B. UNE HABILITATION RESPECTÉE PAR LE GOUVERNEMENT

Le délai d'habilitation a été respecté par le Gouvernement, de même que le délai de dépôt des projets de loi de ratification.

Après analyse du contenu des deux ordonnances, votre rapporteur considère que le champ de l'habilitation a été respecté par le Gouvernement, sans nécessairement en avoir utilisé toutes les possibilités.

C. DES CLARIFICATIONS ET AMÉLIORATIONS PONCTUELLES

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a souhaité revenir sur certaines dispositions mal comprises ou les clarifier, corriger des malfaçons et améliorer la cohérence des procédures du livre VI du code de commerce. Elle a adopté 25 amendements présentés par son rapporteur , pour l'essentiel sur des dispositions issues des ordonnances précitées ou sur des dispositions connexes : 23 amendements portant sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2014 et deux portant sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014.

Les modifications les plus importantes adoptées par votre commission consistent en la suppression du mécanisme de déclaration des créances par le débiteur pour le compte des créanciers , introduit par l'ordonnance du 12 mars 2014 et très largement critiqué lors des auditions, la suppression de la mention de la liquidation judiciaire au casier judiciaire des entrepreneurs individuels , comme c'est le cas depuis 2003 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ainsi que la réduction de dix à cinq ans de la durée maximale du plan de sauvegarde , pour mieux différencier la sauvegarde du redressement judiciaire et renforcer les chances de succès du plan.

En outre, votre commission a corrigé des malfaçons rédactionnelles et a apporté des adaptations destinées à améliorer l'efficacité des procédures et des précisions rédactionnelles sur diverses dispositions des deux ordonnances précitées ou sur des dispositions connexes.

1. Les dispositifs et les procédures relevant de la prévention des difficultés des entreprises

L'ordonnance du 12 mars 2014 précitée a codifié une pratique, appelée « prepack cession » (article L. 611-7 du code de commerce), qui consiste à préparer, sous la confidentialité d'un mandat ad hoc ou d'une conciliation, la cession partielle ou totale de l'entreprise, laquelle sera mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Pour assurer une plus grande transparence à cette procédure, sans remettre en cause la règle de confidentialité, votre commission a adopté un amendement COM-5 prévoyant que le mandataire ad hoc ou le conciliateur devra rendre compte au tribunal de ses diligences pour mettre en concurrence les repreneurs potentiels et susciter autant que possible une pluralité d'offres, en vue d'obtenir la meilleure offre (article L. 621-1 du code de commerce). En effet, dans le cadre de cette procédure, le tribunal pourra décider de ne pas provoquer d'appel d'offres de reprise. Il s'agit alors de permettre au tribunal de se prononcer sur la cession de la façon la plus éclairée possible en statuant sur l'offre ainsi proposée, de sorte que l'acceptation de cette offre ne se fasse pas au détriment des intérêts de l'entreprise elle-même ou des droits de ses créanciers.

L'ordonnance a aussi renforcé le privilège de conciliation , accordé aux personnes qui ont accepté de contribuer à la continuation de l'activité de l'entreprise dans le cadre d'une procédure de conciliation conclue par un accord homologué, par l'apport de trésorerie ou la fourniture de biens et services nouveaux, en cas d'ouverture ultérieure d'une procédure collective (article L. 611-11 du code de commerce),

Votre rapporteur a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'organiser une publicité spécifique pour le privilège de conciliation, de façon à préserver le principe de confidentialité applicable à la conciliation. Ce privilège prend rang après le privilège des salaires et celui des frais de justice, devant le privilège des sûretés réelles, ce qui le rend attractif. Puisque, dans cette hypothèse, l'accord de conciliation doit faire l'objet d'une demande d'homologation, le jugement d'homologation par le tribunal permettra de faire connaître l'existence de tels créanciers privilégiés, par la communication par le greffe du tribunal du jugement publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

L'objectif recherché par l'ordonnance du 12 mars 2014 précitée est bien d'inciter davantage les créanciers à accepter de participer à une conciliation et à contribuer à la continuité de l'entreprise, pour traiter les difficultés le plus en amont possible. Le principe de confidentialité, qui participe de l'attractivité de cette procédure, doit donc être préservé.

S'agissant du privilège de conciliation, votre commission a souhaité apporter la précision selon laquelle il vaut bien en cas de procédure collective avec comités de créanciers (article L. 626-30-2 du code de commerce), de façon à clarifier ce qui ne semble être implicite. Elle a adopté un amendement COM-12 à cette fin.

En outre, votre commission a voulu harmoniser le règlement amiable agricole et la procédure de conciliation, telle que modifiée par l'ordonnance du 12 mars 2014, sur la question de l'attribution d'un privilège aux personnes apportant des biens ou des services nouveaux à l'exploitant agricole lors d'une procédure de règlement amiable (article L. 351-6 du code rural et de la pêche maritime), comme c'est le cas en conciliation. Elle a adopté un amendement COM-22 en ce sens. Le fait que le règlement amiable agricole soit limité aux cas où une exploitation agricole se trouve en difficulté financière, contrairement au droit commun de la conciliation qui vise aussi les cas de difficulté juridique ou économique, ne saurait justifier la restriction du privilège de conciliation an matière agricole. En effet, un service nouveau peut être un cautionnement bancaire ou le prêt de machines agricoles, des biens nouveaux peuvent être un apport de semences ou de produits phytosanitaires par une coopérative, autant d'apports utiles pour améliorer la situation financière de l'exploitation.

L'ordonnance du 12 mars 2014 ayant prévu l' intervention du parquet dans le cadre la procédure de conciliation, votre commission a souhaité préciser les modalités de cette information, en permettant au parquet d'exercer ses prérogatives de contrôle de manière plus effective.

Elle a adopté à cette fin un amendement COM-4 prévoyant, d'une part, que l'information du ministère public sur l'ouverture de la procédure doit être accompagnée de la requête du débiteur et, d'autre part, que le ministère public peut demander au président du tribunal, qui statuera, la désignation d'un expert pour vérifier le passif complet en cas de demande d'homologation d'un accord de conciliation, afin de s'assurer de ce que cet accord devrait permettre de surmonter les difficultés ayant justifié l'ouverture de la procédure.

Toutefois, s'agissant plus largement de l'intervention du parquet dans les dispositifs de prévention, votre rapporteur estime qu'il est nécessaire de ne pas le renforcer davantage, de façon à ne pas dissuader les chefs d'entreprise d'y avoir recours, par crainte d'être confrontés au procureur de la République. L'ordonnance a permis un bon équilibre sur ce point, que votre commission ne cherche qu'à préciser, sans le remettre en cause.

L'ordonnance du 12 mars 2014 n'a pas modifié les dispositions portant sur la procédure d'alerte par le commissaire aux comptes, lorsqu'il constate des faits de nature à compromettre la continuité de l'entreprise (articles L. 234-1 et suivants du code de commerce), alors que l'habilitation visait l'amélioration de cette procédure. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-1 supprimant l'obligation de déclencher la procédure d'alerte en cas de désignation d'un mandataire ad hoc par le tribunal, par cohérence avec la conciliation, dès lors que l'ordonnance du 12 mars 2014 a prévu l'information du commissaire aux comptes en pareil cas, car lancer la procédure d'alerte dans ce cas n'aurait pas de sens. Cet amendement précise aussi que le commissaire aux comptes peut demander à être entendu par le président du tribunal, auquel cas il devrait être délié du secret professionnel, et pas simplement l'informer, en vue de renforcer l'efficacité de la procédure d'alerte et donc de favoriser la mise en oeuvre de dispositifs de prévention par le président du tribunal à l'occasion de la procédure d'alerte.

L'ordonnance du 12 mars 2014 a également prévu l' information du comité d'entreprise sur l'accord de conciliation lorsque le débiteur demande son homologation (article L. 611-8-1 du code de commerce). La question semble dès lors se poser de l'information du comité d'entreprise plus en amont, en cas de désignation d'un mandataire ad hoc ou d'ouverture d'une conciliation. Même dans le silence des textes, on peut s'interroger sur une telle obligation et sur le risque subséquent de délit d'entrave au fonctionnement normal du comité 39 ( * ) .

Pour lever toute ambiguïté, préserver la confidentialité des dispositifs de prévention et garantir leur sécurité juridique, votre commission a adopté un amendement COM-3 pour expliciter que le débiteur n'a pas l'obligation d'informer le comité d'entreprise lorsqu'il demande la désignation d'un mandataire ad hoc ou l'ouverture d'une conciliation, sans préjudice toutefois de l'obligation générale d'information du comité d'entreprise sur la marche de l'entreprise et sur ses éventuelles difficultés économiques 40 ( * ) .

2. Les dispositions applicables à toutes les procédures collectives

En premier lieu, votre rapporteur se félicite de la disposition selon laquelle le jugement d'ouverture d'une procédure collective rend exigible immédiatement le montant non libéré du capital social (article L. 624-20 du code de commerce). Il est on ne peut plus logique que le bon déroulement de la procédure et la continuité de l'entreprise puissent s'appuyer sur la totalité des engagements souscrits antérieurement par les actionnaires.

Par ailleurs, l'ordonnance du 12 mars 2014 précitée a apporté au régime de déclaration, de vérification, d'admission et de contestation des créances des modifications qui ont particulièrement retenu l'attention de votre rapporteur (articles L. 624-1 et suivants du code de commerce). Les auditions ont montré que ces dispositions appelaient des clarifications, au regard des difficultés ressortant de la pratique.

En l'état, le texte prévoit que, lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa. Le risque de minoration ou d'omission des créances est important, tant de la part d'un petit débiteur mal équipé, pour lequel il peut s'agir d'une formalité compliquée, que d'un débiteur de mauvaise foi, comptant sur le fait que tous les créanciers, notamment les petits créanciers, ne vérifieront pas la créance déclarée en leur nom. La difficulté est accentuée par le fait que le code n'exige pas du mandataire judiciaire une information complète de chaque créancier sur les informations communiquées par le débiteur et ne prévoit rien en cas de mauvaise information du mandataire par le débiteur (par exemple un relevé de forclusion). Il ressortirait de la pratique, depuis juillet 2014, que la déclaration de créances faite par le débiteur serait souvent incomplète, posant donc un réel problème de fiabilité.

Afin de surmonter ces difficultés, votre commission a adopté, sur la proposition de son rapporteur, un amendement COM-9 destiné à supprimer le mécanisme de déclaration des créances par le débiteur pour le compte des créanciers, très mal comprise par l'ensemble des praticiens des procédures collectives, suscitant la confusion chez les créanciers sur ce qu'ils doivent faire pour que leur créance soit prise en compte et provoquant de larges critiques quant au risque d'atteinte aux droits des créanciers.

Votre rapporteur rappelle, au surplus, que le débiteur est tenu, à l'ouverture de la procédure, de remettre à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours 41 ( * ) .

En outre, cet amendement tend à préciser la rédaction de la disposition selon laquelle, lorsque la déclaration de la créance est faite par un préposé ou un mandataire au nom du créancier, cette déclaration doit être ratifiée par le créancier. Il s'agit de surmonter des difficultés résultant d'une jurisprudence restrictive de la Cour de cassation en la matière.

Par un amendement COM-6 , votre commission a supprimé la faculté pour le débiteur lui-même de demander l'extension de la procédure à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale, de façon à préserver les droits des tiers et à éviter que le débiteur puisse profiter de ses propres turpitudes. En tout état de cause, l'extension de la procédure peut d'ores et déjà être demandée par l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire et le ministère public, de sorte que l'apport de cette disposition issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 semble modeste en pratique (article L. 621-2 du code de commerce).

S'agissant de l'office du juge-commissaire , désigné par le tribunal pour veiller au bon déroulement de la procédure et à la protection des intérêts en présence et pour prendre un certain nombre de décisions pendant la procédure, votre commission approuve l'affirmation de sa compétence pour statuer sur toute contestation de créance, sauf contestation sérieuse (article L. 624-2 du code de commerce) : la rédaction retenue devrait permettre d'élargir la compétence du juge-commissaire en surmontant une jurisprudence restrictive de la Cour de cassation. Ainsi, le juge-commissaire ne reçoit pas plénitude de juridiction et doit renvoyer au tribunal les contestations d'une complexité particulière, certes au risque de procédures dilatoires retardant mise en oeuvre du plan. En réalité, de telles procédures existent déjà aujourd'hui et, en tout état de cause, l'appel est et demeurera possible sur les ordonnances du juge-commissaire admettant les créances. Cette clarification satisfait les représentants des juges consulaires, car elle constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle.

Les ordonnances du 14 mars 2014 et du 26 septembre 2014 précitées tendent également à renforcer les garanties d'impartialité du tribunal dans les procédures collectives, en encadrant les fonctions de juge-commissaire avec des incompatibilités et en supprimant des saisines d'office.

Votre commission a complété ces dispositions, par l'adoption d'un amendement COM-19 , pour apporter plusieurs précisions (articles L. 621-4, L. 641-1 et L. 662-7 du code de commerce). Le président du tribunal, s'il a connu d'une entreprise dans le cadre de la prévention, ne pourrait pas être désigné juge-commissaire ou participer à la formation de jugement et au délibéré. En cas de désignation d'un juge-commissaire suppléant, ce qui correspond à la pratique de certains tribunaux, celui-ci ne pourrait pas participer à la formation de jugement et au délibéré, comme le juge-commissaire. Seraient aussi visés par ces règles le juge commis désigné pour recueillir des renseignements sur la situation de l'entreprise dans le cadre d'une procédure collective et le juge commis désigné dans la procédure de rétablissement professionnel.

Si votre rapporteur ne sous-estime pas les difficultés pratiques pouvant résulter de telles incompatibilités plus larges, en particulier dans les petits tribunaux de commerce, il considère que celles-ci sont indispensables pour mieux garantir l'impartialité de la justice commerciale.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a supprimé une disposition unanimement décriée lors des auditions, en adoptant en ce sens un amendement COM-18 . Il s'agit de supprimer le mot « sciemment » dans la définition de l'infraction d'omission de demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements, faisant encourir une sanction d'interdiction de gérer (article L. 653-8 du code de commerce). Maintenir la possibilité, pour le tribunal, de prononcer une interdiction de gérer à l'encontre d'une personne ayant commis cette infraction permet d'écarter de la vie des affaires des chefs d'entreprise pour leur manque de compétence dans la gestion de leur affaire, ce qui correspond à un objectif d'intérêt général. Cette possibilité est plébiscitée par les juges consulaires, les praticiens et les experts. Elle permet aussi aux tribunaux de ne pas poursuivre les chefs d'entreprise pour des infractions plus graves, faisant encourir des sanctions plus lourdes, pour arriver aux mêmes fins d'exclusion de la vie des affaires.

En complément du mécanisme procédural de regroupement devant le même tribunal des procédures concernant les sociétés appartenant à un même groupe de sociétés, issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 42 ( * ) , pour assurer un traitement juridique cohérent de ces procédures économiquement liées (article L. 662-8 du code de commerce), votre commission a adopté un amendement COM-20 pour étendre ce mécanisme aux sociétés soeurs, c'est-à-dire contrôlées par une même société mère.

Par ailleurs, dès lors que, depuis la loi 6 août 2015 précitée, la résidence principale de l'entrepreneur individuel est insaisissable de droit, le maintien d'une insaisissabilité volontaire par déclaration notariée pour les autres biens non affectés à l'activité professionnelle n'a plus lieu d'être, a fortiori compte tenu des effets reconnus à cette déclaration par la Cour de cassation dans le cadre des procédures collectives, évoqués supra .

En conséquence, pour trouver un nouvel équilibre entre protection de l'entrepreneur individuel et droits de ses créanciers, votre commission a adopté un amendement COM-2 supprimant la possibilité de déclarer insaisissables des biens immobiliers autres que la résidence principale .

En effet, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un entrepreneur individuel, il serait paradoxal que celui-ci puisse soustraire à la procédure une résidence secondaire ou des biens immobiliers autres que sa résidence principale, en méconnaissance de son obligation d'apurer son passif et au détriment des droits de ses créanciers professionnels. Ce serait d'autant plus paradoxal si l'un des créanciers, par exemple une banque ayant exigé une garantie sur des biens immobiliers de l'entrepreneur, était en mesure de se rembourser sur les biens insaisissables, contrairement aux créanciers ordinaires.

Enfin, en adoptant un amendement COM-23 , votre commission a souhaité surmonter une jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation 43 ( * ) selon laquelle le mécanisme de garantie des salaires , financé par l'Association de garantie des salaires (AGS), en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l'employeur, n'inclut pas le précompte salarial des cotisations et contributions sociales, remettant ainsi en cause la règle suivie jusque-là et fragilisant inévitablement les finances de l'AGS dans une période de forte sollicitation compte tenu de la situation économique (article L. 3253-17 du code du travail).

3. Les dispositions particulières aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire

S'agissant des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, votre commission a souhaité apporter plusieurs améliorations, simplifications ou clarifications procédurales.

Par un amendement COM-7 , elle a clarifié la durée pour laquelle peut être renouvelée ou prolongée la période d'observation ouverte par le jugement d'ouverture d'une procédure collective, y compris en cas de conversion d'une sauvegarde en redressement judiciaire (articles L. 621-3, L. 621-12 et L. 622-10 du code de commerce).

Par un amendement COM-8 , elle a prévu que le tribunal statuant sur l'ouverture d'une procédure collective sollicite les observations de l'Association de garantie des salaires (AGS), non seulement sur la désignation du mandataire judiciaire, comme l'ordonnance du 12 mars 2014 précitée l'a prévu, mais aussi sur celle de l'administrateur judiciaire, dans la mesure où il pourra être de sa responsabilité d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi, susceptible d'avoir un impact sur les engagements financiers de l'AGS (article L. 621-4 du code de commerce).

Par un amendement COM-13 , dans un souci de cohérence, votre commission a précisé, dans l'hypothèse où les comités de créanciers adoptent un projet de plan de sauvegarde ou de redressement élaboré par un créancier et alternatif à celui élaboré par le débiteur et l'administrateur judiciaire, le tribunal n'a à statuer que sur ce plan adopté et non sur les deux plans concurrents (article L. 626-31 du code de commerce). Statuer sur un plan que les comités de créanciers n'ont pas retenu semble effectivement sans objet.

À cet égard, s'agissant plus largement de la faculté pour les créanciers de présenter un plan de sauvegarde ou de redressement alternatif , instaurée par l'ordonnance du 12 mars 2014, votre rapporteur note que, si elle reconnaît le rôle économique des créanciers, elle peut présenter un effet dissuasif pour les petites sociétés, en particulier en présence d'enjeux de technologie ou de propriété industrielle, ou encore pour les sociétés familiales : cette faculté peut faciliter une prise de contrôle non désirée de l'entreprise par des tiers.

Dans un objectif de simplification procédurale, votre commission a adopté un amendement COM-10 pour mieux prendre en compte le cas où le projet de plan prévoit une modification des statuts et pas seulement une modification du capital de la société (article L. 626-3 et L. 626-15 à L. 626-17 du code de commerce). Il s'agit de permettre le vote des assemblées compétentes avant l'adoption du plan par le tribunal, et non après, pour la modification des statuts comme pour la modification du capital. Cette anticipation de l'examen de la modification des statuts doit permettre au tribunal de statuer ensuite sur le plan de façon éclairée, sans incertitude sur le vote des assemblées. Ce même amendement abroge en conséquence les dispositions relatives à la modification des statuts postérieurement à l'adoption du plan, tout en conservant la faculté pour le tribunal d'adapter les modalités de vote des assemblées concernant cette modification des statuts.

En outre, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a examiné la question de la reconstitution des capitaux propres d'une société placée en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire , avec le souci de tenter de mieux articuler le droit des procédures collectives avec le droit des sociétés, lorsque les capitaux propres d'une société en sauvegarde ou en redressement judiciaire sont inférieurs à la moitié du capital social (articles L. 626-3 et L. 631-9-1 du code de commerce). Votre rapporteur rappelle que, dans ce cas, le droit commun des sociétés prévoit, faute de reconstitution des capitaux propres, la dissolution de la société 44 ( * ) : cette issue n'est, par définition, pas envisageable en procédure collective.

Dans cette hypothèse, il est prévu que l'assemblée des actionnaires est d'abord appelée à reconstituer les capitaux propres, à hauteur d'un montant proposé par l'administrateur judiciaire ne pouvant être inférieur à la moitié du capital social. Si l'assemblée n'y pourvoit pas, dans le cas de la sauvegarde, il s'agirait alors de prévoir que l'assemblée est tenue de réduire le capital, dans les conditions de droit commun du droit des sociétés, de façon à ce que la situation comptable irrégulière ne perdure pas.

Dans le cas d'un redressement judiciaire comportant un projet de plan prévoyant une modification du capital, l'ordonnance du 12 mars 2014 a prévu, lorsque l'assemblée des actionnaires ne pourvoit pas à la reconstitution des capitaux propres à hauteur au moins de la moitié du capital social, le tribunal peut demander désigner un mandataire pour convoquer l'assemblée et voter à la place des actionnaires opposants sur la reconstitution. Il s'agirait de prévoir expressément, de façon cohérente, le caractère obligatoire de la reconstitution préalable des capitaux propres, ce qui ne ressort pas clairement de la rédaction retenue pour ce dispositif alors que c'est dans sa logique même. Tel est le sens de l' amendement COM-14 adopté par votre commission, qui procède aussi à certaines modifications rédactionnelles.

Dans les autres cas de redressement judiciaire, les dispositions prévues pour la sauvegarde seraient applicables.

Plus largement, votre rapporteur approuve l'obligation préalable de reconstituer les capitaux propres, y compris par la désignation d'un mandataire pour voter la reconstitution à la place des actionnaires récalcitrants : il ressort bien du devoir des actionnaires d'exercer leur rôle auprès de la société.

Par ailleurs, votre rapporteur juge opportune la suppression, en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de l'obligation de paiement comptant pour les contrats en cours continués, disposition qui avait pour effet de dégrader du seul fait de l'ouverture de la procédure la situation financière du débiteur (article L. 622-13 du code de commerce).

Enfin, demeure la difficulté résultant de la multiplication des clauses de réserve de propriété par les fournisseurs, qui peuvent constituer un frein au bon déroulement de la procédure et à la réussite du plan, en pesant en défaveur du redressement économique. Les ordonnances précitées n'ont cependant pas apporté de modification sur ce point.

Votre commission a aussi adopté un amendement COM-11 destiné à corriger une apparente malfaçon rédactionnelle concernant les conditions de la levée de l'option d'achat par le débiteur dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (article L. 626-18 du code de commerce).

Par ailleurs, votre commission a adopté deux amendements au projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 précitée, concernant tous les deux la procédure de sauvegarde.

D'une part, approuvant une recommandation de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-2 pour réduire de dix à cinq ans la durée maximale du plan de sauvegarde , pour mieux différencier la sauvegarde du redressement judiciaire, la réserver aux entreprises dont la capacité de continuation est la plus avérée, c'est-à-dire qui sont en mesure d'exécuter le plan dans des délais plus brefs, renforcer les chances de succès du plan et rendre cette procédure plus acceptable et moins coûteuse pour les créanciers (article L. 626-12 du code de commerce). Actuellement, les nombreuses défaillances dans l'exécution des plans de sauvegarde conduisent les entreprises concernées en redressement ou liquidation judiciaire, car la sauvegarde n'est pas toujours la procédure la plus adaptée au regard des difficultés rencontrées.

Conformément à l'objectif de l'ordonnance du 26 septembre 2014, une telle modification vise à ce que la procédure la plus adaptée soit ouverte en fonction de la situation de l'entreprise.

D'autre part, conformément là encore à cet objectif, votre commission a également adopté un amendement COM-1 pour préciser le rôle du tribunal lorsqu'une entreprise lui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, alors que les difficultés rencontrées ne le justifient pas (article L. 621-1 du code de commerce). Le tribunal pourrait inviter le débiteur à demander l'ouverture d'une conciliation et statuer ensuite sur la seule demande l'ouverture d'une sauvegarde, à charge pour le débiteur de s'adresser au président du tribunal pour une éventuelle conciliation.

Cette disposition procède par analogie avec des dispositions similaires, introduites par l'ordonnance du 26 septembre 2014, prévues à l'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire, pour faciliter le passage d'une procédure à l'autre grâce à un dialogue entre l'entreprise et le tribunal. S'agissant du passage de la sauvegarde au redressement judiciaire, s'il apparaît après l'ouverture de la sauvegarde que le débiteur était en cessation des paiements lors du jugement d'ouverture, le tribunal convertit la sauvegarde en redressement (article L. 621-12 du code de commerce).

4. Les dispositions particulières aux procédures de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel

En premier lieu, votre rapporteur estime judicieux d'avoir reporté la dissolution de droit de la société en liquidation judiciaire à la date de clôture des opérations de liquidation judiciaire et non à la date du jugement de liquidation (article 1844-7 du code civil), et de maintenir ainsi les obligations subséquentes en matière de comptes de la société, qui sont pleinement utiles.

Dans un souci d'allègement des formalités inutiles, en adoptant un amendement COM-15 , votre commission a limité l'obligation d'établir l'inventaire du patrimoine du débiteur en liquidation judiciaire aux cas où celui-ci dispose effectivement encore d'actifs (articles L. 641-1 et L. 641-2 du code de commerce). Dans le cas contraire, l'inventaire est en effet une formalité inutile, que le juge doit pouvoir écarter.

Par un amendement COM-16 , votre commission a cherché à clarifier une imprécision rédactionnelle, dans l'hypothèse où une liquidation judiciaire fait suite à une sauvegarde ou à un redressement judiciaire, s'agissant du paiement normal des créances nées de l'exécution régulière d'un contrat en cours (article L. 641-13 du code de commerce).

S'agissant de la procédure de rétablissement professionnel , instaurée par l'ordonnance du 12 mars 2014 précitée pour offrir aux entrepreneurs individuels sans salarié ni actif substantiel une procédure alternative, plus restreinte et sans dessaisissement, à la liquidation judiciaire, votre commission a souhaité apporter un certain nombre d'ajustements et de clarifications, par un amendement COM-17 , outre des modifications rédactionnelles (articles L. 645-1 et suivants du code de commerce).

En premier lieu, elle a voulu clarifier les conditions d'ouverture de la procédure, afin de la rendre plus attractive, sans remettre en cause les garanties permettant au tribunal d'écarter les débiteurs mal intentionnés cherchant à abuser de cette procédure et d'éviter les risques de fraude. Elle a donc supprimé l'obligation pour le débiteur de demander simultanément l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, s'il souhaite le bénéfice de l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel, et précise en conséquence que les conditions d'ouverture du rétablissement professionnel sont celles prévues pour la liquidation judiciaire, à savoir la situation de cessation des paiements et le caractère manifestement impossible du redressement de l'entreprise.

Si le juge constate que le débiteur est de mauvaise foi, s'il a commis des actes de gestion illicites ou s'il ne remplit plus les critères du rétablissement professionnel, une liquidation judiciaire peut être ouverte à tout moment, à la demande du ministère public. En tout état de cause, le tribunal doit refuser d'ouvrir un rétablissement professionnel si les critères légaux ne sont pas remplis.

En second lieu, votre commission a prévu, comme dans les procédures collectives, l'information de l'ordre professionnel ou de l'autorité compétente lorsque le débiteur exerce une profession réglementée.

En troisième lieu, pour raccourcir la procédure, votre commission a réduit à un mois le délai permettant aux créanciers connus de communiquer les caractéristiques de leurs créances.

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a supprimé la mention de la liquidation judiciaire au casier judiciaire (articles 768 et 769 du code de procédure pénale et article L. 670-6 du code de commerce). Il s'agit de supprimer toute mention au casier judiciaire d'un jugement de liquidation judiciaire prononcé à l'encontre d'une personne physique en application du livre VI du code de commerce, pour faciliter le « rebond » des entrepreneurs en difficulté, conformément à un des objectifs de l'ordonnance du 12 mars 2014 et comme c'est déjà le cas depuis dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle depuis plus de dix ans, c'est-à-dire depuis la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* *

*

Votre commission a adopté le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives ainsi modifié et le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 complétant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives ainsi modifié .


* 39 Article L. 2328-1 du code du travail.

* 40 Articles L. 2323-1 et suivants du code du travail.

* 41 Article L. 622-6 du code de commerce.

* 42 Voir supra.

* 43 Arrêt n° 13-11948 du 2 juillet 2014.

* 44 Articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce.

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