B. L'ABSENCE D'UNE RÈGLEMENTATION SPÉCIFIQUE RELATIVE A LA SÉCURITE DES MATÉRIELS D'ATTRACTION

1. La fête foraine est par tradition un espace de liberté

Alors que la tendance est au développement d'une protection très avancée dans tous les domaines de la vie sociale, relayant en ce sens la demande de nos concitoyens à davantage de sécurité, voire au risque zéro, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique. Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté. En effet, les fêtes foraines ont constitué, dès le XVIII ème siècle 14 ( * ) , une des rares activités échappant aux règles de l'organisation sociale traditionnelle, et en particulier au cloisonnement des catégories sociales.

Parallèlement, les forains ont, quant à eux, toujours chéri une grande indépendance, tant dans l'installation de leurs attractions que dans l'organisation de leur profession. La fête foraine ne s'est progressivement organisée qu'au fur et à mesure de l'encadrement de cet espace par les pouvoirs publics. Ainsi en est-il des contrôles sanitaires ou du maintien de l'ordre.

Aujourd'hui, si la fête foraine s'est effectivement institutionnalisée, comme en témoigne le succès grandissant des parcs d'attraction ou de loisirs, la réglementation relative à la sécurité des machines autour desquelles s'organisent ces attractions n'a pas été adaptée à leur succès.

2. La réglementation française est minimale et dispersée

Comme la Commission de la sécurité des consommateurs l'a souligné à votre rapporteur lors de son audition, la mise sur le marché et l'exploitation des manèges ne sont soumises, en France, à aucune obligation spécifique. La Commission l'avait déjà relevé dans son avis du 7 juin 1995 15 ( * ) qui avait donné lieu à la rédaction, par l'administration, d'un projet de décret sur la sécurité des matériels d'attraction, pris sur la base de l'article L. 221-3 du code de la consommation. Malheureusement, il n'y avait pas été donné suite notamment en raison de l'opposition, à l'époque, d'une partie des exploitants aux mesures techniques proposées. Il est vrai que ces mesures apparaissent particulièrement onéreuses.

Au final, la réglementation concernant la sécurité des manèges n'est prévue que par des textes disparates dont l'application est confiée à plusieurs administrations.

a) Le protocole de 1983

Actuellement, les seules règles relatives aux manèges sont celles du protocole précité de 1983 16 ( * ) . En vertu de cet accord, les attractions doivent subir un contrôle technique tous les trois ans et également à chaque ouverture de fête foraine. Seuls quatre bureaux spécialisés sont aujourd'hui présents sur le marché de la vérification des attractions foraines. Ils n'interviennent qu'à la demande de l'exploitant, la vérification ne s'opérant que sur les éléments de charpente, les mécanismes, les installations électriques hydrauliques et pneumatiques.

Une fois qu'il a été procédé à la vérification, les forains doivent présenter un carnet d'entretien et un certificat de conformité au comité de sécurité de la préfecture ou des communes les accueillant. De l'aval de ces dernières dépend l'exploitation du manège. Ces obligations mises à part, ce sont les propriétaires qui contrôlent eux-mêmes leurs machines.

b) Le code de la consommation

En l'absence d'une réglementation propre, la sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relève simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation à l'article L. 221-1 : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes » .

Dès lors, les professionnels ont l'obligation d'assurer la sécurité de leurs équipements au niveau de la conception et de l'exploitation. La direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) veille au respect de ces obligations et peut, en cas d'accident ou de danger grave et immédiat, suspendre l'activité d'un manège (article L. 221-6 du code de la consommation). Des mises en garde peuvent également être adressées aux exploitants pour leur demander la mise en conformité (article L. 221-7).

Toutefois, faute de compétence technique, les services de la DGCCRF n'exercent qu'une très faible surveillance préventive des manèges. Par ailleurs, leurs interventions à la suite d'accidents ne sont pas systématiques. Quant aux autorisations de reprise d'exploitation, elles se fondent sur des certificats de conformité délivrés par des bureaux de contrôle dans le cadre du protocole de 1983.

c) La police des fêtes foraines

Les maires, au titre de leurs pouvoirs de police généraux peuvent, s'ils l'estiment utile, édicter des obligations relatives à la sécurité des lieux d'installation des fêtes foraines sur le territoire de leur commune, en vertu de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Celui-ci dispose que « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ».

Au niveau local, l'arrêté préfectoral 17 ( * ) pris conjointement par le Préfet de police et le maire de Paris en 1984 est réputé être le seul règlement à fixer des règles de sécurité très précises pour l'organisation des fêtes foraines sur le domaine public parisien. Il est notamment prévu que les services techniques de sécurité de la préfecture de police visitent les installations foraines et peuvent, en cas de manquement, exiger une mise en conformité dans un délai déterminé sous peine d'interdiction d'exploitation sur le champ de fête. Des maires se sont inspirés de cet arrêté pour mettre en place une réglementation similaire, parfois en le modifiant afin de prendre en compte les particularités locales. Il en résulte pour les exploitants forains, un cadre réglementaire parfois très différent d'une commune à l'autre, ce qui rend plus difficile l'exercice de leur activité.

Dès lors, même s'il n'existe pas de vide juridique, une réglementation propre aux fêtes foraines en matière de sécurité apparaît aujourd'hui nécessaire. L'uniformisation du cadre normatif représente une demande forte de la part des forains. Elle se justifie d'autant plus qu'en l'état actuel du droit, les maires se trouvent exposés à des risques de responsabilité, en raison de leurs pouvoirs de police sur le domaine public. Votre rapporteur tient, sur ce point, à attirer tout particulièrement l'attention du Sénat, représentant des collectivités territoriales, sur cet aspect de la situation.

* 14 La fête des Loges qui a lieu, chaque année, en forêt de Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines remonte au XVIIIe siècle.

* 15 Avis du 7 juin 1995 relatif aux matériels d'attractions installés dans les parcs de loisirs permanents ou fonctionnant lors de fêtes foraines.

* 16 Il a été intégré dans une circulaire du ministre de l'Intérieur en date du 11 janvier 1984.

* 17 Arrêté préfectoral n° 84-10054 du 18 janvier 1984.

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