ARTICLE 10 - Suppression de la déduction de certaines sanctions et pénalités

Commentaire : le présent article a pour objet de généraliser le principe de non-déductibilité fiscale des transactions, amendes, confiscations et pénalités.

I. LE DROIT EXISTANT

Les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts (CGI) précisent que le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu (dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux) et à l'impôt sur les sociétés correspond au bénéfice net, « établi sous déduction de toutes charges ».

Il convient donc bien de viser le « bénéfice » imposable et non les « revenus », les dispositions du présent article ne s'appliquant ainsi qu'à des personnes morales. Toutefois, il peut être observé que le code général des impôts utilise tantôt les termes « bénéfice imposable », tantôt les termes « résultat imposable », ces deux expressions étant considérées comme ayant la même portée juridique.

S'agissant des sanctions et pénalités, la plupart d'entre elles ne sont pas déductibles. En revanche, d'autres obéissent au principe général de déductibilité des charges

A. LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE GÉNÉRAL DE DÉDUCTIBILITÉ DES CHARGES

Nonobstant le principe général de déductibilité , la déductibilité de certaines charges est toutefois expressément exclue par les dispositions du 2 de l'article 39 du CGI, à savoir :

1) les pénalités liées à l'assiette et au recouvrement de l'impôt ;

2) le versement libératoire et la pénalité de retard qui incombent aux entreprises et aux personnes physiques qui vendent de l'énergie 61 ( * ) aux consommateurs finals et sont ainsi tenues de respecter des obligations en matière d'économies d'énergie , étant rappelé que celles-ci peuvent se libérer de leurs obligations en acquérant des certificats d'économies d'énergie ;

3) les pénalités et les amendes qui sanctionnent des infractions à la réglementation relative à la liberté des prix et de la concurrence , ce qui recouvre en droit, selon les précisions apportées notamment par la doctrine administrative :

a) l'amende transactionnelle décidée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi (DGCCRF) ;

b) la transaction due par un commerçant en cas de défaut de publicité des prix ;

c) les amendes prononcées par les tribunaux, ainsi que par le Conseil de la concurrence, la DGCCRF et la Commission européenne pour sanctionner les infractions à la législation sur les prix et la concurrence (par exemple, les ententes illicites pour fausser la liberté des prix).

D' autres cas d'absence de déductibilité des sanctions et pénalités s'ajoutent à cette liste fixée par le législateur au 2 de l'article 39 du CGI, s'agissant des infractions qui correspondent à des faits ne relevant pas de la gestion commerciale normale de l'entreprise (par exemple, les frais de procès ou le non-respect de la réglementation du travail).

B. LA DÉDUCTIBILITÉ DE CERTAINES SANCTIONS ET PÉNALITÉS

Les sanctions et pénalités autres que celles visées au 2 de l'article 39 du CGI ou relevant d'actes anormaux de gestion sont aujourd'hui déductibles :

- les sanctions infligées par des autorités administratives indépendantes 62 ( * ) pour des infractions à la liberté des prix et de la concurrence ;

- les majorations de retard payées aux caisses de sécurité sociale 63 ( * ) , à condition qu'elles ne visent pas des sommes de même nature que les cotisations et ne concernent ni l'assiette, ni le recouvrement ;

- par exception au principe de non-déductibilité des manquements aux obligations des vendeurs d'énergie en matière d'économies d'énergie, la sanction pécuniaire que peut prononcer le ministre en charge de l'énergie 64 ( * ) ;

- les intérêts moratoires dus à la Banque de France par les établissements bancaires pour défaut de constitution des réserves obligatoires dans les délais impartis ;

- les sanctions prononcées par la DGCCRF dans les domaines autres que la concurrence ;

- les sanctions de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, à propos des quotas laitiers.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article propose une réécriture des dispositions du 2 de l'article 39 du CGI, afin de poser un principe général de non-déductibilité de l'ensemble des « sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants » .

Les termes « sanction pécuniaire » recouvrent également les « transactions, amendes et confiscations » mentionnées dans la rédaction actuelle du 2 de l'article 39 du CGI, tandis que le mot « pénalités » vise les intérêts et majorations de retard qui n'ont pas juridiquement le caractère de sanctions.

Par ailleurs, le texte proposé pour le second alinéa du 2 de l'article 39 du CGI vise expressément le prélèvement libératoire prévu au IV de l'article 14 de la loi n° 2005-781 de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique 65 ( * ) , lequel était déjà inclus dans le champ actuel des sanctions non déductibles.

Le II du présent article prévoit que ses dispositions s'appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2007.

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La distinction entre les sanctions et pénalités déductibles (dans leur très grande majorité) et celles qui ne le sont pas se fonde sur des critères peu satisfaisants , s'expliquant non seulement par le caractère suranné des dispositions actuelles du 2 de l'article 39 du CGI, issues pour l'essentiel d'une loi du 23 février 1942, mais aussi par les décisions rendues par le juge dans chaque cas d'espèce.

La non-déductibilité de l'ensemble des sanctions et pénalités constitue donc une mesure d'équité et de clarification du droit applicable.

L'impact fiscal reste difficile à mesurer : selon la direction générale des impôts (DGI) du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, la non-déductibilité des majorations de retard payées aux caisses de sécurité sociale représenterait un surcroît de recettes évalué à 20 millions d'euros . Il n'y a pas d'évaluation pour les autres sanctions et pénalités dont il est proposé de supprimer la déductibilité.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 61 Est visée la vente d'énergie sous ses différentes formes : électricité, gaz, chaleur, froid ou fioul domestique.

* 62 L'Autorité des marchés financiers (AMF), la Commission bancaire (CB), la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et la Commission nationale de l'informatique et de libertés (CNIL).

* 63 Y compris les pénalités exigibles en cas de retard dans le versement des allocations familiales.

* 64 Conformément aux dispositions du V bis de la loi n° 2005-781 de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique :

« Le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements qu'il constate , de la part des personnes mentionnées au I, aux dispositions du présent article ou aux dispositions réglementaires prises pour son application.

« Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions du présent article ou aux dispositions prises pour son application. Il peut rendre publique cette mise en demeure.

« Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation ».

* 65 Le IV de l'article 14 de la loi n° 2005-781 de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique dispose :

« Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public . Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 euros par kilowattheure. Son montant est doublé, sauf pendant la première période triennale d'application du dispositif, si les personnes n'apportent pas la preuve qu'elles n'ont pu acquérir les certificats manquants.

« Les titres de recettes sont émis par l'autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Une pénalité de 10 % du montant dû est infligée pour chaque semestre de retard ».

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