Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Antoine LEFÈVRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 18

Justice

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1 . En 2021, les autorisations d'engagement (AE) de la mission « Justice » se sont élevées à 10,2 milliards d'euros , tandis que 9,9 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) ont été consommés. Par rapport à l'exercice 2020, les moyens consacrés à la justice ont ainsi augmenté de 1,7 % en AE et de 7,9 % en CP.

2. S'il s'est notablement réduit par rapport à 2020 , l'impact de la crise sanitaire sur les crédits de la mission s'est toutefois encore fait sentir sur l'exercice 2021. Les surcoûts liés à la crise en 2021 sont ainsi estimés à 50,95 millions d'euros, contre 77,09 millions d'euros en 2020. La crise sanitaire a également conduit à reporter à 2022 la passation de marchés de gestion déléguée, ce qui explique la sous-exécution massive des autorisations d'engagement de la mission en 2021.

3. En 2021, le schéma d'emplois constaté en exécution s'élève à 1 901 ETP, soit un taux d'exécution de plus de 95 % par rapport au schéma fixé en loi de finances initiale et corrigé en cours de gestion. La sous-exécution constatée correspond à des recrutements moins importants que prévus sur les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, en raison d'une baisse sensible d'attractivité de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), sur laquelle le rapporteur spécial avait déjà attiré l'attention.

4. S'agissant des frais de justice , l'exercice est une nouvelle fois marqué par une forte augmentation (+ 13 %) des crédits consommés par rapport à l'exercice précédent . Retracés au sein du programme 166 « Justice judiciaire » de la mission, les frais de justice se sont ainsi élevés à 614,5 millions d'euros en AE et 613,2 millions d'euros en CP, soit une légère sous-exécution s'élevant respectivement à 0,6 % et 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale. Ce dynamisme s'explique notamment par un effet de « déstockage » , à travers la mise en paiement de frais antérieurs à 2021. Toutefois, compte tenu des difficultés récurrentes de pilotage des frais de justice et de leur coût croissant, le rapporteur spécial partage la recommandation de la Cour des comptes, qui appelle à améliorer la maîtrise des frais de justice en affinant davantage les outils de gestion.

5. L'exercice est enfin marqué par le dynamisme exceptionnel de l'aide juridictionnelle (+ 32 % par rapport à 2020) , en raison d'un effet de rattrapage consécutif au ralentissement de l'activité des juridictions en 2020 , au plus fort de la crise sanitaire. Par ailleurs, la réforme du dispositif de rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle, insérée dans la loi de finances initiale pour 2021, n'a pas encore pu être évaluée compte tenu de l'absence de données détaillées sur l'exercice 2021 à ce stade.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2021

La mission « Justice » recouvre l' ensemble des attributions du ministère de la justice . Elle ne comprend pas les juridictions administratives, dont les crédits sont inscrits au programme 165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Trois des six programmes que comprend la mission concernent les directions métiers et concentrent la majeure partie (89 %) des crédits de la mission :

- le programme 166 - Justice judiciaire ;

- le programme 107 - Administration pénitentiaire ;

- le programme 182 - Protection judiciaire de la jeunesse.

Deux programmes transversaux concernent les fonctions supports et les crédits d'intervention :

- le programme 101 - Accès au droit et à la justice ;

- le programme 310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice, qui porte les fonctions transversales coordonnées par la secrétaire générale.

Enfin, le programme 335 - Conseil supérieur de la magistrature répond à la volonté politique d'assurer l'autonomie de cette institution, conformément aux dispositions de l'article 65 de la Constitution.

1. Des crédits en hausse par rapport à 2020, conformément à la loi de programmation

En 2021, les autorisations d'engagement (AE) de la mission « Justice » se sont élevées à 10,2 milliards d'euros , tandis que 9,9 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) ont été consommés. Par rapport à l'exercice 2020, les moyens consacrés à la justice ont ainsi augmenté de 1,7 % en AE et de 7,9 % en CP.

Par conséquent, le taux d'exécution des crédits votés en loi de finances initiale pour 2021 s'élève respectivement à 84,5 % pour les AE et 98,1 % pour les CP . S'agissant des AE, le taux d'exécution, quoique faible (cf. 2. infra ), retrouve en 2021 un niveau plus acceptable que celui constaté en 2020 (110 %), lequel témoignait d'une nette insuffisance de l'autorisation budgétaire initiale. S'agissant des CP, ce taux est légèrement supérieur à celui constaté en 2020, qui atteignait 97,4 %.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2021

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2020

LFI 2021*

Exécution 2021

Exécution 2021 / Exécution 2020

Exécution 2021 / LFI 2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

3 829,00

3 480,10

3798,30

3720,80

3830,20

3681,40

100,0%

105,8%

100,8%

98,9%

Administration pénitentiaire

4 357,30

3 863,40

6267,10

4267,60

4337,50

4138,00

99,5%

107,1%

69,2%

97,0%

Protection judiciaire de la jeunesse

884,1

862,3

955,80

944,50

923,70

915,20

104,5%

106,1%

96,6%

96,9%

Accès au droit et à la justice

466,1

465,2

585,20

585,20

601,30

601,80

129,0%

129,4%

102,8%

102,8%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

489,7

475,7

463,30

534,80

507,20

529,90

103,6%

111,4%

109,5%

99,1%

Conseil supérieur de la magistrature

5,2

4,2

4,40

5,30

3,50

4,40

67,3%

104,8%

79,5%

83,0%

Total de la mission

10 031,4

9 150,9

12 074,1

10 058,2

10 203,4

9 870,7

101,7%

107,9%

84,5%

98,1%

* hors fonds de concours et attribution de produits.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », les crédits de paiement de la mission exécutés s'élèvent à 8,20 milliards d'euros . Les crédits exécutés sont ainsi légèrement supérieurs au plafond de 8 milliards d'euros fixé pour l'année 2021 par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice 1 ( * ) , soit une sur-exécution d'environ 2,5 % (200 millions d'euros). Ils correspondent en revanche précisément au plafond fixé par le Sénat dans sa version adoptée en première et en nouvelle lectures sur cette même loi de programmation.

2. Un exercice encore marqué par la crise sanitaire, qui explique la sous-exécution massive des autorisations d'engagement

S'il s'est notablement réduit par rapport à 2020 , l'impact de la crise sanitaire sur les crédits de la mission s'est toutefois encore fait sentir sur l'exercice 2021. Les surcoûts liés à la crise en 2021 sont ainsi estimés à 50,95 millions d'euros (contre 77,09 millions d'euros en 2020), dont 32,46 millions d'euros de dépenses informatiques.

Surcoûts liés à la crise sanitaire au sein de la mission Justice

(en CP et en millions d'euros)

2020

2021

Avances exceptionnelles aux avocats

5,30

0

Achat de consommables sanitaires

9,97

4,63

Mesures d'accompagnement pénitentiaire

10,27

5,00

Prestations de ménage supplémentaire et gardiennage

7,38

8,86

Prise en charge de la restauration des agents du personnel en activité pendant les périodes de confinement

5,05

0

Ligne d'écoute téléphonique de prise en charge psychologique

0,01

0

Versement d'une prime Covid-19 pour les salariés du secteur associatif habilité (SAH)

1,90

0

Dépenses informatiques

37,21

32,46

Total

77,09

50,95

Source : Cour des comptes (note d'exécution budgétaire 2021)

En très nette baisse par rapport à l'exercice 2020, les économies liées à une réduction d'activité en période de confinement sont, quant à elles, évaluées par le ministère de la justice à 9,25 millions d'euros en CP en 2021, contre 262,68 millions d'euros en 2020.

Le programme 107 - Administration pénitentiaire comprend le volume le plus important de crédits sous-exécutés (-1,88 milliard d'euros d'AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2021).

Cet écart s'explique principalement par le report, de 2021 à 2022, de la passation des marchés de gestion déléguée concernant une quarantaine d'établissements pénitentiaires, qui a conduit à l' annulation de crédits à hauteur de 1,471 milliard d'euros . Le ministère de la justice envisageait en effet la passation, en 2021, d'une nouvelle génération de marchés de gestion déléguée (les « MGD 21 »), censés prendre le relais des MGD 15 au 1 er janvier 2022 pour une nouvelle période de sept ans. Les aléas rencontrés lors de leur élaboration, conjugués aux effets de la crise sanitaire, ont cependant allongé de plusieurs mois les délais de passation. En fin d'année 2021, les précédents marchés de gestion déléguée ont ainsi dû être prolongés par avenant pour une durée de six mois. L'intégralité des autorisations d'engagement nécessaires pour engager les MGD 21 a par conséquent fait l'objet d'une réinscription dans la loi de finances initiale pour 2022.

De manière plus marginale, cette sous-exécution est également liée au retard d'opérations immobilières du fait de la crise sanitaire (89,3 millions d'euros), ainsi qu'à l'annulation de la totalité de la réserve de précaution (140 millions d'euros).

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une augmentation globale des dépenses de personnel, qui masque des disparités en termes de créations d'emplois

Les dépenses de personnel de la mission, qui représentent les deux tiers des crédits de celle-ci, progressent de 3,6 % en 2021 par rapport à 2020 , conformément à la hausse des effectifs prévue par la loi de finances initiale et au caractère prioritaire de cette mission depuis plusieurs exercices.

Dans la continuité des précédents exercices, l'exécution de crédits de titre 2 (dépenses de personnel) connaît un niveau particulièrement élevé, avec un taux d'exécution global de 99,25 % au niveau de l'ensemble de la mission, quasi-identique au taux observé en 2020.

Exécution des dépenses de personnel (titre 2) de la mission par programme en 2021

(en millions d'euros)

Exécution 2020

(AE=CP)

LFI 2021

(AE=CP)

Exécution 2021

(AE=CP)

Exécution 2021 / Exécution 2020

Exécution 2021 / LFI 2021

Justice judiciaire

2382,8

2451,7

2454,6

103,01 %

100,12 %

Administration pénitentiaire

2604,5

2750,5

2700,9

103,70 %

98,20 %

Protection judiciaire de la jeunesse

527

554,6

552,9

104,91 %

99,69 %

Accès au droit et à la justice

-

-

-

-

-

Conduite et pilotage de la politique de la justice

182,5

188,2

192,4

105,42 %

102,23 %

Conseil supérieur de la magistrature

2,6

3,1

2,6

100,00 %

83,87 %

Total de la mission

5 699,40

5 948,10

5 903,40

103,58 %

99,25 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Plusieurs programmes ont dépassé l'enveloppe de crédits votée en loi de finances initiale. C'est notamment le cas du programme 166 - Justice judiciaire, qui connaît une sur-exécution à hauteur de 3 millions d'euros, en raison de la mise en oeuvre des recrutements effectués dans le cadre du renforcement de la justice de proximité , non budgétés en loi de finances initiale pour 2021 2 ( * ) .

La sous-exécution des dépenses de personnel constatée pour le programme relatif au Conseil supérieur de la magistrature traduit quant à elle une sous-exécution en réalité mineure, de l'ordre de 3 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Conformément à la hausse des moyens de la justice prévue par la loi de programmation 2018-2022, la loi de finances initiale pour 2021 fixait le plafond d'emplois de la mission à 89 882 ETPT , soit une hausse de 2,6 % par rapport au nombre d'ETPT en 2020.

En 2021, le nombre d'ETPT constaté en exécution s'élève à 89 489 emplois , soit un taux d'exécution de 99,6 % par rapport à l'autorisation fixée en loi de finances initiale.

Évolution du plafond d'emploi de la mission depuis 2019

(en ETPT)

2019

2020

2021

Évolution 2019-2021

Plafond d'emplois (LFI)

86 452

87 617

89 882

+ 3,9 %

Exécution

85 341

86 736

89 489

+ 4,9 %

Taux d'exécution

98,7 %

99,0 %

99,6 %

-

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La loi de finances initiale pour 2021 prévoyait notamment la création de 1 500 équivalents temps plein (ETP) , auxquels se sont ajoutés 500 ETP en cours de gestion afin de mettre en oeuvre le volet civil des dispositions en faveur d'une « justice de proximité » (cf. supra ), répartis comme suit :

- 390 emplois au titre du comblement de vacances de postes des personnels de surveillance ;

- 300 emplois pour le renforcement des services d'insertion et de probation dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation et de réforme pour la justice ;

- 415 emplois pour la constitution d'équipes projet dédiées au pilotage et la préparation de l' ouverture des nouveaux établissements ;

- 318 emplois dans les services judiciaires , en vue du renforcement de l'équipe autour du magistrat et de la résorption de la vacance d'emplois dans les greffes ;

- 40 emplois à la protection judiciaire de la jeunesse ;

- 50 emplois au secrétariat général pour la poursuite du plan de transformation numérique du ministère ;

- 13 emplois restitués au titre des gains générés par le plan de transformation numérique.

En exécution, le schéma d'emplois réalisé fin 2021 s'élève à 1 901 ETP, soit un taux d'exécution de plus de 95 %. La sous-exécution constatée correspond à des recrutements moins importants que prévus sur les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, en raison d'une baisse sensible d'attractivité de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) 3 ( * ) .

Le rapporteur spécial se félicite donc de la progression globale des effectifs, visant à répondre aux besoins du service public de la justice et à l'orientation fixée par la loi de finances initiale. Il appelle toutefois à demeurer vigilant sur les effets concrets du recrutement de centaines d'agents contractuels qui, s'il permet d'atteindre un taux d'exécution honorable en 2021, devra également se traduire par une incidence positive, à court et à moyen terme, sur l'écoulement des stocks de procédure et la célérité de leur traitement. À cet égard, le rapporteur spécial accordera également une attention particulière au suivi des conclusions des États généraux de la Justice , qui préconisent le recrutement de 1 500 magistrats, 3 000 greffiers et 2 000 juristes assistants, dans le cadre du prochain projet de loi de programmation pour la justice.

Il renouvelle en outre la vigilance exprimée lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2020 et pour 2021 quant à la gestion prévisionnelle des effectifs de la mission , dans un contexte marqué par de nombreux départs à la retraite au cours des prochaines années, en particulier pour les effectifs rattachés à la direction des services judiciaires.

2. Des frais de justice toujours dynamiques, dont la gestion doit encore être améliorée

Comme l'a déjà souligné à plusieurs reprises le rapporteur spécial, les frais de justice, retracés au sein du programme 166 « Justice judiciaire » de la mission, constituent un enjeu budgétaire important de la mission , en raison notamment de leur montant élevé et de difficultés structurelles de pilotage , liées à une responsabilité partagée entre de nombreux acteurs .

En 2021, les frais de justice se sont élevés à 614,5 millions d'euros en AE et 613,2 millions d'euros en CP, soit une légère sous-exécution s'élevant respectivement à 0,6 % et 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale, qui prévoyait un montant de 618,2 millions d'euros en AE comme en CP.

Il s'agit toutefois d'une hausse sensible (+ 13 % en moyenne) par rapport à l'exercice 2020, particulièrement marquée s'agissant des frais relatifs aux analyses et expertises médicales (+ 17,5 %), aux frais de traduction et d'interprétariat (+ 17,5 %) et aux scellés-gardiennages (+ 16,7 %). S'agissant plus particulièrement des analyses et expertises médicales, le rapporteur spécial salue la récente revalorisation des tarifs des médecins experts psychiatres et des experts psychologues non-salariés 4 ( * ) que reflète cette hausse. Il conviendra toutefois de rester attentif à ce que cette revalorisation se traduise, dans les faits, par une meilleure attractivité des expertises psychiatriques et psychologiques , qui peinent encore à attirer des candidats 5 ( * ) .

L'indicateur de performances de la mission évaluant la dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale témoigne également d'une augmentation de ces frais : alors que la dépense moyenne s'élevait à 368 euros en 2018 et à 439 euros en 2020 , elle s'établit à 483 euros en 2021 , soit une progression de plus de 31 % en deux ans .

Évolution des frais de justice depuis 2017

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution 2017-2021

Prévision (LFI)

469

479

505

491

618

+ 32 %

Exécution (loi de règlement)

496

528

531

544

613

+ 24 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

D'après le rapport annuel de performances, cette augmentation traduit notamment le renforcement de certaines politiques pénales, dont celle en lien avec la lutte contre les violences faites aux femmes , ainsi que le renforcement du maillage territorial de la médecine légale du vivant.

Cette hausse s'expliquerait également par un apurement dynamique des restes à payer , en raison d'un phénomène de déstockage massif des mémoires des prestataires, en lien avec la mise en oeuvre d'un délai de forclusion pour les demandes de paiement des frais de justice. Pour mémoire, afin permettre à terme une meilleure gestion et une meilleure lisibilité budgétaire des frais de justice, l'article 236 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 prévoit désormais que « la demande en paiement au titre des frais de justice doit être présentée à l'autorité judiciaire dans le délai d'un an à compter de l'achèvement de la mission ». S'il est encore trop tôt pour évaluer les impacts de cette réforme, soutenue par le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 6 ( * ) , elle devrait toutefois permettre des améliorations en matière de gestion du flux de mémoires et de maîtrise de la dépense relative aux frais de justice , non seulement pour les services centralisateurs des frais de justice des tribunaux judiciaires, mais également pour les services administratifs régionaux, responsables des budgets opérationnels de programme par délégation des chefs de cour.

Le rapporteur spécial déplore cependant que la présentation des annexes budgétaires ne permette toujours pas, à l'heure actuelle, de distinguer les effets des dépenses issues des charges à payer et les dépenses nouvelles en 2021 par rapport à l'exécution de 2020. A l'instar de la Cour des comptes 7 ( * ) , il appelle donc à améliorer les outils de gestion des frais de justice, afin de contribuer à une meilleure maîtrise de ces derniers.

3. Des crédits d'aide juridictionnelle en forte hausse, en raison d'un effet de rattrapage sur l'exercice 2020 lié à la crise sanitaire

Les dépenses d'intervention de la mission, toutes catégories confondues, connaissent depuis plusieurs années une progression régulière. Cette progression se poursuit toutefois de manière plus marquée en 2021, en raison notamment de la reprise de l'activité des juridictions, qui a pour corollaire une augmentation de l' aide juridictionnelle , laquelle représente plus de deux tiers des dépenses d'intervention de la mission.

En 2021, les crédits budgétaires relatifs à l'aide juridictionnelle, retracés au sein du programme 101 « Accès au droit et à la justice », se sont ainsi élevés à 553 millions d'euros en AE comme en CP , contre 419,3 millions d'euros en 2020 , soit une hausse substantielle de près de 32 % entre les deux exercices.

Ainsi, alors que les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle avaient été sous-consommés à hauteur de 13,4 % en 2020, ils connaissent en 2021 une surconsommation de près de 3,6 %.

Par ailleurs, la loi de finances initiale pour 2021 a procédé à une nouvelle réforme de l'aide juridictionnelle, centrée sur la revalorisation des rétributions des avocats pour les missions réalisées dans le cadre de l'aide juridictionnelle 8 ( * ) .

Le Sénat avait adopté sans modification cette réforme, qui devait notamment permettre une meilleure rétribution des avocats commis d'office . Il avait toutefois regretté, sur la forme, l'absence d'étude d'impact du dispositif proposé , ce dernier ayant été adopté par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Du fait que le nombre d'unités de valeurs payées en 2021 n'est pas connu à ce jour, aucune évaluation n'est encore disponible à ce stade, ce que le rapporteur spécial ne peut que déplorer.


* 1 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

* 2 La mise en oeuvre des dispositions relatives à la justice de proximité, décidée fin 2020 pour le volet pénal et mi-2021 pour le volet civil, impliquait des embauches de 1 000 contractuels. Le financement de ces contrats, non programmé, s'est effectué par la constitution d'un gage sur des crédits hors titre 2 de plusieurs programmes de la mission, après arbitrage interministériel établissant le besoin à 42 millions d'euros (source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2021 sur la mission Justice).

* 3 Cf. rapport d'information n° 569 (2021-2022) de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 mars 2022.

* 4 Cf. arrêté du 7 septembre 2021 portant modification de l'article A. 43-6 du code de procédure pénale. À titre d'exemple, pour les psychiatres libéraux, le tarif d'une expertise classique passe ainsi de 429 à 507 euros.

* 5 Cf. rapport d'information n° 432 (2020-2021) de MM. Jean Sol et Jean-Yves Roux, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, déposé le 10 mars 2021.

* 6 Cf. rapport n° 138 (2020-2021) de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 7 Note d'exécution budgétaire 2021.

* 8 Portée de 32 à 34 euros par unité de valeur.

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