C. CONCENTRER LES FORCES DE SÉCURITÉ SUR LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA DÉLINQUANCE

1. Régler (enfin) la question des transfèrements

a) Une répartition complexe des tâches

Les principales règles de répartition des compétences en matière d'escortes et de gardes des détenus sont complexes, mais au final elles font peser une charge importante sur la police et la gendarmerie .

Les transfèrements administratifs , qui consistent en la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre, sont réalisés par l'administration pénitentiaire . Dans des cas exceptionnels, lorsqu'un détenu est réputé dangereux, le concours des forces de l'ordre (police ou gendarmerie) peut être sollicité.

Les extractions consistent à conduire les détenus de l'établissement dans lequel ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde.

Les translations judiciaires sont effectuées à la demande de l'autorité judiciaire. Elles résident dans le transfert des détenus d'un établissement pénitentiaire vers un autre.

Les extractions et les translations judiciaires sont intégralement assurées par la police et la gendarmerie .

Le conseil de sécurité intérieur du 6 décembre 1999 a décidé la prise en charge à 100 % par l'administration pénitentiaire des escortes médicales pour consultations . A l'instar des transfèrements administratifs, le concours des forces de l'ordre peut être sollicité lorsque le détenu extrait est réputé dangereux.

Le transport des détenus pour une hospitalisation doit être assuré par les forces de l'ordre (circulaire interministérielle du 8 avril 1963). La garde des détenus hospitalisés incombe, elle aussi, aux forces de l'ordre. Il convient, à cet égard, de noter que la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) a entraîné, depuis 2000, une augmentation significative des transfèrements et des extractions.

b) Un lourde charge pesant sur la police et la gendarmerie

Même s'il est difficile de parvenir à une estimation chiffrée précise du volume d'heures consacrées à ses missions par les personnels de l'administration pénitentiaire, de la police et de la gendarmerie, votre rapporteur spécial souligne que l'impact de ces tâches sur les services de police et de gendarmerie est important .

A titre d'exemple, l'audit de modernisation consacré au transfert à l'administration pénitentiaire de la mission de garde et d'escorte des détenus hospitalisés 10 ( * ) chiffre à 737.000 heures la charge pesant sur la police nationale du fait de ces missions, à 36.000 heures celle incombant à la gendarmerie nationale et à 371.000 heures celle assumée par l'administration pénitentiaire.

En réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial, le général Roland Gilles, responsable du programme « Gendarmerie nationale » et directeur général de la gendarmerie nationale, a estimé à 1.968.973 heures le temps consacré par la gendarmerie à l'ensemble des taches de garde et d'escorte en 2007 11 ( * ) , ce volume d'heures correspondant à environ 1.000 ETPT .

c) Une réforme inéluctable pour être en conformité avec la LOLF

S'inscrivant dans la logique « lolfienne », votre rapporteur spécial juge donc impérative une « remise à plat » de ce système.

Le mode de fonctionnement actuel n'est, en effet, pas conforme à la LOLF . Il opère un transfert indu de charges entre la mission « Justice » et la mission « Sécurité ».

Afin de remédier à cette situation, plusieurs solutions sont envisageables.

Tout d'abord, la mise en place d'un système de facturation interne pour les prestations fournies par la police et la gendarmerie à l'administration pénitentiaire doit être envisagée. Il s'agit d'ailleurs là d'une conclusion avancée par l'audit de modernisation précédemment cité.

En outre, votre rapporteur spécial estime utile de tirer plus largement partie de la visio-conférence , ce qui permettrait de limiter les extractions judiciaires. Dans cette perspective, votre rapporteur spécial rappelle que l'article 706-71 du code de procédure pénale , modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite « loi Perben II », autorise l'usage de la visio-conférence en matière pénale pour l'audition ou l'interrogatoire de personnes en cours d'enquête ou d'instruction. La visio-conférence peut aussi être utilisée avant la prolongation d'une garde à vue, lorsque la présentation de la personne devant le magistrat est obligatoire. La visio-conférence est enfin possible dans le cadre de l'examen d'un contentieux en matière de détention provisoire, dans certaines conditions limitativement énumérées par le texte.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial précise qu'aujourd'hui près de la moitié des établissements pénitentiaires sont déjà équipés de système de visio-conférence .

Par ailleurs, votre rapporteur spécial estime que la mobilité du magistrat , dans le respect de la procédure et des droits de la défense, peut également être envisagée, le déplacement d'un magistrat dans un établissement pénitentiaire étant dans tous les cas moins coûteux que le transfèrement d'un ou plusieurs détenus.

* 10 Cet audit de modernisation a été publié en juillet 2007.

* 11 Cette estimation tient compte des transfèrements et des extractions judiciaires, des transfèrements et des extractions administratives (y compris les extractions médicales) et des transfèrements militaires.

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