II. LA FRILOSITÉ DU JUGE ADMINISTRATIF POUR RECONNAÎTRE UN INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES EN CAS DE REFUS DE PRENDRE UN RÈGLEMENT D'APPLICATION OU DE CONTESTER UNE ORDONNANCE

A. L'EXISTENCE D'UNE PROCÉDURE EN CARRENCE EN CAS D'ABSENCE DE RÈGLEMENT D'APPLICATION PRIS DANS UN DÉLAI RAISONNABLE

Alors qu'il n'existe pas de mécanisme institutionnel permettant au Parlement d'obtenir la publication d'instruments d'application manquant, le juge administratif a reconnu cette faculté aux justiciables, sous certaines conditions.

Le Conseil d'État considère de longue date que l'absence de publication d'instruments d'application dans un délai raisonnable constitue la méconnaissance d'une obligation permettant d'engager la responsabilité de l'État. Ainsi, en 1964, la décision du Conseil d'État « Veuve Renard » condamne pour la première fois l'État à une indemnité réparatrice du préjudice causé par un retard de 13 ans dans l'édiction de règlements d'application d'un décret 7 ( * ) .

Le Conseil d'État a également jugé illégal le refus du Premier ministre de prendre un décret d'application qui n'était pas explicitement prévu par la loi mais qui était, dans les faits, nécessaire à son entrée en vigueur :

« Considérant que, si le décret du 19 décembre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance du 15 juin 1945 au ministère de la production industrielle n'a pas défini les modalités de reclassement des candidats empêchés d'accéder aux services publics et issus d'un concours normal, cette circonstance ne saurait avoir pour effet de priver le requérant de bénéficier des dispositions de l'ordonnance du 15 juin 1945 qui lui sont applicables ; qu'il incombe seulement à l'autorité compétente de prendre les dispositions réglementaires nécessaires pour l'application de ladite ordonnance aux agents intéressés. » 8 ( * )

En 2000, le Conseil d'État a précisé que « l'exercice du pouvoir réglementaire comporte, non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle » 9 ( * ) .

Lorsqu'il juge qu'un refus d'adoption d'une mesure d'application est illégal, le Conseil d'État utilise également le pouvoir d'injonction qu'il détient depuis la loi 8 février 1995 10 ( * ) afin d'obtenir de l'administration la publication des règlements manquants 11 ( * ) .


* 7 CE, 27 novembre 1964, Dame veuve Renard. En l'espèce, l'absence d'application concernait un décret et non une loi.

* 8 CE, 13 juillet 1962, Sieur Kevers-Pascalis.

* 9 CE, 28 juillet 2000, France nature environnement.

* 10 Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

* 11 Exemple de la décision du Conseil d'État du 25 octobre 2017 n° 405239.

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