B. AMÉLIORER L'ACCÈS AUX SOINS NON PROGRAMMÉS : UNE PRIORITÉ FORTE DE LA STRUCTURATION EN COURS DE L'OFFRE DE SOINS AMBULATOIRES

Dans un rapport 5 ( * ) remis à la ministre des solidarités et de la santé en mai 2018, le député Thomas Mesnier relève un « constat unanimement partagé du besoin pressant de structuration de la réponse à la demande de soins non programmés par les acteurs de médecine ambulatoire , pour éviter que celle-ci ne se déporte par défaut sur les urgences hospitalières et n'en altère le bon fonctionnement », évoquant une réponse encore « insuffisante et disparate ».

La notion de soins non programmés recouvre, selon ce même rapport, « ceux devant répondre à une urgence ressentie, mais ne relevant pas médicalement de l'urgence » . Ces soins s'inscrivent dans la plage d'ouverture « ordinaire » des cabinets médicaux, la permanence des soins ambulatoires (PDSA) assurée par les médecins libéraux en prenant le relai de 20 heures à minuit, le samedi de 12 à 20 heures et le dimanche de 8 à 20 heures.

Alors que la prise en charge des pathologies chroniques mobilise une part croissante de l'agenda des médecins généralistes , ceux-ci demeurent, comme l'ont rappelé leurs représentants auditionnés, les premiers acteurs de la prise en charge des soins non programmés .

D'après une enquête de la Drees 6 ( * ) , ces demandes de soins pour le jour même ou le lendemain constituent une part importante de l'activité des médecins généralistes libéraux : en 2019, ces demandes représentent plus de 30 % de l'activité d'une semaine ordinaire pour 4 médecins généralistes sur 10. En outre, 8 médecins généralistes sur 10 déclarent organiser leur activité afin de prendre en charge ces demandes quotidiennement . Près de 1 médecin généraliste sur 4 (28 %) affirme pouvoir répondre à la totalité des demandes de consultations non programmées pour le jour même ou le lendemain et 45 % d'entre eux estiment pouvoir répondre à plus de la moitié.

• Dans un contexte marqué par des tensions sur la démographie médicale, les actions conduites au cours des dernières années par les pouvoirs publics et l'assurance maladie pour structurer les acteurs de ville ont placé l' accès aux soins non programmés au coeur des priorités .

La convention médicale du 26 août 2016 a introduit des incitations par un mécanisme de majoration des consultations permettant de valoriser les prises en charge rapides et non programmées par les médecins libéraux 7 ( * ) .

Parallèlement, les accords conventionnels interprofessionnels relatifs aux structures de santé pluriprofessionnelles et valorisant le travail en coordination des professionnels de santé, ont fait de cet enjeu un critère central d'éligibilité à des financements de l'assurance maladie .

S'agissant des maisons et centres de santé, l'accord signé le 20 avril 2017 8 ( * ) a inscrit l'amélioration de l'accès aux soins dans les critères pris en compte (indicateurs socles ou « prérequis ») : les obligations portent sur l'amplitude des horaires d'ouverture et l'accès à des soins non programmés chaque jour ouvré, sur des plages horaires dédiées. D'après les données de la DGOS, sur un total de 1 539 MSP en fonctionnement, 990 ont adhéré à cet accord au bilan d'avril 2020 et, parmi celles-ci, 916 MSP ont atteint ce prérequis ; parmi les 610 centres de santé polyvalents et médicaux ayant adhéré à l'accord, 510 ont fait l'objet d'une rémunération de cet indicateur.

Pour les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l'accord signé le 20 juin 2019 9 ( * ) , a inscrit de même l'amélioration de l'accès aux soins parmi leurs missions « socles » c'est-à-dire obligatoires , conditionnant l'accès aux financements. Cette mission recouvre deux actions : faciliter l'accès à un médecin traitant et améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville.

Les CPTS, levier de la structuration des professionnels de santé

Instituées par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, les CPTS sont - à la différence des centres ou maisons de santé qui offrent un cadre d'exercice regroupé à l'échelle d'une patientèle - des formes souples d'organisation ouvertes aux professionnels de santé volontaires dans le but de créer des équipes de professionnels libéraux « hors les murs » autour d'un projet de santé, selon une approche « populationnelle ». Elles peuvent réunir des professionnels du premier ou du second recours, ainsi que des acteurs du secteur médico-social voire des acteurs hospitaliers.

Comme l'ont relevé Yves Daudigny, Catherine Deroche et Véronique Guillotin dans une mission sur l'organisation territoriale de la santé en mai 2019, un point saillant dans les projets en fonctionnement ou en voie de formalisation est l' absence de modèle unique . Certaines jouent un rôle de « chef d'orchestre » pour organiser la prise en charge de patients complexes, d'autres se spécialisent sur le suivi des patients atteints d'une pathologie chronique ou les sorties d'hospitalisation, ou l'éducation thérapeutique.

Le pacte de refondation des urgences présenté le 9 septembre 2019, sur la base de la mission nationale conduite par le député Thomas Mesnier et le Professeur Pierre Carli, fait du soutien au développement des CPTS un axe essentiel de l'amélioration de la prise en charge des soins non programmés , en cohérence avec l'objectif de « MaSanté2022 » d'aboutir à la création d'ici 2022 de 1 000 CPTS maillant l'ensemble du territoire.

Les propositions du « Pacte de refondation des urgences » concernant l'offre médicale en amont des services d'urgence

Le plan présenté le 9 septembre 2019, qui s'accompagne de 750 millions d'euros de crédits jusqu'en 2022, s'articule autour de plusieurs axes.

Le premier tend à la création d'un numéro unique d'urgence, le « service d'accès aux soins » (SAS).

Le deuxième porte sur l' « amont » des services hospitaliers d'urgence par la prise en charge en ville des patients, dans le cadre des soins non programmés ou de la permanence des soins. Il s'appuie sur les mesures suivantes :

Renforcer l'offre de consultations médicales sans rendez-vous en cabinet, maison et centre de santé

- soutien financier à la constitution de CPTS et déploiement progressif de 3 500 postes d'assistants médicaux ; un objectif du pacte est qu'à compter de l'adhésion des CPTS à l'accord interprofessionnel, celles-ci disposent de 6 mois pour initier une organisation des soins sans rendez-vous dans leur territoire et de 18 mois pour rendre cette organisation « totalement effective » ;

- financement de 50 maisons médicales de garde supplémentaires pour assurer la présence d'une MMG à proximité de tous les services d'urgence totalisant plus de 50 000 passages par an ;

Donner à la médecine de ville les mêmes outils de prise en charge que les urgences

- possibilité pour les transporteurs sanitaires privés de conduire des patients orientés par les SAMU et les médecins de garde vers les maisons et centres de santé ou les maisons médicales de garde identifiés par les ARS ;

- aide à l'équipement en terminaux pour permettre aux médecins libéraux participant à la permanence des soins ambulatoires de proposer le tiers-payant sur la part prise en charge par l'assurance maladie obligatoire ;

- accès direct à des examens de biologie dans le cadre de consultations sans rendez-vous en libéral, via des aides à l'équipement.

Offrir aux professionnels non médecins des compétences élargies

- déploiement de protocoles de coopération (permettant un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes pour la traumatologie bénigne et la prise en charge par les pharmaciens et les infirmiers de pathologies simples) ;

- généralisation du dispositif de pharmacien correspondant ;

- déploiement des infirmiers de pratique avancée pour le suivi des maladies chroniques.

Généraliser les parcours dédiés aux personnes âgées pour éviter les urgences

- incitation financière à la généralisation des parcours organisant l'admission directe en service hospitalier depuis le domicile ou un Ehpad ;

- déploiement des équipes mobiles de gériatrie et généralisation du dispositif d'astreinte d'infirmières de nuit mutualisées en Ehpad.

Intégrer la vidéo à distance dans tous les SAMU

Cette organisation est en cours de structuration : 533 projets de CPTS sont recensés au dernier bilan de février 2020 (18 % de plus par rapport à novembre 2019), selon des degrés de maturité très variables, soixante seulement ayant un projet de santé validé par l'agence régionale de santé. D'après la Cnam, une vingtaine de CPTS ont signé à ce jour l'accord conventionnel , en s'engageant de ce fait sur des actions plus précises en termes notamment d'accès aux soins.

L'état d'avancement et la répartition des projets de CPTS ( situation en février 2020 )

Source : DGOS

Les actions concrètes mises en place pour l'accès aux soins non programmés tant dans les maisons et centres de santé qu'au sein des CPTS sont très diverses . Selon une enquête conduite par la DGOS sur les 20 projets de CPTS les plus matures, trois modèles d'organisation sont identifiés :

- la réservation par des médecins généralistes volontaires de plages horaires dédiées, inscrites sur un agenda partagé ;

- l'organisation dans une MSP d'une unité dédiée aux soins non programmés ouverte à tous les patients du territoire ;

- l'ouverture d'une maison médicale de garde en journée, en dehors des horaires de la permanence des soins ambulatoires.


* 5 « Assurer le premier accès aux soins. Organiser les soins non programmés dans les territoires ».

* 6 Drees, « Études et résultats », n° 1138, janvier 2020. Cette enquête est fondée sur un panel d'observation des pratiques et conditions d'exercice en médecine générale (les soins non programmés ne faisant pas l'objet d'une traçabilité dans les systèmes d'information de l'assurance maladie).

* 7 La majoration est de 15 euros pour la prise en charge par le médecin traitant d'un de ses patients à la suite d'une demande du centre de régulation médicale des urgences, et de 15 euros pour les médecins correspondants recevant sous 48 heures un patient adressé par son médecin traitant, lequel bénéficie alors d'une majoration de 5 euros.

* 8 Accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles.

* 9 Accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS.

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