G. LES AUTRES OUVERTURES DE CRÉDIT SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

1. Des aides d'urgence sont apportées aux personnes précaires ou fragiles dont la situation a été menacée par la crise
a) Le soutien à l'hébergement dans la mission « Cohésion des territoires »

Le projet de loi de finances rectificative ouvre 286,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur la mission « Cohésion des territoires », dont 200 millions d'euros afin de tirer les conséquences de la crise sanitaire sur les dépenses d'hébergement du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ».

Ces dépenses comprennent la prolongation de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet, le financement de centres d'hébergement spécialisés (CHS) pour l'accueil de personnes atteintes de covid, des ouvertures supplémentaires de places d'hébergement et la distribution de chèques services à destination des personnes sans abri pour leurs dépenses d'alimentation et d'hygiène pendant la crise sanitaire.

Sur la même mission, 86,5 millions d'euros sont ouverts sur le programme 147 « Politique de la ville » dans le cadre du dispositif « vacances apprenantes » (voir supra ).

En revanche, le dispositif des aides personnelles au logement (APL), porté par le programme 109, pour un montant de crédits en loi de finances initiale de 12,0 milliards d'euros, ne fait toujours pas l'objet d'une ouverture de crédits .

Or la budgétisation initiale de ce dispositif était fondée sur l'hypothèse de la mise en application le 1 er avril 2020 d'un nouveau mode de calcul des aides, entrainant une diminution de leur coût 62 ( * ) . Cette réforme a été repoussée d'au moins 6 mois, ce qui devrait représenter un besoin de dépense supplémentaire de 600 millions d'euros .

Même dans l'hypothèse où cette réforme serait effectivement mise en oeuvre à l'automne, ce chiffrage est certainement sous-estimé car il faut lui rajouter la demande supplémentaire, non encore chiffrable, résultant des nouvelles demandes d'aide au logement présentées par les personnes dont la situation se dégradera certainement en conséquence de la crise économique.

b) Les dispositifs d'aide aux personnes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Plusieurs dispositifs d'aide aux personnes sont financés par des ouvertures de crédits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », principalement sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ».

Une ouverture de crédits de 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement permet de financer une aide exceptionnelle de 200 euros à 400 000 jeunes de moins de 25 ans, non étudiants et bénéficiant d'une aide au logement. Cette enveloppe s'ajoute à celle de 880 millions d'euros ouverte par la deuxième loi de finances rectificative sur le même programme afin de financer une aide exceptionnelle de solidarité destinée aux familles les plus modestes.

Sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement ouvrant 94 millions d'euros de crédits supplémentaires, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme précité 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », afin de prendre en charge une partie des dépenses des associations qui se consacrent à l' aide alimentaire , sur l'ensemble de l'année 2020.

Le surcoût occasionné pour les départements jusqu'à la fin de l'année en cours par la prise en charge des jeunes au titre de l' aide sociale à l'enfance (ASE) fait également l'objet d'une ouverture de crédits de 50 millions d'euros sur le même programme, par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

Enfin, la période du confinement a eu pour conséquence une recrudescence de 30 à 40 % des signalements d'actes de violence conjugale . Des crédits de 4 millions d'euros sont ouverts en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » afin de financer, d'une part, des associations d'aide aux victimes de violences conjugales et, d'autre part, l'accompagnement et l'hébergement des auteurs de violences conjugales éloignés du foyer afin de protéger leurs victimes.

c) L'aide d'urgence aux jeunes précaires

Une autre aide est financée par une ouverture de crédits de 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 231 « Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cette aide est destinée aux étudiants ayant perdu un stage ou emploi rémunéré du fait de la crise sanitaire, ainsi qu'aux étudiants ultramarins qui, pour la même raison, n'ont pas pu rejoindre leur domicile.

Des crédits sont également ouverts sur le même programme :

- à hauteur de 30 millions d'euros , pour permettre de prolonger au mois de juillet le versement de bourses sur critères sociaux à des étudiants dont les concours ou examens sont repoussés au-delà du 30 juin ;

- à hauteur de 45 millions d'euros , pour compenser la perte de loyers subie par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) en raison du départ d'étudiants pendant la crise.

d) L'indemnisation des professionnels de santé

L'Assemblée nationale a adopté, sur la proposition du Gouvernement, un amendement ouvrant des crédits de 5 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Ces crédits financent la mise en oeuvre de l'article 24 du présent projet de loi de finances rectificative, qui prévoit l'indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2 et ne bénéficiant pas d'une couverture obligatoire au titre des risques « accidents du travail » et « maladies professionnelles ». Ils devraient ainsi bénéficier de la même indemnisation que les autres professionnels de santé relevant du régime général ou des régimes de la fonction publique.

2. Une aide de 155 millions d'euros en crédits budgétaires est apportée aux Français de l'étranger et au réseau d'enseignement français à l'étranger

Le projet de loi de finances rectificative demande l'ouverture de 155 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur la mission « Action extérieure de l'État ».

En premier lieu, un montant de 50 millions d'euros est ouvert sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » afin que l' Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) puisse venir en aide aux établissements qui en auront besoin , quel que soit leur statut. À ces 50 millions d'euros s'ajoutent 50 millions d'euros d'avances remboursables de l'Agence France Trésor 63 ( * ) .

Cette ouverture de crédits diffère de ce qui avait été annoncé le 30 avril 2020 par le Gouvernement 64 ( * ) , qui prévoyait 100 millions d'euros en avances remboursables pour l'AEFE mais pas d'ouvertures de crédits. La transformation de la moitié des avances remboursables en subvention est une bonne nouvelle pour l'Agence.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, a complété de 5 millions d'euros les crédits ouverts sur ce programme afin de soutenir Atout France, opérateur chargé du tourisme, et de l'aider à accompagner la reprise dans ce secteur.

Enfin s'ajoute, comme cela était prévu dans les annonces précitées, une ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la même mission, dont 50 millions d'euros pour augmenter l'enveloppe des bourses scolaires et 50 millions d'euros pour financer des aides sociales d'urgence en faveur des Français de l'étranger.

3. Le soutien aux collectivités territoriales est de 2,1 milliards d'euros sur les crédits du budget général et les prélèvements sur recettes

Le Gouvernement a annoncé le 29 mai dernier un plan de mesures d'urgence en faveur des collectivités territoriales , doté de 4,5 milliards d'euros 65 ( * ) , repris dans l'exposé général du présent projet de loi de finances rectificative.

Les mesures affectant le budget général de l'État inscrites dans le présent projet de loi de finances rectificative en faveur des collectivités territoriales sont de 2,1 milliards d'euros , dont 1 milliard d'euros de crédits budgétaires et 1 067,9 millions d'euros résultant d'une augmentation du prélèvement sur recettes à destination des collectivités territoriales :

- une enveloppe de crédits de 1 milliard d'euros est ouverte, uniquement en autorisations d'engagements, sur le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leur groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ces crédits doivent abonder la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dont le montant était de 0,6 milliard d'euros en loi de finances initiale, afin d'aider les collectivités territoriales à s'engager dans des projets locaux, notamment dans le cadre de la résilience sanitaire, de la transition écologique et de la rénovation du patrimoine public ;

- l' article 5 du projet de loi de finances rectificative institue dans sa version initiale, sous forme de prélèvement sur les recettes de l'État, une dotation tendant à compenser les pertes de recettes fiscales des communes et intercommunalités (voir infra ), pour un coût budgétaire estimé de 750 millions d'euros, dont 500 millions d'euros au titre de 2020. Plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont eu pour effet d'augmenter cette dotation de 492,9 millions d'euros supplémentaires, dont 425 millions d'euros au titre de l'extension du bénéfice de ce prélèvement à l'établissement public Île-de-France Mobilités ;

- l'a rticle 6 crée également, en faveur des collectivités d'outre-mer , un nouveau prélèvement sur recettes tendant à compenser les pertes de recettes d'octroi de mer et de taxe spéciale de consommation constatées en 2020 du fait de la crise sanitaire, pour un montant de 60 millions d'euros ;

- l' article 6 bis , introduit par l'Assemblée nationale, institue une dotation destinée à compenser, pour la collectivité de Corse , la perte de certaines recettes en 2020 résultant des effets de la crise sanitaire et économique due à l'épidémie de covid-19, pour un montant de 8 millions d'euros ;

- enfin l' article 7 bis , également introduit par l'Assemblée nationale, crée une dotation poursuivant le même objectif au bénéfice des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna , pour un montant de 7 millions d'euros .

Le montant de 4,5 milliards d'euros annoncé par le Gouvernement correspond en fait, pour plus de la moitié, à une mesure de trésorerie à destination des départements et autres collectivités de niveau département (Ville de Paris et métropole de Lyon). Une ouverture de crédits de 2 milliards d'euros sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » permet d'accorder à ces collectivités des avances, qui auront vocation à être remboursées en 2021 et 2022, afin de les aider à absorber les pertes de recettes subies au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Cette ouverture de crédit fait l'objet de la création d'un programme 834 nouveau « Avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux destinées à soutenir les départements et d'autres collectivités affectés par les conséquences économiques de l'épidémie de covid-19 », représentant une section nouvelle au sein du compte de concours financiers. Une ouverture de crédits supplémentaires de 700 millions d'euros est d'ores et déjà prévue sur ce programme en 2021.

4. Un déblocage de crédits non répartis a apporté les moyens nécessaires pour l'acquisition de stocks de masques

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », qui fait l'objet dans le présent projet de loi de finances rectificative d'une ouverture de crédits ayant pour objet le soutien à la filière aéronautique (voir supra ), a également, après la promulgation de la dernière loi de finances rectificative, fait l'objet d'une ouverture de crédits de 284,2 millions d'euros prélevés par un décret du 18 mai 2020 66 ( * ) sur l'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission « Crédits non répartis ».

Selon le rapport relatif à ce décret, ces crédits ont financé l'achat de masques textiles à usage non sanitaire par le ministère de l'économie et des finances, pour répondre aux mesures de prévention imposées par la crise sanitaire liée au covid-19.

L'enveloppe des dépenses accidentelles et imprévisibles, qui avait fait l'objet d'un nouvel abondement à hauteur de 1,6 milliard d'euros par la deuxième loi de finances rectificative, a ainsi servi à couvrir les besoins importants en masques à la sortie de la période de confinement.

5. Certaines mesures sans lien avec la crise sanitaire sont insérées dans le projet de loi de finances rectificative

Certaines mesures ont aussi été insérées dans le projet de loi de finances rectificative, soit dans sa version initiale, soit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, alors qu'elles n'ont pas de lien avec la crise sanitaire.

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, augmente ainsi de 100 millions d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » afin d'assurer le versement, jusqu'à la fin de l'année, de la nouvelle aide « Ma Prime Rénov' » qui remplace le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et le programme « Habiter Mieux Agilité » de l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH).

Selon le Gouvernement, le succès rencontré par ce dispositif, doté de 390 millions d'euros en loi de finances initiale, nécessiterait cette ouverture de crédits. Force est toutefois de constater que, à la mi-juin, moins de 50 000 dossiers avaient été déposés 67 ( * ) pour un objectif annuel initial de 200 000 dossiers . Le rapporteur général de l'Assemblée nationale considérait également, lors de l'examen de la loi de règlement pour 2019 que l'objectif du versement de 200 000 primes en 2020 était compromis 68 ( * ) . La consommation des crédits ainsi ouverts supposerait probablement que le montant versé pour chaque prime soit plus élevé que le montant initialement prévu.

Sur le programme 336 « Dotation du Mécanisme européen de stabilité » de la mission « Engagements financiers de l'État », une ouverture de crédits de 98 millions d'euros permet de rétrocéder au Mécanisme européen de stabilité (MES) les intérêts perçus sur les dépôts effectués par lui auprès de la Banque de France. Le MES est un dispositif européen qui apporte une aide financière aux États membres connaissant ou risquant de connaître de graves problèmes de financement.

Cette mesure n'a guère de lien avec les conséquences de la crise sanitaire . C'est au contraire une pratique récurrente du Gouvernement, très critiquée par le rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Lors de l'analyse de l'exécution budgétaire de 2018, on avait ainsi regretté qu'un décret ait dû être pris le 26 décembre 2018 pour ouvrir des crédits, à hauteur de 100 millions d'euros, sur la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), en recourant au programme « dépenses accidentelles et non prévisibles » de la mission « Crédits non répartis ».

Or, ces dépenses sont loin d'être imprévisibles : elles sont liées à un engagement de la France de rétrocéder au MES les intérêts perçus par la Banque de France sur les dépôts de celui-ci placés auprès d'elle, le taux d'intérêt de la facilité de dépôt étant aujourd'hui négatif. Cet engagement est conditionné à un engagement réciproque de l'Allemagne 69 ( * ) .

Le Gouvernement refuse pourtant d'ouvrir les crédits dès la loi de finances initiale en expliquant qu'à ce moment-là, l'Allemagne n'a pas encore formalisé officiellement son engagement à faire de même pour l'année en cours.

La loi de finances rectificative pour 2019 a ouvert 2,5 millions d'euros de crédits pour assurer la compensation intégrale des rétrocessions dues au titre de l'année 2018 (102,5 millions d'euros). La troisième loi de finances rectificative pour 2020 est l'occasion de réaliser la même opération pour les rétrocessions dues au titre de l'année 2019 : dans ce cas également, aucune ouverture n'était prévue en loi de finances initiale ni dans les deux premières lois de finances rectificatives.


* 62 Le montant des aides serait calculé à partir des revenus reçus le précédent trimestre, et non des revenus reçus deux ans auparavant, ce qui entraîne notamment la réduction ou la suspension des aides pour les personnes dont les revenus ont augmenté pendant cette période.

* 63 Les avances remboursables de l'Agence France Trésor sont imputées sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

* 64 Présentation du dispositif de soutien aux Français de l'étranger , 30 avril 2020.

* 65 Mesures d'urgence en faveur des collectivités territoriales , dossier de presse du Gouvernement, 29 mai 2020.

* 66 Décret n° 2020-584 du 18 mai 2020 portant ouverture et annulation de crédits et rapport relatif à ce décret.

* 67 Communiqué de presse de l'ANAH, 18 juin 2020.

* 68 Laurent Saint-Martin, rapport n° 2899 fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.

* 69 En 2019, d'autres pays sont également entrés en négociation avec le MES pour devenir dépositaires (et donc s'engager à des rétrocessions), comme l'Italie et les Pays-Bas.

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