B. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS D'AMÉNAGEMENT ET DE RÉDUCTION DE PEINE POUR LES AUTEURS DE VIOLENCES CONJUGALES

Actuellement, les auteurs d'infractions commises à l'encontre de leur conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS) bénéficient du régime de droit commun de l'exécution et de l'aménagement des peines.

La proposition de loi présentée par Mme Françoise Laborde et plusieurs de nos collègues a pour objet de les soumettre à un régime dérogatoire, afin notamment de mettre un terme à la non-exécution des « petites » peines d'emprisonnement lorsqu'elles concernent un auteur de violences conjugales.

Le champ des infractions 5 ( * ) retenues pour l'application des articles de la proposition de loi appelle plusieurs remarques : en premier lieu, il recouvre des violences d'inégale gravité (excluant l'homicide mais incluant le harcèlement téléphonique par exemple). En second lieu, certaines infractions pénales, notamment celles liées à la répression des violences faites en groupe (bande organisée, embuscade, etc.) ne peuvent, par défitnion, être commises à l'encontre d'une victime par son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité.

1. L'exclusion du bénéfice de certaines modalités d'exécution et de certains aménagements de peines d'emprisonnement

L' article 1 er de la proposition de loi vise à exclure les personnes condamnées et incarcérées pour certaines infractions 6 ( * ) , lorsque ces infractions ont été commises à l'encontre de leur conjoint, de leur concubin ou de leur partenaire d'un pacte civil de solidarité, du bénéfice de certaines mesures d'exécution ou d'aménagement de peine prononcées par le juge de l'application des peines dans les conditions prévues par les  articles 720-1 et 723-1 du code de procédure pénale.

• Les mesures d'exécution des peines prononcées en application de l'article 720-1 du code de procédure pénale

En application de l'article 720-1 du code de procédure pénale, toute personne condamnée , en matière correctionnelle , à une peine privative de liberté d'une durée inférieure ou égale à deux ans ou dont le reliquat de peine n'excède pas deux ans (ou un an en cas de récidive légale) peut demander au juge de l'application des peines de suspendre ou fractionner l'exécution de ladite peine, pour un motif grave d'ordre médical, familial, professionnel ou social.

La suspension de la peine est une mesure juridictionnelle qui permet de reporter l'exécution de la peine.

Le fractionnement de la peine est une mesure juridictionnelle qui autorise le condamné à exécuter sa peine sous forme de fractions d'une durée minimale de deux jours sur une période ne pouvant excéder quatre ans.

• Les aménagements de peine prononcés en application de l'article 723-1 du code de procédure pénale

En application de l'article 723-1 du code de procédure pénale, toute personne condamnée à une peine privative de liberté inférieure ou égale à deux ans ou dont le reliquat de peine n'excède pas deux ans (ou un an en cas de récidive légale) peut demander au juge de l'application des peines ou au tribunal de l'application des peines de lui accorder :

- une mesure de semi-liberté , lui permettant de quitter l'établissement pénitentiaire durant la journée, notamment pour travailler ou suivre une formation, à condition de le réintégrer selon les obligations fixées par le juge ou le tribunal de l'application des peines ;

- ou une mesure de placement à l'extérieur , qui astreint le condamné à effectuer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire.

Ces mesures peuvent également être prononcées par le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines à titre probatoire à une libération conditionnelle .

Le placement à l'extérieur

La mesure de placement à l'extérieur peut s'exercer selon deux modalités différentes.

Le placement à l'extérieur sans surveillance de l'administration pénitentiaire permet à la personne condamnée d'exercer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire (emploi, formation, traitement médical, participation essentielle à la vie de la famille ou tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion) sous le contrôle de l'administration. La personne condamnée peut, le cas échéant, être prise en charge par une association ayant conclu une convention avec l'administration pénitentiaire. La juridiction détermine les conditions d'exécution de la mesure en fonction du projet présenté (nature de l'activité, horaires de sortie, conditions de prise en charge, conditions de rémunération) et peut imposer au condamné des obligations (de soins, d'indemnisation de la victime...).

Le placement à l'extérieur sous surveillance de l'administration pénitentiaire permet à une personne détenue d'effectuer des travaux à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire sous la surveillance du personnel pénitentiaire. Ces travaux peuvent être exécutés pour le compte d'une administration, d'une collectivité publique ou éventuellement de toute autre personne physique ou morale.

Depuis la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste , les personnes condamnées pour certaines infractions relevant du terrorisme ne peuvent plus bénéficier d'un placement à l'extérieur.

Au 1 er janvier 2018, 885 personnes sous écrou bénéficiaient d'un placement à l'extérieur.

En revanche, l'article 1 er de la proposition de loi maintiendrait :

- la possibilité, pour le tribunal correctionnel, d'aménager ab initio , au stade du jugement, les peines d'emprisonnement prononcées ;

- la procédure d'examen systématique par le juge de l'application des peines, en vue d'un aménagement, des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans des condamnés non incarcérés, en application des articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale ;

- la possibilité, pour le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines, de prononcer une mesure de placement sous surveillance électronique à l'issue d'une incarcération, en application de l'article 723-7 du code de procédure pénale.

2. L'exclusion du bénéfice des crédits de réduction de peine

L' article 2 de la proposition de loi vise à exclure les personnes condamnées pour certaines infractions 7 ( * ) , lorsque celles-ci ont été commises à l'encontre de leur conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité, du bénéfice des crédits de réduction de peine prévus par l'article 721-1-1 du code de procédure pénale .

Créées par la loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines dispositions relatives à la procédure pénale , les réductions de peine permettaient initialement de réduire la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement en cas de « bonne conduite » du condamné : la situation de chaque condamné était examinée au moins une fois par an par la commission et le juge de l'application des peines, pour décider ou non l'octroi d'une réduction de peine.

En pratique, contrairement aux réductions de peine dites « supplémentaires », qui peuvent seulement être accordées en cas d'efforts sérieux de réadaptation sociale, ces réductions de peine pour « bonne conduite » étaient attribuées de façon quasi-systématique .

Aussi, afin d'alléger la charge des juridictions de l'application des peines, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a-t-elle remplacé le système individualisé d'examen annuel de la situation du condamné par l'attribution automatique à chaque détenu d'un crédit de réduction de peine, remis en cause éventuellement en cas de mauvaise conduite.

Actuellement, en application de l'article 721 du code de procédure pénale, chaque condamné à une peine d'emprisonnement 8 ( * ) bénéficie, dès son incarcération, d'un crédit de réduction de peine de trois mois pour la première année et de deux mois pour les années suivantes. Si la peine exécutée est inférieure à un an, le crédit accordé est de sept jours par mois.

En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut ordonner le retrait de ce crédit de réduction de peine.

Après la libération du condamné, si celui-ci commet une nouvelle infraction pendant la période correspondant aux réductions de peine accordées, le tribunal correctionnel peut ordonner le retrait de ces réductions de peine et sa réincarcération. L'exécution de cette peine est cumulative avec toute nouvelle peine privative de liberté prononcée pour la nouvelle infraction commise.


* 5 La liste exhaustive de ces infractions figure en annexe du présent rapport.

* 6 La liste exhaustive de ces infractions figure en annexe du présent rapport.

* 7 La liste exhaustive de ces infractions figure en annexe du présent rapport.

* 8 À l'exception des personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions terroristes prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal (à l'exclusion de celles mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-2 du même code).

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