B. LE NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF SERA TRÈS RESTREINT

D'après les statistiques andorranes, l'Andorre comptait, en 2021, environ 3 549 résidents français. L'ambassade de l'Andorre en France estime à quelque 1 100 le nombre d'Andorrans établis en France.

Ces communautés étant relativement modestes, les missions officielles de nos deux pays ont des effectifs limités :

- l'ambassade de France en Andorre compte quatre agents expatriés 10 ( * ) ; à ce jour, aucun membre de leurs familles n'a souhaité occuper un emploi dans la principauté ;

- l'ambassade d'Andorre en France compte également quatre agents enregistrés au protocole du Quai d'Orsay ; en outre, deux agents sont affectés auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg. D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, bien que l'un des agents de l'ambassade soit marié, aucun ayant droit (conjoint, ascendant ou enfant) n'est enregistré au protocole ; il n'y a donc eu, pour le moment, aucune manifestation d'intérêt pour le dispositif.

Lors de leur audition, tant l'ambassadeur de France en Andorre que la présidente du conseil consulaire ont mis en évidence le coût élevé de la vie dans la principauté, en particulier le prix de l'immobilier. Toutefois, l'indemnité d'expatriation versée aux agents du Quai d'Orsay affectés en Andorre est la plus faible pour une mobilité en Europe, avec la Principauté de Monaco. Ces éléments plaident donc en faveur d'une ratification du présent accord en ce qu'elle permettrait aux familles installées sur place de disposer d'une source supplémentaire de revenus, ce qui pourrait améliorer l'attractivité du poste diplomatique en Andorre, confronté à des difficultés de recrutement.

C. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Le présent accord, conclu à la demande de l'Andorre, a pour objet de faciliter, sur la base de la réciprocité, l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés par leur statut diplomatique ou consulaire particulier. Ses stipulations sont similaires à celles des accords de même nature précédemment conclus par la France.

1. Objet et définitions

Aux termes de l' article 1 er , « les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle de l'État d'envoi dans l'État d'accueil sont autorisés à exercer une activité professionnelle dans l'État d'accueil, dans les mêmes conditions que les ressortissants dudit État, sous réserve qu'ils remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l'exercice de l'activité professionnelle souhaitée, une fois obtenue l'autorisation correspondante ».

Le présent accord s'applique à « toute activité professionnelle salariée, qui implique la perception d'un salaire résultant d'un contrat de travail régi par la législation de l'État d'accueil, ou non salariée impliquant l'obtention d'un bénéfice économique » . En effet, le Quai d'Orsay a souhaité inclure les activités professionnelles non salariées dans le texte, comme il le fait à chaque fois que cela est possible.

Les termes employés dans l'accord sont définis à l' article 2 :

- les « missions officielles » font référence aux missions diplomatiques régies par la convention de Vienne de 1961, aux postes consulaires régis par celle de 1963 11 ( * ) et aux représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l'autre État ;

- l'expression « membres de la famille » désigne quant à elle :

o le conjoint ou partenaire lié par un contrat d'union légale en conformité avec la législation du pays d'envoi, disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère des affaires étrangères de l'État d'accueil,

o les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans ou présentant un handicap physique ou mental, qui vivent à la charge de leurs parents et qui disposent d'un titre de séjour spécial,

o tout membre de la famille déclaré sous tutelle ou curatelle par le biais d'une décision judiciaire qui présente un handicap physique ou mental et qui dispose également d'un titre de séjour spécial. Cette catégorie de personnes n'est pas systématiquement mentionnée dans ce type d'accords.

Il est à noter qu'en Andorre, les couples de même sexe peuvent s'unir civilement depuis la loi qualifiée 34/2014 du 27 novembre 2014 relative aux unions civiles. Cette union civile accorde les mêmes droits qu'un mariage civil entre personnes de sexe différent ; la loi 30/2022 du 21 juillet 2022 mettra prochainement fin à la distinction terminologique entre une union civile et un mariage civil.

2. Procédure

La procédure de demande d'une autorisation de travail est détaillée à l' article 3 de l'accord. Cette procédure implique plusieurs obligations :

- l'ambassade de l'État d'envoi doit adresser la demande au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie, en précisant, entre autres, la nature de l'activité professionnelle envisagée et les informations sur l'employeur potentiel. Dans les trois mois suivant l'autorisation de travail, l'ambassade devra fournir la preuve que l'intéressé et son employeur se conforment à la législation de l'État d'accueil en matière de protection sociale ;

- le membre de la famille à l'origine de la demande doit présenter une nouvelle demande en cas de changement de situation professionnelle (nouvel employeur, souhait de changer d'activité professionnelle). En outre, il doit se conformer à la législation du pays d'accueil relative aux professions réglementées ; à ce titre, l'accord précise que l'autorisation peut être refusée si l'emploi envisagé est réservé par la législation de l'État d'accueil à ses seuls ressortissants, pour des raisons tenant à la sécurité et à l'ordre publics ou à la sauvegarde des intérêts de l'État. Enfin, les dispositions de l'accord n'impliquent pas la reconnaissance des titres, diplômes, niveaux ou études entre les deux États ( article 4 ).

La législation française distingue plusieurs types d'activité indépendante, notamment libérale, commerciale ou artisanale. Les activités libérales sont définies comme des prestations intellectuelles, techniques ou de soins requérant des qualifications professionnelles et le respect d'une déontologie professionnelle (avocat, médecin, architecte, etc.).

Le titre de séjour spécial délivré par le protocole ne permet pas de créer ou de posséder une entreprise dans le cadre d'une profession artisanale ou commerciale ; le demandeur peut néanmoins investir dans une société sans la créer, ni en être le représentant légal 12 ( * ) : il doit en confier la gestion, ou s'associer avec une tierce personne pouvant légalement se voir reconnaître le statut de commerçant ou d'artisan.

Aux termes de l' article 5 , l'autorisation accordée cessera lorsque les fonctions de l'agent auront pris fin, ou lorsque le bénéficiaire n'aura plus la qualité de « membre de la famille » telle que définie à l'article 2.

3. Régimes fiscal et de protection sociale

S'agissant de la protection sociale du salarié, l' article 4 prévoit que « le membre de la famille est soumis à la législation applicable en matière de droit du travail, d'imposition et de sécurité sociale de l'État d'accueil pour tout ce qui concerne son activité professionnelle dans cet État » .

Ainsi, en application de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, les intéressés devront être affiliés à l'assurance maladie française dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France. En outre, les intéressés sont soumis à la législation fiscale de l'État d'accueil pour ce qui concerne l'imposition de leurs revenus. Enfin, l'article 4 précise que les privilèges douaniers cessent à compter de la date de l'autorisation d'exercer.

4. Immunités civiles, administratives et pénales

Les articles 6 et 7 traitent des immunités civiles, administratives et pénales.

Les immunités de juridiction civile et administrative, ainsi que l'immunité d'exécution, ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale. Toutefois, en cas de délit grave commis dans le cadre professionnel, l'immunité de juridiction pénale peut faire l'objet d'une demande de renonciation de la part de l'État accréditaire ; en revanche, cette demande ne sera pas applicable à l'exécution de la sentence, qui devra faire l'objet d'une renonciation spécifique.

L'octroi de ces immunités est très important en ce qu'elles protègent nos diplomates de toute pression qui pourrait être exercée sur eux par l'intermédiaire de leur famille.

5. Dispositions finales

L' article 8 précise que l'accord s'applique, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les territoires métropolitains, ainsi que dans les départements ultramarins figurant en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

Enfin, les articles 9 et 10 traitent, de manière classique, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'accord. À ce titre, l'Andorre a informé la partie française, en octobre 2021, de l'achèvement de son processus de ratification interne.


* 10 Les attachés sectoriels (chef du service économique régional, attaché douanier et attaché de sécurité intérieure) sont en résidence à Madrid, et il n'y a ni consulat ni d'Institut français en Andorre. En outre, la délégation à l'enseignement français en Andorre et ses 300 personnels enseignants, qui sont partie intégrante du système éducatif public andorran, relèvent de l'académie de Montpellier et non de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

* 11 L'Andorre a ratifié les conventions de Vienne en 1996, soit trois ans après l'entrée en vigueur de sa constitution.

* 12 C'est-à-dire être considéré comme commerçant au sens du code de commerce.

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