LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

En revanche, le Gouvernement a retenu son amendement portant article additionnel, devenu article 70 du projet de loi de finances pour 2024, tendant à autoriser, sous certaines conditions, le ministre chargé de l'économie à accorder des abandons de créances issues de prêts et avances portés par la section « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du Covid-19 ou par le conflit en Ukraine » du compte de concours financiers « Prêts et avances des particuliers ou des organismes privés ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 52 sexies

Approfondissement de l'annexe budgétaire relative aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance

Le présent article additionnel, issu d'un amendement adopté par la commission des finances à l'initiative des rapporteurs spéciaux, complète l'annexe budgétaire relative aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance (jaune budgétaire), qui avait été créée en 2022.

Il précise en particulier que cette annexe inclut une synthèse consolidée de l'ensemble des flux financiers provenant de l'État et alimentant les fonds de garantie gérés par Bpifrance, ainsi qu'une justification des évolutions générales des coefficients multiplicateurs utilisés pour le dernier exercice clos. En outre, afin d'offrir une vision actualisée des enjeux au Parlement, il est prévu qu'elle présente, de manière provisoire et indicative, les flux financiers - provenant de l'État et alimentant les fonds de garantie - prévus pour l'année en cours et envisagés pour l'année suivante.

I. LE DROIT EXISTANT : UN JAUNE BUDGÉTAIRE CRÉÉ PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022

La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, au 7° de son article 51, que sont jointes au projet de loi de finances de l'année des « annexes générales », « destinées à l'information et au contrôle du Parlement ».

Ces annexes générales, aussi appelées « jaunes budgétaires », sont listées au I de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

L'article 185 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a modifié la loi du 28 décembre 2019 pour ajouter à cette liste un « rapport sur les activités de la société anonyme Bpifrance (...), de toutes ses filiales directes et indirectes et de l'établissement public industriel et commercial Bpifrance (...) pour les activités qui sont financées par dotations de l'État », plus communément intitulé « Rapport relatif aux liens financiers entre l'État et le Groupe Bpifrance ».

Le rapport, qui a fait l'objet de deux publications à ce jour56(*), concerne ainsi à la fois les activités de la société anonyme et de l'établissement public industriel et commercial (EPIC), pour l'ensemble des activités financées par dotations de l'État. Il est précisé que « les activités de Bpifrance qui ne peuvent être rendues publiques du fait de contraintes liées au secret des affaires ainsi que les informations dont la présentation pourrait porter atteinte aux intérêts financiers de Bpifrance sont exclues du périmètre de ce rapport. »

Les informations contenues dans ce dernier concernent le dernier exercice clos et retracent :

- la dotation globale et les redéploiements entre les fonds de garantie actifs et bénéficiaires de dotations de la part de l'État, ainsi que le montant de prise en garantie ;

- la synthèse des flux financiers intervenus entre l'État et Bpifrance, et au sein du groupe, notamment en ce qui concerne la distribution de dividendes et l'octroi de prêts ou lignes de trésorerie ;

- une synthèse des dispositifs mis en oeuvre par Bpifrance au nom et pour le compte de l'État et financés sur dotation publique ;

- la rémunération perçue par Bpifrance pour la gestion des dispositifs confiés par l'État, et son adéquation avec les moyens mis en oeuvre ;

- un état financier synthétique des fonds d'investissements financés par dotation publique ;

- la liste des participations financières significatives détenues dans des entreprises au sein du portefeuille du groupe.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UN APPROFONDISSEMENT DES INFORMATIONS FOURNIES S'AGISSANT DES FONDS DE GARANTIE GÉRÉS PAR BPIFRANCE

La création du « jaune budgétaire » relatif à Bpifrance a constitué une réponse à la nécessité de renforcer l'information du Parlement concernant cet opérateur incontournable de l'action économique de l'État. En effet, depuis plusieurs années, le Parlement soulignait la nécessité d'y voir plus clair sur les activités de Bpifrance financées par des fonds publics.

Les rapporteurs spéciaux avaient d'ailleurs rappelé cette nécessité à de nombreuses reprises. Cela fut en particulier le cas s'agissant des modalités de financement des fonds de garantie, dont le fonctionnement engendre la consommation de plusieurs centaines de millions d'euros de fonds public par an. Ils avaient d'ailleurs notamment été, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, à l'initiative d'un amendement permettant de maintenir la ligne prévue pour le financement des activités de garanties de Bpifrance sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulation », afin d'assurer non seulement la budgétisation mais également la transparence du financement.

La publication du « jaune budgétaire » en annexe des projets de loi de finances pour 2023 et 2024 a effectivement participé à renforcer la transparence recherchée quant aux activités et financements de Bpifrance.

Néanmoins, le rapport de contrôle publié en juillet dernier par les rapporteurs spéciaux sur le sujet des fonds de garantie gérés par Bpifrance57(*) a été l'occasion de constater non seulement l'efficience du dispositif pour le financement des entreprises mais également de diagnostiquer qu'un manque de lisibilité continuait d'affecter les modalités d'abondement de ces fonds par l'État.

En effet, si, en principe, l'abondement repose sur l'affectation d'une dotation budgétaire annuelle, traditionnellement portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », il s'effectue ces dernières années par un nombre significatif de vecteurs financiers, selon un fonctionnement relativement opaque. S'est en effet ajouté - ou substitué, en fonction des années - à ceux portés par le programme 134 un ensemble de financements plus ou moins réguliers consistant en des dotations du programme 363 « Compétitivité », une mobilisation des résidus futurs probables58(*), des abandons d'avances de la part des actionnaires (l'État ou la Caisse des dépôts et consignations), des transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance vers les fonds de garantie ou encore des recyclages de dividendes versés à l'EPIC et redirigés vers ces fonds59(*).

Outre la débudgétisation qu'elle implique, cette situation est insatisfaisante en termes de lisibilité des fonds publics dédiés au fonctionnement des fonds de garantie. Or, si le « jaune budgétaire » apporte des éléments d'information, ces derniers ne suffisent pas, en l'état, à avoir une vision globale, synthétique et claire de l'ensemble des financements de l'État concernés.

En outre, les modifications annuelles des coefficients multiplicateurs applicables aux garanties déployées sur les prêts bancaires60(*) engendrent des conséquences majeures sur les besoins de financement des fonds de garantie, pouvant se chiffrer en dizaines, voire, certaines années, en centaines de millions d'euros. Or ces évolutions ne sont pas connues du Parlement, ni justifiées.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de compléter le « jaune budgétaire » relatif à Bpifrance s'agissant des fonds de garantie qu'il gère.

À cette fin, il est proposé de préciser que ce document comprend, pour le dernier exercice clos, une synthèse consolidée de l'ensemble des flux financiers provenant de l'État et alimentant spécifiquement les fonds de garantie, ainsi qu'une justification des évolutions générales des coefficients multiplicateurs utilisés.

En outre, afin d'offrir une vision actualisée des enjeux au Parlement, il convient de prévoir que le « jaune budgétaire » présente, de manière provisoire et indicative, les flux financiers, provenant de l'État et alimentant les fonds de garantie, prévus pour l'année en cours et envisagés pour l'année suivante.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 70 (nouveau)

Autorisation d'abandon de créances correspondant à des avances remboursables et à des prêts bonifiés accordés aux entreprises touchées par la crise du Covid-19 ou par le conflit en Ukraine

Le présent article vise à autoriser, sous certaines conditions, le ministre chargé de l'économie à accorder des abandons de créances issues de prêts et avances portés par la section « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du Covid-19 ou par le conflit en Ukraine » du compte de concours financiers « Prêts et avances des particuliers ou des organismes privés ».

La commission des finances propose l'adoption de cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » PORTE UNE SECTION RELATIVE AUX PRÊTS ET AVANCES ACCORDÉS AUX ENTREPRISES TOUCHÉES PAR LA CRISE DU COVID-19 OU PAR LE CONFLIT EN UKRAINE

Le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » retrace les prêts et avances consentis par l'État à des personnes morales et physiques privées.

Régi par le III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, il est composé de quatre sections relatives respectivement :

- aux prêts et avances pour le logement des agents de l'État (première section) ;

- aux prêts pour le développement économique ou social (deuxième section), qui sont portés par le Fonds pour le développement économique et social (FDES61(*)) ;

- aux prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle (troisième section) ;

- enfin, aux avances remboursables et aux prêts bonifiés accordés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine (quatrième section).

Créée par l'article 23 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, la quatrième section ne portait initialement des avances remboursables et des prêts bonifiés qu'en faveur des entreprises touchées par la crise du Covid-19. Face aux difficultés économiques consécutives à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, la quatrième section a été étendue aux entreprises touchées par le conflit en Ukraine par l'article 35 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 202262(*). S'agissant d'aides d'État, les avances remboursables et les prêts bonifiés accordés aux entreprises via la quatrième section s'inscrivent dans le cadre d'autorisations temporaires de la Commission européenne, prenant la forme de communications de sa part. L'autorisation temporaire a pris fin au 30 juin 2022 pour ce qui concerne les entreprises touchées par la crise du Covid-19 et est toujours en vigueur pour celles qui le sont par le conflit en Ukraine63(*).

En application du III de l'article 46 de la loi de finances pour 2006, la quatrième section du compte de concours financiers « retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements et les remboursements des avances remboursables et des prêts bonifiés destinés à soutenir la liquidité des petites et moyennes entreprises, hors microentreprises, ainsi que des entreprises de taille intermédiaire ». La gestion de ces avances remboursables et prêts bonifiés est confiée par une convention avec l'État à Bpifrance, qui assure le versement des avances et des prêts ainsi que l'encaissement des remboursements. Par ailleurs, le même III précise que « les modalités d'utilisation des crédits inscrits pour les avances remboursables et les prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 sont fixées par décret ».

Les modalités de ces avances remboursables et prêts bonifiés ont ainsi été précisées par un décret, plusieurs fois modifié64(*), du 12 juin 202065(*). Conformément aux encadrements temporaires européens, l'article 1er dudit décret précise que le dispositif était applicable jusqu'au 30 juin 2022 pour ce qui concerne les entreprises touchées par la crise du Covid-19. S'agissant de celles qui le sont par le conflit en Ukraine, il est applicable jusqu'au 31 décembre 2023.

Alors que le dispositif ne concernait initialement que les petites et moyennes entreprises, ledit décret prévoit à ce jour que sont éligibles au dispositif « les petites et moyennes entreprises ainsi que les grandes entreprises »66(*) qui répondent aux critères cumulatifs suivants :

- ne pas avoir obtenu un prêt avec garantie de l'État suffisant pour financer son exploitation ;

- justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation ;

- ne pas faire l'objet d'une procédure collective d'insolvabilité, sauf exceptions.

Il est prévu que doit être pris en compte dans la décision d'octroi d'un prêt bonifié ou d'une avance remboursable « le positionnement économique et industriel de l'entreprise, comprenant son caractère stratégique, son savoir-faire reconnu et à préserver, sa position critique dans une chaîne de valeur ainsi que l'importance de l'entreprise au sein du bassin d'emploi local ».

Le montant et le plafonnement de l'aide allouée varie en fonction de différents facteurs, en particulier son fondement (crise du Covid-19 ou conflit en Ukraine), son type (prêt à taux bonifié ou avance remboursable) et la date de création de l'entreprise.

Pour en bénéficier, l'entreprise demandeuse doit s'adresser au comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). Les décisions d'attribution des financements sont prises par arrêté du ministre chargé de l'économie, après avis du CODEFI.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE AUTORISATION D'ABANDON DE CRÉANCES ISSUES DES AVANCES ET AUX PRÊTS ACCORDÉS

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a conservé son amendement visant à modifier l'article 277 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Ce dernier autorise, dans la limite de 10 millions d'euros, le ministre chargé de l'économie à accorder des remises, totales ou partielles, de créances issues de prêts pour le développement économique ou social, qui sont portés par la deuxième section du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », telle que régie par le III de l'article 46 de la loi de finances pour 2006.

Le présent article modifie ainsi la première phrase du premier alinéa du I de l'article 277 de la loi de finances pour 2019 pour étendre cette possibilité d'abandon de créance à la quatrième section du compte, qui est relative aux « avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine ».

Les conditions posées à cette possibilité d'abandon de créance sont ainsi celles prévues au même article 277 de la loi de finances pour 2019 pour les prêts pour le développement économique ou social, portés par le FDES. L'objectif - tant pour le FDES que pour les prêts et avances aux entreprises touchées par la crise du Covid-19 ou par le conflit en Ukraine - des aides octroyées n'étant pas d'intervenir au profit d'entreprises dont la situation est irrémédiablement compromise, il est précisé au I dudit article que les remises (abandons de créances) « ne peuvent bénéficier qu'à des entreprises en procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, en vue d'assurer la poursuite ou la reprise de leur activité et le maintien de leurs emplois. »

Conformément aux exigences posées par le droit de l'Union européenne, le II du même article précise « Les remises de créances (...) sont accordées selon des conditions similaires à celles selon lesquelles une remise serait octroyée, dans des conditions normales de marché, par un opérateur économique privé placé dans la même situation ».

Par ailleurs, le III du même article dispose que « les remises de créances (...) sont accordées par arrêté publié au Journal officiel de la République française ».

Enfin, il est précisé au deuxième alinéa du I du même article que la limite d'abandon de créances fixée à 10 millions d'euros s'applique à l'ensemble des prêts contractés par une entreprise et les entreprises qui lui sont liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SOUPLESSE PROCÉDURALE JUSTIFIÉE MAIS QUI FERA L'OBJET D'UNE VIGILANCE DE LA PART DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La situation économique de certaines entreprises touchées par la crise du Covid-19 ou par le conflit en Ukraine peut nécessiter que l'État procède à des abandons de créances, dans des conditions similaires aux créanciers privés, en vue d'accompagner une restructuration ou une reprise d'entreprise, et ce dans des délais contraints par ces procédures devant le tribunal de commerce. Or, les remises de dettes dans le cadre de procédures préventives ou collectives doivent être autorisées par une disposition en loi de finances. Cette exigence procédurale peut s'avérer incompatible avec le calendrier d'élaboration et de validation du plan de redressement de l'entreprise concernée et, le cas échéant, compromettre les perspectives de redressement.

Sur le principe, les rapporteurs spéciaux ne peuvent donc qu'approuver le dispositif proposé, qui existe déjà s'agissant du FDES, et qui permettra à l'État de réagir plus rapidement dans le cadre du sauvetage d'une entreprise en difficulté.

La limitation de cette possibilité au montant de 10 millions d'euros évite, en outre, qu'un abandon de créance d'un montant significatif puisse échapper à l'autorisation du législateur. De surcroît, le montant cumulé des prêts et avances octroyées dans le cadre de la deuxième section du compte de concours financiers est relativement limité. En effet, au 31 août 2023, 290 prêts et avances ont été alloués sur le programme 87767(*), qui les porte. Sur une enveloppe pluriannuelle fixée initialement à 500 millions d'euros, 109,3 millions d'euros ont été annulés en autorisations d'engagement par la loi de finances rectificative du 1er décembre 2021 ; le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoit quant à lui d'annuler 106,4 millions d'euros en autorisations d'engagement. Alors que le dispositif prend fin au 31 décembre 2023, le montant pluriannuel cumulé des prêts et avances concernés ne pourra être au maximum que de 284,3 millions d'euros.

Néanmoins, les rapporteurs spéciaux rappellent que le recours à un abandon de créance n'est pas anodin et peut, le cas échéant, s'accompagner de risques juridiques ou économiques. En effet, l'objectif - et l'obligation - de ces prêts et avances est de venir en aide à des entreprises structurellement viables, qui ne rencontrent qu'une difficulté ponctuelle d'accès au crédit, en raison d'une défaillance temporaire du secteur privé. Or l'octroi de prêts dont l'État ne pouvait ignorer que leur remboursement serait difficile, suivi quelques mois ou quelques années plus tard d'un abandon de créance, pourrait s'apparenter à une forme de subvention directe, et à ce titre relever des aides d'État interdites par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. À cet égard, une prudence s'impose : si certains abandons de créance venaient à être considérés comme contraire au droit de l'Union européenne, ils exposeraient l'État mais aussi les bénéficiaires à un risque économique et juridique non négligeable. Les rapporteurs spéciaux seront ainsi vigilants quant aux abandons de créance qui seront effectivement réalisés sur la base de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 56 Projets de loi de finances initiale pour 2023 et pour 2024.

* 57 Les fonds de garantie de Bpifrance. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 876 (2022-2023) - 12 juillet 2023.

* 58 Les résidus futurs probables correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle, en cours d'exercice, supérieure aux besoins en raison d'une sinistralité constatée des prêts garantis plus faible qu'anticipée (lors de la détermination du coefficient multiplicateur), sur un fonds spécifique, voire l'ensemble des fonds, en cumulé. Ces dernières années, dans un contexte de sinistralité plus faible qu'anticipé et d'un mode de détermination prudent des coefficients multiplicateurs, le flux de création de résidus annuels a fortement augmenté. Le stock de résidus a d'ailleurs atteint 1,07 milliard d'euros en juin 2021 (contre 138 millions en 2016). Or, l'accumulation de résidus a contribué à déséquilibrer le financement des fonds de garantie par l'État en conduisant à les mobiliser pour financer le fonctionnement des fonds l'année suivante, en substitution des dotations budgétaires.

* 59 Voir supra.

* 60 La grande majorité des prêts bénéficiant d'une garantie étant remboursés, il est possible pour Bpifrance d'octroyer un montant cumulé de garanties bien supérieur au montant immobilisé dans les fonds de garantie correspondants. Cet effet de levier se matérialise par l'application d'un coefficient multiplicateur spécifique à chaque fonds. Ce coefficient correspond au montant cumulé de l'exposition en garanties pouvant être octroyé pour un euro de dotation déposé sur le fonds de garantie, qui a vocation à être dépensé.

* 61 Le Fonds pour le développement économique et social (FDES) est un dispositif permettant à l'État d'accorder ponctuellement des prêts à des entreprises en restructuration qui rencontrent des difficultés à accéder au marché du crédit. Il a été créé en 1955 et « réactivé » en loi de finances pour 2014 dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 12 novembre 2013. Les prêts sont accordés par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou, au niveau local, par les Comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). La doctrine d'emploi « classique » a été fixée par la circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d'accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement, qui précise que le recours à ces prêts est « exceptionnel, subsidiaire et suppose un effet de levier sur d'autres sources de financement ». L'objectif cible de cet effet de levier est la mobilisation de cinq euros privés pour un euro public investi.

* 62 Cet ajout n'a pas été intégré dans la version actualisée de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 sur le site Légifrance.

* 63 Pour ce qui concerne les entreprises touchées par la crise du Covid-19, cette autorisation a résulté d'une communication du 19 mars 2020 prenant la forme d'un encadrement temporaire des aides d'État. Ultérieurement, la Commission européenne a adopté le 23 mars 2022 un nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

* 64 Le plus récemment par le décret n° 2022-1601 du 21 décembre 2022 modifiant le dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19, qui a notamment étendu le dispositif aux entreprises touchées par le conflit en Ukraine.

* 65 Décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise de covid-19 ou par l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 66 L'inclusion des grandes entreprises relève d'une interprétation extensive des conditions posées au III de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Voir supra.

* 67 Intitulé « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 ou par le conflit en Ukraine »

Partager cette page