II. L'ANNÉE 2016 : UNE FENÊTRE D'OPPORTUNITÉ UNIQUE POUR ENGAGER UNE RÉFORME DURABLE DES RETRAITES

A. UNE FENÊTRE D'OPPORTUNITÉ UNIQUE : L'ACCORD MAJEUR DES PARTENAIRES SOCIAUX SUR L'AVENIR DE L'AGIRC-ARRCO ET LA LEVÉE PROGRESSIVE DES BLOCAGES À LA MISE EN oeUVRE DU COMPTE DE PRÉVENTION DE LA PÉNIBILITÉ

1. L'accord sur l'avenir de l'Agirc-Arrco : une avancée majeure, un risque de disparité entre le public et le privé
a) La nécessité d'agir

Dans son rapport de juillet dernier, le comité de suivi des retraites faisait de la négociation sur les régimes complémentaires un facteur clé de l'équilibre futur du système de retraite : « à l'échéance 2020, le solde global du système est principalement dépendant de la trajectoire financière des régimes complémentaires. (...) En l'absence d'accord, le déficit de ces régimes constituerait la part prépondérante du déficit du système de retraites à horizon 2020 (...) alors que les dépenses cumulées constituent une part minoritaire des dépenses. (...) Tant pour le court terme que pour la trajectoire de long terme, les résultats de la négociation en cours sur les régimes complémentaires sont déterminants pour l'appréciation qui peut être portée sur la pérennité financière du système ».

Après 11 années d'excédents (1998-2008), les deux régimes d'assurance vieillesse complémentaire Agirc et Arrco accusent, depuis 2009, des déficits techniques cumulés qui ont atteint les montants de 4,4 milliards d'euros en 2013 et de 3,1 milliards d'euros en 2014. Les prévisions de ces organismes estiment que si rien n'était fait, le déficit pourrait atteindre 8,4 milliards d'euros en 2020. Le recours à l'emprunt étant interdit aux régimes complémentaires, les déficits sont donc actuellement financés sur les réserves financières qui pourraient toutefois être épuisées, selon les hypothèses les plus réalistes, dès 2018-2019 pour la seule Agirc et avant 2023 pour l'Agirc et l'Arrco.

Dans son rapport Garantir l'avenir des retraites complémentaires des salariés (Agirc et Arrco) , la Cour des comptes invite les partenaires sociaux à adopter des mesures dès 2015 afin de permettre d'améliorer le besoin de financement des régimes de plus de 5 milliards d'euros à partir de 2018, l'objectif étant de rapporter quelques 120 milliards d'euros sur les soldes cumulés des régimes en 2030.

Le Cour préconise pour y parvenir d'utiliser principalement le levier du report de l'âge pour ne pas trop pénaliser ni le coût du travail, ni le pouvoir d'achat des retraités. Afin d'assurer un financement des retraites complémentaires jusqu'en 2035, elle propose par exemple de conjuguer un report d'un an de l'âge moyen de départ à la retraite avec une hausse limitée de 0,125 point par an des cotisations et une sous-indexation des pensions d'un point sous l'inflation pendant cinq ans. Autre option, celle conjuguant un report de deux ans de l'âge de départ avec des mesures identiques pendant trois ans. De plus, la fusion des deux régimes doit conduire à réaliser des économies supplémentaires.

b) L'accord du 30 octobre 2015 ouvert à la signature

Entamées le 17 février 2015, les négociations entre les partenaires sociaux pour parvenir à un redressement de la situation financière des régimes ont abouti après six séances de négociations le vendredi 16 octobre 2015. L'accord, qui devait être signé par l'ensemble des syndicats patronaux 15 ( * ) et par trois syndicats de salariés représentants plus de 50 % des salariés syndiqués 16 ( * ) , prévoit une série de mesures paramétriques applicables dès le 1 er janvier 2016 et de mesures plus systémiques entrant en vigueur à partir du 1 er janvier 2019.

• Les mesures paramétriques applicables à partir de 2016 sont celles qui ont un effet sur les recettes le plus marqué.

L'accord prévoit tout d'abord de prolonger, pendant trois ans, la sous-indexation des pensions d'un point en dessous de l'inflation. Prolongeant l'accord du 13 mars 2013, l'accord prévoit également le maintien de la « clause plancher » en cas d'inflation inférieure à 1 %, ce qui se traduit alors par un gel des pensions. Ce dispositif permettrait de générer des économies en 2017 de l'ordre de 1,3 milliard d'euros.

L'accord instaure ensuite le décalage de la revalorisation des retraites complémentaires du 1 er avril au 1 er novembre, ce qui entraîne une économie en 2017 de 300 millions d'euros. De même, une augmentation du prix d'achat du point Agirc-Arrco est prévu pendant trois ans contribuant à abaisser le rendement du point de 6,56 % à 6 % 17 ( * ) . Une extension de la cotisation pour l'Association de la gestion du fond de financement 18 ( * ) a également été décidée. Elle s'étendra, à compter du 1 er janvier 2016, aux salaires équivalents à la tranche C de l'Agirc, c'est-à-dire aux salaires compris entre 12 680 et 25 360 euros mensuels.

Dans la perspective de la fusion des deux régimes en 2019, l'accord prévoit l'ouverture d'une négociation sur la définition du statut de cadre.

Enfin, l'article 9 du projet d'accord stipule que « dans le cadre de la prochaine négociation nationale et interprofessionnelle relative au régime d'assurance chômage, les organisations signataires s'engagent à proposer la mise en place d'une contribution aux régimes Agirc-Arrco, assise sur le montant des transactions accordées suite à la rupture du contrat de travail. La négociation devra en particulier préciser le taux de la contribution et l'âge minimal des salariés concernés ». La future discussion sur l'Unedic pourrait être ainsi le cadre de la création d'une nouvelle contribution à la charge des entreprises lorsque ces dernières licencient un salarié « senior ». Cette contribution, qui en est pour l'instant au simple stade de l'accord de principe, n'est pas sans rappeler la contribution dite « Delalande » 19 ( * ) , qui a été supprimée en 2008.

• Les mesures systémiques, qui entreront en vigueur à compter du 1 er janvier 2019 , sont assez novatrices.

La principale mesure prévoit la mise en oeuvre de coefficients temporaires de décote ou de surcote du montant de la retraite complémentaire, en fonction de l'âge effectif de départ à la retraite par rapport à l'âge du taux plein dans le régime de base. Ce nouveau mécanisme, présenté par les partenaires sociaux comme un système de « bonus-malus », s'applique pour les salariés nés après le 1 er janvier 1957. Le « malus » répond aux conditions suivantes : si un salarié, remplissant toutes les conditions pour bénéficier d'un taux plein pour sa retraite de base, part à la retraite l'année d'annulation de sa décote (entre 62 et 67 ans), une décote de 10 % du montant de sa retraite complémentaire lui sera appliquée pendant trois ans. Le « malus » ne pourra toutefois pas lui être appliqué après 67 ans. Ce mécanisme est annulé dès lors que le salarié prolonge son activité pendant un an. Au-delà de ces quatre trimestres de cotisation supplémentaires suivant l'âge d'annulation de la décote au régime de base, une surcote (ou « bonus ») est appliquée sur la retraite complémentaire pendant une année. Ce bonus peut être de 10 % pour une année supplémentaire travaillée, 20 % pour deux années supplémentaires et 30 % pour trois années supplémentaires.

Ce mécanisme de coefficients temporaires ne s'applique pas aux personnes exonérées de CSG, ce qui représente environ 30 % des salariés. Pour les salariés soumis à un taux réduit, le mécanisme de décote est plafonné à 5 %.

L'estimation de l'impact de cette mesure est, à ce stade, difficile à évaluer puisqu'elle devrait entraîner un changement de comportement des salariés, qui demeure imprévisible. La conséquence de l'application de la décote de 10 % sur le montant de retraite complémentaire est estimée en moyenne entre 40 et 50 euros par mois.

L'impact sur les cadres sera bien évidemment plus marqué puisque le poids de la retraite complémentaire dans le montant total de leur pension est plus élevé 20 ( * ) .

Figure n° 7 : Application du mécanisme de « bonus-malus » pour la retraite complémentaire des salariés à compter du 1 er janvier 2019

Lorsque l'âge du taux plein d'un salarié pour le régime de base est de 62 ans...

... s'il décide de partir à 62 ans : - 10 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 3 ans

... s'il décide de partir à 63 ans : retraite complémentaire complète

... s'il décide de partir à 64 ans : + 10 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an

... s'il décide de partir à 65 ans : + 20 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an

... s'il décide de partir à 66 ans : + 30 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an

Lorsque l'âge du taux plein d'un salarié pour le régime de base est de 64 ans...

... s'il décide de partir à 64 ans : - 10 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 3 ans

... s'il décide de partir à 65 ans : retraite complémentaire complète

... s'il décide de partir à 66 ans : + 10 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an

... s'il décide de partir à 67 ans : + 20 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an

... s'il décide de partir à 68 ans : + 20 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant 1 an (mécanisme plafonné)

L'accord prévoit, en outre, l'augmentation du taux d'appel des cotisations passant à 125 % à 127 % 21 ( * ) . Cette hausse, qui sera supportée à 60 % par les entreprises, devrait entraîner des recettes supplémentaires de l'ordre de 800 millions d'euros.

Concernant les réformes de structures, un nouveau régime unifié (NRU) verra le jour à partir de 2019, qui permettra la mutualisation des réserves de l'Arrco (61,8 milliards d'euros à ce jour) et de l'Agirc (14,1 milliards d'euros). La création du NRU devra faciliter la baisse des dépenses annuelles de gestion qui doivent atteindre 1,6 milliard d'euros dans trois ans contre 1,9 milliard d'euros aujourd'hui. Une baisse des dépenses d'action sociale est également prévue.

Enfin, un pilotage semi-automatique du NRU sera également mis en oeuvre. Il vise à ajuster plus facilement les décisions en fonction des perspectives économiques et démographiques. Il reposerait sur deux niveaux. Le niveau de décision stratégique, permettrait aux organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel tous les quatre ans de fixer les objectifs en termes de trajectoire d'équilibre du régime unifié en fonction du scénario économique qu'ils auront retenu pour le moyen-long terme. Ce cadre posé, les partenaires sociaux au niveau national et interprofessionnel pourront déterminer les principaux paramètres comme le taux d'appel des cotisations ou le niveau des réserves par exemple. Le deuxième niveau dit de « pilotage tactique » permet au conseil d'administration du régime d'ajuster chaque année les paramètres de fonctionnement dans les limites déterminées par les organisations représentatives dans le cadre du pilotage stratégique. Le conseil d'administration disposera également d'un pouvoir d'alerte destiné à contraindre les partenaires sociaux d'engager de nouvelles négociations au niveau stratégique.

c) Les conséquences de cet accord

L'impact de cet accord est avant tout financier . Il doit permettre d'éviter l'extinction des réserves financières cumulées de l'Agirc-Arrco prévue en 2023. S'il ne ramènera pas à l'équilibre les régimes complémentaires, il devrait maintenir le déficit cumulé à 5 milliards d'euros en 2017 (au lieu des 6,7 envisagés en cas d'absence de réforme) et à 2,3 milliards d'euros en 2020.

À ce rythme, l'extinction des réserves est repoussée au-delà de 2030-2035. Un autre accord devra donc être trouvé dans les prochaines années.

Comme l'a rappelé François-Xavier Selleret, directeur de l'Agirc-Arcco, devant la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat le 3 novembre dernier, « les régimes complémentaires n'ont pas un euro de dette » 22 ( * ) . Le recul de l'échéance de l'extinction des réserves est donc une véritable satisfaction.

L'attention a été concentrée, à l'annonce de l'accord, sur le dispositif de coefficients temporaires 23 ( * ) . Ce n'est pourtant pas la mesure la plus efficace financièrement puisqu'elle devrait générer une économie de 500 millions d'euros à l'horizon 2020 et de 800 millions d'euros en 2030. En revanche, la prolongation de la sous-indexation des pensions permettra un gain de 1,3 milliard d'euros dès 2017 et de 2,6 milliards d'euros en 2030.

Figure n° 8 : Impact des mesures de l'accord du 30 octobre 2015 sur les comptes du régime Agirc-Arrco

(en milliards d'euros)

2017

2020

2030

Situation financière de l'ensemble AGIRC+ARRCO+AGFF

-6,7

-8,4

-12,7

I. Les mesures immédiates (2016-2018)

Sous-indexation des pensions (prix- 1 point)

1,3

2,1

2,6

Décalage de la revalorisation annuelle des pensions au 1 er novembre

0,3

1,3

1,5

Augmentation du coût d'achat du point Agirc-Arrco

0,0

0,1

1,1

Extension de la cotisation AGFF

0,1

0,1

0,1

Total mesures applicables au 1 er janvier 2016

1,7

3,6

5,3

II. Les mesures applicables à partir de 2019

Coefficients temporaires (« bonus-malus »

0,0

0,5

0,8

Économies sur les dépenses de gestion

0,0

0,2

0,2

Économies sur les dépenses d'action sociale

0,0

0,03

0,03

Augmentation du taux d'appel

0,0

0,8

1,2

Autres mesures

0,0

1

1,1

Total mesures applicables au 1 er janvier 2019

0,0

2,5

3,3

GAINS DE L'ENSEMBLE DES MESURES

1,7

6,1

8,6

EQUILIBRE DES REGIMES

-5

-2,3

-4,1

Source : Agirc-Arrco, sur la base du scénario économique dit « variante 2 », annexe 2 à l'accord

Si votre rapporteur considère cette perspective d'accord comme majeure, il regrette qu'elle introduise une nouvelle disparité entre les salariés du privé et les fonctionnaires.

En effet, la mise en place du bonus-malus invite les salariés du privé à partir à la retraite un an plus tard, c'est-à-dire au minimum à 63 ans. Or, à âge légal inchangé, les fonctionnaires qui sont assurés au sein de régimes uniques servant des retraites de base et complémentaire pourront continuer à partir avec une retraite complète, s'ils ont atteint le nombre de trimestres cotisés requis, dès 62 ans. Ce dispositif introduit donc une nouvelle différence entre public et privé que la réforme des retraites de 2003 s'était employée à effacer.

Le Gouvernement a salué la conclusion de cet accord, qui atteste « de la capacité du dialogue social pour apporter les compromis nécessaires à la consolidation du modèle social » 24 ( * ) . Votre rapporteur s'étonne toutefois de cette réaction alors même que le Gouvernement n'a pas eu le courage de prendre des mesures de long terme pour rétablir l'équilibre du système de retraites, laissant les partenaires sociaux contraints de prendre seuls les décisions difficiles.

Cet accord ne doit pas simplement être salué. Il doit être accompagné pour limiter, à court terme, la fracture entre le public et le privé et engager, à plus long terme, une réforme ambitieuse conduisant nécessairement au report de l'âge légal.

2. La simplification nécessaire du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P)

Dans son rapport de l'année dernière sur la loi de financement pour 2015, votre rapporteur avait évoqué à propos du compte personnel de prévention de la pénibilité « un dispositif plutôt séduisant du point de vue intellectuel » .

La prise en compte de la pénibilité, nécessaire pour des personnes parvenant à l'âge de la retraite dans des conditions physiques dégradées et disposant de facto d'une espérance de vie en bonne santé notablement réduite par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles, a été initiée sous le précédent quinquennat. La réforme des retraites de 2010 avait en effet reconnu la pénibilité, sous l'angle de l'usure physique médicalement constatée. Les salariés qui avaient une incapacité reconnue égale ou supérieure à 20 % (voire 10 % dans certains cas) ayant donné lieu à l'attribution d'une rente pour maladie professionnelle (ou pour accident du travail provoquant des troubles de même nature) pouvaient partir à la retraite dès 60 ans avec un taux plein, y compris s'ils n'avaient pas validé tous leurs trimestres. Ce dispositif, qui se fondait sur des critères très concrets, n'avait toutefois pu bénéficier qu'à un faible nombre de personnes (environ 2 000 par an).

La loi du 20 janvier 2014 a créé un dispositif original mais très complexe à mettre en oeuvre, visant à prévenir et à réduire les situations de travail pénible et à prévoir des mécanismes de compensation. Partiellement mis en place au 1 er janvier 2015, le dispositif a suscité de nombreuses critiques de la part des employeurs. La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a pris en compte les recommandations du rapport de la mission conduite par Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel Davy de Virville, proposant « un dispositif plus simple, plus sécurisé et mieux articulé avec la prévention » . 25 ( * )

Ce dispositif permet aux salariés exposés à l'un des dix risques identifiés 26 ( * ) de cumuler chaque trimestre un point, voire deux en cas d'exposition à plusieurs facteurs. Il pourra être cumulé au maximum 8 points par an, le nombre de points étant plafonnés à 100 tout au long d'une carrière, ce qui permettrait à une personne d'envisager un départ à la retraite anticipé de deux ans (10 points correspondant à un trimestre, soit 80 points). Les vingt premiers points sont obligatoirement utilisés pour suivre une formation, en vue d'une réorientation professionnelle dans un secteur moins exposé à la pénibilité 27 ( * ) . Les points cumulés peuvent aussi servir à financer une réduction du temps de travail (10 points permettant de compenser une réduction du temps de travail de 50 % pendant un trimestre).

Le financement de ce compte est assuré par des cotisations à la charge des employeurs. L'ensemble des entreprises verse une cotisation minimale, tandis que les entreprises exposant leurs salariés à l'un des facteurs de pénibilité devront s'acquitter d'une cotisation additionnelle devant les inciter à réduire le niveau d'exposition de leurs salariés. Le rendement des cotisations minimale et additionnelle est estimé à 500 millions d'euros en 2020 et 800 millions d'euros en 2040.

Outre un report d'un an et demi pour l'entrée en vigueur de six des dix facteurs de pénibilité, le dispositif a été modifié par la loi du 17 août 2015 dans quatre directions :

- les branches professionnelles seront en charge de négocier et d'arrêter les référentiels professionnels, avant homologation par les ministères du travail et de la sécurité sociale, pour adapter les risques de pénibilité aux spécificités de leurs métiers ; à défaut de référentiel, l'employeur reste tenu d'évaluer l'exposition des salariés comme prévu initialement ;

- les employeurs ne devront pas établir de fiche individuelle d'exposition à la pénibilité en vue de sa transmission au salarié. Une simple déclaration à la caisse de retraite suffira dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN) ou de la déclaration annuelle des données sociales (DADS) ;

- le délai de prescription de l'action du salarié en cas de contestation sur son exposition a été réduit de trois à deux ans et le délai de prescription de l'action des caisses, en cas de redressement, est passé de cinq à trois ans ;

- enfin les taux des cotisations additionnelles ont été revus à la baisse pour atteindre 0,1 % (au lieu de 0,3 %) en cas de mono-exposition et 0,2 % (au lieu de 0,6 %) pour les poly-expositions. Ces cotisations additionnelles sont dues dès qu'une entreprise expose au moins un salarié. La cotisation minimale à la charge de toutes les entreprises n'entrera en vigueur qu'à compter de 2017 afin d'adapter les recettes à la montée en charge du dispositif.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, une première estimation du nombre de personnes bénéficiaires du dispositif devrait être connue en juillet 2016, la quasi-totalité des déclarations d'exposition étant effectuées par l'intermédiaire des DADS dont la périodicité est annuelle. Le nombre attendu de bénéficiaires pourrait s'élever à un salarié sur cinq soit 3,3 millions de personnes, un chiffre sans commune mesure avec les 2 000 personnes concernées par le dispositif de pénibilité prévu en 2010.

Votre rapporteur salue la mise en oeuvre de ces mesures permettant de simplifier l'adaptation des entreprises à ce nouveau droit. Il réitère toutefois sa mise en garde formulée l'année dernière : si d'ici le 1 er juillet 2016, date d'entrée en vigueur des six autres facteurs de pénibilité, toutes les inquiétudes des employeurs n'étaient pas levées, le Parlement devrait prendre en compte leurs revendications et remettre ce dispositif sur le métier .

Le C3P aura un impact sur l'équilibre du système de retraite. Prévu en effet au départ comme un instrument de prévention, le compte pénibilité ne s'accompagnera pas à court terme de formations adaptées permettant à tous les salariés exposés d'évoluer vers des postes plus protégés. Dès lors, le cumul de points en vue d'un départ à la retraite anticipé devrait être privilégié.

Votre rapporteur souhaite que ce dispositif soit présenté, dans les entreprises, comme étant prioritairement un instrument de prévention. Il ne doit pas avoir pour conséquence de rendre plus attractif des postes exposés à la pénibilité.

L'entrée en vigueur des quatre premiers facteurs au 1 er janvier 2015 permet, pour les salariés concernés, de cumuler des points depuis le début de l'année. Dans la perspective d'un report de l'âge légal, le C3P pourrait donc amoindrir l'impact de cette réforme pour les salariés exposés à la pénibilité.


* 15 Le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l'Union professionnelle des artisans (UPA).

* 16 La Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) et la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

* 17 Une hausse de la valeur d'achat du point entraîne mécaniquement un abaissement de son rendement. En l'espèce, pour 1 000 euros cotisés, le retraité recevra 60 euros de rente au lieu de 65,50 euros. L'Agirc-Arrco sont les régimes complémentaires offrant des rendements parmi les plus bas du marché. En 2015, un point Arcco vaut 1,25 euro et un point Agirc, 0,44 euro.

* 18 L'AGFF a été créée lors du passage de l'âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans dans les régimes de base. L'âge de départ étant toujours fixé à 65 ans officiellement à l'Agirc-Arrco, l'AGFF permet de compenser la décote sur les pensions complémentaires que les salariés subiraient lorsqu'ils partent à la retraite à l'âge légal. Elle est financée par une cotisation spécifique portant sur les salaires de 2,20 %, dont 1,3 point est à la charge de l'entreprise et 0,9 à celle du salarié.

* 19 Créée en 1987, cette taxe devait être acquittée par toutes les entreprises qui licenciaient un salarié de plus de 50 ans, et pouvait atteindre un montant compris entre un et douze mois de salaires. Son effet désincitatif à l'embauche des « seniors » avait entraîné sa suppression.

* 20 Dans son livre Retraites complémentaires (Economica, 2014), François Charpentier rappelle que l'Agirc compte aujourd'hui pour 57 % dans la pension d'un cadre et l'Arrco pour 31 % dans celle d'un salarié non cadre.

* 21 Sur 127 euros cotisés, seuls 100 euros seront pris en compte dans le calcul de la pension complémentaire. À l'instar de la hausse du prix d'achat du point Agirc-Arrco, cette mesure a pour conséquence de dégrader un peu plus la rentabilité des cotisations.

* 22 Voir le compte-rendu de cette audition, annexé au présent rapport.

* 23 Les centrales de la Confédération générale du travail (CGT) et de Force ouvrière (FO) ont déclaré qu'elles ne signeront pas le présent accord.

* 24 D'après une communication mise en ligne sur le site du Gouvernement le 20 octobre 2015.

* 25 Rapport remis au Premier ministre le 26 mai 2015.

* 26 Le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes successives alternantes, les activités en milieu hyperbare (ces quatre premiers facteurs sont entrés en vigueur le 1 er janvier 2015), le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, le risque chimique, l'exposition à des températures extrêmes et le bruit (ces six derniers facteurs n'ouvriront des droits qu'à partir du 1 er juillet 2016). La prise en compte de la pénibilité dépend d'un seuil d'exposition minimale à ce risque, mais aussi de l'intensité d'exposition et enfin de la fréquence d'exposition qui font l'objet d'intenses négociations au sein des branches professionnelles.

* 27 Les générations nées avant le 1 er janvier 1960 peuvent toutefois utiliser l'intégralité de leurs points pour financer une réduction du temps de travail ou un départ anticipé à la retraite.

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