N° 105

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à mettre l' administration au service des usagers ,

Par Mme Brigitte LHERBIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

76 (2020-2021) et 106 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le 27 octobre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de Brigitte Lherbier (Les Républicains - Nord) sur la proposition de loi n° 76 (2020-2021) visant à mettre l'administration au service des usagers déposée par Dany Wattebled (Les Indépendants - République et territoires - Nord), inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du Groupe Les Indépendants - République et territoires.

Cette proposition de loi se place dans le fil de la réforme de 2013 qui a inversé le sens jusque-là donné au silence de l'administration en instituant le principe selon lequel ce « silence vaut acceptation » (SVA). Si cette réforme a bien permis l'augmentation du nombre des procédures effectivement concernées par le SVA, force est de constater que l'intelligibilité du droit positif a été la victime collatérale de ce développement.

Considérant que « le principe général du SVA est un système vertueux » qui « est affaibli par de très nombreuses exceptions d'origine réglementaire », la proposition de loi tend à apporter plusieurs modifications techniques au régime des décisions implicites de l'administration prévu par le code des relations entre le public et l'administration, dont la suppression d'une des bases légales permettant les exceptions d'origine réglementaire au SVA.

À l'issue de ses travaux, la commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi . En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat .

I. LA DÉCISION IMPLICITE DE REJET : UNE SOLUTION INSTINCTIVE EN L'ABSENCE DE RECOURS EN CARENCE

A. LES DÉCISONS IMPLICITES : UNE FICTION JURIDIQUE RENDUE NÉCESSAIRE PAR L'ABSENCE DE RECOURS EN CARENCE DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF

Le juge administratif a très tôt reconnu qu'une abstention de l'administration pouvait être qualifiée de fautive et être à même d'engager sa responsabilité dans le cadre d'un recours de plein contentieux 1 ( * ) . En revanche, le juge administratif n'a pas fait émerger de recours « en carence », c'est-à-dire de recours objectif permettant de constater l'illégalité d'une absence d'acte réglementaire ou de décision individuelle lorsque l'autorité n'épuise pas sa compétence.

Or, cette absence de recours est préjudiciable pour l'usager lorsqu'il formule une demande à bon droit auprès d'une administration et que celle-ci refuse d'y répondre.

Afin de pallier cette difficulté, le juge administratif a créé au XIXème siècle le concept de décision implicite 2 ( * ) . Il s'agit d'une fiction juridique par laquelle le silence gardé par une administration, à la suite d'une demande, est réputé créer, à l'issue d'un délai déterminé, une décision d'acceptation ou de refus de la part de l'administration.

Cette décision n'est pas formulée par l'administration qui est présumée l'avoir prise, elle n'est pas davantage notifiée (elle est d'ailleurs dépourvue d' instrumentum) , mais elle suit alors le même régime qu'une décision explicite et peut, le cas échéant, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

Le domaine d'application des lois est un exemple éclairant. Alors que le Premier ministre est tenu de publier les décrets d'application d'une loi dans un délai raisonnable, en vertu de l'article 21 de la Constitution 3 ( * ) , il n'est pas possible de saisir directement le juge administratif en l'absence desdits décrets. Une personne qui souhaite obtenir la publication de ces décrets doit, dans un premier temps, formuler une demande en ce sens au Premier ministre. Ce n'est que, dans un second temps, que cette personne pourra saisir le juge administratif en cas de refus implicite ou explicite du Premier ministre d'accéder à sa demande.

Cette procédure est parfois qualifiée de recours en carence mais ce qualificatif est erroné puisque le recours porte sur le refus de faire cesser l'absence de décret et non sur l'absence de décret elle-même.


* 1 Voir, récemment, Conseil d'État, 6 décembre 2019, n° 417167.

* 2 Voir, notamment, Conseil d'État, 28 janvier 1864, Anglade.

* 3 Voir, notamment, Conseil d'État, 1964, Veuve Renard.

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