B. LE REFUS DE LA LIBÉRALISATION DES TRANSPORTS PAR AUTOCAR

En libéralisant le transport par autocar, l'article 5 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques s'inscrit résolument contre cette logique de service public, en faisant du transport collectif un service marchand, organisé à la discrétion des entreprises de transport.

Depuis son entrée en vigueur, les entreprises de transport par autocar sont autorisées à ouvrir des liaisons par autocar, sans aucune obligation de prise en compte des impératifs d'aménagement du territoire.

Quelques chiffres sur la libéralisation du transport par autocar (au 1 er octobre 2015)


• 274 autocars circulent chaque jour sur 104 lignes nationales et internationales en France 1 ( * ) ;


• Les métropoles accueillent toutes d'ores et déjà plus de 10 départs par jour ;


• Lyon et Bordeaux accueillent plus de 40 départs par jour ; Paris, près de 200 ;


• Le nombre de passagers transportés s'élève à près de 250 000 dans toute la France ;


• D'ici fin 2016, l'ouverture de plus de 100 lignes supplémentaires est prévue.

Source : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

En outre, cette libéralisation met frontalement en concurrence deux modes de transport, le mode ferroviaire et le mode routier, dans des conditions très inéquitables .

En effet, le mode ferroviaire, pourtant plus vertueux en termes de protection de l'environnement et de la santé mais aussi de sécurité - et qu'il faudrait donc encourager -, doit supporter des coûts importants liés à son infrastructure, au moyen des péages. Ces coûts sont aggravés par le poids de la dette de SNCF Réseau, et les charges financières qu'elle induit. En outre, l'État n'a cessé de réduire, ces dernières années, la subvention qu'il accordait à la SNCF pour compenser les tarifications sociales nationales.

Les autocars, eux, participent à peine à l'entretien des infrastructures routières 2 ( * ) , alors qu'ils contribuent fortement à les dégrader, et que leur impact sur la qualité de l'air a un coût élevé pour la société.

Par exemple, pour un trajet Paris-Orléans effectué le même jour, avec un départ à une demi-heure d'intervalle, le tarif est de 5 euros pour un trajet d'1h35 en autocar avec la compagnie Ouibus (billet modifiable) et de 21,40 euros (billet modifiable) 3 ( * ) pour un trajet d' 1h06 en train Intercités, soit quatre fois le prix du billet en autocar .

Pour un trajet Paris-Lille effectué le même jour, avec un départ à la même heure, le tarif est d'1 euro pour un trajet de 3 heures en autocar, et de 36 euros pour un trajet d'une heure en TGV . Le premier correspond évidemment à un tarif d'appel destiné à prendre des parts de marché, qui augmentera une fois que les usagers auront pris l'habitude de prendre l'autocar à la place du train.

Certes, la loi « Macron » a instauré un seuil en-dessous duquel une liaison par autocar pourra être interdite ou limitée par une autorité organisatrice de transport, avec l'accord de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Mais ce seuil, fixé à 100 kilomètres, est loin de protéger l'ensemble des services ferroviaires. Si les trajets inférieurs à 100 kilomètres représentent 55 % des recettes des trains express régionaux, ils ne représentent que 5 % des recettes des trains d'équilibre du territoire.

La concurrence entre les autocars et les services ferroviaires

Aujourd'hui, la moitié des lignes sur lesquelles circulent des trains d'équilibre du territoire sont concurrencées sur une ou sur plusieurs liaisons par des services d'autocars librement organisés, ou le seront dans les mois prochains. L'ensemble des liaisons assurées par des trains d'équilibre du territoire qui sont en concurrence avec une liaison routière contribue à environ un tiers des recettes de ces trains .

Lors des débats sur la loi « Macron », la SNCF avait estimé que l'impact de cette réforme sur son chiffre d'affaires pourrait être de 200 à 300 millions d'euros par an, une fois que le marché de l'autocar aura atteint sa maturité.

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et SNCF

Cette mise en concurrence déloyale risque d'écarter de nombreux usagers du mode ferroviaire, et d'initier une spirale négative : la baisse de fréquentation va engendrer une perte de recettes pour les trains express régionaux et pour les trains d'équilibre du territoire, qui rendra ces services ferroviaires encore plus chers, au moment où ils seront moins utilisés. En conséquence, les autorités organisatrices seront moins encouragées à investir dans le domaine ferroviaire, ce qui dégradera la qualité du service public ferroviaire et écartera encore davantage d'usagers de ce mode de transport, et ainsi de suite jusqu'à la disparition de nombreuses lignes, seules les lignes les plus rentables étant maintenues.

C'est la raison pour laquelle l'article 1 er de la présente proposition de loi vise à abroger la libéralisation des transports par autocar prévue par la loi « Macron ».


* 1 Une carte de ces lignes est fournie en annexe.

* 2 Ils ne paient pas de péages, hormis sur le réseau autoroutier concédé.

* 3 10 euros pour un billet non modifiable.

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