III. UN PROJET DE LOI POUR RENFORCER LA « COMPETITIVITE JURIDIQUE » DE NOTRE FILIERE SPATIALE

A. LE RESULTAT DE PLUSIEURS ANNEES DE REFLEXION

Partant du constat du véritable « paradoxe français » que constitue l'absence de loi spatiale nationale, un certain nombre de spécialistes universitaires 32 ( * ) et professionnels ont, au début des années 2000, conduit une réflexion sur les solutions qui pourraient être proposées.

Il convient enfin de rendre hommage au travail considérable accompli par le Conseil d'Etat en 2006, qui prit la forme d'un rapport 33 ( * ) et surtout d'une proposition de texte législatif, qui a été reprise en très grande partie par le présent projet de loi.

B. LE PROJET DE LOI RELATIF AUX OPÉRATIONS SPATIALES

Comportant trente articles organisés en huit titres, le présent projet de loi vise à renforcer la sécurité juridique, composante essentielle de la compétitivité de notre filière spatiale.

Poursuivant le double objectif de mettre le droit interne en conformité avec le droit international et d'offrir un cadre juridique contribuant à la compétitivité globale de nos activités spatiales , il propose essentiellement d'instaurer un régime d'autorisation permettant aux autorités françaises d'assurer un contrôle effectif sur les activités spatiales et ce, dans les différentes hypothèses susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat. En contrepartie, le texte prévoit l'octroi d'une garantie financière de l'Etat au-delà d'un plafond des sommes dues par les opérateurs, au titre de la réparation des dommages causés par leurs activités.

Parallèlement à ce nouveau système d'autorisation et de garantie sur lequel repose l'équilibre global du projet de loi, celui-ci vise aussi à consolider, voire à créer, un cadre juridique sur des points plus spécifiques, tels que la gouvernance du centre spatial guyanais, les règles de la propriété intellectuelle applicables aux activités réalisées dans l'espace extra-atmosphérique ou encore, l'encadrement juridique de l'utilisation des données d'origines spatiales notamment au regard des exigences de la sécurité nationale.

L' article 1 er , unique article du titre I er , définit les acteurs et les opérations dans le domaine spatial : opérateur spatial, opération spatiale, phase de lancement, tiers à une opération spatiale, exploitant primaire de données d'origine spatiale et dommage.

Le titre II institue, en onze articles répartis en quatre chapitres, le régime d'autorisation des opérations spatiales (articles 2 à 11).

* Le chapitre I er concerne les opérations soumises à autorisation (articles 2 et 3).

L' article 2 définit les opérations soumises à autorisation administrative, lesquelles concernent :

- tout opérateur, quelle que soit sa nationalité, qui entend procéder au lancement ou au retour d'un objet spatial depuis le territoire national ;

- tout opérateur français qui entend procéder au lancement ou au retour d'un objet spatial à partir d'un territoire étranger ou non soumis à la souveraineté d'un Etat ;

- toute personne physique possédant la nationalité française ou toute personne morale dont le siège est en France, qu'elle soit ou non opérateur, qui entend faire procéder au lancement d'un objet spatial ou tout opérateur français qui assure la maîtrise d'un objet spatial pendant son séjour dans l'espace.

L' article 3 étend le régime d'autorisation aux objets spatiaux transférés à un tiers :

- d'une part, lorsque le lancement ou la maîtrise de ces objets a été soumis à autorisation ;

- d'autre part, lorsque ce lancement ou cette maîtrise n'a pas été soumis à autorisation mais que le tiers destinataire du transfert est un opérateur français.

* Le chapitre II énumère les conditions de délivrance des autorisations (article 4).

L' article 4 prévoit que la délivrance des autorisations est soumise à l'existence de garanties morales, financières et professionnelles du demandeur et à la conformité des systèmes et procédures avec une réglementation technique. L'article renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition de l'autorité administrative compétente pour délivrer les autorisations, du rôle du CNES dans le contrôle de conformité, des conditions dans lesquelles peuvent être délivrées, en matière d'autorisation, des licences valables pour une durée déterminée et des conditions dans lesquelles, l'autorité administrative peut dispenser le demandeur d'une autorisation pour les opérations conduites depuis l'étranger.

* Le chapitre III précise les obligations des titulaires d'autorisations (articles 5 à 8).

L' article 5 prévoit la possibilité pour les autorisations d'être assorties de prescriptions édictées dans l'intérêt de la sécurité, de la santé publique, de l'environnement ou de la défense nationale.

L' article 6 impose aux opérateurs une obligation d'assurance ou de garantie financière pour la durée de l'opération soumise à autorisation.

L' article 7 énumère les personnes habilitées à procéder aux contrôles nécessaires et les moyens dont elles disposent pour vérifier que les opérateurs se conforment aux obligations fixées par la loi.

L' article 8 définit le rôle de l'autorité administrative ou, sur sa délégation, du président du CNES et de ses agents pour assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que la protection de la santé publique et de l'environnement. Il peut s'agir par exemple de la suspension, l'arrêt ou l'interdiction d'un lancement, voire la destruction de l'objet spatial.

* Le chapitre IV établit un système de sanctions administratives et pénales (articles 9 à 11).

L' article 9 prévoit la possibilité de retirer ou de suspendre les autorisations en cas de manquements du titulaire aux obligations qui lui incombent ou pour des motifs de défense nationale. Il définit également les conditions de ce retrait ou de cette suspension.

L' article 10 donne compétence aux agents du CNES pour rechercher et constater les infractions des demandeurs d'autorisations à leurs obligations.

L' article 11 punit de 200.000 euros d'amende toute infraction au régime d'autorisation.

Le titre III donne un fondement législatif national à l'immatriculation des objets spatiaux lancés. Son article unique, l' article 12 , confie au CNES, pour le compte de l'Etat, la tenue du registre d'immatriculation des objets spatiaux dont l'immatriculation est obligatoire en application des dispositions de la Convention internationale du 14 janvier 1975.

Le titre IV concerne les différentes hypothèses d'engagement de la responsabilité des opérateurs et des Etats (articles 13 à 20).

* Son chapitre I er établit les règles de responsabilité à l'égard des tiers (articles 13 à 18).

L' article 13 pose le principe de la responsabilité de l'opérateur pour tous les dommages causés à un tiers, dans l'espace ou au sol, à l'occasion de l'opération qu'il conduit.

L' article 14 autorise l'Etat à exercer une action récursoire contre l'opérateur à l'origine d'un dommage dans le cas où l'Etat aurait réparé ce dommage en application des traités internationaux de 1967 et de 1972. Cet article fixe également le principe d'un plafond dans lequel s'exerce cette action, uniquement lorsque le dommage a eu lieu dans le cadre d'une opération autorisée.

En cas de dommage occasionné à un tiers par une opération spatiale autorisée et menée depuis un territoire de l'Espace économique européen, l' article 15 accorde la garantie de l'Etat pour la part de l'indemnisation excédant un montant donné fixé par l'autorisation. Cette garantie est étendue aux personnes qui n'ont pas la qualité de tiers pour les dommages causés pendant la phase de lancement.

L' article 16 prévoit que l'autorisation précise le montant en-deçà et au-delà duquel sont, en cas de dommages causés pendant la phase de lancement, respectivement exercée l'action récursoire et octroyée la garantie de l'Etat.

L' article 17 impose les mêmes obligations pour les dommages qui pourraient être causés après la phase de lancement, la distinction étant fondée sur le fait que la phase de lancement est la plus dangereuse et susceptible de causer des dommages importants.

L' article 18 prévoit que tout opérateur, mis en cause devant une juridiction pour un dommage causé à un tiers dans le cadre d'une opération spatiale autorisée, est tenu d'en informer l'autorité administrative compétente sous peine de perdre le bénéfice de la garantie de l'Etat.

* Le chapitre II traite de la responsabilité à l'égard des personnes participant à l'opération spatiale (articles 19 et 20).

Les articles 19 et 20 établissent la base normative du principe de non-recours communément admis entre les participants à une opération spatiale. Ce principe est actuellement la règle et évite une inflation des coûts entre sous-traitants. L' article 19 concerne l'indemnisation des tiers lorsque la garantie financière ou l'assurance de l'opérateur ou, le cas échéant, la garantie de l'Etat a été mise en jeu et l' article 20 concerne les dommages causés à une personne participant à l'opération. Dans le premier cas, le principe de non-recours est admis sauf faute intentionnelle et dans le second, il est admis sauf stipulation contractuelle expresse ou faute intentionnelle.

Le titre V est consacré à la police spéciale de l'exploitation et des installations du Centre spatial guyanais (CSG). Son article unique, l' article 21 , prévoit que le président du CNES exerce, au nom de l'Etat, ces pouvoirs de police spéciale. A ce titre, il lui confère une mission générale de sauvegarde et de sûreté des installations et des activités.

Le titre VI traite de la question spécifique de la propriété intellectuelle. Son article unique, l' article 22 , étend les dispositions relatives à la protection de la propriété industrielle aux objets spatiaux placés sous juridiction nationale.

Le titre VII précise le régime des données d'origine spatiale (articles 23 à 25). Il réglemente les activités des exploitants primaires de données spatiales définis comme toute personne assurant la programmation d'un système satellitaire d'observation de la Terre ou la réception, depuis l'espace, de données d'observation de la Terre.

L' article 23 soumet certaines de ces activités à une déclaration préalable à l'autorité administrative compétente, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

L' article 24 précise l'objet du contrôle de l'autorité administrative compétente : sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et respect des engagements internationaux de la France et lui ouvre la possibilité de prescrire, le cas échéant, les mesures de restriction nécessaires.

L' article 25 prévoit une amende de 200.000 euros en cas d'infraction au régime de déclaration.

Quant au titre VIII , il contient les dispositions finales du projet de loi (articles 26 à 30).

L' article 26 écarte du champ du projet de loi les activités de défense.

L' article 27 ne soumet pas aux dispositions relatives au régime d'autorisation (titre II), à la responsabilité des opérateurs (titre IV) et aux données d'origine spatiale (titre VII) les activités spatiales du CNES autorisées dans le cadre des dispositions du code de la recherche, lesquelles relèvent d'une mission publique.

L' article 28 prévoit que les modalités d'application du projet de loi sont définies par décret en Conseil d'Etat.

L' article 29 repousse l'entrée en vigueur des dispositions des articles 16 et 17 à la publication de la loi de finances qui fixe les montants qu'ils mentionnent.

L' article 30 rend applicable le projet de loi à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Votre commission des affaires économiques préconise l'adoption de ce projet de loi, sous réserve de 38 amendements , qui sont, pour cette première lecture essentiellement d'ordre rédactionnel. Mais elle rappelle instamment la nécessité de poursuivre la concertation entre le Gouvernement et les professionnels du secteur, parallèlement à l'avancement de la procédure parlementaire d'examen de ce projet de loi.

* 32 Au premier rang desquels le Professeur Armel Kerrest et Mme Laurence Ravillon auditionnés par votre rapporteur.

* 33 Rapport du Conseil d'Etat pour une politique juridique des activités spatiales publié en décembre 2006.

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