C. UN PLAN DE REFONDATION QUI A SAUVÉ TEMPORAIREMENT L'AFPA DE LA FAILLITE MAIS NE L'A PAS REDRESSÉE DURABLEMENT

Après avoir connu une très forte dégradation de sa situation financière entre 2010 et 2011, avec un niveau de pertes multiplié par dix 34 ( * ) , l'Afpa a frôlé en 2012 la cessation de paiement . Alors que son chiffre d'affaires a connu cette année-là une baisse de 10,3 % , ses pertes ont atteint 91 millions d'euros , conduisant à la démission de son président et au remplacement de son directeur général.

Son nouveau président, Yves Barou, nommé en juin 2012,
a dès l'automne suivant présenté un plan de refondation de l'association, dont l'objectif affiché était de la ramener à l'équilibre financier à l'horizon 2015 . Reposant sur onze chantiers prioritaires , il visait notamment à rétablir la place de l'Afpa dans la commande publique régionale, à accélérer le développement de l'activité en direction des entreprises ou encore à réduire ses charges de fonctionnement, tout en accentuant la déconcentration de la prise de décision au niveau régional.

Approuvé par le comité central d'entreprise et les organes de gouvernance de l'association, ce plan avait reçu l'approbation de l'État, qui lui a apporté un soutien financier majeur afin de lui permettre de renforcer ses fonds propres. Il a ainsi souscrit, via l'Agence des participations de l'État (APE), pour 200 millions d'euros d'obligations associatives émises par l'Afpa 35 ( * ) , d'une maturité de 20 ans et rémunérées au taux de 4 %. Cette dernière a également bénéficié d'un moratoire sur sa dette fiscale et sociale , qui s'élèverait à l'heure actuelle à environ 80 millions d'euros 36 ( * ) , intérêts et pénalités compris.

Ce plan de refondation était très ambitieux : il prévoyait une croissance du chiffre d'affaires dès 2014 et une situation financière saine dès l'année suivante. Un an après son élaboration, la Cour des comptes mettait toutefois en garde contre l'impossibilité de tenir les objectifs d'activité fixés , en lien notamment avec une surestimation des produits attendus 37 ( * ) . Cette analyse a été confirmée par les données comptables de l'association : alors que le plan de refondation reposait sur un chiffre d'affaires de 797 millions d'euros en 2013, seulement 757 ont été réalisés. Surtout, la croissance du chiffre d'affaires attendue à partir de 2014 ne s'est jamais produite .

Comparaison des hypothèses d'évolution du chiffre d'affaires de l'Afpa
prévues par le plan de refondation et du chiffre d'affaires constaté

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Plan de refondation

809

797

824

849

880

Chiffre d'affaires constaté

809

757

754

710

742 1

Écart

/

5 %

8,5 %

16,4 %

15,7 %

1 prévision
Source : Cour des comptes et DGEFP

En conséquence, un acte II de la refondation de l'Afpa a été engagé par la direction à l'automne 2014, appelant à des actions structurelles plus fortes afin de rattraper la trajectoire initialement prévue et d'apporter des solutions à plusieurs problèmes anciens grevant son développement, notamment celui des biens immobiliers mis à sa disposition par l'État (cf. infra ), tout en mettant l'accent sur l' utilité sociale de l'association et en adaptant son organisation territoriale à la réforme de la carte régionale.

Toutefois, confrontée à une conjoncture économique moins favorable qu'envisagé et à des difficultés à transformer son modèle économique et pédagogique , elle a subi une forte aggravation de ses pertes qui, après avoir légèrement diminué entre 2012 (91 millions d'euros) et 2013 (82 millions d'euros), se sont à nouveau creusées en 2014 (102 millions d'euros) puis surtout en 2015 (152 millions d'euros). Sa part de marché auprès des conseils régionaux a poursuivi sa dégradation.

Évolution de la part de marché de l'Afpa dans la formation
des demandeurs d'emploi financée par les conseils régionaux

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Part de marché
( en % )

42

37

34

32

29

27

25

Source : Afpa

Pourtant, dans le même temps, le Gouvernement renforçait l'ancrage de l'Afpa dans le service public de l'emploi . La loi du 17 août 2015 38 ( * ) a en effet, pour la première fois, défini dans le code du travail, à son article L. 5315-1 39 ( * ) , les missions de service public de l'association . Outre celle, historique, de formation, de qualification et d'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi, il mentionne également le rôle joué dans la politique de certification du ministère de l'emploi ainsi que l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle.

Évolution des produits d'exploitation de l'Afpa depuis 2007

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

État

315,17

292,24

263,36

211,91

194,10

115,78

106,12

121,23

124,55

Organismes institutionnels

34,18

39,60

47,01

63,36

57,57

105,29

55,72

64,83

58,97

Collectivités territoriales

438,26

461,28

491,52

462,33

432,92

409,91

408,57

388,92

365,90

dont conseils régionaux :
appels d'offres

25,55

22,24

38,75

172,87

252,81

320,74

322,64

305,77

289,16

dont conseils régionaux : subventions

407,93

434,35

448,25

286,09

143,5

53,39

40,77

42,49

39,04

dont conseils régionaux : SIEG

-

-

-

-

34,3

33,39

42,74

38,8

36,43

Entreprises

140,30

138,11

152,52

167,36

156,82

150,93

156,99

151,15

139,00

Union européenne

50,49

31,62

15,17

16,20

7,78

11,74

9,50

8,06

1,41

Contribution stagiaires

14,32

14,72

14,65

13,66

12,54

12,92

13,38

12,87

13,08

Autres produits

3,97

5,95

5,00

6,03

2,90

3,01

7,10

7,13

7,31

Total

996,69

983,52

989,23

940,84

864,63

809,58

757,37

754,20

710,22

Source : DGEFP

La situation financière de l'Afpa ne s'est pas améliorée pour autant, malgré les efforts consentis en matière de réduction des charges. La Cour des comptes, qui avait déjà porté un regard critique 40 ( * ) sur l'achat, par l'État, d'obligations associatives émises par l'association, a rappelé qu'au printemps 2016 l'Afpa « était loin d'avoir résolu ses graves difficultés financières » 41 ( * ) . Le plan de refondation n'a pas tenu ses promesses : le Gouvernement en avait déjà pris acte en obtenant du Parlement, dans le cadre de la loi du 17 août 2015 précitée, une habilitation à transformer, par ordonnance, l'Afpa en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) chargé de reprendre l'intégralité de ses missions.


* 34 Passant de 5,7 à 55,6 millions d'euros ; cf. Cour des comptes, op. cit., p. 97.

* 35 110 millions d'euros en 2013, 50 millions d'euros en 2014 et 40 millions d'euros en 2015.

* 36 60 millions d'euros de cotisations sociales non acquittées dus aux Urssaf et 20 millions d'euros de taxe sur les salaires dus à l'Etat.

* 37 Cour des comptes, op. cit., p. 115.

* 38 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, art. 39.

* 39 Réécrit par l'article 1 er de la présente ordonnance.

* 40 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2013 - compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », mai 2014, p. 21.

* 41 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 - mission « Travail et emploi », mai 2016, p. 75.

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