II. DES EXCÉDENTS PEU ROBUSTES, FRAGILISÉS PAR UNE DETTE QUI RESTE À APURER

Conformément à sa logique assurantielle, la branche AT-MP se finance à hauteur de 97 % sur des recettes issues de cotisations employeurs, les autres produits provenant de recettes fiscales ainsi que de ressources tirées de produits financiers ou de recours contre tiers. Le mode de fixation des cotisations repose sur une tarification du risque de chaque employeur qui combine mutualisation du coût et incitation à la prévention.

Les dépenses de la branche sont principalement constituées de prestations en espèces. Les rentes de victimes et les indemnités journalières représentent respectivement 38 % et 33 % des indemnités légales versées en 2013.

Figure n° 7 :

Répartition par poste des indemnités légales AT-MP
versées par la Cnam en 2013

Source : Annexe 1 du PLFSS 2015 - programme de qualité et d'efficience (PQE) pour la branche AT-MP

Si la branche a renoué avec les excédents en 2013 suivant une évolution qui doit être considérée comme un retour à la normale, sa situation financière reste fragile compte tenu en particulier de l'importance de la dette qui reste à apurer.

S'agissant de ses dépenses, la branche AT-MP du régime général a progressivement dû assumer la montée en charge des prestations liées aux pathologies découlant de l'exposition des travailleurs à l'amiante.

A. UN FRAGILE RETOUR AUX EXCÉDENTS DEPUIS 2013

En raison de son mode de financement, qui conduit à ajuster les taux de cotisations aux charges assumées, la branche a vocation à être structurellement équilibrée. Après un déficit continu entre 2009 et 2012 dans le contexte de crise, la branche AT-MP du régime général a ainsi renoué avec les excédents en 2013 à la suite d'un rééquilibrage amorcé en 2011.

Figure n° 8 :

Solde constaté et prévisionnel de la branche AT-MP
du régime général depuis 2008

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

+241

-713

-726

-221

- 174

+638

+216

+195

Source : Direction de la sécurité sociale (DSS/SDEPF/6A), réponses du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes au questionnaire de la commission des affaires sociales du Sénat

En effet, comme le montre le tableau ci-dessus, la branche AT-MP a été affectée dès 2009, à l'image des autres branches de la sécurité sociale, par l'incidence de la crise sur ses recettes. En 2011, une hausse de 0,1 point en moyenne des taux de cotisation employeurs a toutefois permis d'engager un retour à l'équilibre. En 2012, la hausse des transferts versés par la branche au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et de la prise en charge des départs dérogatoires pour pénibilité a toutefois retardé ce retour à la normale. L'année suivante, une hausse des taux de cotisation, la diminution du versement au Fiva et l'absence de transfert vers la Cnav au titre de la pénibilité ont finalement rendu possible l'atteinte d'un solde à nouveau excédentaire pour la première fois depuis 2008.

Pour 2014, on observe une baisse du ratio entre les recettes et les dépenses qui, sans remettre en cause la situation excédentaire du régime, réduit significativement l'excédent.

1. L'exercice 2013 : le retour à l'équilibre

Déficitaire de 174 millions d'euros en 2012, la branche AT-MP présente un excédent de 638 millions d'euros en 2013. Cette évolution s'explique par l'effet conjoint :

- d' un recul ponctuel des charges nettes (- 3,1 % après + 1,2 % en 2012), sous l'effet principal d'une forte baisse des prestations exécutées en établissements publics (- 27%) en raison d'une régularisation favorable au régime et d'un recul des transferts entre organismes avec la baisse transitoire de 200 millions d'euros de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) ;

- et d'une croissance importante des produits nets (+ 3,9 % après + 1,6 %) grâce au dynamisme des cotisations AT-MP (+ 5,0 %) induit principalement par l'augmentation des taux de cotisation votée en LFSS pour 2013 (relèvement de 0,05 point du taux moyen) et par la hausse des produits nets des recours contre tiers (+ 34 %).

2. L'exercice 2014 : un solde prévisionnel toujours excédentaire mais en diminution

Pour 2014, l'excédent serait ramené à 222 millions d'euros sous l'effet combiné :

- d'une hausse sensible des charges nettes (+ 4,4 %) après l'extinction des effets transitoires positifs observés en 2013. La hausse des prestations sociales (+ 2,3 % après - 0,9 %) résulterait de la hausse des prestations de soins de ville (+ 2,9 %) et des prestations exécutées en établissements (+ 14,4 %) ainsi que de la croissance des prestations d'incapacité permanente (+ 2,0 %). S'agissant des charges hors prestations, la hausse de 320 millions d'euros de la dotation au Fiva contribue pour 2,8 points à la croissance des charges. Le transfert mis en place à la suite de la réforme des retraites de 2010 pour compenser le maintien des conditions de départ à la retraite des travailleurs exposés à l'amiante continue en outre sa montée en charge (77 millions d'euros en 2014 et 92 millions d'euros en 2015 après 55 millions d'euros en 2013) ;

- et d'un ralentissement marqué de la progression des produits nets (+ 0,7 %). Les cotisations sociales nettes progresseraient à un rythme proche de celui de la masse salariale du secteur privé (+ 1,3 %). Les produits nets de recours contre tiers reculeraient de 20,8 % en raison d'un provisionnement plus important.

3. L'exercice 2015 : un solde prévisionnel excédentaire mais de plus en plus fragile

En 2015, la baisse de l'excédent se poursuivrait et le solde atteindrait 195 millions d'euros, un niveau qui demeure inférieur de près de 445 millions d'euros à celui observé en 2013. Ceci s'explique par :

- une quasi-stabilité des charges nettes (+ 0,6 %). La progression des prestations ralentirait (+ 1,7 % en 2015 contre + 2,3 % en 2014) du fait d'une croissance modérée des prestations d'incapacité permanente (+ 0,7%) et d'une baisse des allocations de cessation anticipée d'activité (Acaata) légèrement compensée par la croissance des prestations légales d'incapacité temporaire. Les charges hors prestations connaîtraient un ralentissement plus marquée (- 2,5 %), avec la réduction de 55 millions d'euros de la dotation au Fiva, la baisse des charges de compensation (- 5,3 %) ainsi que des prises en charge de cotisations au titre de l'Acaata (- 7,6 %). De plus, le versement prévu à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles connaît une hausse de 210 millions d'euros pour atteindre 1 milliard d'euros en 2015 ;

- et une croissance modérée des produits nets (+ 2,1 %), avec une progression des cotisations sociales nettes au même rythme que celui de la masse salariale du secteur privé (+ 2,0%).

Au total, la hausse du reversement à la branche maladie devrait peser sur les dépenses de la branche mais le ratio entre les recettes et les dépenses devrait rester relativement stable.

4. Une dette de 1,5 milliard d'euros qui reste à apurer

L'excédent de la branche AT-MP ne doit pas faire oublier l'existence d'une dette importante qui atteignait 1,5 milliard d'euros en juin 2014.

Report à nouveau (après affectation du résultat en millions d'euros)

Source : Rapport de gestion 2013 de l'assurance maladie - risques professionnels, août 2014.

Au cours de leur audition devant votre commission, les représentants de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) 1 ( * ) ont indiqué qu' « en tout état de cause, la dynamique actuelle est celle d'une diminution de la dette. La logique de la branche AT-MP est qu'elle résorbe elle-même ses déficits ».

De même, le programme de qualité et d'efficience annexé au PLFSS pour 2015 indique que « les prévisions associées au présent PLFSS tablent sur le maintien d'une situation excédentaire de la branche en 2015 et au-delà. Cet excédent permettra à la branche de commencer à apurer sa accumulée passée ».

Perspectives pluriannuelles de la branche AT-MP (2015-2018)

(en milliards d'euros)

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

2018 (p)

Régime général

Dépenses

12,1

12,3

12,4

12,6

Recettes

12,3

12,7

13,2

13,8

Solde

0,2

0,4

0,8

1,2

Ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale

Dépenses

13,5

13,6

13,8

14,0

Recettes

13,7

14,1

14,7

15,3

Solde

0,3

0,5

0,9

1,3

Source : Annexe B du PLFSS pour 2015

A ce stade, force est toutefois de constater qu'aucune négociation n'a été engagée entre partenaires sociaux sur la prise en charge du déficit cumulé de la branche. Les conditions dans lesquelles celui-ci sera résorbé restent à ce stade particulièrement floues.


* 1 Compte rendu de la commission des affaires sociales du Sénat du 22 octobre 2014.

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