Article 3 (art. L.O. 151, L.O. 151-1 et L.O. 151-2 à L.O. 151-4 nouveaux du code électoral) - Modalités de résolution des incompatibilités pour les parlementaires

Le présent article réécrit, avec plusieurs modifications de fond, les dispositions relatives à la résolution des incompatibilités . Encore une fois, bien qu'il ne soit apparemment applicable qu'aux députés, il serait pleinement applicable aux sénateurs , puisque l'article L.O. 297 prévoit que les règles qui s'appliquent aux députés en matière d'incompatibilités s'appliquent également aux membres de la Haute Assemblée.

• Le dispositif du projet de loi organique

* La résolution des incompatibilités « mandat-mandat »

En premier lieu, le projet de loi organique modifierait les modalités de résolution des incompatibilités entre mandats (c'est-à-dire qui résultent de la législation limitant le cumul des mandats).

En effet, en l'état actuel du droit, le parlementaire qui se trouve dans une situation d'incompatibilité « mandat-mandat » au moment de son élection dispose d'un délai d'option de trente jours pour mettre fin à cette incompatibilité en démissionnant du mandat de son choix. Si le député ou le sénateur en cause n'a pas procédé à cette régularisation à l'expiration du délai imparti, il est déclaré démissionnaire d'office de son mandat parlementaire par le Conseil constitutionnel, ce dernier ayant été préalablement saisi par le Bureau de l'Assemblée concernée ou par le garde des Sceaux (article L.O. 151 du code électoral, premier et deuxième alinéas).

Le code donne, par ailleurs, le même délai d'option (trente jours) aux parlementaires lorsque l'incompatibilité a été constituée après l'élection ; ils peuvent, dans ce délai, se mettre en conformité avec la loi en démissionnant du mandat de leur choix. Toutefois, à l'expiration du délai de trente jours, la sanction de l'incompatibilité est que le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit (article L.O. 151-1).

Le projet de loi organique viendrait unifier ces dispositions au sein de l'article L.O. 151, qui traiterait de la résolution de toutes les incompatibilités, quelle que soit la date à laquelle elles ont été constituées (c'est-à-dire qu'elles soient intervenues au moment de l'élection ou après cette dernière). Cette réécriture emporterait deux modifications sur le fond :

- les modalités de calcul du délai de trente jours seraient précisées : le code indiquerait explicitement que celui-ci est décompté à partir de la date de proclamation des résultats de l'élection qui a mis le parlementaire concerné en situation d'incompatibilité ou, en cas de contestation de l'élection, de la date à laquelle un jugement définitif sur les résultats a été rendu ;

- les conséquences de l'absence d'option seraient uniformisées : le texte du gouvernement aligne en effet le régime électoral des parlementaires sur le droit commun, en prévoyant qu'à défaut d'option dans le délai imparti, ceux-ci perdent non pas leur mandat le plus récent, mais leur mandat le plus ancien 64 ( * ) , à l'instar de tous les autres élus 65 ( * ) . La commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois souhaité que cette nouvelle règle ne puisse pas provoquer la perte du mandat parlementaire : à l'initiative de son rapporteur, elle a donc adopté un amendement précisant que le député (ou le sénateur) n'ayant pas déclaré d'option dans un délai de trente jours serait déchu du mandat local acquis à la date la plus ancienne.

* La résolution des incompatibilités « mandat-fonctions »

En outre, en matière d'incompatibilités entre le mandat parlementaire et certaines fonctions, le code électoral prévoit actuellement des modalités de résolution des incompatibilités similaires à ce qui a été exposé plus haut : le parlementaire dispose ainsi d'un délai de trente jours pour se démettre des fonctions incompatibles avec son mandat ou, s'il est fonctionnaire, pour être détaché de son administration d'origine (article L.O. 151, premier alinéa).


Les fonctions incompatibles avec le mandat de parlementaire

Aux termes du code électoral, sont incompatibles avec le mandat de parlementaire dans l'une des deux Assemblées :

- les fonctions de membre du Conseil constitutionnel (article L.O. 139) ;

- les fonctions de magistrat (article L.O. 140) ;

- l'exercice de fonctions publiques non-électives, sauf pour les professeurs titulaires de chaire ou, dans les départements d'Alsace et de Moselle, de ministre des cultes (article L.O. 142) ;

- l'exercice de fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale (article L.O. 143) ;

- l'exercice d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement et excédant une durée de six mois (article L.O. 144) ;

- l'exercice des fonctions de président, de membre du conseil d'administration, de directeur général ou de directeur général adjoint dans une entreprise nationale ou un établissement public national, ainsi que les fonctions de conseil auprès de ces entreprises ou de ces établissements (article L.O. 145) ;

- l'exercice de diverses fonctions à haute responsabilité (chef d'entreprise, président de conseil d'administration, président, membre du directoire, président du conseil de surveillance, administrateur délégué, directeur général, directeur général adjoint) dans des sociétés, entreprises ou établissements qui :

a) jouissent d'avantages assurés par l'État ou une collectivité publique ;

b) ont un objet exclusivement financier et qui font publiquement appel à l'épargne ;

c) ont une activité consistant principalement dans l'exécution de prestations pour le compte de l'État, d'une collectivité publique, d'un établissement public, d'une entreprise publique ou d'un État étranger ;

d) ont pour objet l'achat ou la vente de terrains, ont une activité de promotion immobilière ou de construction d'immeubles en vue de leur vente ;

e) sont constituées, pour plus de la moitié de leur capital, par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés ci-dessus ;

- l'exercice de fonctions de conseil lorsque ces fonctions n'étaient pas exercées avant le début du mandat (article L.O. 146-1) ;

- l'exercice de fonctions rémunérées dans des organismes d'intérêt régional ou local ayant pour objet de faire ou de distribuer des bénéfices (article L.O. 148).

Le projet de loi organique se borne à réécrire, à droit constant , les dispositions actuellement applicables au sein d'un article unique (nouvelle rédaction de l'article L.O. 151-1).

* La déclaration d'activité souscrite par les parlementaires

La rédaction actuelle de l'article L.O. 151 du code électoral impose aux parlementaires de déposer sur le bureau de leur Assemblée, dans un délai de trente jours, une déclaration d'activité ; celle-ci doit être « certifiée sur l'honneur exacte et sincère » et faire « la liste des activités professionnelles ou d'intérêt général, même non rémunérées, qu'il [le parlementaire] envisage de conserver ou attestant qu'il n'en exerce aucune ». Dans les mêmes formes, le parlementaire doit informer le bureau de tout changement de sa situation en cours de mandat.

Le Bureau est ensuite chargé de vérifier que les activités déclarées sont compatibles avec le mandat parlementaire ; en cas de « doute » sur cette question, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le bureau, par le garde des Sceaux ou par le parlementaire intéressé (article L.O. 151, quatrième alinéa). Enfin, si le Conseil estime que les activités déclarées sont bel et bien incompatibles avec la détention d'un mandat à l'Assemblée nationale ou au Sénat, le parlementaire dispose d'un délai de trente jours pour régulariser sa situation, à défaut de quoi il est déclaré démissionnaire d'office de son mandat par le Conseil constitutionnel.

Le projet de loi organique réécrit, sans changement de fond , ces dispositions au sein des nouveaux articles L.O. 151-2.

* Les autres cas de démission d'office

En outre, le sixième alinéa de l'article L.O. 151 du code prévoit que sont déclarés démissionnaires d'office par le Conseil constitutionnel, les parlementaires qui :

- n'ont pas déposé leur déclaration d'activité sur le bureau de leur Assemblée ;

- ont, en tant qu'avocats, effectué des actes pourtant prohibés par l'article L.O. 149 du code électoral (qui interdit notamment aux parlementaires d'agir ou de plaider contre l'État, les collectivités territoriales, les entreprises publiques ou les établissements publics) ;

- ont, en contravention avec l'article L.O. 150 du code, utilisé leur mandat parlementaire à des fins de publicité commerciale.

Enfin, le dernier alinéa de l'article L.O. 151 précise que la démission d'office est, dans tous les cas, notifiée sans délai au président de l'Assemblée concernée et qu'elle n'entraîne pas d'inéligibilité.

Le projet de loi organique reprendrait ces dispositions au sein de deux nouveaux articles L.O. 151-3 (démission d'office des parlementaires n'ayant pas déposé de déclaration d'activité ou ayant contrevenu aux articles L.O. 149 et L.O. 150 du code électoral) et L.O. 151-4 (notification de la démission d'office).

• La position de votre commission des lois

Votre commission a constaté que les modifications mises en oeuvre par le présent article permettraient à la fois d'aligner le régime applicable aux députés et aux sénateurs sur le droit commun sans pour autant remettre en cause la spécificité du mandat parlementaire. Elle a estimé que le dispositif ainsi mis en place était cohérent et équilibré, et qu'il renforçait la lisibilité du droit électoral.

Pour améliorer la qualité formelle du texte, elle a toutefois adopté plusieurs amendements rédactionnels présentés par son rapporteur.

Elle a, en outre, constaté que le présent article maintenait la règle traditionnelle selon laquelle, en cas d'élections acquises le même jour, le mandat considéré comme le plus ancien (c'est-à-dire celui dont l'élu serait automatiquement déclaré démissionnaire d'office à défaut d'option dans le délai imparti) est celui qui a été acquis dans la circonscription comptant le moins d'électeurs. Votre commission a estimé que ce critère était difficile à appréhender pour les candidats et pour les citoyens -qui connaissent rarement le nombre d'électeurs présents dans leur circonscription- et qu'il était peu compatible avec la jurisprudence constitutionnelle, qui impose en principe au législateur de fonder les règles électorales sur des critères démographiques. Elle a donc adopté un amendement de son rapporteur indiquant que serait considérée comme l'élection acquise à la date la plus ancienne, celle qui se serait déroulée dans la circonscription comptant le moins d'habitants.

Par ailleurs, par souci de simplification, votre commission a précisé que les activités exercées par les parlementaires au titre de leurs mandats locaux ne devraient pas être retracées dans leur déclaration d'activité dès lors qu'elles sont compatibles avec le mandat parlementaire et non-rémunérées.

Enfin, votre commission a considéré que la durée des délais d'option actuellement prévue par le code en cas d'incompatibilité entre mandats (qui est, en règle générale, de trente jours ou d'un mois) était excessivement longue et ne correspondait pas aux attentes légitimes des électeurs, qui sont en droit de connaître rapidement le nom de ceux qui les représenteront au Parlement. La longueur de ce délai peut, en outre, poser des problèmes de fonctionnement au sein des Assemblées, dont la composition exacte reste incertaine pendant plusieurs semaines.

Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur abaissant le délai d'option accordé aux parlementaires en cas d'incompatibilité « mandat-mandat » à quinze jours (dans une optique d'harmonisation, elle a également adopté, à d'autres articles du projet de loi et dans la proposition de loi, des amendements ayant pour effet de fixer à quinze jours l'ensemble des délais d'option en cas d'incompatibilité entre mandats 66 ( * ) ).

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .


* 64 En cas d'élections acquises le même jour, le mandat le plus ancien serait réputé être celui qui a été acquis dans la circonscription comptant le moins grand nombre d'électeurs. Il s'agirait donc d'une application des dispositions de droit commun en la matière.

* 65 Article L. 46-1 du code électoral.

* 66 Tel est le cas pour les élus des collectivités d'outre-mer et de Nouvelle-Calédonie (articles 3 bis, 3 ter et 3 quater du présent texte) et pour les élus locaux (article 1 er AB nouveau de la proposition de loi).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page