique, il est loisible au Parlement d'adopter des dispositions proposées par le Gouvernement sans pour autant faire siennes les motivations avancées par ce dernier - celui-ci étant libre d'invalider, d'approfondir, de substituer ou d'accepter tout ou partie de celles-ci.

En ce sens, la commission des lois a considéré qu'un tel report des élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie se justifiait, en sus de permettre la conclusion d'un accord tripartite consensuel global comme évoqué par le Gouvernement dans un second temps, eu égard aux risques politiques et juridiques que la tenue d'élections provinciales et au congrès sur la base des dispositions en vigueur résultant de l'accord de Nouméa serait susceptible d'emporter sur l'issue des négociations.

Ces risques, préalablement identifiés par la mission d'information précitée sont de deux ordres principaux.

Sur le plan juridique, le caractère transitoire de l'accord de Nouméa a seul permis de justifier les dispositions constitutionnelles innovantes fondant le régime temporaire de la citoyenneté calédonienne dont elles ont autorisé la création et les dérogations aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage qu'il comporte. Dès lors, compte tenu de l'achèvement du processus de Nouméa, l'organisation de nouvelles élections provinciales, prévues pour mai 2024 selon les principes définis par l'accord de Nouméa, soulèverait de sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel que les rapporteurs de la mission avaient détaillées.

Des incertitudes quant au statut juridique actuel de l'accord de Nouméa
dont le caractère transitoire avait permis de justifier
des dérogations aux exigences constitutionnelles

Initialement prévu pour une durée de vingt ans et susceptible de se terminer après trois consultations relatives à l'autodétermination, l'accord de Nouméa continue aujourd'hui à s'appliquer.

Ainsi qu'énoncé dans son préambule, « cette solution définit pour vingt années l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation ». Dès lors, l'application de l'accord de Nouméa, signé en 1998, a déjà dépassé de plus de quatre ans la durée initialement envisagée par ses signataires.

Pour autant, l'accord de Nouméa ne prévoit pas de limite formelle à la durée de son application s'agissant des institutions dont il a prévu la mise en place et des compétences dont il a convenu du transfert.

Au contraire, il comporte des garanties destinées à éviter tout risque de vide juridique quant à la situation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, sources d'incertitudes juridiques supplémentaires. En effet, comme le stipule son point 5, « si la réponse [à la troisième consultation] est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ». Et, soucieux de ne pas créer de vide juridique, les signataires de l'accord ont assorti cette affirmation d'une garantie ainsi rédigée « tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette « irréversibilité » étant constitutionnellement garantie ».

Il est vrai cependant que le caractère purement transitoire des dispositifs prévus par l'accord a été consacré dans l'intitulé du titre XIII de la Constitution, introduit en 1998 dans le but d'assurer la conformité à la Constitution des mesures prévues par l'accord et d'en organiser les modalités d'approbation.17(*) On relèvera néanmoins que ce caractère « transitoire » renvoie à une période de transition dont les bornes n'ont été fixées par aucun texte.

Par ailleurs, si l'application prolongée dans le temps de ce texte semblait se justifier aux fins d'organiser les trois consultations prévues par ledit accord à son point 5, cette prolongation n'est pas sans conséquence.

L'accord de Nouméa ainsi que la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie contiennent nombre d'innovations juridiques qui constituent autant de dérogations à des principes constitutionnellement protégés, qui ont justifié la révision constitutionnelle de 1998.

À titre d'exemple, la création d'une citoyenneté calédonienne ouvrant des droits en matière électorale et instituant une préférence pour l'accès à l'emploi et au foncier à ses seuls détenteurs déroge aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage, de droit à la propriété privée et d'égal accès au travail.

Ces dérogations aux principes constitutionnels n'ont été jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel qu'en raison de leur caractère « limité et temporaire »18(*).

De la même manière, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé conformes au protocole n° 1 de la Convention européenne les « restrictions mises pour pouvoir participer aux élections du Congrès et des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie » en raison notamment du caractère « inachevé et transitoire » du statut de la Nouvelle-Calédonie19(*).

En conséquence, Ferdinand Mélin-Soucramanien et Alain Christnacht émettent des réserves quant à la possibilité d'organiser les prochaines élections provinciales en 2024 selon les modalités dérogatoires mais transitoires ainsi prévues par l'accord de Nouméa. Pour le premier, « les élections provinciales de 2024 constitueront à mon sens un moment de vérité. (...) Tout cela n'en reste pas moins fragile et repose sur une forme de fiction »20(*).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les rapporteurs estiment que tant le caractère transitoire de l'accord que les dispositions constitutionnelles relatives à la Nouvelle-Calédonie rendent souhaitables des évolutions constitutionnelles et législatives mettant en place à un nouveau cadre constitutionnel pour l'archipel.

En raison de ce même caractère transitoire, l'organisation de nouvelles élections provinciales selon les principes définis par l'accord de Nouméa et la loi organique précitée pourrait soulever de sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel.

Source : extraits du rapport d'étape de la mission, p. 18-22

Consulté le 7 décembre 2023 sur ce point, le Conseil d'État a, dans son avis, confirmé cette analyse.

En premier lieu, il a considéré que « le cadre juridique applicable à la Nouvelle-Calédonie en vertu de la loi organique du 19 mars 1999 demeure applicable après la troisième consultation, qui est intervenue le 12 décembre 2021 et a donné lieu à une réponse négative, aussi longtemps qu'une révision de la Constitution ne sera pas intervenue ».

En second lieu, constatant qu' « à défaut de modification des règles applicables [concernant le régime électoral des assemblées de province et du congrès], l'ampleur de ces dérogations ne pourrait en outre que s'accroître avec l'écoulement du temps », il a estimé que « si les circonstances propres à la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie sont toujours de nature à justifier l'existence d'un corps électoral spécifique, la compatibilité des règles en vigueur avec les engagements internationaux de la France est incertaine alors que le processus défini par l'accord de Nouméa est achevé ». Il a, de surcroît, précisé que « l'ampleur des dérogations aux principes d'universalité et d'égalité du suffrage, auront, avec l'écoulement du temps, des effets excédant ce qui était nécessaire à la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa ».

Or, comme l'a déjà formulé à deux reprises la commission des lois, il convient à l'évidence d'organiser les prochaines élections provinciales sur des fondements juridiques incontestables.

Sur le plan politique, les auditions menées par les rapporteurs ont révélé les fragilités du système institutionnel institué par les accords de Matignon et de Nouméa. Sans s'accorder sur les modalités de résolution des difficultés résultant du statut actuel de la Nouvelle-Calédonie, les acteurs calédoniens rencontrés ont en partage leur insatisfaction à son endroit, confirmant la nécessité d'une réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie.

L'ensemble de ces éléments conduit les partis non-indépendantistes à menacer d'introduire des recours administratifs à l'encontre des actes pris pour organiser les élections provinciales y compris devant les juridictions européennes. Toutefois, comme évoqué précédemment, la compatibilité juridique des règles spécifiques à la Nouvelle-Calédonie en vigueur avec les engagements internationaux de la France, voire avec ses principes constitutionnels, est particulièrement incertaine.

De surcroit, indépendamment des actions pouvant émaner des partis politiques, il n'est pas souhaitable, aux yeux du rapporteur, de risquer qu'une érosion de l'adhésion aux échéances démocratiques locales ou qu'un boycott de celles-ci, comme cela a pu être constaté par le passé, soient observés, faute de report des élections dans l'attente de conclure un accord tripartite consensuel global.

Enfin, il va sans dire et d'un constat partagé avec le Gouvernement, que la tenue d'élections locales n'est pas de nature à faciliter la conclusion d'un tel accord entre formations politiques calédoniennes, indépendamment de leur proximité quant à la question de l'indépendance du territoire, qui seraient ainsi d'un côté mises en compétition face aux électeurs calédoniens et de l'autre réunies par un objectif partagé d'aboutir à un accord négocié entre elles.

Pour l'ensemble de ces raisons et aux seules fins de permettre la conclusion rapide d'un accord tripartite consensuel global et de se prémunir de tout risque politique ou juridique susceptible de porter atteinte au bon déroulement de telles négociations, la commission des lois, suivant l'analyse du rapporteur, a conclu à la nécessité d'un tel report des élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

C. UN REPORT URGENT COMPTE TENU DES DÉLAIS ENSERRANT SON ADOPTION ET SA MISE EN OEUVRE EFFECTIVE

a) La nécessité d'une entrée en vigueur avant le 13 avril 2024 des dispositions organiques reportant les élections provinciales et du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour éviter l'édiction d'un décret de convocation des élections inapplicable

Par dérogation aux dispositions du code électoral régissant la convocation des électeurs, l'article 187 de la loi organique du 19 mars 1999, dispose que les élections provinciales calédoniennes doivent se dérouler dans le mois précédant l'expiration du mandat des membres sortants, en l'espèce le 12 mai 2024.

En outre, conformément à ce même article, le Gouvernement est tenu de convoquer les électeurs quatre semaines au moins avant la date du scrutin, soit selon le calendrier résultant des dispositions en vigueur, au plus tard le 14 avril 2024.

Il convient donc que la loi organique reportant les élections provinciales soit adoptée, examine par le Conseil constitutionnel - qui est obligatoirement saisi des lois organiques -, promulguée par le Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française pour assurer son entrée en vigueur sur le territoire calédonien avant cette date, faute de quoi le Gouvernement devrait prendre un décret de convocation des élections, alors même qu'une loi organique de report des élections aurait été adoptée par les deux chambres.

Toutefois, une telle situation apparait difficilement conciliable avec les principes de sincérité du scrutin et risquerait de troubler les électeurs calédoniens dans un contexte politique déjà marqué par les difficultés entourant les négociations relatives à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Or, par dérogation au principe énoncé à l'article 1 er du code civil, l'article 6-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 précitée dispose que « les lois (...) entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu'[elles] fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française ». Autrement dit, si le texte est adopté par le Sénat le 27 février comme il est prévu, il peut, d'après les analyses du rapporteur, espéré être inscrit par le Gouvernement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en commission des lois la semaine du 4 mars puis en séance la semaine du 11 mars ou la semaine du 18 mars.

Il faudrait ensuite compter a minima huit jours pour que le Conseil constitutionnel statue - selon la procédure d'urgence - puis encore au moins une journée pour que le texte soit promulgué et publié au JORF, soit fin mars dans le meilleur des cas. Eu égard aux jours fériés en avril et en l'état du texte et faute de disposition expresse fixant la date d'entrée en vigueur de la loi organique, celle-ci devrait être publiée au JORF au plus tard le 4 avril

En conséquence, la commission a jugé, à l'initiative du rapporteur, particulièrement urgent de voter les dispositions de report des élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie compte tenu de ces difficultés et appelle le Gouvernement ainsi que l'Assemblée nationale à faciliter l'adoption rapide du texte afin de permettre son entrée en vigueur en temps utiles.

Les délais étant extrêmement contraints, il apparait donc particulièrement étonnant que le Gouvernement n'ait pas prévu de dispositions prévoyant l'entrée en vigueur de la loi organique le lendemain de sa publication au JORF. Un tel choix avait pourtant été retenu lors des deux précédentes lois organiques de 2015 et de 2018 relatives à l'organisation des consultations référendaires calédoniennes21(*).

En conséquence, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement prévoyant l'entrée en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française de la présente loi organique afin de garantir son application en temps utile, compte tenu du calendrier législatif particulièrement contraint de ce texte et des dispositions particulières applicables à la convocation d'élections en Nouvelle-Calédonie. Une telle disposition expresse réduirait ainsi de dix à un jour le délai d'entrée en vigueur.

b) Un délai contraint de mise en oeuvre justifiant l'adoption rapide des dispositions reportant les élections provinciales et du congrès de Nouvelle-Calédonie

Si des interrogations subsistent sur la date effective du prochain renouvellement général des membres des provinces et du congrès de Nouvelle-Calédonie, des sujets très concrets doivent être traités avec anticipation pour s'assurer du bon déroulement du scrutin, d'autant plus compte tenu du système électoral calédonien.

En effet, la date du 15 décembre 2024 au plus tard, apparaît rapprochée au regard du calendrier de mise en oeuvre envisagé de la réforme qui nécessite, d'un constat partagé avec le Conseil d'État, « en sus des démarches habituelles, l'adoption d'un décret en Conseil d'État délibéré en conseil des ministres précisant les mesures nécessaires à l'organisation de ces prochaines élections et l'ouverture d'une période de révision complémentaire de la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province, par dérogation aux dispositions de l'article 189 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie »22(*).

Ainsi, comme le précise l'étude d'impact du projet de loi organique, « en amont du scrutin, les communes devront prévoir, outre la révision annuelle prévue du 1er mars au 30 avril 2024, une révision complémentaire de la liste électorale spéciale, étant précisé que les maires sont membres des commissions administratives spéciales qui révisent cette liste électorale spéciale conformément à l'article 189 de la loi organique du 19 mars 1999 »23(*). À titre d'illustration et d'après les informations transmises au rapporteur, pour la seule révision annuelle de 2023, 111 commissions se sont réunies en un mois dans les 33 communes calédoniennes afin de procéder à l'inscription et au retrait d'électeurs sur la liste électorale spéciale pour participer aux scrutins provinciaux et du congrès de Nouvelle-Calédonie.

En outre, ces travaux, conformément à la pratique éprouvée depuis la signature de l'accord de Nouméa, impliqueront la participation de magistrats de la Cour de cassation ainsi que d'observateurs de l'Organisation des Nations Unies.

Interrogé sur la faisabilité technique d'un tel calendrier, Louis Le Franc, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a indiqué que l'ensemble des mesures préparatoires à l'organisation de ce scrutin avait été identifié et planifié et que les services de l'Etat étaient pleinement mobilisés pour assurer la tenue régulière du scrutin lorsqu'il serait convoqué.

Dès lors, la commission a estimé, suivant l'avis du rapporteur, que le délai prévu, bien que limité, n'en demeurait pas moins suffisant pour permettre la bonne tenue du scrutin et a jugé indispensable que cette disposition soit rapidement adoptée par les deux assemblées, pour en garantir sa mise en oeuvre effective.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 14 FÉVRIER 2024

- Présidence de M. Christophe-André Frassa, vice-président -

M. Christophe-André Frassa, président. - Nous en venons à l'examen du rapport de Philippe Bas sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Ce texte très simple consiste à reporter les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie du mois de mai à une date non précisée, mais qui ne pourrait aller au-delà du 15 décembre 2024.

Le Conseil constitutionnel veille au respect des conditions de report des élections : il faut un motif d'intérêt général, et que le report ne soit pas trop lointain. Cela tombe sous le sens, puisque c'est de la démocratie dont il est question. Ce n'est pas sans précédent : de nombreuses lois ont déjà organisé le report d'élections, qu'elles soient municipales, cantonales ou régionales.

Le Conseil d'État a estimé, à raison, qu'en l'espèce, les conditions d'un report étaient réunies.

Nous sommes dans une période d'indétermination en Nouvelle-Calédonie, après l'organisation des trois référendums d'autodétermination prévus par la Constitution, qui reprenait les termes de l'accord entre les forces politiques de Nouvelle-Calédonie et les représentants de la République, conclu à Nouméa en 1998. Ces dispositions constitutionnelles sont transitoires.

Cette période close par le troisième référendum aurait pu conduire à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Il avait donc été décidé, d'un commun accord entre les représentants de la République et les forces politiques calédoniennes, que le corps électoral de ces référendums portant sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie ne serait pas composé de tous les citoyens français de Nouvelle-Calédonie, mais seulement des natifs, ou de ceux y résidant depuis suffisamment longtemps. Le terme de « citoyenneté calédonienne » a été repris dans la Constitution.

La situation est toutefois un peu plus compliquée que ce que j'expose là, puisqu'il existe, en Nouvelle-Calédonie, non deux, mais trois listes électorales. La première rassemble tous les électeurs de nationalité française, qui votent en Nouvelle-Calédonie aux élections municipales et nationales. La deuxième réunit ceux qui votent pour les élections provinciales, qui déterminent non seulement la composition de chaque assemblée provinciale, mais aussi celle du congrès de la Nouvelle-Calédonie et celle du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui repose - fait rare - sur un principe de proportionnalité. Dans l'accord de Nouméa, on a considéré que le congrès pouvait constituer l'embryon d'une assemblée nationale calédonienne, et que seuls les électeurs relevant d'une forme de citoyenneté calédonienne pouvaient se prononcer. On aurait pu penser que cette deuxième liste pouvait servir pour les consultations d'autodétermination, mais pour des raisons propres à la dynamique de négociation assez particulière de la Nouvelle-Calédonie, une troisième liste électorale a été élaborée.

On est sorti de l'accord de Nouméa sans en avoir tiré les conclusions juridiques. Est-il toujours justifié d'organiser les élections provinciales sur la base d'un corps électoral restreint ? Une partie des forces politiques considère que oui, une autre que non. Le Gouvernement considère que ce débat doit être tranché avant les élections. C'est le motif d'intérêt général qui justifie leur report.

De mon point de vue, comme de celui du Conseil d'État, il existe bien un motif d'intérêt général, qui est de se donner une chance de régler le problème de fond de la composition de la liste électorale avant d'organiser les élections. Sinon, il faudrait organiser les élections sur une base restreinte dont il n'est pas certain que, en cas de recours, elle n'entraîne pas une annulation des élections. Il serait imprudent de tenter le diable !

Surtout, si l'on organise les élections sur la base actuelle, une grande partie des électeurs estimeraient que leur droit de suffrage est méconnu - ceux qui n'ont pas un lien suffisant avec la Nouvelle-Calédonie selon l'accord de Nouméa. Mais il se trouve que le corps électoral a été gelé. Alors qu'il excluait 7,46 % des citoyens français de Nouvelle-Calédonie de plus de 18 ans en 1998, il en exclut 19,28 % aujourd'hui. Certaines personnes de plus de 18 ans nées en Nouvelle-Calédonie ou y résidant depuis vingt-cinq ans n'ont pas le droit de prendre part aux élections, qui sont bien locales puisque le processus d'autodétermination est allé à son terme, ce que conteste d'ailleurs une partie des forces politiques, qui récusent l'organisation du troisième référendum, alors même qu'elles l'avaient demandé. Elles ont considéré que la covid-19 empêchait l'organisation du scrutin dans de bonnes conditions. C'est un débat politique auquel nous n'avons pas à prendre part.

En tout état de cause, cette exclusion de 19,28 % des électeurs pose problème. Dans son avis du 7 décembre 2023, le Conseil d'État s'interroge sur la dérogation au principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage : n'atteint-elle pas un niveau disproportionné avec le but poursuivi ? Il y a là un imbroglio qui justifie le report de l'élection.

La question du corps électoral, du point de vue de la commission des lois, ne peut pas être traitée séparément d'autres questions importantes concernant l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, ses liens avec l'Hexagone et les conditions d'exercice du droit à l'autodétermination, qui subsiste après l'achèvement de l'application de l'accord de Nouméa.

Le Gouvernement est fondé à demander le report des élections. Il est fondé à rechercher un accord. Des discussions bilatérales sont en cours entre les forces politiques calédoniennes, dont l'État est informé. Il n'exclut pas qu'aucun accord ne soit trouvé. Aussi, le Gouvernement a adopté en conseil des ministres un texte constitutionnel qui modifie la liste électorale, et seulement cela. Il faudra bien organiser ces élections, même avec un report de sept mois, mais ce n'est pas possible de le faire sur la base d'un corps électoral trop restreint.

Le Gouvernement proposera une réforme constitutionnelle, sans doute baroque aux yeux des juristes, selon laquelle seront inscrits sur la liste électorale tous les citoyens français nés en Nouvelle-Calédonie ou y résidant depuis au moins dix ans. Mais cela n'a pas fait l'objet d'un accord. Simplement, le Gouvernement doit faire savoir aux parties calédoniennes que l'on ne peut pas reporter les élections indéfiniment dans une démocratie. À la commission des lois, nous avons toujours dit que la Nouvelle-Calédonie n'avait pas d'avenir possible sans accord, et que cet accord devait être global.

Je vous propose d'adopter le report des élections. Très honnêtement, ce serait une prouesse que de réussir à les organiser pour le 15 décembre. En effet, plusieurs étapes doivent nous mener au scrutin, et, en parallèle, il y a une compétition entre des dispositions unilatérales proposées par le projet de loi constitutionnelle et une négociation entre les partenaires dont le Gouvernement dit lui-même qu'il la privilégie. La situation est très complexe sur le plan juridique, et plus encore sur le plan politique.

Je constate une progression des discussions entre les parties calédoniennes, mais elle peut à tout moment s'interrompre. Le ministre de l'intérieur doit se rendre en Nouvelle-Calédonie le 20 février, et le FLNKS, qui comprend l'ensemble des partis indépendantistes, réunit prochainement son congrès. Nous ne savons pas ce qui sortira de tout cela.

M. Olivier Bitz. - Je n'ai strictement rien à retrancher au rapport présenté par Philippe Bas. Ce texte n'est pas d'une importance fondamentale en lui-même, mais il conditionne la qualité du dialogue en Nouvelle-Calédonie. Nous sommes à la croisée des chemins. C'est la fin du processus de Matignon, initié par Christian Blanc en 1988 après le drame d'Ouvéa. Nous sommes tous extrêmement attentifs à ce qui peut se produire pour les années à venir. Attention à ne rien brusquer. Souvenons-nous du drame politique du référendum Pons de 1987, qui avait embrasé le territoire. Soyons vigilants aux messages envoyés aux acteurs politiques calédoniens.

Tout le monde doit se mettre autour de la table pour que les choses se passent au mieux. Ces opérations doivent être pilotées au plus haut niveau de l'État. Le dossier calédonien relève du Premier ministre depuis 1988, ce qui est pertinent. Les enjeux sont extrêmement importants. Comment le Sénat peut-il contribuer à ce que tout le monde, sur le Caillou, puisse se parler et à ce que toutes les forces politiques se rejoignent pour tracer une nouvelle feuille de route pour les trente ou quarante prochaines années ?

Le droit à l'autodétermination est permanent. Il ne s'agit pas de le discuter, mais plutôt de savoir comment il peut être exercé sous le contrôle vigilant des Nations unies, puisque la manière dont le processus de décolonisation est mené est observée.

Le risque de violence est toujours présent. Le troisième référendum s'est bien passé, en matière d'ordre public, avec le concours de 2 000 gendarmes en renfort et d'un sous-préfet - moi-même.

Veillons à l'esprit dans lequel ce sujet doit être traité : il doit être complètement décorrélé de tout enjeu politique hexagonal.

Mme Corinne Narassiguin. - Nous convergeons avec l'excellente analyse du rapporteur quant à la nécessité de reporter ces élections. Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce projet de loi organique. Effectivement, les élections ne peuvent pas se tenir ce printemps, puisqu'il est absolument indispensable que des avancées soient d'abord faites sur le corps électoral, en vue d'un accord global.

Nous pensons que la date proposée est bien trop proche. La tenue des élections en décembre 2024 est une gageure. C'est pourquoi nous défendrons un amendement qui reporte les élections le plus loin possible, jusqu'au 30 novembre 2025.

Il s'agit de rester fidèle à la méthode employée par tous depuis l'accord de Matignon, en laissant la place la plus large possible aux discussions, afin de trouver un consensus entre les parties locales et avec l'État. Or, avec ce projet de loi organique, le Gouvernement rompt avec cette méthode. Nous voulons adresser le signal que le Parlement souhaite, d'abord et avant tout, un accord global.

L'excellent rapport d'information des présidents Buffet, Bas, Sueur et Marseille met en évidence trois conditions cumulatives pour l'approbation d'un accord par le Parlement : la nécessité que chaque partie sorte des discussions en ayant obtenu la reconnaissance claire de demandes légitimes ; le refus de traiter isolément les différents sujets institutionnels, seul un accord global étant possible ; l'engagement clair et fort de l'État pour faire émerger un consensus tout en étant lui-même force de proposition. Nous voulons nous inscrire dans cette philosophie. C'est pourquoi notre amendement prévoit le report maximal des élections.

Nous accueillons le projet de loi constitutionnelle avec beaucoup de scepticisme, car il nous semble contre-productif dans le processus actuel.

M. Philippe Bonnecarrère. - Merci au rapporteur pour sa pédagogie et son formidable déroulé intellectuel.

Nous partageons tous l'idée que l'accord doit être préalable, mais un report à la fin de l'année est déjà limite. Un report jusqu'à fin 2025 nous laisserait totalement désarmés. Ce ne serait pas admis.

Hier, lors de l'audition du ministre de l'intérieur, je n'ai pas clairement entendu parler de rétroplanning. Quel est le temps nécessaire à l'organisation de l'élection du congrès calédonien et à une révision constitutionnelle ? Quelle serait la date limite des négociations, si l'on souhaite tenir la date incontournable du 15 décembre ? Sans date limite, on peut imaginer que les négociations n'aboutissent pas.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Olivier Bitz, il est heureux pour la commission des lois de compter des membres qui ont, comme vous, une très bonne connaissance de la Nouvelle-Calédonie.

Je ne donnerai pas d'avis favorable à votre amendement, Corine Narassiguin. Oui, j'ai émis des doutes sur la date du 15 décembre, mais ce n'est pas si mal d'essayer de la respecter.

Nous avons interrogé le ministre et ses collaborateurs sur les différentes étapes à franchir, ainsi que le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie. Tous assurent de la capacité de l'administration à remplir sa mission en temps utile. Mais l'incertitude demeure sur la règle applicable à l'élaboration des listes électorales. Une règle figure dans le projet de loi constitutionnelle, mais s'il était adopté, la réforme ne pourrait avoir lieu avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pendant ce temps, les négociations sont en cours. La composition de la liste électorale reste en suspens. Un processus est engagé pour une révision de la liste fin mars, sur les bases de la législation actuelle, mais cette révision a toutes les chances d'être remise en cause, soit par un accord, soit par la révision constitutionnelle.

Même volontariste, la date du 15 décembre doit être conservée, tout en sachant que nous pouvons refaire ce que nous faisons aujourd'hui en octobre ou en novembre prochain, s'il y a lieu et que les conditions pour le faire sont réunies.

Nous savons que la marge pour différer les élections existe peut-être, autant que ce qui est souhaité par les auteurs de l'amendement, mais il ne semble pas souhaitable de le décider dès aujourd'hui.

M. Christophe-André Frassa, président. - Il me revient de vous indiquer le périmètre indicatif du projet de loi organique. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-1.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique est adopté sans modification.

Après l'article unique

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-2 est très technique. Il porte sur la date d'entrée en vigueur de la loi organique. Compte tenu des délais impératifs de convocation des élections, il s'agit d'éviter que le Gouvernement ne soit contraint de publier le décret de convocation des électeurs pour les élections de mai et qu'il doive l'abroger par la suite, alors que le projet de loi organique reportant les élections aurait été adopté par les deux chambres.

L'amendement COM-2 est adopté et devient article additionnel.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme NARASSIGUIN

1

Report de la date limite pour organiser le prochain renouvellement général des provinces et du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

M. BAS, rapporteur

2

Entrée en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française de la présente loi organique 

Adopté

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER

(Mardi 13 février 2024)

M. François-Noël Buffet, président. - Merci, monsieur le ministre, d'être avec nous cet après-midi pour aborder, en présence du rapporteur Philippe Bas, les deux textes que vous soumettez au Parlement. Le premier, de nature organique, concerne le report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ; le second, de nature constitutionnelle, a trait à la modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Le rapporteur du premier premier texte présentera demain matin à la commission son rapport, commission qui désignera, ce même jour, le rapporteur sur le second texte. Il y'a près de deux ans, le Sénat a rendu un rapport d'information consacré à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie aux termes duquel il a émis un certain nombre de recommandations. Dans l'intervalle, la situation sur place s'est apaisée et les projets commencent à avancer de manière assez concrète. Je souligne, monsieur le ministre, toute l'attention qu'accorde la commission des lois du Sénat à ce dossier particulièrement important, à la fois pour nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour la République et pour notre pays.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Je suis ravi de pouvoir évoquer avec vous ce beau territoire de la Nouvelle-Calédonie, dont les évolutions politiques et institutionnelles sont suivies par le Sénat avec une attention particulière.

Avant de présenter les deux textes - l'un constitutionnel, l'autre organique - que le Président de la République a souhaité vous soumettre dans le prolongement de son déplacement en Nouvelle-Calédonie quelques mois plus tôt, je commencerai par rappeler les objectifs politiques que nous cherchons à atteindre.

À la suite de l'accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie a connu trois référendums d'autodétermination successifs au cours du premier mandat du Président de la République. Par trois fois, les Calédoniens - certes, avec des scores serrés - ont rejeté l'indépendance. L'accord de Nouméa prévoyait expressis verbis que les différentes parties devaient se réunir si le « non » l'emportait à trois reprises afin de constater la situation ainsi créée, sans précisions supplémentaires quant à la suite du processus.

Ces trois référendums clos, la Nouvelle-Calédonie reste française en droit, mais le territoire, qui bénéficie d'une très large autonomie économique, fiscale et sociale, est toujours traversé par des oppositions politiques et idéologiques. La question de l'indépendance reste très prégnante et ne pouvait être ignorée par le Gouvernement, sous peine de faire preuve de mépris et de recréer les conditions susceptibles de créer les événements dramatiques que la République a malheureusement connus par le passé.

Dans le même temps, le Gouvernement n'entendait pas organiser un énième référendum, qui se serait inscrit dans une logique visant à faire voter les électeurs jusqu'à ce qu'ils répondent « oui », dans la mesure où une telle option n'était pas prévue par l'accord de Nouméa et où le choix souverain des Calédoniens de rester Français devait être respecté.

Je me suis rendu à de nombreuses reprises en Nouvelle-Calédonie et le Gouvernement a tenu moult réunions - bilatérales, trilatérales ou en aparté - avec les représentants du territoire. J'ai pu porter ce dossier durant les mandats de Jean Castex et d'Élisabeth Borne, en lien avec Sébastien Lecornu pour la première partie du quinquennat. Nous avons proposé aux Calédoniens, qu'ils soient indépendantistes ou non, de pouvoir écrire un nouvel accord qui ancrerait évidemment la Nouvelle-Calédonie dans la République, mais qui prendrait également en compte une série d'évolutions institutionnelles.

En préalable, je souligne la complexité de l'organisation de la Nouvelle-Calédonie, qui découle d'une histoire ancienne et se base sur une répartition du pouvoir spécifique, avec des provinces qui sont l'équivalent des régions métropolitaines, mais dont les pouvoirs sont bien plus larges, notamment en matière économique. Cette structuration particulière complexifie les politiques publiques menées, alors que le territoire fait face à des défis d'ampleur, qu'il s'agisse du réchauffement climatique, d'enjeux économiques liés au nickel ou encore d'égalité des chances.

Cinq institutions régissent en effet ce territoire peuplé de 300 000 habitants : un congrès, un gouvernement et trois provinces, auxquels s'ajoutent des communes. Chaque province dispose, par exemple, de son propre code de l'environnement, alors que les enjeux environnementaux dépassent probablement leur périmètre géographique, ce qui rend parfois complexes les politiques de lutte contre le réchauffement climatique.

Outre la question institutionnelle, la question plus politique de la citoyenneté calédonienne - reconnue par la Constitution - est posée. Le fait que les Calédoniens sont à la fois Français et Calédoniens induit une problématique électorale qui est l'objet des textes que nous vous présentons.

Trois listes électorales coexistent. La première, commune, est utilisée pour les élections présidentielle et législatives dans le cadre d'un suffrage universel non restreint ; la deuxième, « provinciale », sert à élire les représentants des provinces, ce scrutin étant important à double titre. D'une part, ces représentants disposent d'un pouvoir local considérable ; d'autre part, les rapports de force dans les provinces déterminent la répartition des sièges au sein du congrès et, in fine, la présidence du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. L'enjeu électoral se conjugue donc à un enjeu de représentation, étant précisé que, en vertu de l'accord de Nouméa, un pourcentage donné des membres du Congrès peut déclencher ou non les référendums d'autodétermination. La troisième, enfin, est la liste « référendaire », qu'il n'est en aucun cas question de modifier.

La véritable urgence concerne les élections provinciales, censées se tenir en mai 2024. Plus précisément, il s'agit de déterminer si nous devons convoquer celles-ci avec un corps électoral spécifique, qualifié de « gelé », ou si nous modifions ce dernier. Selon nous, le Président de la République en poste au moment de la signature de l'accord, Jacques Chirac, avait, dans une démarche de compromis et de paix, accepté de restreindre le corps électoral pour les élections locales et le scrutin référendaire. Par conséquent, les Calédoniens qui naissent aujourd'hui de parents calédoniens sur le territoire - les « natifs » - ne votent pas ; à l'inverse, un Français arrivant de métropole ne pourrait pas voter pour élire un représentant provincial, et ce quelle que soit sa durée de résidence sur place, ce qui va à l'encontre des droits démocratiques les plus élémentaires.

Considérant que l'accord de Nouméa revêtait un caractère transitoire, le Gouvernement prend donc la responsabilité de modifier le corps électoral des élections provinciales afin de se rapprocher du droit commun, du moins relativement. Aussi avons-nous proposé, après de longues discussions, de dégeler ledit corps électoral en instaurant un critère de dix ans de résidence ininterrompue en Nouvelle-Calédonie pour pouvoir voter aux élections provinciales. En y ajoutant les natifs - kanaks ou non kanaks - qui ne peuvent pas actuellement voter en l'état de la législation, le corps électoral accueillerait environ 25 000 nouveaux électeurs.

Pourquoi avoir retenu cette durée ? Là où, schématiquement, les indépendantistes étaient opposés au dégel du corps électoral, les non-indépendantistes proposaient de retenir des durées de domiciliation comprises entre trois et cinq ans. À la demande du Président de la République, j'ai suggéré de retenir une période de dix ans, qui semblait représenter un compromis acceptable par les deux parties. Philippe Bas se souvient sans doute qu'il s'agissait de la première proposition formulée par le président Jacques Chirac : acceptée dans un premier temps, elle avait finalement été écartée.

Plusieurs questions découlent de ce choix, à commencer par celle de savoir si nous pouvons dégeler le corps électoral et convoquer les élections provinciales en mai 2024. Le Conseil d'État y a répondu par la négative en indiquant que les modifications envisagées étaient de nature constitutionnelle, alors que nous pensions dans un premier temps que les tableaux auxquels faisait référence l'accord de Nouméa étaient de nature organique. Nous avons pris acte de cette interprétation.

Concernant la possibilité d'adopter rapidement ces modifications et d'organiser les élections dès le mois de mai, la réponse est également négative ; d'où notre proposition visant à décaler le scrutin au mois de décembre. Le Conseil d'État a fait savoir qu'il serait possible de reporter une nouvelle fois ces élections, en novembre 2025 au plus tard.

Notre dessein collectif consiste bien à parvenir à un accord global avec les Calédoniens - indépendantistes ou non - dans lequel s'inscrirait le dégel de la liste électorale provinciale, mais également une redéfinition de la nationalité calédonienne, aujourd'hui uniquement rattachée au fait de voter, sans oublier d'éventuelles adaptations d'institutions qui manquent peut-être d'efficience. Le congrès ou la Nouvelle-Calédonie pourraient ainsi être rebaptisés, tandis que nous pourrions nous interroger de manière plus approfondie sur le lien qu'entretient la Nouvelle-Calédonie avec la France, en examinant le degré d'une autonomie qui pourrait peut-être aller jusqu'à disposer du pouvoir diplomatique.

Le Gouvernement a toujours exprimé le souhait d'aborder l'ensemble de ces sujets dans le cadre d'un accord qui s'inscrirait dans la continuité de celui qui a été signé à Nouméa. En outre, la question de l'autodétermination reste posée : la République ne saurait refuser à la Nouvelle-Calédonie le droit de se prononcer dans certaines formes, mais en s'assurant qu'un tel scrutin n'intervienne pas de manière trop rapprochée, car cela reviendrait à désavouer les votes précédents tout en créant une instabilité qui nuirait aux investissements locaux, menacés en permanence par une épée de Damoclès.

Pour autant, cette question de l'autodétermination pourrait être posée à l'horizon d'une génération. Reste à voir sous quelle forme : un référendum n'offrant le choix qu'entre « oui » et « non », au caractère très européen, devrait peut-être céder la place à des référendums de projets qui correspondrait davantage au caractère océanien. L'un des défauts de l'accord de Nouméa résidait peut-être dans le fait d'avoir fixé une date précise et posé une alternative binaire, alors que certains Calédoniens peuvent être favorables à l'idée d'indépendance tout en étant attachés à la France. Nous pourrions ainsi imaginer que l'un des partis politiques propose un projet d'association à la France, en s'assurant que les deux tiers ou les trois cinquièmes du congrès de Nouvelle-Calédonie soient associés à ce type de démarche et qu'aucune des forces politiques n'écrase les autres.

Jusqu'à présent, nous avons longuement discuté, mais sans parvenir à un accord, malgré l'importante avancée que représente l'adoption, à une large majorité, du projet de loi organique destiné à reporter le scrutin par le congrès de Nouvelle-Calédonie. N'oublions que les indépendantistes comme les non-indépendantistes sont eux-mêmes divisés : l'Union nationale pour l'indépendance-Palika n'a ainsi pas adopté la même position que l'Union calédonienne (UC) en votant en faveur de ce texte aux côtés des non-indépendantistes, alors que ces deux formations appartiennent au Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).

Le Gouvernement a choisi d'aller de l'avant en mettant sur la table ces modifications organiques et constitutionnelles qui ne touchent que la liste électorale provinciale et qui prévoient un report du scrutin. Nous avons toujours signifié aux Calédoniens que s'ils parvenaient à trouver un accord entretemps, nous l'étudierions avec grand intérêt et le proposerions au Parlement français, en modifiant les deux textes. La méthode choisie fonctionne dans la mesure où, pour la première fois depuis quatre ans, les indépendantistes et les non-indépendantistes se sont réunis à deux reprises sans l'État afin de discuter d'un éventuel accord, en en publiant des communiqués de presse communs. À défaut d'être parvenus à un accord à ce stade, et sans nier l'existence de points d'achoppement tels que l'horizon de l'autodétermination, les deux camps dialoguent.

Cependant, les échéances se rapprochent puisque le FLNKS tiendra son congrès au mois de mars prochain, tandis que le Sénat examinera le texte à la fin de ce même mois, avant que l'Assemblée nationale ne s'en empare le 13 mai. Le Congrès se réunira quant à lui avant l'été et n'examinera que ce dossier néo-calédonien. La paix dans ce territoire transcende sans doute les épisodes de politique politicienne et devrait permettre de se concentrer sur le fond, à la demande des Calédoniens eux-mêmes.

Nous leur adressons le message suivant : nous avançons, sans bousculer les équilibres et en proposant une solution de compromis sur le dégel du corps électoral, mais sans préjuger d'un éventuel accord relatif aux institutions ou à la citoyenneté. Me rendant à nouveau en Nouvelle-Calédonie le 20 février, j'espère que nous trouverons les voies d'un compromis permettant d'organiser les élections provinciales de la façon la plus apaisée possible.

Le Gouvernement respecte donc les parties comme l'histoire de la Nouvelle-Calédonie qui s'inscrit dans la continuité de l'accord de Nouméa et prend en compte la volonté de la population de rester française, sans nier le droit à l'autodétermination qui devra s'exercer dans une temporalité raisonnable.

Pour résumer notre état d'esprit, nous sommes optimistes, mais prudents. Je tiens à souligner la grande responsabilité dont font preuve les élus locaux, dont le président Louis Mapou, le président Roch Wamytan, les présidents de province et en particulier Sonia Backès, présidente de la province Sud qui a pris l'initiative des discussions entre indépendantistes et non-indépendantistes. Je souhaite également saluer l'ensemble des parlementaires, ainsi que les maires, qui jouent un rôle très important en Nouvelle-Calédonie : même les élus indépendantistes ont organisé le troisième scrutin, ce qui démontre, au-delà d'idées politiques que nous respectons, leur loyauté envers la République. Enfin, je remercie les différents hauts- commissaires qui se sont succédé.

Pour toutes ces raisons, un texte constitutionnel est nécessaire afin de supprimer le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution introduit en 2007, qui imposait le gel par référence au corps électoral de 1998 ; et de créer le nouvel alinéa 77-1 introduisant les deux critères que j'évoquais concernant les natifs et les dix années de domiciliation. Le projet de loi organique prévoit, quant à lui, le report du scrutin, avec la possibilité pour le Gouvernement de justifier un report supplémentaire par l'imminence de la conclusion d'un accord.

Merci de m'avoir donné l'opportunité de présenter ce dossier aussi complexe que passionnant. Restons très modestes dans ce dossier, qui a connu des épisodes sanglants et qui suscite de fortes attentes.

Pour terminer sur une tonalité plus romantique, la jeunesse locale, kanake ou non, indépendantiste ou non, ne se pose pas nécessairement les mêmes questions que ses aînés. Tous les Kanaks ne sont pas indépendantistes, et un certain nombre d'entre eux servent dans les rangs de la police ou de la gendarmerie tout en manifestant un attachement culturel à l'indépendance et à la « Kanaky » ; de la même manière, l'identité calédonienne compte pour les jeunes non-indépendantistes, qui ne se sont pour la plupart jamais rendus dans l'Hexagone. La question institutionnelle se pose différemment pour cette génération, à qui nous devons offrir une perspective tout en tenant compte de ses incontestables spécificités.

Enfin, nous devons protéger la Nouvelle-Calédonie des ingérences étrangères et des tentatives de prédation économique visant le nickel - secteur qui traverse une période très difficile -, sans oublier les enjeux liés à la zone économique exclusive (ZEE) et à une contestation plus globale de la présence occidentale dans la zone indopacifique. Travaillons pour cette jeunesse calédonienne, à laquelle tous pensent en imaginant l'avenir du territoire.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Monsieur le ministre, merci pour votre exposé qui reflète votre bonne connaissance de la question calédonienne, à laquelle vous avez consacré beaucoup de temps. Sur ce sujet excessivement complexe, seul le texte organique reportant au plus tard au 15 décembre 2024 les élections provinciales initialement prévues en mai est pour l'instant inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

J'ai été surpris de l'adoption en conseil des ministres du texte constitutionnel, qui reflète une créativité dont la Nouvelle-Calédonie offre un certain nombre d'exemples, mais qui justifie un certain nombre de précautions. Parallèlement à ce travail du Gouvernement, des discussions visant à parvenir à un accord global sont en cours en Nouvelle-Calédonie. Dans le cadre de nos déplacements sur place avec le président François-Noël Buffet, nous avions déjà souligné l'exigence d'apporter une solution d'ensemble au territoire.

Ne craignez-vous pas, en ayant si rapidement rendu public un projet de loi constitutionnelle visant à traiter la question du corps électoral, d'initier un processus séparant l'organisation des élections de la recherche d'une solution globale, qui reste l'objectif principal ? Cette méthode ne risque-t-elle pas de reporter d'autant un accord plus large ?

De surcroît, la date du 15 décembre 2024 équivaut à une prolongation de sept mois du pouvoir des assemblées provinciales et du congrès. Le Conseil d'État a, quant à lui, généreusement considéré que l'on pourrait aller jusqu'à une prolongation de dix-huit mois. Pourquoi un tel empressement de votre part ? Serait-ce une manière de faire adopter par le Parlement français une solution constitutionnelle partielle, dont vous prévoyez heureusement qu'elle pourrait ne jamais être appliquée en cas d'accord local ?

Peut-être êtes-vous animé par le souci d'inciter à la conclusion d'un accord par le biais d'un texte repoussoir qui n'engloberait pas toutes les problématiques néo-calédoniennes. Celles-ci, outre le corps électoral, concernent les relations avec l'Hexagone, les évolutions institutionnelles et les modalités d'exercice du droit à l'autodétermination, un droit incontestable, mais qui ne saurait s'exercer dans des modalités identiques à celles qui sont prévues par l'accord de Nouméa. Je souhaiterais que vous puissiez lever cette difficulté en amont de la définition d'un calendrier d'adoption de ce texte constitutionnel, qui reste un peu virtuel à ce stade.

Par ailleurs, en admettant que nous organisions des élections sur le fondement d'une liste révisée par application du texte constitutionnel, aurions-nous vraiment le temps de franchir toutes les étapes nous séparant de la date butoir du 15 décembre ? Cette échéance doit impérativement être respectée, ne serait-ce que pour des raisons pratiques : elle correspond en effet au début des grandes vacances australes, et ne pas tenir ce délai reviendrait à perdre trois mois.

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie nous a assuré que tout serait prêt et qu'il ne manquerait pas un seul bouton de guêtre, mais ses affirmations n'ont pas levé tous les doutes que je pouvais éprouver.

Enfin, quelle évaluation faites-vous des progrès des discussions ? De récents contacts avec les parties prenantes m'ont donné l'impression que des avancées étaient obtenues, ce qui pourrait nous inciter à leur laisser davantage de temps, sans qu'elles puissent nous soupçonner d'exercer une pression sur elles en adoptant un texte visant une solution à la fois unilatérale et partielle.

Mme Corinne Narassiguin. - Je souscris aux propos tenus par le rapporteur. Depuis l'accord de Nouméa, la démarche de la France consiste à laisser de l'espace à la conclusion d'un accord local, un objectif qui pourrait être contrarié par le critère des 10 ans « secs » de domiciliation, qui ne satisfait pas les deux parties. Certains pourraient s'interroger sur la sincérité des négociations à venir, estimant que le Gouvernement fera adopter de toute façon le projet de loi constitutionnelle. N'existe-t-il pas là une entrave au bon déroulement des discussions ?

Nous partageons tous le souhait d'aller vers une situation la plus pacifiée possible, avec une définition de plus en plus claire de la répartition des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. Le processus d'autodétermination, quant à lui, devra aller jusqu'à son terme. Vous n'avez d'ailleurs pas mentionné le fait que les indépendantistes ont contesté le troisième référendum et refusé d'y participer, sans revenir, fort heureusement, à la violence. La situation n'en demeure pas moins fragile : si un texte constitutionnel venait à être adopté au forceps, les élections, qu'elles soient organisées en décembre 2024 ou plus tard, pourraient être considérées comme illégitimes par une partie de la population.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Le rapporteur dispose d'une connaissance plus ancienne et plus approfondie de la Nouvelle-Calédonie que la mienne et a soulevé des questions que nous avons évoquées avec le Président de la République. Je corrigerai néanmoins certains de vos propos : consacrer plus de trois ans à la discussion ne me paraît pas témoigner d'un empressement ou d'une volonté de bousculer nos interlocuteurs.

Par ailleurs, chacun en conviendra, fixer la date des élections et délimiter le corps électoral sont des tâches essentielles dans une démocratie. S'agissant dudit corps électoral, tous s'accordaient à reconnaître qu'il était gelé de manière transitoire, dans la période définie par l'accord de Nouméa, avec la tenue de trois référendums. Même si les Calédoniens avaient voté majoritairement « oui » lors du dernier scrutin, les élections provinciales auraient dû être organisées : comment les indépendantistes auraient-ils alors procédé ? Sans doute pas en réservant le scrutin aux seuls Kanaks, solution qui constituerait une rupture d'égalité et qu'ils n'ont d'ailleurs jamais soutenue.

Concernant la méthode, ma lecture de la situation est inverse à la vôtre : c'est bien à la suite du dépôt des textes que les discussions ont débuté, alors que les indépendantistes et non-indépendantistes ne se réunissaient pas sans l'État depuis le troisième référendum, en dépit du fait de vivre ensemble au quotidien. Les deux camps ont ainsi refusé toute réunion trilatérale officielle pendant deux ans, tandis que les indépendantistes - à l'exception de l'Union nationale pour l'indépendance-Palika - ne s'étaient pas déplacés lors de la visite du Président de la République.

Nous avons finalement réussi à organiser une rencontre trilatérale, avant que le dépôt des textes ne déclenche, comme par magie, des réunions et des séminaires débouchant sur des communiqués communs. J'estime donc que notre initiative a dynamisé la machine institutionnelle. Certes, les indépendantistes n'ont aucun intérêt à voir le corps électoral dégelé, en tout cas pas sans négocier d'autres évolutions institutionnelles qui détermineraient, par exemple, les modalités de l'autodétermination. Plus globalement, toutes les parties ont intérêt à ce que les institutions fonctionnent de manière plus efficace et à ce que la citoyenneté calédonienne soit mieux définie.

J'ai donc le sentiment que si nous arrêtions ce processus, les deux camps ne trouveraient plus aucun intérêt à se réunir et reporteraient de manière indéfinie les sujets qui fâchent.

En outre, la date du 15 décembre a été validée par le congrès calédonien, présidé, à l'instar du gouvernement, par un indépendantiste. Je ne vois pas par quel miracle une majorité indépendantiste voterait le report des élections contre son propre gré. Une majorité du congrès, ainsi que le président du gouvernement Louis Mapou, a validé cette échéance.

L'État est en ordre de marche pour les étapes qui suivront le vote de la loi, le décret correspondant étant d'ores et déjà prêt et pouvant être transmis à votre commission.

Cela fait plus de deux ans que nous avons préparé ce scénario, ne serait-ce que pour montrer aux Calédoniens ce que pourra donner la révision du corps électoral.

Que signifie exactement le dégel électoral ? Qui vote ? Où et comment ? Et de quelle manière le vote est-il influencé ? Les simulations que nous avons conduites montrent que s'ajouteront aux listes 12 441 natifs qui ne votent pas - soit des Calédoniens de plus de 18 ans, nés en Nouvelle-Calédonie, qu'ils soient ou non Kanaks - et 13 400 non-natifs résidant depuis plus de dix ans sur le territoire. On atteint ainsi le nombre de 25 000 nouveaux électeurs que j'évoquais tout à l'heure.

Nous avons tout organisé et méticuleusement noté, nous sommes prêts pour la révision des listes électorales. Existe-t-il d'autres moyens permettant aux Calédoniens de voter aux élections provinciales ? Le Gouvernement n'est pas opposé à l'idée qu'on puisse justifier d'un intérêt matériel et moral, en plus de la naissance ou du nombre d'années de résidence. Mais cela complexifie les choses, car il faudrait créer des commissions composées à parité d'indépendantistes et de non-indépendantistes ; dans ce cadre, certains auraient intérêt à évincer les autres, puisqu'il y a une élection à gagner.

J'insiste sur l'urgence de disposer de représentants provinciaux pour la gestion du nickel, qui se trouve dans une situation extrêmement complexe à l'heure où nous parlons.

Les indépendantistes n'ont pas intérêt à boycotter la province Nord, car ils laisseraient les non-indépendantistes gagner la gestion de l'usine de nickel. Je pense que les indépendantistes iront voter, surtout qu'ils savent qu'ils remportent massivement les élections dans la province Nord. Que ce soit l'Union calédonienne ou l'Union nationale pour l'indépendance qui remporte la province est une autre question. En Nouvelle-Calédonie, savoir qui va gagner les élections n'est pas un enjeu : la province Sud revient aux loyalistes, la province Nord aux indépendantistes. En revanche on se demande quelle famille d'indépendantistes va remporter le scrutin et comment elle va influencer le congrès. Bref, il faut s'attendre à des votes indépendantistes.

Encore une fois, nous serons prêts parce que le décret est d'ores et déjà préparé et que nous avons conduit ces simulations justement pour pouvoir organiser les élections en décembre prochain.

Le texte présenté est-il un repoussoir ? Je ne le pense pas, car, il y a un an, alors que je présidais les négociations, toutes les tendances indépendantistes et non indépendantistes ont signé un document autorisant le dégel du corps électoral pour y inclure les citoyens résidant sur le territoire depuis plus de dix ans. Quelle démocratie vivrait avec une liste électorale ne comprenant que les natifs, sans jamais inclure les personnes qui viendraient à résider sur le territoire ? Il ne s'agirait certainement pas d'une démocratie classique.

Quant au troisième référendum, il a été organisé à la demande des indépendantistes. C'est une vérité qu'il faut sans cesse rappeler, sans quoi on pourrait avoir le sentiment que l'État a voulu forcer les choses. J'insiste, ce sont bien les indépendantistes qui, au congrès, ont demandé à l'État d'organiser ce référendum et d'en fixer la date.

Pour des raisons de fond et de forme sur lesquelles je ne reviendrai pas, le référendum a été reporté au moment où la pandémie de covid-19 a éclaté. Lorsque le référendum a enfin eu lieu, au sortir de la crise sanitaire, les indépendantistes se sont en grande partie abstenus. Mais ce ne fut pas le cas de tout le monde. Par exemple, le président Paul Néaoutyine, signataire des accords de Nouméa, est allé voter.

Il n'en demeure pas moins que je suis d'accord avec vous : les indépendantistes ont boycotté le référendum, prétextant qu'il y avait la covid. Cela ne les a pas empêchés d'aller voter aux élections législatives qui se sont tenues quelques semaines plus tard, dans la perspective de battre un député de la majorité.

À mon avis, les indépendantistes ont dû se dire qu'ils risquaient de perdre le référendum et qu'ils avaient commis l'erreur de le déclencher. Par ailleurs, ils ne se sentaient pas forcément prêts à acquérir leur indépendance tout de suite. Dans ces conditions, il valait mieux demander à l'État de repousser la date du référendum.

L'État a décliné cette demande, car il y avait une machine référendaire à mettre en place et que la tenue de ce genre de scrutin en Nouvelle-Calédonie implique un maintien de l'ordre public particulier. Par ailleurs, les maires indépendantistes ont accepté d'organiser le scrutin et de convoquer les électeurs.

Le troisième référendum a été contesté juridiquement, mais le Conseil d'État a donné raison à l'État français. La Nouvelle-Calédonie a toujours la possibilité de saisir les instances internationales aux fins de contestation, ce qu'elle n'a pas fait. Aucun pays au monde, y compris ceux de la zone Pacifique, ne s'est saisi de cette question. Je peux l'attester, m'étant rendu à la réunion du C-24, le Comité spécial des Nations unies chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Nous sommes le seul pays à y envoyer un ministre ou un ambassadeur pour justifier la considération de l'État pour les demandes d'indépendance de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, deux territoires à décoloniser. Le C-24 a lui-même constaté que nous avions respecté toutes les règles du droit électoral lorsque nous avons organisé le référendum.

Plus personne ne conteste le résultat du scrutin, y compris les indépendantistes. D'autant que le Gouvernement ne nie nullement le droit à l'autodétermination : il exige seulement qu'on en précise les modalités. C'est ainsi que nous avons mis plusieurs scénarios sur la table...

Du reste, je ne pense pas que le Gouvernement agisse de façon trop rapide. C'est parce que nous présentons ces textes que les Calédoniens ont commencé à discuter et à progresser dans les négociations. Oui, nous faisons un pari, mais celui-ci paraît assez raisonnable dès lors que nous n'avons pas poussé notre avantage : en effet, nous n'avons parlé ni du dégel total du corps électoral, ni de l'étendre aux citoyens pouvant justifier de trois années de résidence, ni de l'autodétermination et de son échéance éventuelle, ni d'ajout ou de retrait de compétences. Nous nous en sommes tenus au minimum minimorum de la République et de la démocratie en proposant que les citoyens de plus de 18 ans nés en Nouvelle-Calédonie et ceux qui y résident depuis plus de dix ans puissent participer aux élections provinciales.

Je le dis pour nos futurs débats : nous n'avons pas proposé de modification de la représentation au sein des assemblées de province et du congrès. Certains parlementaires pourraient être tentés d'aller dans cette voie, mais cela outrepasserait le gentlemen's agreement que nous avons conclu avec les Calédoniens. Pour l'heure, ils continuent à discuter et je les rencontrerai avec beaucoup de plaisir la semaine prochaine.

Bien entendu, nous vous fournirons les documents par lesquels Victor Tutugoro et Roch Wamytan ont accepté les discussions sur le dégel du corps électoral, dans les conditions que j'ai décrites.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous remercie pour votre participation, monsieur le ministre.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 24(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie25(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte26(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial27(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 14 février 2024, le périmètre indicatif du projet de loi organique n° 290 (2023-2024) portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives au report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Louis Le Franc, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Congrès de la Nouvelle-Calédonie

M. Roch Wamytan, président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Mme Caroline Machoro-Regnier, première vice-présidente

M. Dominique Fochi, secrétaire général de l'Union Calédonienne

Groupes politiques du Congrès

Calédonie Ensemble

M. Philippe Michel, président

M. Philippe Gomès, ancien député, élu de la Province Sud et au Congrès de la Nouvelle-Calédonie

Le Rassemblement

Mme Virginie Ruffenach, présidente du groupe L'Avenir en Confiance

M. Alcide Ponga, élu de la Province Nord et au Congrès

UC-FLNKS et Nationalistes

M. Pierre-Chanel Tutugoro, président

L'Union Nationale pour l'Indépendance-Palika (UNI)

M. Jean-Pierre Djaiwe, président

M. Adolphe Digoué, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

M. Boris Ajapuhnya, chef de cabinet de M. Adolphe Digoué

L'éveil océanien

M. Milakulo Tukumuli, président

Mme Veylma Falaeo, secrétaire générale

Présidents de provinces

Mme Sonia Backès, présidente de l'Assemblée de la Province Nord

M. Jacques Lalié, président de l'Assemblée de la Province des Îles Loyauté

Parlementaires

M. Philippe Dunoyer, député de la Nouvelle-Calédonie

M. Nicolas Metzdorf, député de la Nouvelle-Calédonie

M. Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie

M. Robert Wienie Xowie, sénateur de la Nouvelle-Calédonie

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-290.html


* 1 Rapport n°14 du 11 janvier 2024 de la commission de la législation et de la réglementation générales du congrès de la Nouvelle-Calédonie relatif à l'examen du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de provinces de Nouvelle-Calédonie, p. 3.

* 2 L'on pense en particulier à l'affrontement des différentes acceptions du corps électoral « gelé » ou « glissant ».

* 3 L'article 3 de la Constitution dispose notamment que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Le suffrage « est toujours universel, égal et secret ».

* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

* 5 « Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ? », rapport remis au Premier ministre le 13 novembre 2020, p. 4.

* 6 Ibidem.

* 7 Conseil constitutionnel, décision n° 87-233 DC du 5 janvier 1988, Loi relative aux élections cantonales.

* 8 Avis n° 407931 du Conseil d'État sur le projet de loi organique, 25 janvier 2024.

* 9 Étude d'impact du projet de loi organique, p. 3.

* 10 Conseil constitutionnel, décision n° 2008-563 DC du 21 février 2008, Loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

* 11 Avis n° 407713 du Conseil d'État relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie, 7 décembre 2023.

* 12 Compte-rendu du Conseil des ministres du 29 janvier 2024.

* 13 Rapport n°14 du 11 janvier 2024 de la commission de la législation et de la réglementation générales du congrès de la Nouvelle-Calédonie relatif à l'examen du projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de provinces de Nouvelle-Calédonie, p. 3.

* 14 Avis du Conseil d'État précité.

* 15 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

* 16 Conseil constitutionnel, commentaire de la décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005, Loi organique modifiant les dates des renouvellements du Sénat.

* 17 Lequel s'intitule : « Dispositions transitoires à la Nouvelle-Calédonie ».

* 18 Conseil constitutionnel, décision n°99-410 DC du 15 mars 1999 sur la loi organique du 19 mars 1999.

* 19 Cour EDH, 11 janvier 2005, Py c. France, req. n° 66289/01.

* 20 Audition par la commission des lois dont le compte rendu est disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220606/lois.html.

* 21 Voir articles 8 et 10 des lois organiques n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté et n° 2018-280 du 19 avril 2018 relative à l'organisation de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

* 22 Avis du Conseil d'État précité, p. 2.

* 23 Étude d'impact du projet de loi, p.6.

* 24 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 25 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 26 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 27 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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