B. LA CRÉATION D'UN STATUT GÉNÉRAL DES LANCEURS D'ALERTE

Alors que le projet de loi ne comportait initialement qu'une disposition ponctuelle concernant le financement de la protection des lanceurs d'alerte en matière de corruption par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) et la création d'un dispositif d'alerte dans le domaine financier, auprès de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ( articles 6 et 7 ), l'Assemblée nationale a introduit dans le texte un statut général des lanceurs d'alerte, voulant se situer dans le prolongement de l'étude rendue sur cette question par le Conseil d'État en février 2016 ( articles 6 A à 6 G ), assorti d'un régime de protection sous l'égide du Défenseur des droits, en substitution de divers régimes sectoriels d'alerte. Ces dispositions ne sont pas codifiées.

En premier lieu, le projet de loi définit le lanceur d'alerte comme une personne qui révèle, « dans l'intérêt général et de bonne foi », un crime ou un délit, un manquement « grave » à la loi ou au règlement ou des faits présentant « des risques ou des préjudices graves » pour l'environnement, la santé publique ou la sécurité publique. Tout lanceur d'alerte bénéficierait de règles d'anonymat et de confidentialité, de l'interdiction de toute mesure discriminatoire ou sanction à son encontre du fait de l'alerte, ainsi que d'une immunité pénale pour toute divulgation d'un secret protégé par la loi, sauf secret de la défense nationale, secret médical et secret professionnel de l'avocat. En cas de perte d'emploi du fait de l'alerte, le conseil de prud'hommes ou le juge administratif, selon le cas, pourrait enjoindre à l'employeur de réintégrer le lanceur d'alerte.

La procédure de l'alerte serait aussi unifiée. Le lanceur d'alerte devrait d'abord s'adresser à une « personne de confiance désignée par l'employeur », étant précisé que toute personne morale publique ou privée d'au moins 50 salariés, toute administration et toute collectivité territoriale, incluant les communes de plus de 10 000 habitants et leurs établissements publics, serait tenue de mettre en place en son sein un dispositif de recueil des alertes. À défaut de dispositif spécifique, le lanceur d'alerte devrait s'adresser à son supérieur hiérarchique ou son employeur. En l'absence de « suite (...) dans un délai raisonnable », il pourrait s'adresser, au choix, à l'autorité administrative ou judiciaire, au Défenseur des droits, mais aussi aux instances représentatives du personnel ou encore à une association déclarée depuis plus de cinq ans, sans que soit précisée la mission de chacune de ces instances en cas d'alerte. S'il n'y a toujours pas de « prise en compte » de l'alerte, celle-ci peut être rendue publique par son auteur, c'est-à-dire communiquée à la presse. Le texte ajoute que l'alerte peut également être rendue publique « en cas d'urgence », sans davantage de précision.

Le projet de loi crée, en outre, un délit d'entrave au droit d'alerte, puni d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, peines aggravées en cas d'entrave en bande organise avec violences.

Votre rapporteur s'étonne de l'imprécision de nombre de dispositions du régime ainsi adopté, outre le caractère disproportionné de la protection et de l'immunité pénale accordés ainsi que des sanctions pénales encourues, compte tenu des préjudices graves pouvant être causés aux tiers du fait de l'alerte, même lancée de bonne foi.

Assorti de la proposition de loi organique, le projet de loi attribue au Défenseur des droits une mission de reconnaissance, d'orientation, de soutien financier - avec une avance des frais de procédure en cas de litige résultant d'une sanction ou mesure discriminatoire à l'encontre du lanceur d'alerte ainsi qu'une aide financière de « réparation des dommages moraux et financiers » du fait de l'alerte pour son auteur - et de protection des lanceurs d'alerte et prévoit la création auprès du Défenseur d'un collège dédié aux lanceurs d'alerte.

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