EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en première lecture les conclusions de votre commission des lois sur la proposition de loi n° 31 (2008-2009), relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées, présentée par notre collègue Laurent Béteille et inscrite à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée en application du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution.

Le bon fonctionnement du service public de la justice, auquel votre commission porte une attention constante, impose de tenir l'ensemble des maillons de la chaîne. L'accès à la justice et au droit doit être facilité, la célérité des juridictions accrue, la qualité de leurs décisions assurée, leur exécution effective. Comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme, l'exécution des décisions de justice fait partie intégrante du droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 1 ( * ) .

Pour atteindre ces objectifs, il convient, comme l'a souligné à de multiples reprises votre commission 2 ( * ) , non seulement de renforcer les moyens des juridictions et des auxiliaires de la justice mais également de redéfinir le périmètre et les conditions d'exercice de leurs missions.

Le chantier est vaste mais bien engagé. La proposition de loi présentée par notre collègue Laurent Béteille y apporte une nouvelle pierre.

Les dispositions qu'elle contient, limitées à la matière civile, sont destinées à améliorer l'exécution des décisions de justice, à redéfinir l'organisation et les compétences des juridictions et à rénover les conditions d'exercice de certaines professions réglementées : huissiers de justice, notaires et greffiers des tribunaux de commerce.

Elles puisent à deux sources principales : une observation attentive de l'évolution des métiers de la justice et des attentes des professionnels, d'une part, les recommandations formulées par la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, dans un rapport remis en 2008 à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'autre part.

Presque toutes ont reçu, sous réserve de quelques aménagements, l'assentiment des représentants des professions concernées, que votre rapporteur a entendus, et celui de votre commission, qui a également souhaité les compléter pour étendre la portée de la réforme proposée.

La tâche est de longue haleine. Gageons notamment que les travaux de la commission chargée de réfléchir à ce que pourrait être une « grande profession du droit », présidée par Jean-Michel Darrois et au sein de laquelle siège votre rapporteur, devraient prochainement stimuler, eux aussi, la réflexion du législateur.

I. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI PRÉSENTÉE PAR NOTRE COLLÈGUE LAURENT BÉTEILLE

Les 26 articles de la proposition de loi présentée par notre collègue Laurent Béteille s'ordonnent en neuf chapitres consacrés aux frais d'exécution forcée en droit de la consommation, à la force probante des constats d'huissiers, à la signification des actes et aux procédures d'exécution, au juge de l'exécution, à la profession d'huissier de justice, à la profession de notaire, à la profession de greffier de tribunal de commerce, à l'application de la réforme outre-mer, ainsi qu'à son entrée en vigueur. Les dispositions proposées s'articulent autour des trois axes précités : améliorer l'exécution des décisions de justice, redéfinir l'organisation et les compétences des juridictions, rénover les conditions d'exercice de certaines professions réglementées.

A. AMÉLIORER L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE

Pour améliorer l'exécution des décisions de justice, la proposition de loi donne tout d'abord au juge, saisi d'un litige en droit de la consommation, la faculté de mettre à la charge du débiteur qui refuse de s'acquitter spontanément de sa dette, s'il s'agit d'un professionnel, l'intégralité des frais de l'exécution forcée de sa décision ( article 1 er ).

Une partie des frais d'huissier est en effet actuellement à la charge du créancier, ce qui s'avère dissuasif pour celui qui doit recouvrer une créance d'un faible montant. Or, bien souvent, les professionnels sont parfaitement solvables. Les dispositions proposées, qui répondent en partie aux attentes des associations de consommateurs, constituent la reprise de l'article unique d'une proposition de loi plus ancienne n° 438 (2006-2007) présentée par notre collègue.

La proposition de loi permet ensuite aux huissiers de justice, pour l'accomplissement de leurs seules missions de signification , d'accéder aux dispositifs d'appel et aux boîtes aux lettres particulières des immeubles collectifs à usage d'habitation ( article 3 ).

La signification d'une décision de justice constitue en effet la condition permettant au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée, le point de départ du délai d'appel contre la décision et une modalité d'information du débiteur sur les voies de recours dont il dispose. Il paraît donc essentiel que les huissiers de justice, qui en ont la charge, puissent s'acquitter effectivement de cette mission.

Les dispositions proposées, qui ont reçu l'assentiment ou l'absence d'opposition de l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur, reprennent en les précisant et en les encadrant celles que le Sénat avait introduites dans la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs mais que le Conseil constitutionnel avait censurées au motif qu'elles étaient dépourvues de tout lien avec ladite réforme.

La proposition de loi améliore également l' accès des huissiers de justice aux informations nécessaires à l'exécution d'un titre exécutoire , décisions de justice et actes notariés essentiellement, en supprimant le filtre actuel du procureur de la République ( article 4 ).

Ces informations portent sur l'adresse du débiteur, celle de son employeur et les organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, à l'exclusion de tout autre renseignement. Le filtre du procureur de la République, qui alourdit la tâche des magistrats du parquet et ralentit l'exécution des titres exécutoires, ne paraît effectivement pas indispensable compte tenu du caractère limité du contrôle opéré par l'autorité judiciaire et de la qualité d'officier public et ministériel de l'huissier de justice.

La proposition de loi prévoit en outre la ratification de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière qui, prise en application de l'habilitation conférée par l'article 24 de la loi n° 2005-842 du 28 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, a permis de moderniser cette matière dont la lenteur, la complexité et le coût étaient dénoncés de tous ( article 5 ).

Les nombreuses personnes entendues par votre rapporteur ont attesté de la qualité de la réforme opérée par cette ordonnance.

Enfin, la proposition de loi permet au procureur de la République de requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions rendues sur le fondement des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d'enfants , dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ( article 6 ).

Les dispositions proposées, qui n'ont vocation à s'appliquer qu'en ultime recours, ont reçu l'approbation des représentants de la Fondation pour l'enfance 3 ( * ) entendus par votre rapporteur et sont conformes à la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme 4 ( * ) .

* 1 CEDH, 19 mars 1997, Epoux Hornsby c/ Grèce.

* 2 Cf le rapport n° 49 (1996-1997) de M. Pierre Fauchon au nom de la mission d'information sur les moyens de la justice présidée par M. Charles Jolibois, et le rapport n° 345 (2001-2002) de M. Christian Cointat au nom de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice présidée par M. Jean-Jacques Hyest ( http://www.senat.fr/rap/r01-345/r01-345.html ).

* 3 Créée en 1977 à l'initiative de Mme Anne-Aymone Giscard d'Estaing, présidente-fontarice, la Fondation pour l'enfance a mis en place en 2004 un service d'écoute téléphonique « Sos Enfants Disparus » pour les familles ayant un enfant disparu : disparition inquiétante, fugue ou enlèvement parental. A cette fin, elle a signé une convention-cadre avec le ministère de la justice, le ministère de la famille et de l'enfance et l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM). 2.882 appels ont été reçus par ce service en 2007.

* 4 CEDH, 6 décembre 2007, Maumousseau et Washington c/ France.

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