Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022

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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c

Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

10 , 16 et T.A. 2

Sénat :

787 (2021-2022)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Si les recettes d'exploitation du BACEA ont progressé de 26,0 % en un an, elles restent néanmoins toujours inférieures de plus d'1 milliard d'euros à leur niveau de 2019. Le rapporteur spécial avait alerté sur le caractère beaucoup trop optimiste des hypothèses de trafic aérien retenues par la LFI pour 2021. Du fait de la surestimation manifeste des recettes d'exploitation, le budget du BACEA était caduc avant même d'avoir été voté. L'exécution des recettes en 2021 a confirmé ses inquiétudes : les principales recettes du budget annexe ont présenté des rendements inférieurs de 10 % à 30 % aux prévisions initiales.

2. En 2021, le BACEA a perçu 780 millions d'euros au titre des redevances de navigation aérienne , soit une progression de 20,7 % en un an mais un niveau qui reste en recul de 50,1 % par rapport à 2019 et en retrait de 12,4 % par rapport aux prévisions trop optimistes de la LFI.

3. Les enjeux de compétitivité des compagnies françaises restent préoccupants et les perspectives d' augmentation des redevances risquent de peser lourdement sur leur soutenabilité économique dont les fondements ont été ébranlés par la crise.

4. Les mécanismes de fixation des taux de redevances et de rattrapages liés aux écarts avec les prévisions de trafic avaient été imaginés pour répondre à des fluctuations modérées du trafic et pas à une crise telle que celle qu'a connue le transport aérien en 2020 et en 2021.

5. Le Gouvernement devrait explorer la piste permise par le droit de l'Union européenne (UE) permettant aux États-membres de subventionner le prestataire de service à la navigation aérienne afin de compenser en partie les effets de la crise et contenir ainsi l'augmentation des taux unitaires de redevances aériennes.

6. Malgré l'amorce du rétablissement du trafic aérien, le BACEA s'est à nouveau endetté en 2021, à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Son encours de dette, multiplié par 4 depuis 2020 , a atteint 2,7 milliards d'euros . Il dépassera les 3 milliards d'euros en 2022.

7. Le rapporteur spécial veut croire en la possibilité, pour le BACEA, d'amorcer rapidement son désendettement et d'assurer sa soutenabilité budgétaire de long terme mais, cette perspective est conditionnée à des réformes ambitieuses dont certaines des pistes ont pu être tracées dans des rapports récents.

8. En ce qui concerne les dépenses de personnel, le schéma d'emploi a été sur-exécuté de 4 ETP mais il existe encore d'importants écarts entre les entrées et les sorties programmées et celles qui sont effectivement constatées . Ces écarts récurrents d'années en années interrogent la crédibilité de la programmation du schéma d'emploi .

9. En 2021, les entrées à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) par concours ont été restreintes . Certes la crise a conduit à relativiser dans l'immédiat le déficit de capacités du contrôle aérien, néanmoins, cinq années sont nécessaires pour former un contrôleur et il est nécessaire de tenir compte de ce paramètre à l'heure de programmer les recrutements des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) dont il convient de maintenir un effectif suffisant de nature à absorber la reprise du trafic. Le tempo des décisions de recrutement est complexe et porte un risque élevé de se traduire par des évolutions d'effectifs à contretemps par rapport à celles du trafic .

10. La DGAC a accumulé un retard considérable dans la réalisation de son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne . Il est nécessaire et urgent de concrétiser enfin les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne afin de remédier à l'obsolescence des outils actuels.

11. L'année 2021 a notamment été marquée par la mise en oeuvre, en octobre, des services Data Link . Cette évolution très attendue a permis de clôturer la procédure d'infraction de la Commission européenne qui visait la France.

12. Depuis 2020, et contrairement à la période 2008-2013, les dépenses d'investissements du BACEA ne sont pas utilisées comme une variable d'ajustement .

13. En février 2021, les deux nouveaux supercalculateurs de Météo-France ont été mis en service avec succès. La réussite technique de ce programme permettra à l'opérateur d'améliorer la qualité de ses modèles de prévision numérique du temps.

14. Alors qu'environ 60 millions d'euros du plan « Calcul 2020 » resteront à financer entre 2023 et 2025 , et afin de prévenir le risque d'un effet d'éviction sur les autres dépenses d'investissements de l'opérateur, l'État devrait sécuriser le financement des nouveaux supercalculateurs jusqu'au terme de leur contrat d'exploitation.

15. Alors qu'il est déjà temps d' envisager le prochain renouvellement des supercalculateurs de Météo-France à l'horizon 2025 , il est impératif que les besoins soient rapidement spécifiés et que des modalités de financement puissent être déterminées.

16. Dans le cadre du processus d' ouverture des données publiques , Météo-France doit réaliser des investissements conséquents pour mettre en ligne de grandes quantités de ses données. Alors que le Gouvernement a annoncé travailler sur un mécanisme de cette nature, l'État devrait s'engager à compenser une partie des surcoûts occasionnés à l'opérateur.

17. Alors que les exigences à l'égard de Météo-France se renforcent à mesure que les effets des dérèglements climatiques deviennent plus concrets, plus graves et plus fréquents, le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'établissement fixe des priorités pertinentes et une ambition bienvenue. La réalisation de ce COP est conditionnée à une stabilisation des moyens et des effectifs de l'opérateur sur toute la période du contrat. Aussi, est-il nécessaire de desserrer la contrainte budgétaire qui a pesé pendant de nombreuses années sur l'établissement.

18. L'IGN est engagé dans une profonde révision de sa stratégie , de son positionnement et de sa raison d'être. Ces évolutions se traduisent par une véritable révolution de son modèle économique à travers le renoncement à une politique commerciale construite sur la recherche de multiples prestations au profit d'un modèle fondé sur la participation à de grands projets , portés par des donneurs d'ordre publics et destinés à accompagner la mise en oeuvre de grandes politiques publiques.

19. 2021 a constitué un point de bascule dans la transition du modèle économique de l'établissement puisque, pour la première fois, ses ressources propres sont devenues majoritaires au sein du total de ses ressources. Ces ressources propres sont tirées par les grands projets de l'IGN réalisés pour le compte de donneurs d'ordre publics, et plus particulièrement par les crédits versés dans le cadre du programme LIDAR HD.

20. Le processus d'ouverture et de gratuité des données publiques a été accéléré en 2021 suite à la décision de l'IGN de mettre en oeuvre la mise à disposition libre et gratuite de ses grandes bases de données avec une année d'avance, dès le 1 er janvier 2021.

21. Les transformations de l'établissement et sa nouvelle stratégie ont également de profondes répercussions en matière de ressources humaines . L'IGN doit notamment développer en interne et attirer de nouvelles compétences . Pour se faire, la direction de l'IGN a lancé un nouveau programme de recrutement visant à attirer 150 nouveaux profils d'ici 2024 Ce programme, qui concerne des métiers et des compétences en tension, est conditionné à des enjeux d'attractivité .

22. Le Cerema reste confronté à une contraction significative de ses moyens . Ainsi, sa SCSP poursuit sa diminution rapide et continue. Entre 2014 et 2021, elle s'est ainsi rétractée de 15 %.

23. Le schéma d'emplois 2021 a été légèrement assoupli du fait de la sur-exécution du schéma en 2020. Le rapporteur spécial se félicite que la direction du budget (DB) ait accordé cette souplesse à l'établissement, prenant en compte une problématique à propos de laquelle il avait alerté le Gouvernement à l'occasion de son rapport budgétaire portant sur le projet de loi de finances initiale pour 2022.

24. L'établissement tient le rythme de son objectif ambitieux d'augmenter significativement les ressources propres qu'il tire de son activité auprès des collectivités locales.

25. Le niveau très insuffisant des dépenses d'investissement du Cerema est préoccupant . Cette situation, génératrice d'obsolescence de ses outils techniques, obère les perspectives de l'opérateur.

26. L'année 2021 a été marquée par la perspective d'une transformation du modèle économique du Cerema . Contenue dans l'article 159 de la loi « 3 DS » , elle doit renforcer ses liens avec les collectivités territoriales faisant de l'établissement un véritable outil commun entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique de quasi régie conjointe .

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2021

1. Une amorce de reprise partielle et progressive du trafic aérien

La crise sanitaire avait interrompu un cycle de forte croissance du transport aérien. En France, en 2020, le trafic avait diminué de 61 % en nombre d'avions et de 70 % en nombre de passagers par rapport à 2019. Une amorce de reprise, surtout perceptible au cours du second semestre, a été observée en 2021, les mouvements d'avions et le nombre de passagers transportés étant inférieurs de respectivement 46 % et 37,5 % par rapport aux chiffres constatés en 2019. En 2021, le trafic aérien constaté a été équivalent à celui de l'année 1995 . Si un retour à la normale du trafic n'était jusque-là pas envisagé avant 2024, le vent d'optimisme ambiant du secteur s'est manifesté à l'occasion de l'Assemblée générale de l'Association du transport aérien international (IATA) réunie à Doha le 19 juin dernier. Un retour à la normale du trafic dès 2023 n'est désormais pas exclu.

Les recettes du BACEA dépendent étroitement du trafic aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également du trafic qui survole le territoire. En 2021, bien que dans une moindre mesure par rapport au choc de l'année 2020, les recettes du BACEA ont été à nouveau affectées par la crise.

Le trafic dans les aéroports français a représenté 70 millions de passagers en 2020, soit une progression de 30 % par rapport à 2020 mais un niveau qui ne présentait toujours que 39 % du trafic constaté en 2019. 20,3 millions de passagers ont voyagé sur des vols intérieurs au territoire français, un chiffre en hausse de 30 % par rapport à 2020 mais un niveau qui reste en berne (60 %) par rapport au nombre de passagers constatés en 2019. Plus affecté par la crise, le trafic international a compté environ 50 millions de passagers en 2021, en hausse de 28 % sur un an. Ce chiffre ne représente pourtant que 34 % du niveau atteint en 2019.

2. Les hypothèses de trafic envisagées au stade de la LFI pour 2021 étaient beaucoup trop optimistes et l'équilibre budgétaire du BACEA a de nouveau souffert d'un déficit notable de recettes

La loi de finances initiale pour 2021 prévoyait des crédits de 2 336 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2 266 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Compte tenu des reports, des fonds de concours, des attributions de produits et des annulations, le total des crédits disponibles s'est élevé, en 2021, à 2 362 millions d'euros en AE et 2 280 millions d'euros en CP, en progression de 6,4 % et de 5,5 % par rapport à 2020. Les crédits réellement exécutés au cours de la gestion 2021 se sont élevées à 2 231 millions d'euros en AE et 2 214 millions d'euros en CP, soit des hausses de 6,3 % et 6,0 % par rapport aux montants dépensés en 2020. Les taux d'exécution en AE et CP demeurent à des niveaux élevés : 94,4 % pour les AE et 97,1 % pour les CP.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2021

(en millions d'euros)

LFI 2021

Reports entrants

LFR

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 644,5

2,7

- 50,0

1,0

1 598,2

1 577,4

98,7 %

612- Navigation aérienne

577,4

54,8

- 9,4

11,6

634,4

592,7

93,4 %

614 Transports aériens, surveillance et certification

44,2

1,5

- 2,9

4,4

47,3

43,5

92,0 %

Total BACEA

2 266,1

59,0

- 62,3

17,0

2 279,9

2 213,6

97,1 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits du BACEA 2020-2021

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2020

LFI 2021

Total crédits disponibles 2021

Exécution 2021

Variation exécution 2021/2020

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

580,3

647,4

712,7

600,9

+ 3,5 %

CP

575,7

577,4

634,4

592,7

+ 3,0 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 474,5

1 644,5

1 600,3

1 584,9

+ 7,5 %

CP

1 473,7

1 644,5

1 598,2

1 577,4

+ 7,0 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

44,5

44,2

49,0

45,0

+ 1,1 %

CP

39,4

44,2

47,3

43,5

+ 10,4 %

Total

AE

2 099,4

2 336,1

2 361,9

2 230,8

+ 6,3 %

CP

2 088,8

2 266,1

2 279,9

2 213,6

+ 6,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2021, les recettes du BACEA se sont établies à 2 141 millions d'euros, en progression de 2,8 % par rapport à 2020 mais en retrait de 3,7 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale (LFI) pour 2021 et toujours inférieures de 4,1 % aux recettes enregistrées en 2019.

Les recettes d'exploitation enregistrées en 2021 ont progressé de 26,0 % sur un an pour s'établir à 1 034,8 millions d'euros. Elles restent néanmoins toujours inférieures de plus de 50 %, et de plus d'1 milliard d'euros, à leur niveau de 2019.

Variation des recettes d'exploitation du BACEA
entre 2018 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant de ces recettes d'exploitation, le rapporteur spécial rappelle que, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2021, il avait alerté sur le caractère beaucoup trop optimiste des hypothèses de trafic retenues. Il avait souligné le fait que le projet de budget du BACEA , du fait de la surestimation manifeste des recettes d'exploitation qu'il supposait, était caduc avant même d'avoir été voté . L'exécution des recettes du BACEA au cours de la gestion 2021 est venue confirmer ses inquiétudes puisque, comme l'illustre le tableau ci-dessous, les principales recettes du budget annexe ont présenté des rendements inférieurs de 10 % à 30 % aux prévisions initiales figurant en LFI. Le rapport annuel de performance (RAP) annexé au présent projet de loi reconnaît que « le trafic constaté a été inférieur aux prévisions inscrites en LFI pour 2021 » et que les recettes liées à l'activité (hors emprunt) ont été inférieures de 14 % aux prévisions. Le rendement de la taxe d'aviation civile s'est par exemple révélé inférieur de 30 % à la prévision inscrite en LFI.

Principales recettes du BACEA en 2021

(en millions d'euros)

Exécution 2020

LFI 2021

Exécution 2021

Variation exécution 2021/ LFI 2021

Variation exécution 2021 / exécution 2020

Redevances de route

539,1

732,3

635,4

- 13,2 %

+ 17,9 %

RSTCA-M

92,7

132,4

118,6

- 10,4 %

+ 27,9 %

RSTCA-OM et redevance océanique

14,1

34,5

25,8

- 25,2 %

+ 83,0 %

Redevances de surveillance et de certification

23,8

18,0

28,7

+ 59,4 %

+ 20,6 %

Taxe de l'aviation civile

124,2

294,1

206,3

- 29,9 %

+ 66,1 %

Frais taxes pour compte tiers

2,1

3,8

3,2

- 15,8 %

+ 52,4 %

Total

796,0

1 215,1

1 018,0

- 16,2 %

+ 27,9 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Les recettes des redevances de navigation aérienne et de taxe de l'aviation civile (TAC) restent nettement inférieures à leurs niveaux de 2019 et très en retrait par rapport aux prévisions trop optimistes de la LFI

Les redevances de navigation aérienne constituent habituellement la majeure partie des ressources du BACEA (74 % en 2019). Toutefois, en 2021, elles n'ont représenté que 36,4 % du total des ressources du budget annexe. En 2020, au plus fort de la crise du transport aérien, cette part était même tombée à 32 %. Ainsi, en 2021, le BACEA a perçu 780 millions d'euros au titre des redevances de navigation aérienne, soit une progression de 20,7 % en un an mais un niveau qui reste en recul de 50,1 % par rapport à 2019 et en retrait de 12,4 % par rapport aux prévisions trop optimistes de la LFI pour 2021.

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2021, les recettes de la redevance de route se sont établies à 636 millions d'euros, en hausse de 17,9 % par rapport à 2020 mais en recul de 12,4 % vis-à-vis du montant évalué en LFI. Les recettes de redevances pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) métropole ont quant à elles progressé de 27,9 % pour atteindre 119 millions d'euros, en retrait de 10,4 % par rapport au niveau attendu. Les redevances de navigation aériennes outre-mer se sont établies à 26 millions d'euros (+ 83,0 % par rapport à 2020 et - 25,2 % au regard des prévisions en LFI).

Les recettes des redevances de surveillance et certification ont, elles, été dynamiques, puisqu'elles ont tutoyé les 30 millions d'euros, en hausse de 59,4 % sur un an et de 20,6 % par rapport au montant déterminé en LFI. Cette situation a pour origine la reprise d'activité du transport aérien mais aussi la régularisation de paiements dus par la compagnie Air France au titre de 2020.

Comme il a pu le souligner dans son rapport budgétaire concernant le PLF pour 2022, le rapporteur spécial reste préoccupé par les enjeux de compétitivité pour les compagnies aériennes françaises dans les années à venir. À ce titre, les perspectives d' augmentation des redevances risquent de peser lourdement sur leur soutenabilité économique dont les fondements ont été fragilisés par la crise du transport aérien.

Le rapporteur spécial tient à rappeler que l'article 29.6 du règlement d'exécution (UE) 2019/317 permet aux États-membres de subventionner le prestataire de service à la navigation aérienne pour compenser une partie des effets de la crise et contenir ainsi l'augmentation des taux unitaires de redevances aériennes résultant de la baisse du trafic. L'Espagne a mis en oeuvre cette disposition. Le rapporteur spécial appelle le Gouvernement à explorer cette piste . Une telle option se justifie d'autant plus qu'à compter de l'année 2023, le dispositif de lissage exceptionnel du mécanisme de rattrapage des conséquences de l'effondrement du trafic au cours des années 2020 et 2021 va commencer à s'appliquer, occasionnant une augmentation mécanique des redevances de navigation aérienne.

Le rapporteur spécial souhaite insister sur le fait que les mécanismes de fixation des taux de redevances et de rattrapages liés aux écarts avec les prévisions de trafic avaient été imaginés pour répondre à des fluctuations modérées du trafic. Ils n'ont pas été conçus pour une crise aussi forte que celle dans laquelle a été plongé le transport aérien en 2020.

Avec le début de reprise du trafic, le rendement de la taxe de l'aviation civile (TAC) a progressé de 66,1 % en 2021 pour dépasser les 200 millions d'euros (206 millions d'euros). Ce rendement reste néanmoins inférieur de 57,2 % au niveau atteint en 2019 (482,4 millions d'euros). Il est à noter qu'en 2021 comme en 2022, les rendements de TAC se trouvent accrus par des versements dus par les compagnies au titre de l'année 2020, des versements échelonnés en 24 mensualités étant attendus jusqu'en décembre 2022.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Multiplié par quatre depuis 2020, l'encours de dette du BACEA s'apprête à dépasser les 3 milliards d'euros

Après une phase de désendettement, le BACEA, confronté à l'effondrement de ses recettes a eu à recourir massivement à l'emprunt, pour 1 250 millions d'euros, au cours de l'année 2020. Toujours confronté à des recettes en berne, malgré l'amorce de leur rétablissement dans le sillage de la reprise du trafic aérien, le BACEA s'est à nouveau endetté en 2021, à hauteur de 1 100,6 millions d'euros . La LFI prévoyait un droit de recours à l'emprunt plafonné à 1 060,6 millions d'euros. Ce plafond avait été rehaussé de 200 millions d'euros par le Parlement suite au vote de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021. Au 31 décembre 2021, l'encours de dette du BACEA a ainsi été porté à 2 688,3 millions d'euros , un niveau 4 fois plus élevé que le montant constaté en fin d'année 2019. En 2022 , l'encours de dette du BACEA pourrait avoisiner les 3,3 milliards d'euros.

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2021
et prévisions pour 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Du fait du recours à l'emprunt massif réalisé à compter de l'année 2020, les dépenses relatives aux remboursements d'emprunts ont sensiblement augmenté en 2021, passant en une année de 106,3 millions d'euros à 115,6 millions d'euros (+ 8,7 %).

Le rapporteur spécial veut croire en la possibilité, pour le BACEA, d'amorcer son désendettement dès 2023 , néanmoins, cette perspective, tout comme celle de la soutenabilité budgétaire de long terme du budget annexe, reste conditionnée à des réformes ambitieuses dont certaines des pistes ont pu être tracées dans des rapports récents , notamment le rapport confidentiel de la mission commune confiée à l'inspection générale des finances (IGF) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis au Gouvernement en juillet 2021, ainsi que le rapport de la Cour des comptes d'avril 2021 sur la politique des ressources humaines de la DGAC.

2. Avec - 4 ETP, le BACEA a légèrement sur-exécuté un schéma d'emploi dont il est nécessaire d'affiner la programmation

Concentrées sur le programme 613 « soutien aux prestations de l'aviation civile », les dépenses de personnel de la DGAC représentent 53,5 % des dépenses du BACEA, soit un léger recul par rapport à 2020. En un an, elles ont très légèrement diminué (- 0,3 %) pour s'établir à 1 185 millions d'euros. Comme en 2020, les dépenses de personnel ont été sous-exécutées de 2,4 % et 29 millions d'euros par rapport à la prévision déterminée en LFI 1 ( * ) . Hors CAS pensions, les dépenses de personnel de la DGAC ont diminué de 0,7 %, pour s'établir à 907 millions d'euros.

Alors que le schéma d'emploi prévu pour le BACEA en LFI était égal à 0, il a été sur-exécuté à - 4 ETP. Cette situation s'explique par un volume de départs plus important que la prévision initiale et un report de certaines entrées lié au décalage des opérations de concours en 2021.

Comme au cours des gestions précédentes, des écarts significatifs entre les entrées et les sorties programmées et celles effectivement constatées ont été observés sur la gestion 2021. Ainsi, 338 sorties et 334 entrées ont eu lieu en 2020, alors que seules 229 entrées et sorties avaient été programmées. Bien que la crise sanitaire et le décalage des concours puissent expliquer une part de ces écarts, le rapporteur spécial note que cette situation illustre la nécessité d'améliorer la qualité de la programmation du schéma d'emploi , notamment car des écarts de cette nature sont constatés chaque année (écart de 42 ETP en 2020, de 101 ETP en 2019 et en 2018, de 161 ETP en 2017, de 84 ETP en 2016, etc.).

En 2021, pour tenir compte de la baisse du trafic aérien généré par la crise, l'entrée à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) par voie de concours a été délibérément restreinte par la DGAC. Seules deux promotions de nouveaux élèves ont été intégrées en 2021 contre quatre en 2020.

Dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », publié le 13 juin 2018 2 ( * ) , le rapporteur spécial avait souligné le besoin d'augmenter de façon mesuré le nombre de recrutements d'élèves contrôleurs aériens à l'ENAC pour faire face au déficit de capacités des services de la navigation aérienne. Certes la crise a conduit à relativiser dans l'immédiat ce déficit de capacités, néanmoins, le rapporteur spécial tient à rappeler que cinq années sont nécessaires pour former un contrôleur aérien. Il convient absolument de tenir compte de ce paramètre à l'heure de programmer les recrutements des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) dont il convient de maintenir un effectif suffisant de nature à absorber la reprise du trafic. Le tempo des décisions de recrutement est complexe et porte un risque élevé de se traduire par des évolutions d'effectifs à contretemps par rapport à celles du trafic.

Comme en 2020, en 2021, les mesures indemnitaires et statutaires se sont élevées à 2 millions d'euros.

L'année 2021 a notamment été marquée par des avancées concernant le programme de réorganisation des fonctions support de la DGAC. Cette réorganisation a pris la forme d'une mutualisation des moyens à travers la mise en place de huit secrétariats interrégionaux (SIR) et de quatre pôles nationaux achats. Cette nouvelle organisation est devenue effective à compter du 1 er janvier 2022.

3. Face à l'obsolescence des outils de contrôle de la navigation aérienne, la DGAC a augmenté ses dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement de la DGAC sont déterminantes dans la perspective de concrétiser l'ambition de « Ciel unique européen », nécessaire pour moderniser la gestion de l'espace aérien européen. Sur ce plan, comme il a pu le souligner dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial rappelle que la DGAC a accumulé un retard considérable dans la réalisation de son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne .

Pour parvenir à refaire son retard, la DGAC avait amorcé une hausse de ses dépenses d'investissement à compter de 2013. Cette trajectoire s'était interrompue en 2019 avant de repartir à compter de 2020. En 2021, la tendance à la progression des dépenses d'investissement s'est confirmée avec une légère hausse de 3 % les portant au-delà de la barre des 200 millions d'euros (204,2 millions d'euros).

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La très grande majorité de ces dépenses d'investissements (190,3 millions d'euros) est retracée sur le programme 612 « Navigation aérienne » et sert à financer les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4 Flight, Coflight, Sysat, etc.). Le rapporteur spécial note qu'en 2021, la DGAC a initié une expérimentation en réalisant une budgétisation distincte entre AE et CP pour quelques opérations d'investissement portées par le budget opérationnel de programme (BOP) n° 1 du programme 612.

Le coût des programmes de modernisation du contrôle aérien est significatif : un peu plus de 2 100 millions d'euros au total, dont plus de la moitié a déjà été dépensée effectivement.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2021 (en CP)

Coût total programme après 2021
(en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2025

642,5

207,7

850,2

Coflight

2003-2027

234,8

124,9

359,7

Sysat

2012-2032

82,0

348,0

430,0

Data Link

2006-2022

32,3

1,0

33,3

Erato

2002-2015

127,2

-

127,2

Autres programmes

-

145,8

166,5

312,3

Total

-

1 264,6

848,1

2 112,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces programmes ont pris un retard considérable et généré d'importants surcoûts. Le coût estimé de 4-Flight est ainsi passé de 450 millions d'euros en 2011 à 850 millions d'euros tandis que celui du système Coflight a évolué de 153 millions d'euros en 2003 à 360 millions d'euros.

Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial avait fait part de sa préoccupation quant à ces retards et à ces surcoûts . Il s'était interrogé sur la qualité de la programmation financière de la DSNA et sur la conduite globale de la modernisation de ses systèmes, menée par sa direction de la technique et de l'innovation (DTI). Un rapport d'inspection du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) était allé dans le même sens. Pour mettre en oeuvre les recommandations de ces rapports, la DSNA avait décidé de réformer la gouvernance et la gestion de ses grands programmes .

L'année 2021 a notamment été marquée par la mise en oeuvre, en octobre, des services Data Link . Le rapporteur spécial se félicite que cette évolution très attendue ait permis de clôturer 3 ( * ) la procédure d'infraction de la Commission européenne qui visait la France. Pour rappel, ladite procédure avait été initiée contre la France en janvier 2020 et avait atteint le stade de l'avis motivé en juillet 2021, dernière étape avant l'amorce d'une éventuelle phase contentieuse se traduisant par la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne par la Commission.

En 2021, la DSNA a décidé « d'accélérer » le déploiement du programme 4 Flight , qui avait d'ores et déjà pris beaucoup de retard, pour viser la mise à disposition d'une première version cible dite « de convergence » dans les cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA) d'ici 2026 . Le nouveau système 4 Flight a été installé au printemps 2022 dans le CRNA de Reims . Il est prévu qu'il soit ensuite déployé dans le centre d'Aix-en-Provence avant la fin de l'année 2022 puis à Athis-Mons en 2023.

S'agissant du programme SYSAT G1, la DSNA a décidé en 2021 de se concentrer sur l'aéroport d'Orly et de ne déployer le programme à Roissy-CDG que dans une seconde phase . Une nouvelle feuille de route dudit programme est ainsi en phase d'élaboration et son budget prévisionnel 2022 doit être actualisé.

Le rapporteur spécial se félicite que , depuis 2020, et contrairement à la période 2008-2013, les dépenses d'investissement du BACEA ne soient pas utilisées comme une variable d'ajustement budgétaire. Il reste néanmoins très préoccupé par le retard considérable pris par la modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne et restera très vigilant pour s'assurer de l'avancée concrète des programmes .

Le rapporteur spécial note avec intérêt qu'une révision des stratégies sectorielles de la DSNA a été initiée en 2021 par le nouveau directeur. Cette révision utile passe par un réexamen systématique de l'ensemble des projets d'investissement de la direction. Elle doit aboutir dans le courant de l'année 2022 à travers l'actualisation de la stratégie de la DSNA, et concerne en premier lieu les systèmes ATM 4 ( * ) , de gestion du trafic aérien, qui incluent notamment les grands programmes de modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne. Le rapporteur spécial sera attentif aux résultats de cette démarche qu'il considère opportune dans une perspective d'efficacité de la modernisation de ces outils qui doit enfin primer .

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Depuis 2017, le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Depuis le projet de loi de finances 2018, le programme 159 porte également les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD) 5 ( * ) . De 2018 à 2020, le programme a également porté les crédits relatifs au financement du soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS). À compter de 2021, ces crédits ont été transférés au programme 305 « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Économie ».

Sur le programme, la LFI pour 2021 avait autorisé des crédits à hauteur de 482 millions d'euros (AE = CP), en réduction de 4,8 % et 25 millions d'euros par rapport aux crédits autorisés par la LFI pour 2020 (507 millions d'euros). La mise en réserve initiale de 6 millions d'euros a été intégralement annulée. La totalité des crédits disponibles sur le programme 159 en 2021 atteignait 479 millions d'euros. La consommation effective des crédits s'est établie à 478 millions d'euros, soit un pourcentage d' exécution proche de 100 %.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2021

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2021

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

481,9

0,1

- 6,0

2,7

0,1

478,7

477,7

99,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. La contraction des moyens de Météo-France semble atteindre ses limites

Sur la période 2018-2022, la trajectoire budgétaire de Météo-France est strictement encadrée par un contrat budgétaire signé en juin 2019 avec la direction du budget (DB). Ce contrat dérive lui-même de la trajectoire définie par la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. S'il a donné une visibilité indispensable à un établissement engagé dans une profonde transformation et dans le renouvellement de sa puissance de calcul, il n'en reste pas moins exigeant en ce qui concerne les trajectoires de baisse de la subvention pour charges de service public (SCSP), de réduction de la masse salariale et le schéma d'emploi pluriannuel de l'opérateur.

La SCSP effectivement versée à Météo France s'est établie à 176,4 millions d'euros, en baisse de 2,5 % par rapport à 2020. Elle a été complétée par une dotation d'investissement de 8,3 millions d'euros dédiée au financement des nouveaux supercalculateurs.

Évolution de la SCSP versée à Météo-France (2012-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial note que la SCSP de Météo-France poursuit sa baisse régulière et continue . Entre 2013 et 2021, elle se sera ainsi rétractée de 17 %.

En 2021, l'opérateur Météo France a tenu le schéma d'emploi auquel il s'était engagé dans son contrat budgétaire avec un effort réalisé à hauteur de - 95 ETP . Toutefois, l'établissement public a dépassé son plafond d'emploi à hauteur de 18,5 ETPT dans la mesure où, pour certains postes sensibles et indispensables pour assurer la continuité des missions de sécurité des personnes et des biens, l'opérateur a géré le remplacement de certains départs en veillant à assurer une phase de transfert de compétence. Les stocks accumulés de jours de CET ont aussi rendu nécessaire le remplacement de certains agents avant la date de leur radiation des cadres. Face à cette insuffisante précision dans le pilotage de ses effectifs, Météo-France a mis en place, à compter de 2022, une nouvelle procédure plus centralisée.

En 2021, Météo-France comptait ainsi 2 659 ETP sous plafond et 63 ETP hors plafond. Les possibilités des emplois hors plafond de l'établissement ont été nettement sous-exécutées en 2021 (la LFI autorisait 90 ETP hors plafond) du fait de restrictions réglementaires qui, pour répondre à la commande d'une entité publique, conditionnent ce type de recrutements à la publication d'un appel d'offre, les contrats dits « in house », pouvant déroger aux règles de la commande publique, ne permettant pas actuellement de réaliser de tels recrutements.

Évolution du plafond d'emploi fixé à Météo-France (2012-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 10 ans, le plafond d'emploi de l'établissement s'est contracté de 23 % . Conséquence logique de cette tendance, la masse salariale de l'opérateur reste orientée à la baisse (- 1,4 %) pour s'établir à 240,7 millions d'euros. En 10 ans, elle a diminué de 10 % . De 62,3 % en 2021, sa part dans les dépenses totales de l'établissement est elle aussi orientée à la baisse.

Évolution du plafond d'emploi fixé à Météo-France (2012-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa SCSP se sont inscrits dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial . Entamée en 2012, cette restructuration doit conduire à une contraction de 66 % des implantations territoriales de Météo-France à horizon 2022.

En février 2021, les deux nouveaux supercalculateurs de Météo-France ont été mis en service et l'année 2021 a été marquée par les débuts de leur utilisation en conditions opérationnelles. Installés dans le cadre du plan « Calcul 2020 », ils ont permis d'accroître la puissance de calcul de l'établissement par un facteur 5,5. Le rapporteur spécial se félicite de la réussite technique de ce programme qui permettra à l'opérateur d'améliorer la qualité de ses modèles de prévision numérique du temps.

Afin de contribuer au financement des nouveaux supercalculateurs, Météo-France a pu bénéficier, entre 2019 et 2022, d'une dotation complémentaire à sa SCSP. À ce stade, à l'issue du contrat budgétaire qu'il avait conclu avec la DB, l'opérateur ne dispose d'aucune visibilité au-delà de l'exercice 2022 . Or, seuls 56 % des coûts des nouveaux supercalculateurs auront été financés à cette échéance . 61 millions d'euros resteront à financer pour la période 2023-2025.

Aussi, et afin de prévenir le risque d'un effet d'éviction sur les autres dépenses d'investissement de l'opérateur qui sont d'ores et déjà dimensionnées à leur minimum, le rapporteur spécial appelle l'État à sécuriser le financement des nouveaux supercalculateurs jusqu'au terme de leur contrat d'exploitation, en 2024.

Alors que la course à la puissance de calcul bat son plein en Europe et dans le monde et que certains des homologues de Météo-France ont déjà annoncé des investissements importants, il est déjà temps de s'interroger sur le renouvellement des supercalculateurs de l'opérateur national à horizon 2025 . Une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul est envisagée tandis que des évolutions techniques promettent d'accroître significativement le coût d'une telle opération. Le nouveau plan « calcul 2025 » pourrait ainsi coûter environ 330 millions d'euros , contre 144 millions d'euros pour le plan « calcul 2020 ». Une étude de la société Citizing de septembre 2021 portant sur « l'évaluation socioéconomique du renouvellement des supercalculateurs de Météo-France en 2025 » estime cependant qu'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul pourrait générer des gains socioéconomiques de l'ordre de 1,4 milliard d'euros pour une valeur actuelle nette d'environ 1,1 milliard d'euros, soit un retour sur investissement proche de cinq euros pour un euro investi.

Le rapporteur spécial considère qu' il est impératif que les besoins de renouvellement de la puissance de calcul du service météorologique national français soient rapidement spécifiés et que des modalités de financement puissent être déterminées.

Dans le cadre du processus d'ouverture des données publiques, Météo-France doit réaliser des investissements conséquents pour mettre en ligne de grandes quantités de ses données. L'opérateur estime que les coûts de ces investissements pourraient se situer entre 0,6 et 1,4 million d'euros annuels. Les baisses de recettes résultant de l'extinction des redevances de réutilisation sont quant à elles estimées à environ 1,4 million d'euros. Le cumul des pertes de recettes et des hausses de dépenses pourrait ainsi atteindre 3 millions d'euros à horizon 2025. Alors que le Gouvernement a annoncé travailler sur un mécanisme de cette nature, le rapporteur spécial plaide pour que l'État compense une partie de ces surcoûts .

Alors que les exigences à l'égard de Météo-France se renforcent à mesure que les effets des dérèglements climatiques deviennent plus concrets, plus graves et plus fréquents, l'opérateur a convenu en 2021, avec ses tutelles, d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance pour la période 2022-2026. Comme il a pu l'exposer dans son rapport d'information du 22 septembre 2021 « temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique » 6 ( * ) , le rapporteur spécial estime que ce nouveau COP fixe des priorités pertinentes et une ambition bienvenue . La réalisation de ce COP est conditionnée à une stabilisation des moyens et des effectifs de l'opérateur sur toute la période du contrat. Aussi, à l'issue du contrat budgétaire de Météo-France, le rapporteur spécial appelle-t-il à desserrer la contrainte budgétaire qui a pesé pendant de nombreuses années sur l'établissement.

2. L'IGN révolutionne son modèle économique

En 2021, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) a perçu 85 millions d'euros en provenance du programme 159 au titre de sa SCSP , soit une baisse de 1,6 % par rapport à 2020. À cette SCSP dite « historique » est venue s'ajouter, toujours sur des crédits du programme 159, une dotation exceptionnelle de 3 millions d'euros destinée à accompagner la migration informatique du Géoportail.

Les dotations versées à l'IGN via le programme 159 se répartissent entre deux sous-actions de l'action 12 « Information géographique et cartographique ». La sous-action 12-1 « Production de l'information géographique » contribue aux missions de production d'information géographique et cartographique de l'institut. Elle a été dotée de 75 millions d'euros en 2021. La sous-action 12-2 « Recherche dans le domaine de l'information géographique » s'est quant-à-elle vue dotée de 13 millions d'euros en 2021. Elle est dédiée aux activités de recherche et de formation que l'IGN conduit notamment au sein de son école nationale des sciences géographiques (ENSG) et de ses laboratoires de recherche.

En 2021, les emplois sous plafond de l'IGN ont représenté 1 381 ETPT. L'établissement a sur-exécuté de 1 ETP (- 37 ETP) le schéma d'emploi qui lui avait été fixé en 2021 .

Depuis la fin de l'année 2020, l'IGN est doté d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance pour la période 2020-2024. Il vise notamment à faire de l'IGN l'opérateur national de référence en matière de données géolocalisées souveraines et la pièce maîtresse de l'État plateforme pour l'information géolocalisée. Cette impulsion s'inscrit notamment dans la nouvelle stratégie des « géocommuns » , présentée par son directeur général, Sébastien Soriano, en novembre 2021, et à travers laquelle l'institut a l'ambition de devenir un acteur fédérateur de ce nouvel écosystème. Pilotée par l'IGN, le programme « géoplateforme » , qui doit permettre de développer un outil public commun pour le partage des données, constitue un rouage essentiel du dispositif.

L'IGN est particulièrement concerné par la politique d'ouverture et de gratuité des données publiques. Au sein de l'établissement, ce processus a été accéléré en 2021 suite à la décision de mettre en oeuvre la mise à disposition libre et gratuite de ses grandes bases de données avec une année d'avance, dès le 1 er janvier 2021, mettant ainsi un terme aux licences payantes sur les données publiques de l'opérateur.

À travers les évolutions décrites supra , l'IGN a engagé une véritable révolution de son modèle économique en renonçant à une politique commerciale construite sur la recherche de multiples prestations au profit d'un modèle fondé sur la participation à de grands projets, portés par des donneurs d'ordre publics et destinés à accompagner la mise en oeuvre de grandes politiques publiques . Ces grands projets donnent lieu à d'importants flux financiers émanant du budget de l'État hors SCSP. Aujourd'hui, en termes de flux financiers additionnels à la SCSP, les deux principaux ministères ayant contracté avec l'IGN sont le ministère des armées et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Par ailleurs, l'opérateur s'emploie à rechercher la participation financière des collectivités territoriales pour contribuer à certains de ses grands programmes à dimension nationale.

En parallèle de cette révolution, l'IGN vit également une transformation profonde de sa vocation et de sa raison d'être, évoluant d'un établissement de production de données vers une mission davantage tournée vers l'expertise de la donnée géolocalisée souveraine, le pilotage et la coordination de l'écosystème national de la donnée géolocalisée.

2021 a constitué un point de bascule dans la transition du modèle économique de l'établissement puisque, pour la première fois, ses ressources propres sont devenues majoritaires au sein du total de ses ressources. Ces ressources propres sont tirées par les grands projets de l'IGN réalisés pour le compte de donneurs d'ordre publics, et plus particulièrement par les crédits versés dans le cadre du programme LIDAR HD 7 ( * ) . Ainsi, comme l'illustre le graphique ci-après, en 2021, la SCSP de l'IGN n'a plus représenté qu'environ 46 % du total de ses ressources (185 millions d'euros).

Évolution de la part de la SCSP dans les ressources de l'IGN (2016-2021)

Source : commission des finances du Sénat

Les transformations de l'établissement et sa nouvelle stratégie ont également de profondes répercussions en matière de ressources humaines . Nombre de ses métiers ont vocation à évoluer et l'IGN doit développer et attirer de nouvelles compétences en exploitant son potentiel interne mais aussi en attirant de nouveaux profils venus de l'extérieur. Pour ce faire, la direction de l'IGN a lancé un nouveau programme de recrutement visant à attirer 150 nouveaux profils d'ici 2024 dans les domaines des sciences de la donnée, de l'intelligence artificielle, de l'altimétrie 3D, de la géovisualisation, des métiers du collaboratif ou encore de la conduite de projets complexes. Ce programme de recrutement, qui concerne des métiers et des compétences en tension sur le marché de l'emploi, est conditionné par des enjeux d'attractivité sur lesquels travaille actuellement l'établissement.

3. La sévère contraction des moyens du Cerema s'est poursuivie en 2021 tandis que la loi « 3DS » a tracé la voie d'un nouveau modèle économique pour l'opérateur

La SCSP effectivement perçue par le Cerema en 2021 s'est élevée à 191,5 millions d'euros , soit 20,6 millions d'euros de moins qu'en 2020, année au cours de laquelle cette subvention avait été complétée d'une aide exceptionnelle de 2 millions d'euros, de la levée de la réserve de précaution et d'une ouverture de crédits de 11,6 millions d'euros destinée à solder les arriérés fiscaux des anciens centres d'études techniques de l'équipement (CETE). La SCSP du Cerema poursuit ainsi sa diminution rapide et continue . Entre 2014 et 2021, elle s'est ainsi rétractée de 15 %.

Évolution de la SCSP du Cerema (2014-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le Cerema reste également confronté à une baisse rapide et régulière de ses effectifs . En 2021, le nombre de ses emplois sous plafond s'est de nouveau réduit de 67 ETPT pour s'établir à 2 470 ETPT. Le rythme de réduction des effectifs n'a été que légèrement infléchi par rapport aux efforts réalisés les dernières années sur une base annuelle de 105 ETPT supprimés.

Le rapporteur spécial constate que le schéma d'emplois 2021, légèrement assoupli du fait de la sur-exécution du schéma en 2020, a conduit à une diminution de 74 ETP, contre 87 ETP prévus initialement. Il se félicite que la direction du budget (DB) ait accordé cette souplesse à l'établissement, prenant en compte une problématique à propos de laquelle il avait alerté le Gouvernement à l'occasion de son rapport budgétaire portant sur le projet de loi de finances initiale pour 2022 . Il notait ainsi que l'établissement avait sur exécuté par le passé les schémas d'emplois qui lui avaient été imposés. C'est-à-dire qu'il a procédé à plus de suppressions d'effectifs que ce qui lui était demandé. Pour autant, dans la mesure où le schéma d'emplois s'impute sur les ETP exécutés et non sur le plafond d'emploi théorique, le Cerema s'est ainsi retrouvé pénalisé, ses efforts de rationalisation complémentaires n'étant pas pris en compte pour aménager la chronique des schémas d'emplois.

Évolution du plafond d'emploi du Cerema et de son exécution (2015-2021)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial note que le Cerema est partie prenante du plan de relance à travers le pilotage du « programme national ponts » et la gestion du dispositif « sentiers du littoral » ainsi que de l'appel à projets rénovation énergétique des bâtiments publics. Pour ces trois projets, en 2021, le Cerema a perçu un peu plus de 13 millions d'euros.

Les revenus d'activité du Cerema ont été particulièrement dynamiques en 2021 , atteignant 44,4 millions d'euros, en progression de 32 % sur un an et supérieur de 10 % aux prévisions initiales. Le rapporteur spécial note que l'établissement tient le rythme de son objectif ambitieux d'augmenter significativement les ressources propres qu'il tire de son activité auprès des collectivités locales .

L'appui à l'adaptation des territoires au changement climatique a été inscrit comme la priorité du nouveau plan d'affaires de l'établissement. Le rapporteur spécial estime que cette stratégie va dans le bon sens . Toutefois, le rapporteur spécial note également que demander à l'établissement d'accroître ses ressources propres tout en lui imposant des trajectoires budgétaires si rigoureuses peut, dans une certaine mesure, être interprété comme une forme d'injonction contradictoire .

Le rapporteur spécial est notamment particulièrement préoccupé par le niveau très insuffisant des dépenses d'investissement de l'établissement. Celles-ci se sont limitées à 7,6 millions d'euros en 2021. Cette situation, génératrice d'obsolescence de ses outils techniques, obère les perspectives de l'opérateur et fait peser un risque majeur sur la préservation de ses capacités de production et d'expertise.

En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 8 ( * ) a dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cérema, estimant que la trajectoire financière et budgétaire actuelle de l'établissement « engage son pronostic vital » . Le rapport a notamment pointé ce déficit chronique d'investissement le jugeant « très préoccupant » et loin des 14 millions d'euros annuels qu'il estime nécessaires pour préserver la capacité de production du Cerema et prévenir son déclassement technique.

Pour le Cerema, l'année 2021 a été marquée par l'adoption d'un nouveau projet stratégique (2021-2023) et d'un contrat d'objectifs et de performance signé le 7 octobre 2021.

Elle a aussi et surtout amorcé la perspective d'une profonde transformation du modèle économique du Cerema . Cette transformation est contenue dans l'article 159 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3 DS » 9 ( * ) . Pour renforcer ses liens avec les collectivités territoriales et mieux répondre à leurs besoins, la disposition législative prévoit de faire de l'établissement un véritable outil commun entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique de quasi régie conjointe . Alors que dans le texte initial le Gouvernement prévoyait de concrétiser cette évolution par ordonnance, le Sénat a proposé d'inscrire cette réforme directement dans le texte de loi . Grâce à cette évolution normative, le Cerema a l'ambition d'accompagner 500 collectivités par an via ses services d'ingénierie territoriale.

Le rapporteur spécial suivra avec attention la mise en pratique de cette quasi régie conjointe et de ses répercussions sur le modèle économique et la soutenabilité budgétaire du Cerema.


* 1 18 millions d'euros de crédits de titre 2 ont ainsi été annulés en cours d'année tandis que 0,7 million d'euros ont fait l'objet d'une fongibilité asymétrique.

* 2 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

* 3 En date du 9 février 2022.

* 4 Air traffic management.

* 5 Précédemment portés par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

* 6 Rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent CAPO-CANELLAS, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021.

* 7 24,3 millions d'euros attendus dans le cadre du projet LIDAR HD financé par une subvention du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) et des crédits issus du plan de relance.

* 8 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.

* 9 Le décret n° 2022-897 du 16 juin 2022 modifiant le statut du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement a été pris en application de cette disposition législative.

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