EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er A (Art. L. 465-1 à L. 465-3, art. L. 465-3-1 à L. 465-3-5 [nouveaux], art. L. 466-1, art. L. 621-12, art. L. 621-17-7 du code monétaire et financier, art. 705-1 du code de procédure pénale et art. 421-1 du code pénal) - Mise en conformité des incriminations d'abus de marché avec les dispositions de la directive 2014/57/UE et du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014

Commentaire : le présent article vise à redéfinir les incriminations pénales en matière d'abus de marché, afin de les mettre en conformité avec la directive 2014/57/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014, en proposant six catégories d'abus de marché (délit d'initié, recommandation ou incitation à l'utilisation d'informations privilégiées, divulgation illicite d'informations privilégiées, manipulation de cours, diffusion de fausse information, manipulation d'indices) et en renforçant le niveau des peines à cinq ans d'emprisonnement (contre deux maximum actuellement) et 100 millions d'euros d'amende (contre 1,5 million d'euros maximum actuellement).

I. LE DROIT EXISTANT

A. QUATRE ABUS DE MARCHÉ POUR DES SANCTIONS PÉNALES FAIBLES

Les articles L. 465-1 et suivants du code monétaire et financier prévoient actuellement quatre catégories d'abus de marché :

- le délit d'initié , sous différentes formes en fonction de la qualité de la personne utilisant une information privilégiée ou de la nature de cette information ;

- le délit de diffusion de fausse information ;

- le délit de manipulation de cours ;

- le délit de manipulation d'indice .

Le délit d'initié recouvre, aux termes de l'actuel article L. 465-1 du code monétaire et financier, quatre situations, emportant chacune des sanctions différentes :

• Lorsque l'information privilégiée est utilisée par des dirigeants sociaux ou des professionnels, alors le premier alinéa de l'article L. 465-1 prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 millions d'euros pouvant être portée jusqu'au décuple du profit réalisé ;

• Lorsque l'information privilégiée est communiquée à un tiers par des professionnels (et non utilisée), alors le deuxième alinéa de l'article L. 465-1 prévoit une peine d'un an d'emprisonnement et une amende de 150 000 euros, pouvant être porté jusqu'au décuple du profit réalisé ;

• Le troisième alinéa de l'article L. 465-1 prévoit la même peine lorsque l'information privilégiée est utilisée ou communiquée par d'autres personnes que des dirigeants ou des professionnels ;

• Enfin, lorsque l'information privilégiée est utilisée ou communiquée par d'autres personnes et qu'elle concerne la commission d'un crime ou d'un délit, la dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 465-1 prévoit la peine la plus lourde, soit sept ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros.

Le délit de fausse information est défini par le premier alinéa de l'article L. 465-2 comme les manoeuvres ayant pour but d'entraver le fonctionnement du marché en induisant autrui en erreur. Il est puni, comme le premier cas de délit d'initié, de deux ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende.

Le délit de manipulation de cours est défini par le second alinéa de l'article L. 465-2 comme le fait de répandre ou de tenter de répandre des informations fausses ou trompeuses relativement à la situation d'un émetteur ou aux perspectives d'évolution d'un instrument ou d'un actif, de nature à agir sur le cours de ces instruments ou actifs. Il est également puni de deux ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende.

Le délit de manipulation d'indice est le plus récent. Créé par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, à la suite du scandale financier des manipulations de taux interbancaires (Libor et Euribor) qui jouent un rôle majeur dans le fonctionnement régulier des marchés financiers, le délit de manipulation d'indice a été codifié à l'article L. 465-2-1 du code monétaire et financier. Comme les autres abus de marché, il est puni par deux ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende.

Les incriminations et les sanctions pénales

Délits concernés

Personnes physiques

Personnes morales

Délits

d'initié

Utilisation de l'information par des dirigeants sociaux ou des professionnels

2 ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros ou le décuple du profit

Amende égale au quintuple de la peine d'amende prévue pour les personnes physiques et peines complémentaires (dissolution, interdiction d'exercer, fermeture définitive ou temporaire, etc.)

Dispositions de droit commun prévues aux articles 131-38 et 131-39 du code pénal

Communication de l'information à un tiers par des professionnels

1 an d'emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication de l'information par d'autres personnes

1 an d'emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication par d'autres personnes de l'information portant sur un crime ou un délit

7 ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros si le profit est inférieur à ce chiffre

Délit de fausse information du marché

2 ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros ou le décuple du profit

Délit de manipulation des cours

2 ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros ou le décuple du profit

Délit de manipulation d'indice

2 ans d'emprisonnement et une amende de 1,5 million d'euros ou le décuple du profit

Source : groupe de travail du parquet national financier, sous l'autorité de Mme Éliane Houlette

Au total, le niveau des sanctions pénales est faible, à la fois s'agissant des sanctions pécuniaires et des peines privatives de liberté, ce que confirme l'analyse rétrospective de la politique pénale des dernières années :

• S'agissant des amendes pécuniaires, le montant moyen des amendes prononcées sur les dix dernières années s'établit à 166 388 euros et aucune peine supérieure à 1 million d'euros n'a jamais été prononcée par le juge pénal 37 ( * ) .

• S'agissant des peines privatives de liberté, la peine de deux ans d'emprisonnement doit être comparée aux peines de trois ans d'emprisonnement prévues pour le vol ou l'abus de confiance, ou de cinq ans pour l'escroquerie et l'abus de biens sociaux. Aucun coupable de délit boursier en France n'a jamais été condamné à une peine de prison ferme 38 ( * ) .

B. UNE NÉCESSAIRE MISE EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN

Dans le contexte né de la crise financière de 2008, le dispositif prévu par la première directive sur les abus de marché de 2003 39 ( * ) qui visait à imposer des sanctions administratives pour les abus de marché par les États membres, s'est révélé insuffisant, compte tenu à la fois des scandales financiers qui ont émaillé le développement de la crise et de l'attente de l'opinion publique d'une plus grande sévérité vis-à-vis des comportements délictuels sur les marchés financiers.

Ainsi, la directive 2014/57/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ont pour objet de rendre plus efficace et plus dissuasif le système de répression des abus de marché , à la fois pénal et administratif, dans les différents États membres. Les principales avancées de ces textes européens sont :

- l'obligation, prévue par la directive, de sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives » dans les législations nationales ; en particulier, la directive fixe à quatre ans la peine d'emprisonnement minimale qui doit être prévue pour les abus de marché ;

- une harmonisation de la définition des différents abus de marché , qui comprend notamment le nouveau délit de manipulation d'indice ;

- une extension des abus de marché aux instruments financiers négociés sur des plateformes électroniques de négociation, ainsi qu'aux contrats sur matières premières et dérivés sur matières premières .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Baert, rapporteur, procède à une refonte à la fois des incriminations pénales et de leur niveau de sanction, afin de mettre en conformité notre droit avec la législation européenne . Il propose ainsi une réécriture globale des articles L. 465-1 à L. 465-3 du code monétaire et financier et crée de nouveaux articles L. 465-3-1 à L. 465-3-5 afin de définir les nouvelles incriminations.

Les incriminations pénales d'abus de marché

Catégorie d'incrimination dans le droit français actuel

Incrimination actuelle

Droit européen (règlement et directive sur les abus de marché)

Incrimination prévue par la proposition de loi

Opération d'initié

Utilisation d'informations privilégiées par des dirigeants sociaux ou des professionnels

Article L. 465-1, premier alinéa

Opération d'initié

Opération d'initié

Article L. 465-1

Utilisation ou communication d'informations privilégiées par d'autres personnes et portant sur la commission d'un crime ou d'un délit

Article L. 465-1, troisième alinéa, dernière phrase

Utilisation d'informations privilégiées par d'autres personnes

Article L. 465-1, deuxième alinéa

-

Incitation ou recommandation à une opération d'initié

Incitation ou recommandation à une opération d'initié

Art. L. 465-2

Communication d'informations privilégiées à un tiers par des professionnels

Article L. 465-1, deuxième alinéa

Divulgation illicite d'informations privilégiées

Divulgation illicite d'informations privilégiées

Article L. 465-3

Communication d'informations privilégiées par d'autres personnes

Article L. 465-1, troisième alinéa

Manipulation de cours

Manipulation de cours

Article L. 465-2, premier alinéa

Manipulation de marché

Manipulation de cours

Art. L. 465-3-1

Diffusion de fausse information

Diffusion de fausse information

Article L. 465-2, deuxième alinéa

Diffusion de fausse information

Art. L. 465-3-2

Manipulation d'indice

Manipulation d'indice

Article L. 465-2-1

Manipulation d'indice

Art. L. 465-3-3

Source : commission des finances

A. UNE SIMPLIFICATION DE L'INCRIMINATION DE DÉLIT D'INITIÉ

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 465-1 du code monétaire et financier afin de prévoir un seul délit d'initié puni d'une même peine de cinq ans d'emprisonnement et de 100 millions d'euros jusqu'au décuple de l'avantage obtenu . Ainsi, cet article clarifie la définition des opérations d'initié, en supprimant les sous-catégories existantes en fonction de la qualité de la personne ou de l'origine de l'information. Par ailleurs, il augmente la peine privative de liberté, conformément à la directive européenne et aligne la sanction pécuniaire sur celle déjà prévue devant l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Le nouvel article L. 465-1 reprend la définition européenne du délit d'initié. Ce faisant, il prévoit un nouveau cas d'obtention de l'information privilégiée, à l'occasion de la commission d'un crime ou d'un délit, conformément au d du 3 de l'article 3 de la directive 40 ( * ) . Il fait également référence au règlement européen pour la définition de l'information privilégiée (voir encadré ci-après).

Définition de l'information privilégiée
(extrait de l'article 7 du règlement sur les abus de marché)

« 1. Aux fins du présent règlement, la notion d'«information privilégiée» couvre les types d'information suivants:

« a) une information à caractère précis qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés;

« b) pour les instruments dérivés sur matières premières, une information à caractère précis qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs instruments dérivés de ce type ou qui concerne directement le contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours de ces instruments dérivés ou des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés et lorsqu'il s'agit d'une information dont on attend raisonnablement qu'elle soit divulguée ou qui doit obligatoirement l'être conformément aux dispositions législatives ou réglementaires au niveau de l'Union ou au niveau national, aux règles de marché, au contrat, à la pratique ou aux usages propres aux marchés ou aux marchés au comptant d'instruments dérivés sur matières premières concernés ;

« c) pour les quotas d'émission ou les produits mis aux enchères basés sur ces derniers, une information à caractère précis qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs instruments de ce type, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours de ces instruments ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés;

« d) pour les personnes chargées de l'exécution d'ordres concernant des instruments financiers, il s'agit aussi de toute information transmise par un client et ayant trait aux ordres en attente du client concernant des instruments financiers, qui est d'une nature précise, qui se rapporte, directement ou indirectement, à un ou plusieurs émetteurs ou à un ou plusieurs instruments financiers et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours de ces instruments financiers, le cours de contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés.

« 2. Aux fins de l'application du paragraphe 1, une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur les quotas d'émission. À cet égard, dans le cas d'un processus se déroulant en plusieurs étapes visant à donner lieu à, ou résultant en certaines circonstances ou un certain événement, ces circonstances futures ou cet événement futur peuvent être considérés comme une information précise, tout comme les étapes intermédiaires de ce processus qui ont partie liée au fait de donner lieu à, ou de résulter en de telles circonstances ou un tel événement.

« 3. Une étape intermédiaire d'un processus en plusieurs étapes est réputée constituer une information privilégiée si, en soi, cette étape satisfait aux critères relatifs à l'information privilégiée visés au présent article.

« 4. Aux fins du paragraphe 1, on entend par information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers, des instruments financiers dérivés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur des quotas d'émission, une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d'investissement.

« Dans le cas des participants au marché des quotas d'émission avec des émissions cumulées ou une puissance thermique nominale inférieures ou égales au seuil fixé conformément à l'article 17, paragraphe 2, deuxième alinéa, les informations relatives à leurs activités matérielles sont réputées être dépourvues d'effet significatif sur le prix des quotas d'émission, des produits mis aux enchères basés sur ces derniers ou sur le cours des instruments financiers dérivés. »

Source : règlement n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.

Par ailleurs, le nouvel article précise que la seule détention et utilisation de l'information privilégiée n'est pas en elle-même constitutive du délit d'initié , dès lors que le comportement de la personne est légitime . L'article 9 du règlement européen définit le comportement légitime, en particulier comme l'exercice normal des fonctions s'agissant d'un teneur de marché ou d'une contrepartie.

Enfin, un II prévoit que la tentative de délit d'initié est punie des mêmes peines que le délit d'initié lui-même . Cette précision est reprise pour l'ensemble des incriminations d'abus de marché.

B. LA RECOMMANDATION OU L'INCITATION À L'UTILISATION D'UNE INFORMATION PRIVILÉGIÉE, NOUVELLE INCRIMINATION SPÉCIFIQUE

Le présent article réécrit par ailleurs l'article L. 465-2 du même code afin de créer une infraction d'incitation ou de recommandation à l'utilisation d'une information privilégiée . Il s'agit là d'une incrimination nouvelle : dans le droit existant, la recommandation et l'incitation ne sont abordées qu'indirectement par le fait que s'entend également d'un délit d'initié le fait de « permettre de réaliser » une telle opération. Par ricochet, le II de l'article L. 465-2 prévoit que l'utilisation d'une telle recommandation est passible de la même peine qu'un délit d'initié primaire.

Ce nouveau délit est puni des mêmes peines que le délit d'initié. Il convient de souligner que le droit pénal général permet déjà de punir les complices d'un crime, l'article 121-6 du code pénal prévoyant que « sera puni comme auteur le complice de l'infraction », défini à l'article 121-7 comme « la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ou « la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre ».

Le présent article, très proche de ce principe général, permet cependant de le préciser, en prévoyant que la simple « recommandation » à l'utilisation d'une information privilégiée en la sachant privilégiée s'analyse déjà comme un délit d'initié, sans qu'il y ait besoin d'une quelconque facilitation de l'entreprise ou usage de manoeuvres ou promesses pour en provoquer l'usage.

C. L'INCRIMINATION DE DIVULGATION D'INFORMATIONS PRIVILÉGIÉES ISOLÉE

Le présent article créé également au sein du code monétaire et financier un article L. 465-3 relatif à la divulgation d'informations privilégiées à des tiers . Ce délit, qui constitue aujourd'hui l'une des sous-catégories du délit d'initié, est désormais identifié, avec toutefois la même peine que le délit d'initié lui-même (cinq ans d'emprisonnement et 100 millions d'euros d'amende).

Il est explicitement précisé que la divulgation d'une information privilégiée peut être punie même si elle est réalisée dans le cadre d'un sondage de marché , si ce dernier n'a pas été réalisé selon les règles prévues par l'article 11 du règlement européen. Cette précision du règlement européen permet de sécuriser cette pratique de sondage de marché, en prévoyant clairement les conditions auxquelles elle est autorisée. En particulier un certain nombre d'informations doivent être fournies à la personne sondée préalablement au sondage de marché afin de l'informer du caractère confidentiel des informations transmises et de l'interdiction d'en faire usage.

D. LE MAINTIEN DE TROIS INCRIMINATIONS DISTINCTES POUR LES DIFFÉRENTS TYPES DE MANIPULATION DE MARCHÉ

L'article 5 de la directive prévoit une incrimination globale de « manipulation de marché » qui rassemble les incriminations existantes en droit français de diffusion de fausse information, manipulation de cours et manipulation d'indices.

Le présent article a fait le choix de ne pas rassembler sous une seule incrimination ces trois catégories existantes, mais de les conserver de façon autonome . Notre collègue Dominique Baert, auteur de la proposition de loi, s'en justifie dans son rapport précité en estimant qu'il s'agit « d'améliorer la lisibilité des dispositions ». Cela permet, il est vrai, de maintenir des incriminations proches du droit existant, afin de ne pas créer une insécurité juridique trop importante pour les acteurs du marché financier.

En conséquence, sont créés trois articles distincts au sein du code monétaire et financier :

• l'article L. 465-3-1 relatif à la manipulation de cours . Cette dernière est définie de deux manières : soit par une opération ou un comportement susceptible de donner une indication trompeuse sur le cours d'un actif ou d'un instrument financier (A) ; soit par une opération ou un comportement qui affecte directement le cours de cet instrument ou de cet actif, par le recours « à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice ». D'après les informations recueillies par votre rapporteur, cela peut notamment faire référence à des indications, délibérément erronées, données par un opérateur sur le prix d'un actif avant l'opération de vente, et destinées à modifier le prix de cet actif.

À l'image du comportement légitime en matière de délit d'initié, le présent article prévoit que l'opération ou le comportement n'est pas constitutif de l'infraction s'il est fondé sur un motif légitime ou est conforme à une pratique de marché, qui est définie a priori par le régulateur ;

• l'article L. 465-3-2 relatif à la diffusion de fausse information . Ce délit est défini comme le « fait, par toute personne, de diffuser, par tout moyen, des informations qui donnent des indications fausses ou trompeuses sur l'offre, la demande ou le cours d'un instrument financier ou qui fixent le cours d'un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel » ;

• l'article L. 465-3-3 relatif à la manipulation d'indice . Cette incrimination est définie sur le modèle de la manipulation de cours tout en s'appliquant à cet objet spécifique que sont les indices de référence. Ces derniers sont définis comme « tout taux, indice ou nombre mis à la disposition du public ou publié, qui est déterminé périodiquement ou régulièrement par application d'une formule ou sur la base de la valeur d'un ou de plusieurs actifs ou prix sous-jacents, y compris des estimations de prix, de taux d'intérêt ou d'autres valeurs réels ou estimés, ou des données d'enquêtes, et par référence auquel est déterminé le montant à verser au titre d'un instrument financier ou la valeur d'un instrument financier ». Les deux principaux indices visés sont le Libor (taux interbancaire de référence entre les banques londoniennes) et l'Euribor (taux interbancaire de référence de la Fédération bancaire de l'Union européenne).

Pour ces trois incriminations, la même peine est prévue, identique à celle des délits d'initié, soit cinq ans d'emprisonnement et 100 millions d'euros d'amende jusqu'au décuple du montant de l'avantage retiré .

E. UN CHAMP D'APPLICATION ÉLARGI AUX CONTRATS SUR MATIÈRES PREMIÈRES ET AUX QUOTAS CARBONE

Le présent article créé un nouvel article L. 465-3-4 qui prévoit que l'ensemble des incriminations en matière d'abus de marché s'applique à trois catégories d'instruments financiers :

- les instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, ce qui recouvre les actions et les obligations ;

- les produits dérivés ;

- les quotas d'émission carbone (mentionnés à l'article L. 229-7 du code de l'environnement). Seule cette dernière catégorie constitue une innovation par rapport au droit existant.

Par ailleurs, ce même article L. 465-3-4 prévoit que les deux incriminations de manipulation de cours et de diffusion de fausse information s'appliquent, en outre aux contrats au comptant sur matières premières ainsi qu'aux dérivés sur matières premières, conformément à la directive et au règlement sur les abus de marché .

Extrait du règlement sur les abus de marché (considérant 20)

« Les marchés au comptant et les marchés d'instruments dérivés qui leur sont liés étant hautement interconnectés et mondialisés, les abus de marché peuvent concerner plusieurs marchés et plusieurs pays et faire naître ainsi des risques systémiques significatifs. C'est vrai aussi bien pour les opérations d'initiés que pour les manipulations de marché. En particulier, une information privilégiée émanant d'un marché au comptant peut profiter à une personne négociant sur un marché financier. Les informations privilégiées concernant un instrument dérivé sur matières premières devraient être définies comme les informations correspondant à la définition générale des informations privilégiées concernant les marchés financiers et qui sont obligatoirement rendues publiques conformément aux dispositions légales ou réglementaires au niveau de l'Union ou au niveau national, aux règles de marché, aux contrats ou aux usages propres au marché d'instruments dérivés sur matières premières concerné ou au marché au comptant de matières premières concerné. À titre d'exemples notables de telles règles, citons le règlement (UE) no 1227/2011 pour le marché de l'énergie et, pour le pétrole, la base de données de l'initiative conjointe sur les données pétrolières (JODI). De telles informations peuvent servir de base aux décisions des participants aux marchés de souscrire à des instruments dérivés sur matières premières ou aux contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés, et devraient, par conséquent, constituer une information privilégiée qui doit être rendue publique dès lors qu'elle est susceptible d'avoir un effet significatif sur les cours de tels instruments dérivés ou sur les contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés.

« De plus, les stratégies de manipulation peuvent aussi s'étendre sur tous les marchés au comptant et les marchés d'instruments dérivés. La négociation d'instruments financiers, y compris des instruments dérivés sur matières premières, peut servir à manipuler les contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés, de même que les contrats au comptant sur matières premières peuvent être utilisés pour manipuler les instruments financiers qui leur sont liés. L'interdiction des manipulations de marché devrait viser ces interconnexions. »

Enfin, le III de cet article L. 465-3-4 exclut de l'application des différentes incriminations en matière d'abus de marché trois catégories d'opérations :

- les rachats d'actions , lorsque ces opérations sont réalisées conformément à l'article 5 du règlement sur les abus de marché ;

- les opérations de stabilisation 41 ( * ) , qui correspondent à certaines opérations de tenue de marché (ou market making ) par les établissements de crédit ;

- les opérations financières réalisées par la puissance publique en matière de politique monétaire, de gestion de la dette publique, de gestion du marché de quotas d'émission carbone ou de mise en oeuvre de la politique agricole commune .

F. LA RÈGLE DU QUINTUPLE MAINTENUE POUR LES PERSONNES MORALES PÉNALEMENT RESPONSABLES

L'actuel article L. 465-3 du code monétaire et financier prévoit que les personnes morales responsables pénalement sont soumises au régime de droit commun prévu par les articles 131-38 et 131-39 du code pénal, à savoir une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, ainsi que des peines complémentaires , en particulier l'interdiction d'exercer l'activité incriminée.

Le présent article créé un article L. 465-3-5 qui reprend ce droit existant . Toutefois, compte tenu de l'augmentation du quantum de la sanction exprimée en valeur absolue, l'amende pour les personnes morales sera désormais de 500 millions d'euros , montant à la fois significatif et dissuasif, et cinq fois plus important que devant l'autorité administrative. La règle du quintuple s'appliquant à l'amende de façon générale, la peine pour les personnes morales peut aller jusqu'à cinquante fois (10 x 5) l'avantage retiré.

G. DIVERSES MESURES DE COORDINATION

Par ailleurs, le présent article procède à un certain nombre de coordination pour tenir compte de ces évolutions :

• À l'article L. 466-1 du code monétaire et financier, il élargit les références des abus de marché pour lesquels les autorités judiciaires doivent demander l'avis de l'Autorité des marchés financiers en cas de poursuites.

• À l'article L. 621-12 du même code, le présent article adapte les références aux abus de marché s'agissant de la possibilité pour le juge des libertés et de la détention d'autoriser les enquêteurs de l'AMF à réaliser des visites domiciliaires et toute saisie de documents.

• À l'article L. 621-17-7 du même code, le présent article adapte les références aux abus de marché s'agissant de l'absence de poursuites des personnes ayant réalisé une déclaration d'opérations suspectes, sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération.

• À l'article 705-1 du code de procédure pénale, le présent article adapte les références de l'ensemble des abus de marché qui ressortissent de la compétence du procureur de la République financier.

• Enfin, à l'article 421-1 du code pénal, le présent article adapte la référence aux délits d'initiés qui peuvent être qualifiés d'acte de terrorisme quand ils « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

*

Enfin, le dernier alinéa du présent article prévoit que ce dernier entre en vigueur le 3 juillet 2016 , date limite de transposition prévue par les textes européens.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article procède à une refonte en profondeur des incriminations d'abus de marché et de leurs sanctions . À cet égard, il eût été regrettable qu'une telle réforme fût réalisée par ordonnance , comme l'avait proposé le Gouvernement et s'y était opposée votre commission des finances à l'occasion de l'examen du projet de loi n° 2014-1662 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière du 30 décembre 2014.

Au-delà de la nécessité de la transposition de la directive et du règlement européens du 16 avril 2014, cette refonte est le pendant nécessaire de l'aiguillage prévu par l'article premier de la présente proposition de loi . En effet, il serait incohérent, sinon inacceptable, que les cas les plus graves, renvoyés devant le juge pénal, soient traités avec moins de sévérité que s'ils avaient été poursuivis devant le régulateur .

De ce point de vue, le présent article fait le choix de sanctions très dissuasives : si le relèvement de la peine d'emprisonnement était rendue nécessaire par le droit européen, le relèvement à 100 millions d'euros de l'amende pour l'ensemble des abus de marché constitue un signal puissant qui devra être suivi par une politique pénale dont l'efficacité et la cohérence seront assurées par le procureur de la République financier .

Par ailleurs, le présent article propose une refonte de la définition des incriminations qui, en simplifiant la qualification de délit d'initié, en isolant celle de divulgation d'informations privilégiées et en créant une incrimination spécifique d'incitation ou de recommandation à l'utilisation d'une information privilégiée, clarifie considérablement le droit applicable. En outre, il convient de se féliciter de la précision, apportée pour chacune des incriminations, consistant à prévoir que la tentative de l'infraction est punie des mêmes peines, compte tenu de l'égale gravité morale qui s'y attache.

Concernant l'incrimination de diffusion de fausse information, votre commission des finances a, à l'initiative de votre rapporteur, adopté un amendement visant à préciser que s'entend également d'une fausse information une information relative à la situation ou aux perspectives d'un émetteur, et non pas strictement sur la valeur d'un actif . En effet, la transposition ne doit pas avoir pour conséquence de réduire le champ de cette incrimination telle qu'elle est aujourd'hui prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier.

S'agissant des personnes morales pénalement responsables, la règle du quintuple prévue par l'article 131-38 du code pénal signifie que l'amende encourue est de 500 millions d'euros ou cinquante fois l'avantage retiré. Or, l'amende correspondant à cinquante fois l'avantage retiré apparaît comme disproportionnée , d'autant que le légitime relèvement à 500 millions d'euros de l'amende exprimée en valeur absolue permettra déjà de disposer d'une peine véritablement dissuasive s'agissant d'entreprises à la capacité contributive significative. En conséquence, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur visant à prévoir que la règle du quintuple s'applique uniquement à l'amende exprimée en valeur absolue .

Par ailleurs, votre commission des finances a adopté un amendement de votre rapporteur visant à prévoir une circonstance aggravante de commission en bande organisée pour l'ensemble des abus de marché. Dans un tel cas, la peine d'emprisonnement serait portée à dix ans . Cette proposition, formulée par le procureur de la République financier dans son rapport précité de février 2015, était présente dans la proposition de loi présentée par votre rapporteur, ainsi que celle présentée par notre collègue Claude Raynal, et déposées sur le bureau du Sénat le 7 octobre 2015 42 ( * ) .

Par cohérence avec cet amendement, votre commission des finances a également adopté un amendement visant à prévoir que, lorsqu'un abus de marché est commis en bande organisée, le parquet national financier peut réaliser des interceptions téléphoniques sans saisir le juge d'instruction , c'est-à-dire sans ouvrir d'information judiciaire. En effet, l'article 706-1-1 du code de procédure pénale prévoit déjà que, pour certaines infractions financières (corruption d'agents publics, fraude fiscale en bande organisée, certains délits douaniers), le parquet peut disposer de moyens d'enquête renforcés, en particulier des interceptions téléphoniques (sur requête du parquet auprès du juge des libertés et de la détention), des infiltrations ou des écoutes dans les lieux de vie privée (sur autorisation du juge d'instruction). Il s'agit ainsi de prévoir les mêmes moyens d'enquête élargis, afin de permettre au parquet, dans ce cas particulièrement grave, de réaliser des interceptions téléphoniques sans avoir à ouvrir une information judiciaire. En effet, sans ce type de moyens d'enquête, la collusion peut être particulièrement difficile à démontrer.

En outre, votre commission des finances a adopté trois amendements portant différentes améliorations rédactionnelles .

Enfin, elle a adopté un amendement visant à modifier la référence insérée à l'article L. 466-1 du code monétaire et financier, afin de prévoir que les autorités judiciaires doivent demander l'avis de l'Autorité des marchés financiers non seulement en cas de poursuites pour délit d'initié ou divulgation d'informations privilégiées, mais également pour les différentes formes de manipulation de marché .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er (Art. L. 465-3-6 [nouveau] du code monétaire et financier) - Encadrement des possibilités de mise en mouvement de l'action publique pour les délits boursiers

. Commentaire : le présent article vise à restreindre la possibilité pour le procureur de la République financier de mettre en mouvement l'action publique, afin d'éviter toute possibilité de cumul des poursuites administratives et pénales pour les abus de marché.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA DOUBLE INCRIMINATION DES ABUS DE MARCHÉS

Les abus de marché font l'objet d'un cumul d'incriminations : ils peuvent à la fois constituer une infraction pénale poursuivie devant le juge répressif et un manquement administratif au règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) susceptible d'être sanctionné par la Commission des sanctions de cette autorité.

Les paires de délit et de manquement administratif concernées sont :

- le délit d'initié 43 ( * ) et le manquement d'initié 44 ( * ) ;

- le délit de diffusion de fausse information 45 ( * ) et le manquement à la bonne information du public 46 ( * ) ;

- le délit de manipulation de cours 47 ( * ) et le manquement de manipulation de cours 48 ( * ) . La loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 a également prévu la répression de la manipulation d'indice tant pénalement 49 ( * ) qu'administrativement 50 ( * ) .

Pour chacun de ces abus, les faits constitutifs du délit et du manquement sont très proches. La principale distinction porte sur l'élément moral, constitutif des délits, mais présent à des degrés variables dans la définition des manquements qui se rapproche d'infractions objectives, s'agissant en particulier du manquement d'initié.

B. UNE DOUBLE VOIE DE POURSUITE PERMETTANT LE CUMUL DES POURSUITES ET DES SANCTIONS

Les mêmes faits peuvent faire l'objet, de manière cumulative, d'une sanction pénale conformément aux articles L. 465-1 et suivants du code monétaire et financier, et d'une sanction administrative ou disciplinaire conformément à l'article L. 621-15 du code monétaire et financier et aux dispositions du livre 6 du règlement général de l'AMF.

1. La répression administrative

L'AMF est une autorité publique indépendante qui a pour missions de veiller à la protection de l'épargne investie dans les produits financiers, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés financiers.

Ainsi que le prévoit l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, l'AMF peut diligenter des contrôles et enquêtes pour assurer l'exécution de ses missions.

Les contrôles s'appliquent aux professionnels réglementés, dont le champ est défini par le II de l'article L. 621-9 et dont l'AMF veille au respect des obligations professionnelles légales et réglementaires.

Les enquêtes ont, quant à elles, pour objectif d'identifier les auteurs d'éventuelles infractions boursières, qu'elles soient le fait d'une société cotée, d'un investisseur particulier ou institutionnel, ou d'un professionnel du marché.

Le pouvoir d'ouvrir une enquête est confié au secrétaire général de l'AMF, qui habilite alors les enquêteurs de manière nominative. En pratique, une enquête peut être ouverte à la suite de constatations faites dans le cadre de la surveillance des marchés, du suivi des sociétés cotées, d'informations adressées à l'AMF ou encore à la demande d'autorités étrangères.

Les enquêteurs établissent un rapport d'enquête qui indique si les faits relevés peuvent constituer un manquement administratif ou une infraction pénale.

Le secrétaire général transmet le rapport d'enquête ou de contrôle au collège de l'AMF. Après examen du rapport, le collège peut décider, en tant qu'autorité de poursuite :

- le classement sans suite ;

- l'envoi d'une lettre d'observation qui rappelle la réglementation en vigueur aux personnes ayant fait l'objet de l'enquête ;

- la notification de griefs et la proposition d'une transaction (composition administrative) ;

- la transmission à d'autres autorités administratives françaises ou étrangères pour des faits relevant de leurs compétences ;

- la transmission du dossier au Parquet lorsque les faits relevés dans le rapport paraissent constitutifs d'un délit ;

- la notification des griefs au mis en cause.

La notification de griefs énonce les faits reprochés et les règles méconnues par le mis en cause. Elle marque l'ouverture des poursuites et est transmise à la Commission des sanctions, qui instruira l'affaire et prononcera, le cas échéant, les sanctions.

Hors des cas d'abus de marché, la notification des griefs peut s'accompagner d'une proposition d'entrée en composition administrative au titre de l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier donnant lieu à un accord transactionnel homologué par la Commission des sanctions et publié.

Les sanctions susceptibles d'être prononcées varient selon la qualité de la personne mise en cause 51 ( * ) .

L'article L. 621-30 du code monétaire et financier prévoit une dualité de compétence entre juge administratif et juge judiciaire en matière de recours contre les décisions individuelles de l'AMF.

Les recours formés contre les sanctions prononcées à l'encontre de professionnels des marchés financiers (« personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 ») sont de la compétence du Conseil d'État.

Les sanctions prononcées à l'encontre de toute autre personne doivent être contestée devant le juge judiciaire, soit la Cour d'appel de Paris.

2. La répression pénale

Créé par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le parquet national financier, sous l'autorité du procureur de la République financier, s'est vu confier une compétence exclusive en matière d'exercice de l'action publique pour la poursuite des délits d'initié, de fausse information du marché et de manipulation de cours.

Conformément au principe d'opportunité des poursuites, le parquet national financier peut décider, au vu des informations qui lui ont été transmises et de l'enquête qu'il a pu diligenter, soit un classement sans suite, soit la mise en mouvement de l'action publique.

Pour cela, il peut soit ouvrir une information judiciaire, qui est alors confiée à un juge d'instruction, soit procéder par citation directe en saisissant le tribunal compétent et en informant la personne poursuivie du lieu et de la date de l'audience.

L'exclusivité de la compétence du parquet national financier s'entend à l'égard des autres parquets, la victime d'un délit boursier conservant la possibilité de mettre en mouvement l'action publique en se constituant partie civile ou par le biais d'une citation directe.

3. La mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée

L'article 1 er du code de procédure pénale dispose que l'action publique peut être mise en mouvement par le ministère public mais également par « la partie lésée », c'est-à-dire la victime de l'infraction. Pour cela, la partie lésée peut :

- soit, lorsque l'auteur de l'infraction est connu, faire délivrer une citation directe et saisir ainsi directement le juge répressif, en application de l'article 551 du code de procédure pénale ;

- soit se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent, en application de l'article 85 du même code.

La constitution de partie civile n'est possible que dans deux cas de figure :

- une plainte simple pour les mêmes faits a été classée sans suite par le procureur. Dans ce cas, la victime doit posséder un courrier du procureur indiquant son refus d'engager des poursuites ;

- une plainte simple a déjà été déposée depuis trois mois sans qu'aucune suite n'ait été donnée par le procureur.

La prescription de l'action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu'à la réponse du procureur de la République ou, au plus tard, une fois écoulé le délai de trois mois.

C. LA LIMITATION DES POSSIBILITÉS DE CUMUL PAR LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme et leurs conséquences pour le système de répression des abus de marché sont présentées plus en détail dans l'exposé général du présent rapport.

1. La contrainte du principe ne bis in idem consacré par le Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) prohibe le cumul des poursuites en matière pénale dès lors qu'une décision définitive est déjà intervenue (principe ne bis in idem ).

Dans un arrêt du 4 mars 2014 rendue dans l'affaire Grande Stevens 52 ( * ) , elle a ainsi affirmé que les décisions de sanctions prononcées par la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (CONSOB) - l'autorité administrative indépendante de régulation des marchés financiers en Italie -, susceptibles d'être assimilées à des sanctions de nature pénale, interdisent à une juridiction pénale de poursuivre comme de sanctionner, pour les mêmes faits, les comportements incriminés déjà sanctionnés par l'autorité administrative.

Dans cette affaire, la réserve souscrite par l'Italie au protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur lequel se fonde l'arrêt Grande Stevens , a été écartée par la Cour en raison de sa généralité. La réserve de la France au même protocole est rédigée dans les mêmes termes que la réserve italienne.

2. L'inconstitutionnalité des dispositions actuelles de cumul des répressions administratives et pénales en matière d'abus de marché

Dans le cadre de l'affaire « EADS », le Conseil constitutionnel a été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité porte sur la conformité des dispositions permettant le cumul des poursuites administratives et pénales en matière de délits et de manquements d'initié.

Dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, après avoir rappelé que « le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction », le Conseil constitutionnel a considéré que :

- les articles L. 465-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier tendent à réprimer les mêmes faits et que les dispositions contestées définissent et qualifient de la même manière le manquement d'initié et le délit d'initié ;

- ces deux incriminations protègent les mêmes intérêts sociaux ;

- ces deux incriminations aboutissent au prononcé de sanctions qui ne sont pas de nature différente ;

- les poursuites et sanctions prononcées relèvent toutes deux des juridictions de l'ordre judiciaire, pour ce qui concerne les personnes non directement régulées par l'AMF.

La conjonction de ces quatre éléments a conduit le Conseil constitutionnel à censurer les dispositions contestées, dont l'abrogation interviendra le 1 er septembre 2016. Il ne fait pas de doute que le raisonnement du Conseil constitutionnel est applicable aux autres abus de marché.

Dans une décision 53 ( * ) ultérieure, en date du 14 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une version précédente des mêmes dispositions, contestées dans le cadre d'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité, était conforme à la Constitution car les sanctions encourues étaient, dans l'état du droit applicable à l'affaire en cause, de nature différente.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à créer au sein du code monétaire et financier un article L. 465-3-1 encadrant les possibilités de mise en mouvement de l'action publique pour les délits boursiers. Il s'agit d'un des deux versants du dispositif d' « aiguillage » que la présente proposition de loi tend à instaurer. Les dispositions destinées à encadrer la possibilité pour le collège de l'AMF de notifier des griefs susceptibles de constituer des délits boursiers figurent à l'article 2 de la présente proposition de loi.

A. L'EXTINCTION DE L'ACTION PUBLIQUE EN CAS DE NOTIFICATION DES GRIEFS PAR L'AMF

Le I du nouvel article prévoit, sans préjudice de l'article 6 du code de procédure pénale, qu'en matière d'abus de marché, l'action publique s'éteint par la notification des griefs pour les mêmes faits et à l'égard de la même personne effectuée par le collège de l'AMF en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Considérant que l'extinction de l'action publique intervient après sa mise en mouvement, notre collègue député Dominique Baert indique dans son rapport que, dans la mesure où un aiguillage est effectivement mis en place empêchant le cumul des poursuites, cette disposition n'est susceptible de s'appliquer qu'aux affaires en cours avant l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi.

Cette interprétation ne correspond pas aux effets qu'une cause d'extinction de l'action publique produit.

Les causes d'extinction, définies au premier alinéa de l'article 6 du code de procédure pénale qui dispose que « l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée », sont susceptibles d'intervenir aussi bien avant la mise en mouvement de l'action publique qu'après. Dans le premier cas, elles empêchent la mise en mouvement de l'action publique, dans le second elles l'arrêtent définitivement 54 ( * ) .

Faute de disposition contraire, la nouvelle cause d'extinction proposée au présent article ne déroge pas à la règle. La notification de griefs par l'AMF ferait donc obstacle à la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre de la même personne et pour les mêmes faits, tout comme elle mettrait fin à des poursuites déjà engagées.

B. LA NÉCESSITÉ D'UN ACCORD PRÉALABLE DE L'AMF POUR LA MISE EN MOUVEMENT DE L'ACTION PUBLIQUE

Le II du nouvel article  prévoit que les poursuites pénales concernant un délit boursier ne peuvent être engagées par le procureur de la République financier qu'après concertation avec le collège de l'Autorité des marchés financiers, et accord de celui-ci.

C. LA MISE EN PLACE, EN CAS DE DÉSACCORD, D'UN ARBITRAGE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS

Le III du nouvel article prévoit qu'en l'absence d'accord, le procureur général près la cour d'appel de Paris autorise le procureur de la République financier à mettre en mouvement l'action publique, ou donne son accord au collège de l'Autorité des marchés financiers pour procéder à la notification des griefs.

Le procureur général disposerait de deux mois à compter de sa saisine pour rendre sa décision. Celle-ci serait définitive et non susceptible de recours. Elle serait versée au dossier de la procédure.

D. LA LIMITATION DU DROIT POUR LA PARTIE LÉSÉE DE METTRE EN MOUVEMENT L'ACTION PUBLIQUE

Le IV du nouvel article prévoit que, par dérogation aux dispositions de l'article 85 du code de procédure pénale, une plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que le procureur de la République financier ait été autorisé à exercer les poursuites à l'issue de la procédure de concertation avec l'AMF et, le cas échéant, de l'arbitrage du procureur général.

Comme dans le droit commun, la victime devrait justifier qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire.

La prescription de l'action publique serait suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu'à la réponse du procureur de la République financier. Contrairement aux dispositions de l'article 85 précité, le terme du délai de trois mois ne met pas fin à la suspension de la prescription.

Le V prévoit quant à lui que, par dérogation au premier alinéa de l'article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits prévus et réprimés par les articles L. 465-1 à L. 465-2-1 du présent code ne peut être délivrée qu'à la requête du ministère public.

*

Le VI du nouvel article prévoit qu'un décret en Conseil d'État viendra préciser les conditions et modalités du dispositif.

*

Pour une bonne compréhension du dispositif, il convient d'indiquer que l'article 2 de la présente proposition de loi tend à instaurer des dispositions miroir de celles exposées ci-dessus, de manière à subordonner la notification, par le collège de l'AMF, de griefs susceptibles de constituer des délits boursiers à l'accord du procureur de la République financier. À défaut d'accord, s'appliquerait la procédure d'arbitrage par le procureur général près la Cour d'appel de Paris.

Le détail de ces dispositions est présenté dans le commentaire de cet article.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de notre collègue député Dominique Baert, rapporteur, quatre amendements.

Un amendement a remplacé l'accord de l'AMF au parquet pour l'engament de poursuites par un avis conforme. L'exposé sommaire de l'amendement explique en effet qu' « il serait plus pertinent que l'accord, soit du Parquet, soit de l'AMF, se traduise par un "avis conforme". Outre que cela est plus cohérent quant à l'indépendance des deux autorités en question, aucune n'étant formellement soumise à "l'accord" de l'autre pour engager des poursuites, il permet de formaliser la décision qui sera prise suite à la procédure de concertation. »

Un deuxième amendement visait à préciser que « l'avis conforme du collège de l'Autorité des marchés financiers est définitif et n'est pas susceptible de recours » et qu'il « est versé au dossier de la procédure », à l'instar de l'arbitrage rendu par le procureur général.

Les deux autres amendements procèdent à des coordinations.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, trois amendement présentés par notre collègue député Dominique Baert.

Deux de ces amendements sont rédactionnels.

Le troisième a introduit un V bis dans le nouvel article L. 465-3-1, renuméroté L. 465-3-6 dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, afin de préciser que les procédures de concertation et d'arbitrage suspendent la prescription de l'action publique pour les faits auxquels elles se rapportent.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'exposé général du présent rapport rappelle de manière détaillée les termes du débat qui, à la suite de l'arrêt Grande Stevens de la CEDH puis de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, a conduit à la solution avancée par la présente proposition de loi pour éviter tout cumul des poursuites en matière d'abus de marché.

Dans le cadre de la mission d'information sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers que leur avait confié votre commission des finances, votre rapporteur et notre collègue Claude Raynal avait eux-mêmes conclu à la nécessité de mettre en place un aiguillage concerté entre l'AMF et le parquet national financier orientant les poursuites entre la voie pénale et administrative. C'est d'ailleurs ce à quoi tendent leurs propositions de loi identiques déposées le 7 octobre 2015.

Le point de savoir quelle autorité doit arbitrer les éventuels conflits d'attribution, dont votre rapporteur estime qu'ils seront très rares, est en pratique relativement mineur, même s'il a suscité de vifs débats compte tenu des enjeux institutionnels et symboliques qui lui était attachés.

Rédigées alors que la controverse n'était pas encore apaisée, les propositions de loi déposées par votre rapporteur et notre collègue Claude Raynal confient le rôle d'arbitre à une instance « neutre », extérieure au ministère public comme à l'AMF, de nature juridictionnelle et composée à parité de magistrats judiciaires et administratifs.

Dès lors que l'ensemble des parties prenantes s'est accordé pour choisir comme arbitre le procureur général près la Cour d'appel de Paris, qui a toute compétence et légitimité pour remplir cette fonction, votre rapporteur se rallie sans difficulté à cette solution qui a l'avantage de la souplesse même si elle semble moins respectueuse de la séparation des pouvoirs.

En revanche, votre rapporteur est attaché à garantir la transparence, l'efficacité et la rapidité de la procédure d'aiguillage afin d'assurer une orientation pertinente des affaires et de ne pas ralentir excessivement l'engagement des poursuites.

À cet égard, il considère que le présent article tend à décréter la concertation entre le parquet national financier et l'AMF plutôt qu'à l'organiser. Le renvoi à un décret pour définir l'ensemble des conditions et modalités du dispositif ne lui paraît pas satisfaisant, d'autant que sont en cause à la fois des éléments de procédure pénale et les relations entre une autorité publique indépendante et l'autorité judiciaire.

C'est pourquoi votre commission des finances, a adopté deux amendements identiques proposés par votre rapporteur et la commission des lois, afin de mieux définir les phases de la concertation entre l'AMF et le parquet ainsi que les délais enserrant cette procédure :

- lorsque le parquet ou le collège de l'AMF est informé de la volonté de l'autre autorité d'engager des poursuites, il dispose de deux mois pour indiquer s'il souhaite également poursuivre la même personne pour les mêmes faits ;

- s'il renonce ou ne répond pas dans le délai imparti, alors l'autre autorité peut engager les poursuites ;

- si, au contraire, il revendique le droit de poursuivre, alors l'autre autorité dispose de quinze jours pour confirmer son souhait initial et saisir le procureur général pour un arbitrage. À défaut, c'est-à-dire en cas de silence gardé ou d'un renoncement explicite de l'autre autorité, il peut engager les poursuites ;

- la durée maximale de la phase d'arbitrage serait de deux mois, comme dans la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale.

Il serait précisé que le procureur général doit mettre en mesure l'AMF et le parquet national financier de présenter leurs observations.

Pour en améliorer la lisibilité, le dispositif adopté par votre commission des finances porte sur l'intégralité de la procédure, que l'initiative de l'entrée en concertation ait été prise par le parquet ou l'AMF, alors que la présente proposition de loi répartit les dispositions nécessaires à l'aiguillage dans deux de ses articles (articles 1 er et 2) et deux articles du code monétaire et financier.

Il serait également prévu :

- que les dispositions relative à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), dite « plaider coupable », continueraient de s'appliquer aux délits boursiers. Cette précision vise à éviter que l'instauration de la procédure d'aiguillage n'ait pour conséquence involontaire l'exclusion des délits boursiers du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (dite procédure de « plaider coupable ») qui y figurent actuellement 55 ( * ) ;

- que la suspension, au profit de la victime, de la prescription de l'action publique prévue par le présent article prenne fin, en tout état de cause, au plus tard au terme d'un délai de trois mois. En effet, le présent article ne prévoit qu'un seul terme à cette suspension de la prescription : la réponse du procureur. Or ce terme est incertain, le procureur pouvant décider de finalement ne pas poursuivre alors même qu'il a été autorisé à le faire et omettre de l'indiquer à la partie civile. Dans cette hypothèse, certes assez improbable mais pas impossible, il y aurait une forme d'imprescriptibilité de l'action publique au profit de la victime, qui serait disproportionnée. On rappellera à cet égard que la prescription des délits boursiers est normalement de trois ans.

Par ailleurs, notre collègue député Dominique Baert indique dans son rapport sur la présente proposition de loi que « l'AMF et le Parquet national financier se sont, de manière informelle, mis d'accord sur le fait que le seuil de un million d'euros pourrait être discriminant, les affaires dans lesquelles les préjudices seraient supérieurs à ce montant ayant ainsi plutôt vocation à être orientées vers la voie pénale ». Les auditions conduites par votre rapporteur n'ont pas confirmé cette information. Au demeurant, votre rapporteur considère que l'appréciation doit se faire au cas par cas et ne pas reposer sur le seul critère du montant du gain ou du préjudice, mais prendre également en compte, par exemple, la qualité de l'auteur de l'infraction, un éventuel état de récidive, la circonstance d'une commission en bande organisée etc.

En tout état de cause, la concertation entre le parquet national financier et l'AMF doit également permettre de déterminer la voie présentant la meilleure chance d'aboutir à la sanction effective de l'infraction en cause, notamment au regard du caractère intentionnel des faits, ou de la possibilité de prouver ce dernier, et du degré d'exigence de preuve que le dossier d'enquête parait permettre de satisfaire. Il faut à cet égard rappeler que les manquements administratifs sont « objectifs », c'est à dire qu'ils ne nécessitent pas, pour être constitués, l'élément moral propre aux infractions pénales, et que l'exigence de preuve devant la Commission des sanctions de l'AMF est moindre que devant les juridictions pénales.

C'est pourquoi, si la gravité des faits n'impose pas la saisine du juge répressif et en cas de doute sur les chances de succès d'une procédure pénale pleine de chausse-trappes, votre rapporteur estime qu'il convient de privilégier la voie administrative, qui permet par ailleurs le prononcé de sanctions pécuniaires et, le cas échéant, professionnelles très dissuasives, pour autant que l'AMF se saisisse pleinement des possibilités que le législateur a souhaité lui ouvrir.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er bis A (nouveau) (Art. L. 621-10 et L. 621-10-2 [nouveau] du code monétaire et financier) - Autorisation du juge des libertés et de la détention pour l'accès de l'Autorité des marchés financiers aux données de connexion des opérateurs téléphoniques

. Commentaire : le présent article vise à prévoir que l'Autorité des marchés financiers doit solliciter l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention pour se voir communiquer les données de connexion des opérateurs téléphoniques (« factures détaillées »).

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, l'Autorité des marchés financiers (AMF) peut, dans le cadre de ses enquêtes et contrôles, se voir aujourd'hui communiquer tous documents, y compris les « données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications » . Il s'agit, en pratique, des données de connexion qui permettent d'établir le relevé des appels émis et reçus par une personne (les factures détaillées ou « fadettes »).

Cependant, dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a censuré, au nom du droit au respect de la vie privée, les dispositions qui permettaient, dans des termes identiques, à l'Autorité de la concurrence dans le cadre de ses enquêtes en matière de pratiques anticoncurrentielles, d'accéder à ces mêmes données de connexion des opérateurs téléphoniques.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

À l'initiative de notre collègue François Pillet, rapporteur pour avis, votre commission des finances a adopté un amendement proposé par la commission des lois, portant article additionnel et visant à prévoir que l'AMF doit obtenir une autorisation du juge des libertés et de la détention afin de se faire communiquer les données de connexion des opérateurs de télécommunication .

En conséquence, il modifie l'article L. 621-10 du code monétaire et financier afin de supprimer la possibilité prévue actuellement, pour la réintroduire au sein d'un nouvel article spécifique L. 621-10-2, qui encadre cette possibilité en prévoyant qu'elle n'est offerte aux enquêteurs de l'AMF que sur autorisation du juge des libertés et de la détention, après demande motivée du secrétaire général de l'Autorité .

Cet article permet ainsi, de façon préventive, de sécuriser juridiquement cette possibilité qui pourrait, dans son cadre actuel, être à terme contestée devant le Conseil constitutionnel, d'autant plus qu'elle constitue un moyen d'enquête déterminant pour l'AMF afin d'établir l'existence de liens entre certaines personnes qui font l'objet de ses enquêtes.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

ARTICLE 1er bis (Art. L. 465-3-4, L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier) - Mise en conformité des pouvoirs de sanction de l'Autorité des marchés financiers avec la directive 2014/57/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014

. Commentaire : le présent article vise à aménager la définition des pouvoirs de sanction de l'Autorité des marchés financiers afin de les mettre en conformité avec la directive 2014/57/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE POUVOIR D'INJONCTION DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (ARTICLE L. 621-14 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER)

Le II de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier prévoit que l'Autorité des marchés financiers (AMF) dispose d'un pouvoir d'injonction auprès des personnes qui se rendent coupables de manquement aux règles visant à protéger les investisseurs contre les abus de marché et à assurer le bon fonctionnement des marchés .

Le troisième alinéa de ce II prévoit que ce pouvoir d'injonction s'applique également s'agissant des manquements commis sur le territoire français pour des instruments financiers négociés sur le marché d'un autre État européen.

B. LE POUVOIR DE SANCTION EN MATIÈRE D'ABUS DE MARCHÉ (ARTICLE L. 621-15 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER)

L'article L. 621-15 du code monétaire et financier prévoit et organise la compétence de l'AMF en matière de sanction des opérateurs qu'elle régule, au-delà des seuls abus de marché (manquement aux obligations professionnelles, refus de transmission de documents, etc.).

Le c) et d) du II prévoient la compétence de la Commission des sanctions en matière d'abus de marché . Le c) prévoit la compétence de l'AMF pour les actes commis en France ou à l'étranger sur des instruments financiers négociés sur une plateforme de négociation régulée en France. Le d) prévoit la compétence de l'AMF pour les actes commis en France sur des instruments financiers négociés sur une plateforme de négociation enregistrée dans un autre État européen.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Baert, rapporteur, procède à une mise en conformité des pouvoirs d'injonction et de sanction de l'Autorité des marchés financiers avec la directive 56 ( * ) et le règlement 57 ( * ) européens du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché .

S'agissant de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, le présent article vise, d'une part, à adapter la définition des incriminations concernées par ce pouvoir d'injonction en ajoutant la nouvelle incrimination spécifique de divulgation illicite d'informations privilégiées et, d'autre part, à ajouter les quotas d'émission carbone dans la liste des instruments financiers entrant dans le champ de la compétence de l'AMF , conformément aux dispositions du règlement européen.

S'agissant de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, le présent article procède à une récriture globale des c) et d) du II . Les principales évolutions par rapport au droit existant sont les suivantes :

• l'adaptation des définitions des abus de marché tels que définis par le règlement européen sur les abus de marché, en particulier la référence à la catégorie générique des manipulations de marché de l'article 12 du règlement (manipulation de cours, diffusion de fausse information et manipulation d'indice dans les définitions françaises des incriminations), à l'incitation ou à la complicité dans le cadre d'une opération d'initié du 2 de l'article 8 du même règlement, ainsi qu'à la divulgation illicite d'informations privilégiées de l'article 10 du même règlement ;

• l'extension des instruments financiers entrant dans le champ de compétence de l'AMF, avec l'ajout des quotas carbone et des contrats au comptant sur les matières premières .

Enfin, le II du présent article a pour objet de prévoir une simplification de la formulation, prévue par l'article L. 465-3-4 que l'article 1 er A de la présente proposition de loi se propose de créer au sein du code monétaire et financier, s'agissant des plateformes de négociation : en effet, la directive sur les marchés d'instruments financiers 58 ( * ) prévoit de rassembler sous un même vocable de « plateforme de négociation » les marchés réglementés et les systèmes multilatéraux de négociation . Le II procède à cette évolution, en prévoyant une entrée en vigueur différée au moment de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de transposition de ladite directive.

Le III du présent article prévoit que ce dernier, à l'exception du II mentionné précédemment, entre en vigueur le 3 juillet 2016 , date d'application prévue par l'article 39 du règlement sur les abus de marché.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article a pour objet de transposer la directive et le règlement du 16 avril 2014 sur les abus de marché . Compte tenu de l'existence d'une législation ancienne, en France, sur les abus de marché et leur répression par l'Autorité des marchés financiers, cette transposition n'entraîne pas d'évolution majeure des opérations ou comportements susceptible d'être poursuivis par cette dernière, ni des instruments faisant l'objet d'opérations pouvant être poursuivies.

S'agissant des instruments financiers entrant dans le champ de la compétence de sanction de l'AMF, votre commission a toutefois adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement visant à modifier la liste des instruments financiers concernés , afin de ne pas créer de divergence avec le champ prévu par l'article 1 er A de la présente proposition de loi (nouvel article L. 465-3-4 du code monétaire et financier).

Ce même amendement permet, en outre, de procéder à quelques améliorations rédactionnelles .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 2 (Art. L. 621-15, L. 621-15-1 et L. 621-17-3 du code monétaire et financier) - Encadrement de la possibilité pour l'Autorité des marchés financiers de procéder à une notification des griefs

. Commentaire : le présent article vise à restreindre la possibilité pour l'Autorité des marchés financier de notifier des griefs, afin d'éviter toute possibilité de cumul des poursuites administratives et pénales pour les abus de marché.

I. LE DROIT EXISTANT

Le système actuel de répression des abus de marché et les contraintes liées à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme sont présentés dans le commentaire de l'article 1 er de la présente proposition de loi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le du présent article procède à une réécriture globale de l'article L. 621-15-1 du code monétaire et financier, qui constituerait désormais le pendant, pour l'Autorité des marchés financiers (AMF) de l'article L. 465-3-6 du même code, introduit par l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Le I de l'article L. 621-15-1 prévoirait ainsi que « le collège de l'Autorité des marchés financiers ne peut notifier de griefs aux personnes à l'encontre desquelles, à raison des mêmes faits, l'action publique [...] a été mise en mouvement par le procureur de la République financier ».

Le II interdirait à l'AMF de notifier des griefs lorsque les faits sur lesquels ils portent sont susceptibles de constituer un délit boursier, si le procureur de la République financier n'a pas donné son accord à l'issue d'une procédure de concertation.

Le III indiquerait qu'en l'absence d'accord du procureur de la République financier à l'issue de la concertation, la procédure d'arbitrage par le procureur général près la cour d'appel de Paris, prévue au III de l'article L. 465-3-6 créé par la présente proposition de loi, s'applique.

Le IV renverrait à un décret en Conseil d'État la définition des conditions et modalités d'application du dispositif.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de notre collègue député Dominique Baert, rapporteur, quatre amendements.

Deux d'entre eux visent, comme pour le dispositif de l'article 1 er de la présente proposition de loi, à substituer un avis conforme à l'accord du parquet à l'AMF pour l'engagement de poursuites, au motif que cela serait « plus cohérent quant à l'indépendance des deux autorités en question, aucune n'étant formellement soumise à "l'accord" de l'autre pour engager des poursuites » et permettrait de « formaliser la décision qui sera prise suite à la procédure de concertation ».

Un troisième tend à introduire un III bis à l'article L. 621-15-1 du code monétaire et financier afin rendre la procédure de concertation définitive, comme cela est prévu pour la décision d'arbitrage du procureur général près la cour d'appel de Paris, et à préciser que l'avis conforme sera insusceptible de recours et versé au dossier de la procédure.

Le dernier amendement est de coordination.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La position de votre commission des finances sur le dispositif d'aiguillage et les modifications que cette dernière lui a apportées sont présentées dans le commentaire de l'article 1 er de la présente proposition de loi.

Afin de rendre plus lisible ce dispositif, votre commission des finances a ainsi adopté, à l'initiative de votre rapporteur et de la commission des lois, un amendement :

- supprimant l'ensemble des dispositions relatives à l'aiguillage des poursuites, renvoyées à l'article 1 er précité ;

- abrogeant, en conséquence, l'actuel L. 621-15-1 du code monétaire et financier ;

- procédant à plusieurs coordinations.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 2 bis (nouveau) (Art. L. 621-14-1 du code monétaire et financier) - Extension du champ de la composition administrative de l'Autorité des marchés financiers aux abus de marché

. Commentaire : le présent article, introduit par votre commission, vise, grâce à l'extension de la procédure de composition administrative, à permettre à l'Autorité des marchés financiers de conclure des accords transactionnels en cas d'abus de marché.

I. LE DROIT EXISTANT

La procédure de composition administrative de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a été introduite, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et figure à l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier.

Le dispositif proposé prévoit que le collège de l'AMF peut, en même temps qu'il notifie des griefs à une personne mise en cause, lui proposer d'entrer dans la voie d'une composition administrative. Cette proposition suspend le délai de prescription de trois ans prévu par le deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15.

La personne mise en cause peut alors s'engager à verser une somme dont le montant maximum est équivalent à celui de la sanction pécuniaire encourue.

L'accord de transaction est soumis au collège puis, s'il est validé par celui-ci, à la Commission des sanctions qui peut décider de l'homologuer. Cet accord homologué est rendu public.

Le refus d'homologation ou le non-respect de l'accord homologué par la personne mise en cause conduit à ce que la notification originelle des griefs soit transmise à la Commission des sanctions, dans le cadre de la procédure normale de sanction.

Deux types d'exclusion sont prévus pour cette procédure :

- sont exclus du périmètre de la transaction les abus de marché et la diffusion d'une fausse information lors d'une opération d'offre au public de titres financiers ;

- sont exclues de la possibilité de transiger les infrastructures de marché, c'est-à-dire les dépositaires centraux, chambres de compensation et entreprises de marché mentionnés aux 3°, 5° et 6° du II de l'article L. 621-9.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement visant à lever l'exclusion des abus de marché du champ de la composition administrative.

À cette fin, seraient désormais visés par l'article L. 614-21-1 du code monétaire et financier les c et d de l'article L. 621-15 du même code, tel qu'il résulterait de l'article 1 er A de la présente proposition de loi.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'extension du champ de la composition administrative de l'AMF aux abus de marché est prévue par les propositions de loi identiques déposées par votre rapporteur et notre collègue Claude Raynal.

Cette extension se justifie d'autant plus qu'un aiguillage entre la voie pénale et administrative pour la répression des abus de marché devrait être mis en place en application de l'article 1 er de la présente proposition de loi car les plus graves de ces abus auraient dès lors vocation à être poursuivis devant le juge pénal et ne pourraient pas, dans ce cas, donner lieu à une proposition de composition de la part de l'Autorité des marchés financiers.

En outre, le parquet national financier dispose aujourd'hui de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité (CRPC), dite « plaider coupable », introduite par la loi « Perben II » 59 ( * ) . Si cette procédure n'a encore jamais été utilisée pour un délit boursier, le procureur de la République financier indique vouloir désormais y recourir et explique que ce choix, « contrairement aux idées reçues, n'entraînera pas un affaiblissement de la répression pénale : le parquet financier proposera en effet des peines significatives » 60 ( * ) .

Il serait paradoxal que les affaires les plus graves puissent faire l'objet d'une procédure de « plaider coupable », alors que les affaires les moins graves, dévolues à l'AMF, ne pourraient donner lieu à un accord de composition administrative.

Il convient de noter que l'article 18 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique 61 ( * ) , qui doit être prochainement examiné par le Parlement, prévoit une extension du champ de la composition administrative à l'ensemble des manquements, notamment aux obligations d'information des émetteurs, à l'exclusion des abus de marché.

L'exposé des motifs du projet de loi souligne que « plusieurs raisons militent aujourd'hui en faveur d'une extension du champ de cette composition administrative :

« - le succès de cette procédure depuis 2010 : l'expérience a montré que les propositions d'entrée en voie de composition administrative ont très généralement été acceptées, puis validées par le collège et homologuées par la Commission des sanctions. La composition administrative est en effet intéressante d'une part, pour les personnes concernées, car si l'accord est public, il n'y a pas d'audience publique ; d'autre part, parce qu'elle permet de ?désengorger? la Commission des sanctions et la faire se prononcer en priorité sur les dossiers les plus complexes et les plus graves ;

« - le raccourcissement des délais de traitement des dossiers : le délai moyen de traitement d'un dossier par la Commission des sanctions est de l'ordre d'un an, soit environ le double du délai de traitement d'un dossier de composition administrative ;

« - un rôle pédagogique par la prise d'engagements et leur rapide mise en oeuvre, sous le contrôle des services de l'AMF : de surcroît, la composition administrative permet une meilleure indemnisation des victimes ; une composition administrative a d'ailleurs prévu cette indemnisation en imputant les sommes versées aux victimes des manquements sur le montant total de la transaction. »

Même si l' « engorgement » de la Commission des sanctions est à l'heure actuelle tout relatif, votre rapporteur partage globalement ces appréciations et souligne en outre qu'il ressort des accords de composition administrative passés ces dernières années que les pénalités financières sont du même ordre que celles prononcées par la Commission des sanctions pour des faits similaires.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

ARTICLE 2 ter (nouveau) (Art. L. 621-20-4, L. 621-20-5 [nouveau], L. 621-20-6 [nouveau] et L. 621-20-7 [nouveau] du code monétaire et financier) - Coopération entre le parquet national financier et l'Autorité des marchés financiers

. Commentaire : le présent article, introduit par votre commission, vise à prévoir que le procureur de la République financier et l'Autorité des marchés financiers coopèrent entre eux et échangent des informations dans le cadre des enquêtes qu'ils mènent sur des abus de marché.

I. LE DROIT EXISTANT

La coopération actuelle entre le parquet national financier et l'Autorité des marchés financiers (AMF) repose sur l'article L 621-15-1 du code monétaire et financier, qui sera abrogé le 1 er septembre prochain en raison de sa censure par le Conseil constitutionnel 62 ( * ) .

Cet article dispose que :

- si l'un des griefs notifiés est susceptible de constituer un délit boursier, le collège transmet dans les meilleurs délais le rapport d'enquête ou de contrôle au procureur de la République financier ;

- lorsque le procureur de la République financier décide de mettre en mouvement l'action publique sur les faits qui ont été l'objet de la transmission, il en informe sans délai l'Autorité des marchés financiers (AMF).

De manière complémentaire, l'article L. 621-20-4 - qui ne porte pas spécifiquement sur les abus de marché - prévoit que « les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers peuvent être communiqués par le procureur de la République financier, le cas échéant après avis du juge d'instruction, d'office ou à leur demande :

« 1° Au secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, avant l'ouverture d'une procédure de sanction ;

« 2° Ou au rapporteur de la Commission des sanctions, après l'ouverture d'une procédure de sanction. »

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement visant à renforcer la coopération entre l'AMF et le parquet national financier au stade de l'enquête .

Le du présent article crée une nouvelle sous-section 7 bis , intitulée « Coopération avec le procureur de la République financier » au sein de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI du code monétaire et financier, qui comporte trois nouveaux articles.

Le nouvel article L. 621-20-5 pose le principe de la coopération entre le procureur de la République financier et l'AMF. En outre, cet article prévoit que :

- les deux autorités se communiquent les renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions respectives ;

- lorsqu'elles mènent des enquêtes portant sur des mêmes faits, elles s'informent des actes d'enquête ou de contrôle qu'elles prévoient de réaliser et coordonnent leur action.

Le nouvel article L. 621-20-6 impose qu'avant la mise en mouvement de l'action publique, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles de constituer un abus de marché soient communiqués sans délai par le procureur de la République financier au secrétaire général de l'AMF.

Une obligation réciproque est faite à l'Autorité des marchés financiers, sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 632-1 A, qui prévoit que les informations confidentielles recueillies par l'AMF auprès d'un régulateur étranger dans le cadre de la coopération internationale ne peuvent être communiquées qu'avec « l'accord express » de ce régulateur.

Enfin, le nouvel article L. 621-20-7 prévoit, dans le cadre d'une procédure pénale portant sur un délit boursier, la possibilité pour le procureur de la République financier de demander à l'AMF la réalisation d'expertises entrant dans le champ de compétence de cette dernière.

L'AMF pourrait, quant à elle, demander la réalisation d'actes d'enquêtes judiciaires au procureur de la République financier, qui pourrait toutefois refuser d'accéder à cette demande.

Par ailleurs, le du présent article modifie l'article L. 621-20-4 du code monétaire et financier de manière à ce que « les procès-verbaux ou rapports d'enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d'être soumis à l'appréciation de la Commission des sanctions de l'AMF » puisse être communiqués à l'AMF non seulement par le procureur de la République financier mais par tout autre procureur non spécialisé.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif adopté par votre commission des finances figure dans les propositions de loi identiques présentées par votre rapporteur et notre collègue Claude Raynal.

La présente proposition de loi tend à mettre en place un système de répression des abus de marché répondant au principe de non cumul des poursuites pénales et administratives. L'« aiguillage » des poursuites qu'il est prévu d'instituer à cette fin rend particulièrement nécessaire l'amélioration de l'efficacité et de la rapidité de la répression pénale, qui ne pourra plus être suppléée par la répression administrative.

Or cette amélioration dépend grandement de la manière dont seront menées les enquêtes de l'AMF et du parquet national financier.

Il faut tout d'abord éviter un fonctionnement « séquentiel » , l'enquête pénale démarrant après la conclusion de l'enquête administrative. Grâce à une information précoce de l'ouverture d'une enquête par l'AMF, le parquet pourra commencer, s'il l'estime opportun, à réaliser les actes d'enquête qui lui seront nécessaires dans le cadre de futures poursuites pénales.

Le parquet national financier pourra en outre conseiller l'AMF sur la manière dont celle-ci peut prendre en compte les contraintes de la procédure pénale afin que son enquête soit aisément utilisée à l'appui d'éventuelles poursuites pénales. Les services de police et les juges d'instruction devraient ainsi avoir moins tendance à « refaire » l'enquête, ce qui représente aujourd'hui un facteur important de ralentissement.

Il faut également empêcher un fonctionnement « en silo » , l'enquête pénale ou administrative se déroulant sans aucune coordination avec l'autre autorité, voire sans que cette dernière ne soit même informée de son existence.

Une meilleure information réciproque dès le stade de l'enquête permettrait ainsi d'éviter des investigations ou des auditions redondantes ainsi que d'éventuelles interférences, telles qu'une visite domiciliaire réalisée par l'AMF chez des suspects par ailleurs surveillés dans le cadre d'une enquête policière.

Le dispositif proposé par le présent article exclut bien évidemment toute tutelle d'une autorité sur l'autre dans la conduite de leurs enquêtes respectives.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

ARTICLE 3 (Art. L. 621-16 du code monétaire et financier) - Mise en conformité des dispositions du code monétaire et financier relatives à l'imputation de la sanction administrative pécuniaire sur l'amende pénale

. Commentaire : le présent article vise à tirer les conséquences de l'interdiction du cumul des poursuites et des sanctions sur l'article L. 621-16 du code monétaire et financier permettant au juge pénal d'imputer sur l'amende qu'il prononce le montant de la sanction pécuniaire qui aurait été définitivement prononcée par l'Autorité des marchés financiers lorsque les deux affaires portent sur les mêmes faits ou des faits connexes.

I. LE DROIT EXISTANT

Dans sa décision n° 89-260 du 28 juillet 1989, le Conseil constitutionnel a validé le système de cumul des sanctions administratives et pénales pour les abus de marché tout en le subordonnant au respect du principe de proportionnalité, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne devant pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

C'est notamment pour l'application de cette réserve que l'article L. 621-16 du code monétaire et financier prévoit que « lorsque la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction pécuniaire s'impute sur l'amende qu'il prononce ».

Dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions permettant le cumul de poursuites et de sanctions pour les abus de marché, y compris celles de l'article L. 621-16 précité, n'étaient pas conformes à la Constitution 63 ( * ) et seraient abrogées le 1 er septembre 2016.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article supprime les mots « les mêmes faits » à l'article L. 621-16 du code monétaire et financier.

Ce faisant, il tend à éviter l'abrogation prochaine de cet article et à continuer de permettre au juge pénal d'imputer sur l'amende qu'il prononce le montant de la sanction pécuniaire qui aurait été définitivement prononcée par l'AMF lorsque les deux affaires portent sur « des faits connexes ».

*

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le Conseil constitutionnel a considéré l'article L. 621-16 comme « inséparable » des dispositions visées à titre principal dans sa décision du 18 mars 2015 et a décidé son abrogation intégrale, alors qu'il n'a censuré que certains mots d'autres articles contestés.

Le présent article vise à limiter les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel aux seuls mots « les mêmes faits », que l'interdiction du cumul des sanctions en matière d'abus de marché rend d'ailleurs superflus.

Cela revient à considérer que la censure du Conseil constitutionnel a été plus large que nécessaire et que l'abrogation intégrale de l'article L. 621-16 n'est pas nécessaire au respect de sa décision du 18 mars 2015.

Votre rapporteur partage cette opinion et propose l'adoption du présent article sans modification.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 4 (Art. L. 621-16-1 du code monétaire et financier) - Suppression de l'interdiction pour l'Autorité des marchés financiers de se constituer partie civile en cas de double poursuite

. Commentaire : le présent article vise à supprimer l'interdiction pour l'Autorité des marchés financiers de se constituer partie civile en cas de double poursuite.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 621-16-1 du code monétaire et financier dispose que, « lorsque des poursuites sont engagées en application des articles L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 l'Autorité des marchés financiers peut exercer les droits de la partie civile. Toutefois, elle ne peut à l'égard d'une même personne et s'agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient du présent code et les droits de la partie civile. »

Comme l'explique notre ancien collègue Philippe Marini dans son rapport 64 ( * ) fait au nom de votre commission des finances sur la loi de sécurité financière, la possibilité ainsi ouverte permet à l'AMF de jouer « un rôle similaire à celui de l'administration des impôts, qui s'est vu reconnaître le droit de se constituer partie civile par le livre des procédures fiscales 65 ( * ) , mais dont la jurisprudence a limité les droits : son action a uniquement pour but de corroborer l'action publique et elle ne peut pas demander le versement de dommages-intérêts 66 ( * ) ».

L'article L. 621-16-1 précité a été introduit par la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière, qui a créé l'Autorité des marchés financier, venue remplacer notamment la Commission des opérations de bourse (COB).

Or la loi n° 89-531 du 2 août 1989 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier avait déjà prévu de doter la COB de la possibilité de se constituer partie civile dans le cas de poursuites pénales portant sur des délits boursiers.

Toutefois, le Conseil constitutionnel avait proscrit cette possibilité dans sa décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 au motif que la COB aurait pu à la fois exercer son pouvoir de sanction et se constituer partie civile, ce qui aurait porté atteinte au principe du respect des droits de la défense.

C'est pourquoi le législateur a pris la précaution dans la loi du 1 er août 2003 de sécurité financière de préciser que l'AMF ne pouvait « à l'égard d'une même personne et s'agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient du présent code et les droits de la partie civile » .

Par la suite, dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré, à l'article L. 621-16 du code monétaire et financier, les mots « L. 465-1 et » contraires à la Constitution, les considérant inséparables des principales dispositions censurées, dont l'article L. 461-1 du même code incriminant le délit d'initié.

La déclaration d'inconstitutionnalité prendra effet le 1 er septembre 2016.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le du présent article modifie l'article L. 621-16-1 du code monétaire et financier par coordination avec l'article 1 er A de la présente proposition de loi, afin que ses dispositions visent les articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du même code incriminant désormais les différents délits boursiers.

Le supprime la seconde phrase du même article L. 621-16-1 en conséquence de l'interdiction du cumul des poursuites pénales et administratives pour les abus de marché prévue par les articles 1 er et 2 de la présente proposition de loi.

*

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission a adopté un amendement à l'initiative de votre rapporteur afin de garantir que, dans l'hypothèse où l'Autorité des marchés financiers (AMF) choisirait de ne pas d'exercer les droits de la partie civile, elle puisse au moins être présente à l'audience pour éclairer, si besoin, le tribunal correctionnel sur les points techniques du dossier. Le même amendement permet au président de l'AMF ou à son représentant de déposer des conclusions et les développer oralement lors de l'audience.

L'AMF ne s'est encore jamais constituée partie civile dans le cadre de la poursuite d'un délit boursier. Cela s'explique par l'interdiction qui lui était faite d'exercer à la fois les droits de la partie civile et ses propres pouvoirs de sanction, qui la conduisait naturellement à la voie de la répression administrative.

Cet obstacle a été levé par l'interdiction du cumul des poursuites découlant de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015.

Pourtant, il a été indiqué à votre rapporteur que, dans une affaire récente où l'AMF a décidé de renoncer à poursuivre elle-même un abus de marché au profit du parquet national financier, elle a également choisi de ne pas se constituer partie civile.

Votre rapporteur comprend la réticence de l'AMF à une telle démarche et rappelle que le Conseil constitutionnel avait souligné, dans sa décision précitée du 28 juillet 1989, que la COB ne pouvait « justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général ». Au demeurant, il n'y aurait pas de sens à imposer à l'AMF de se constituer partie civile, notamment dans la mesure où ce statut emporte des droits (accès au dossier, demande d'actes d'instruction, participation à l'audience etc.) et non des obligations.

Votre rapporteur estime toutefois qu'il faut donner la possibilité à l'AMF, compte tenu de ses missions, d'être représentée à l'audience de la juridiction répressive ayant à connaître de faits constitutifs d'un délit boursier, même sans s'être constituée partie civile.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4 bis (Art. L. 511-34, L. 532-18, L. 532-18-1, L. 621-1, L. 621-7, L. 621-9, l. 621-9-2, L. 621-17-1, L. 621-17-2, L. 621-17-3, L. 621-17-4, L. 621-17-5, L. 621-17-6, L. 621-17-7, L. 621-18-2, L. 621-18-4, L. 632-7 du code monétaire et financier) - Transposition du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché

. Commentaire : le présent article vise à modifier le code monétaire et financier afin de le mettre en conformité avec le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché, en particulier pour l'introduction des quotas carbone dans le champ de la surveillance de l'AMF en matière d'abus de marché et la création d'une procédure de notification d'opérations suspectes.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, a pour objet de procéder aux modifications du code monétaire et financier rendues nécessaires par l'adoption du règlement européen n° 596/2014 du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché, en particulier pour prévoir l'extension du régime des instruments financiers aux quotas d'émission carbone .

Ainsi le présent article modifie, afin d'ajouter la mention des quotas carbone :

• l'article L. 621-1, qui prévoit que l'AMF veille à la protection de l'épargne et au bon fonctionnement des marchés financiers ;

• l'article L. 621-7, qui prévoit la compétence du règlement général de l'AMF ;

• l'article L. 621-9, qui prévoit la compétence de l'AMF en matière de contrôle et d'enquête ;

• l'article L. 621-17-1, qui prévoit le cas de manquements au règlement général par les personnes diffusant des recommandations d'investissement ;

• l'article L. 632-7, qui prévoit la coopération entre l'AMF et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Par ailleurs, la création, par l'article 16 du règlement européen sur les abus de marché, d'une procédure de notification d'opérations suspectes par les opérateurs de marché au régulateur entraîne l'abrogation de l'actuel article L. 621-17-2 qui prévoyait un dispositif analogue de déclaration . En conséquence, le présent article adapte les dispositions des articles L. 621-17-3 (transmission par l'AMF au procureur de la République financier) ; L. 621-17-5 (interdiction de divulgation d'une déclaration ou notification) ; L. 621-17-6 (interdiction faite à l'AMF de révéler les informations ainsi recueillies) ; L. 621-17-7 (dégagement de responsabilité en matière de secret professionnel en cas de déclaration d'opération suspecte de bonne foi) ; L. 511-34 (transmission des informations au siège social par les entités d'un groupe) ; L. 532-18 (libre prestation de services d'investissement) ; L. 532-18-1(succursales de prestataires de services d'investissement). Il abroge en conséquence l'article L. 621-17-4 (détermination des modalités de la déclaration par le règlement général)  et l'article L. 621-18-4 (liste des personnes ayant accès à des informations privilégiées).

Le présent article modifie par ailleurs l'article L. 621-18-2 , afin de renvoyer à l'article 19 du règlement européen la définition des transactions pour compte propre réalisées par des dirigeants de société sur les titres de cette société et qu'ils doivent au préalable notifier à l'autorité compétente.

Enfin, le présent article procède à une modification purement rédactionnelle s'agissant de l'article L. 621-9-2.

Le II prévoit que le présent article entre en vigueur le 3 juillet 2016, date d'application prévue par l'article 39 du règlement européen.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article procède à un certain nombre d' ajustements au sein du code monétaire et financier afin de tenir compte de l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché . Il s'agit, pour l'essentiel, de prévoir l'extension aux quotas carbone de la compétence de l'AMF en matière de protection des marchés contre les délits d'initiés et manipulation de marché.

Le droit français disposant déjà, à l'article L. 621-17-2, d'une procédure de déclaration des opérations suspectes, la création par l'article 16 de ce même règlement d'une procédure de notification, très analogue, n'emporte quant à elle que des évolutions rédactionnelles et de coordination au sein du code monétaire et financier.

Votre commission des finances a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement de nature rédactionnelle.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 (Art. L. 744-12, L. 754-12 et L. 764-12 du code monétaire et financier) - Dispositions relatives à l'outre-mer

. Commentaire : le présent article vise à prévoir les modalités d'application de la proposition de loi en outre-mer.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit, dans son alinéa premier, que la proposition de loi est applicable « sur l'ensemble du territoire de la République » et, en particulier, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna .

En conséquence, le II du présent article vise à modifier les articles L. 744-12 s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, L. 754-12 s'agissant de la Polynésie française et L. 764-12 s'agissant de Wallis-et-Futuna pour y insérer les références à l'ensemble des incriminations pénales en matière d'abus de marché modifiées par l'article 1 er A de la présente proposition de loi ainsi que l'article organisant l'aiguillage entre le juge pénal et l'Autorité des marchés financiers prévu par l'article premier de la proposition de loi (articles L. 465-1 à L. 465-3-6).

*

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale après l'adoption, à l'initiative du Gouvernement en séance publique, d'un amendement de coordination .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article, qui se borne à prévoir l'application de la réforme des incriminations pénales en matière d'abus de marché et de la création d'une procédure d'aiguillage des affaires aux territoires d'outre-mer de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, permet d' assurer la cohérence de la répression des abus de marché sur l'ensemble du territoire de la République .

À l'initiative de notre collègue François Pillet, rapporteur pour avis, votre commission des finances a adopté un amendement de la commission des lois apportant une précision rédactionnelle s'agissant de l'application outre-mer.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 37 Rapport du parquet national financier « La répression des abus de marché : vers une nécessaire réforme », février 2015.

* 38 Le rapport du parquet national financier de février 2015 souligne que « l'ensemble des peines d'emprisonnement prononcées au cours des dix dernières années a été assorti du sursis total ; la durée moyenne d'emprisonnement s'élève à 9,3 mois, la plus importante étant de 20 mois ».

* 39 Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché).

* 40 Il convient de noter que cette précision n'est pas redondante avec les dispositions existantes ; en effet, le troisième alinéa de l'actuel article L. 465-1 s'attache à l'information privilégiée utilisée ou communiquée par d'autres personnes et qui concerne la commission d'un crime ou d'un délit. Il ne s'agit donc pas de la manière dont l'information a été obtenue, mais de son contenu.

* 41 Définies au d du 2 de l'article 3 du règlement européen comme « un achat ou une offre d'achat de valeurs, ou une transaction portant sur des instruments associés équivalents à celles-ci, réalisé par un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement dans le cadre d'une distribution significative de telles valeurs, dans le seul but de soutenir le prix sur le marché de ces valeurs pendant une durée prédéterminée, en raison d'une pression à la vente s'exerçant sur elles ».

* 42 Propositions de loi n° 19 et n° 20 de M. Albéric de Montgolfier et de M. Claude Raynal relatives à la répression des infractions financières, déposées le 7 octobre 2015.

* 43 Article L. 465-1 du code monétaire et financier.

* 44 Article 622-1 du règlement général de l'AMF.

* 45 Deuxième alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier.

* 46 Article 632-1 du règlement général de l'AMF.

* 47 Premier alinéa de l'article L. 465-2 alinéa 1 du code monétaire et financier

* 48 Article 631-1 du règlement général de l'AMF.

* 49 Article L. 465-2-1 du code monétaire et financier.

* 50 Article 632-1 du règlement général de l'AMF.

* 51 Voir le commentaire de l'article 1 er bis.

* 52 Arrêt Grande Stevens et autres c/ Italie , 4 mars 2014, requêtes n° 18640/10, 18647/10, 18663/10,18668/10 et 18698/10.

* 53 Décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016.

* 54 Sauf exceptions prévues à l'article 6 du code de procédure pénale, par exemple « si des poursuites ayant entraîné condamnation ont révélé la fausseté du jugement ou de l'arrêt qui a déclaré l'action publique éteinte ».

* 55 En effet, l'article L. 495-16 du code de procédure pénale dispose que cette procédure n'est pas applicable aux délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. Comme le précise la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice n° CRIM 2004-12 E8/02-09-2004 du 2 septembre 2004 la « notion de "délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale" ne concerne pas les délits dont l'incrimination est déterminée par une loi spéciale, mais ceux pour lesquels la loi prévoit une procédure spéciale de poursuites (Crim. 26 avril. 1994, B. n° 149) ». Il s'agit par exemple « des délits forestiers, de chasse, de pêche, de contribution indirecte ou de fraude fiscale, pour lesquels les dispositions législatives spécifiques qui les incriminent prévoient des règles dérogatoires », l'administration jouant un rôle spécifique dans la mise en mouvement de l'action publique, soit qu'elle puisse l'empêcher (délits fiscaux et douaniers), soit qu'elle puisse y procéder elle-même (délits forestiers). Pour que l'application de la procédure de « plaider coupable » soit possible, la procédure spéciale de poursuite doit elle-même le prévoir. À défaut d'une telle précision, l'aiguillage des poursuites entre la voie pénale et la voie administrative pourrait ainsi être considéré comme une procédure spéciale de poursuite et conduire à l'inapplicabilité des dispositions relatives au « plaider coupable ».

* 56 Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché).

* 57 Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.

* 58 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.

* 59 Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 60 Interview de Mme Éliane Houlette dans le journal Les Échos, 4 mai 2015.

* 61 N° 3623, déposé le 30 mars 2016.

* 62 Décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015.

* 63 Voir l'exposé général du présent rapport et le commentaire de l'article 1 er .

* 64 Rapport n° 206 (2002-2003).

* 65 Article L. 232.

* 66 Cass. crim. 17 juin 1937 ; 16 avril 1970 ; 17 avril 1989.

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