II. UNE ADHÉSION MUTUELLEMENT PROFITABLE

A. L'ACCÈS À LA PROTECTION OFFERTE PAR L'ARTICLE 5 DU TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE NORD

La première motivation des deux pays pour adhérer à l'OTAN réside dans l'accès à la protection offerte par l'article 5 du Traité fondateur de l'OTAN . Cet article prévoit en effet que « Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles (...) sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que (...) chacune d'elles (...) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt (...) telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée ». Les récentes déclarations américaines et de responsables de l'OTAN selon lesquelles l'Alliance défendrait « chaque centimètre carré » du territoire des pays membres ont renforcé cette confiance en l'article 5 du Traité.

Il s'agit en effet d'une « assurance stratégique » précieuse au moment où plusieurs pays de l'Europe du Nord et de l'Est non membres de l'OTAN se sentent menacés par l'attitude de la Russie. S'agissant spécifiquement de la Finlande et la Suède, l'effort de normalisation et de coopération nécessaire à l'adhésion ayant déjà été largement accompli par les deux pays, l' adhésion récompensera cet effort en leur faisant pleinement bénéficier de la protection offerte par l'Alliance.

B. UN SUCCÈS IMPORTANT POUR L'OTAN

Du point de vue de l'OTAN, l'adhésion de la Suède et de la Finlande représente un succès considérable . Malmenée il y a encore deux ans par le précédent président des États-Unis, Donald Trump, alors focalisé sur la rivalité américaine avec la Chine, l'Organisation est apparue soudée et revivifiée face à l'invasion russe de l'Ukraine et s'apprête désormais à accueillir deux pays dont la neutralité paraissait immuable.

1. Des armées finlandaise et suédoise pleinement interopérables avec celles des membres de l'OTAN

Plus concrètement, l'entrée de la Finlande et de la Suède constitue un apport significatif pour l'Alliance. Les armées finlandaises et suédoises sont totalement interopérables avec celles des membres de l'OTAN. En effet, après la fin du bloc soviétique, la neutralité des deux pays ne les a pas empêchés de s'engager dans de multiples coopérations avec l'OTAN :

ü En 1994, ils ont rejoint le programme de partenariat pour la paix (PPP), programme de coopération pratique bilatérale entre l'OTAN et des partenaires euro-atlantiques, permettant à ces derniers de développer une relation individuelle avec l'OTAN en fixant leurs propres priorités en matière de coopération ;

ü En 1997, ils sont devenus membres du Conseil de partenariat euroatlantique , qui rassemble les membres de l'OTAN, des pays partenaires et la Russie afin de discuter des problèmes de sécurité sur le continent européen ;

ü Ils ont apporté une contribution aux opérations de l'OTAN dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak et participent actuellement à la KFOR ainsi qu'à la mission de l'OTAN en Irak ;

ü La Finlande et la Suède sont deux des six pays, avec l'Ukraine, l'Australie, la Jordanie et la Géorgie, à avoir reçu le statut de partenariat aux opportunités renforcées (EOP), la forme de coopération la plus avancée de l'OTAN, lancée au sommet du pays de Galles, en 2014, pour que les relations étroites entre les forces de l'OTAN et celles des pays partenaires établies au cours des années d'opérations puissent être maintenues et approfondies ;

ü Helsinki accueille depuis 2017 le Centre d'excellence européen pour la lutte contre les menaces hybrides, soutenu par l'OTAN et l'UE.

En outre, la Finlande et la Suède ont commencé à fournir des armes à l'Ukraine dès février 2022, en même temps que leur coopération avec l'OTAN s'intensifiait. Lors du sommet extraordinaire du 25 février 2022, les Alliés ont activé en faveur des deux pays le dispositif des « modalités d'interaction renforcée » , les rendant destinataires des documents de l'OTAN relatifs à la situation en Ukraine. Ils participent également au Conseil de l'Atlantique Nord et sont susceptibles d'ouvrir à l'Alliance l'accès à leur territoire si nécessaire. L'adhésion des deux pays va parachever ce processus.

2. Des capacités militaires significatives

Les deux pays apportent par ailleurs des capacités militaires importantes . En 2022, le budget finlandais consacré à la défense s'établit à 5,1 milliards d'euros, et représente 1,96 % du PIB. Des efforts importants ont ainsi été consentis par Helsinki pour se rapprocher de l'objectif fixé par l'OTAN des 2 % du PIB : en 2020, la part du budget de défense n'en représentait que 1,34 %. Le budget de défense suédois est en cours de revalorisation : de seulement 0,9 % du PIB en 2015, il est passé à 1,2 % en 2020 et 1,3 % en 2021, soit 6,2 milliards d'euros. En avril dernier, le gouvernement suédois a fixé pour 2028 l'objectif des 2 %.

La Finlande dispose de 280 000 soldats et peut mobiliser jusqu'à 870 000 réservistes, ce qui en fait l'une des plus grosses armées européennes. La Suède dispose actuellement de 22 700 soldats d'active, soutenus par 32 400 personnels d'appoint (réservistes et gardes nationaux). Elle a rétabli le service militaire obligatoire en 2017.

Des équipements modernes

La capacité de combat de l'armée de l'air finlandaise est centrée sur plus de 50 F/A-18C Hornet monoplaces et sept F/A-18D biplaces. L'armée de l'air suédoise déploie comme principal atout défensif et offensif le chasseur léger JAS-39 Gripen, dans sa variante C, entre 65 et 70 unités. La marine suédoise possède cinq sous-marins, la flotte de surface comprend 5 corvettes furtives de classe Visby et 2 de classe Goteborg, 9 dragueurs de mines, 1 patrouilleur hauturier, 13 patrouilleurs, 147 vedettes et un navire de renseignement électromagnétique. Les forces finlandaises et suédoises opèrent des capacités modernes et communes à de nombreux alliés (avions américains F18 et F35, chars de combat allemands Léopard, hélicoptères européens NH90), permettant une parfaite interopérabilité. Les principaux partenaires finlandais et suédois en matière de commerce de matériel d'armement sont les États-Unis, la Suède, la Norvège, l'Italie, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et Israël. Parmi les principaux achats d'armement finlandais de la dernière décennie : les missiles AGM-158 Joint Air-to-Surface Standoff Missiles des États-Unis (2012), les chars de combat principal Leopard 2A6 des Pays-Bas (2014), les obusiers blindés K9 de la Corée du Sud (2017), 64 avions de combat F-35 des États-Unis. En 2012, la Suède a fixé une commande pour le renouvellement de sa flotte d'avions (60 jets Saab Gripen), en 2021, elle est devenue le premier pays non membre de l'OTAN à déployer un système de défense aérienne Patriot fabriqué aux États-Unis, et a lancé le processus d'acquisition de nouveaux navires de combat.

3. Davantage de profondeur stratégique pour l'OTAN

L'adhésion de la Finlande et de la Suède constitue également un apport de profondeur stratégique qui permet de renforcer la posture de défense et de dissuasion du flanc oriental de l'OTAN. Ceci créerait de nouveaux dilemmes pour la Russie si elle envisageait d'attaquer un pays d'Europe centrale ou orientale. La difficile protection des États baltes en cas d'attaque russe sera également rendue plus crédible par l'adhésion des deux pays , à travers une défense en profondeur incluant déjà la Norvège, le Danemark et l'Islande.

Inversement, il faut souligner qu'aucune demande n'a été formulée en vue du déploiement de forces ou d'équipements de l'OTAN sur les territoires suédois et finlandais, ces deux pays estimant être en mesure de se défendre.

Concernant les relations de l'OTAN avec la Russie, ce sont certes 1 300 nouveaux kilomètres de frontière où il faudra éviter tout risque d'escalade. Toutefois, la Finlande garde une tradition de bon voisinage avec la Russie et a, précisément, un intérêt évident à éviter une telle escalade.

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