B. LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Votre commission des finances sait gré au responsable du programme de ne pas avoir mis en place d'indicateur de résultat compte tenu des enjeux limités de la présente section du CAS « Pensions ». Il renvoie, le cas échéant, aux développements concernant la mesure de la performance dans les rapports budgétaires concernés.


Observations sur le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »


Simple « compte miroir » ne donnant pas lieu à la production d'indicateurs de performance.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 51

Suppression de l'indemnité temporaire applicable
dans certaines collectivités d'outre-mer

Commentaire : le présent article additionnel tend à supprimer l'indemnité temporaire attribuée aux fonctionnaires retraités de l'Etat dans certaines collectivités d'outre-mer et à la Réunion.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DES MAJORATIONS DE RETRAITE APPLICABLE À CERTAINES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

1. Le principe de l'indemnité temporaire

Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient 72 ( * ) depuis un décret de 1952 d'une majoration, dont le montant varie entre 35 % et 75 %.

En l'état actuel, les fonctionnaires de l'Etat qui choisissent de passer leur retraite dans un de ces territoires, qu'ils y aient exercé ou non une activité professionnelle, peuvent percevoir cette indemnité.

Les revenus bénéficient de plus des régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer , notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu. A l'exception de La Réunion, elle n'est soumise ni à la CSG, ni à la CRDS.

2. La condition de résidence : un contrôle presque impossible

La seule condition posée par le décret de 1952 porte sur les conditions de résidence , qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ».

Ainsi, si le fonctionnaire retraité n'a pas effectué sa carrière en outre-mer, une période probatoire de six mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de la majoration, et ce pour autant que le pensionné aura manifesté le désir d'y résider au moins 9 mois.

Si le pensionné est originaire du territoire et s'y réinstalle, ou y a effectué sa carrière, cette condition de résidence n'est pas applicable.

L'instruction comptable n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 demeure la seule base légale pour le contrôle de la résidence. L'article 60 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 avait précisé que les services du Trésor étaient habilités à contrôler la condition de résidence, et que le secret professionnel n'était dans ce cas pas opposable par les administrations .

Cependant, l'arrêt du Conseil d'Etat « Vedel et Jannot » du 20 décembre 1995 a privé cet article de toute portée , en annulant les mesures restreignant la circulation des nationaux, et l'élaboration de fiches spéciales d'identité qui auraient permis aux services du Trésor, notamment avec le fichier transfrontières de la police de l'air et des frontières, de s'assurer des dates d'entrée et de sortie des territoires.

Il semble donc que certaines fraudes soient possibles sur cette indemnité.

La Cour des comptes a ainsi souligné dans son rapport particulier consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'Etat (avril 2003) qu'il s'agit là « d'une indemnité avantageuse au contrôle quasi impossible ».

B. UN COÛT TOUJOURS CROISSANT POUR LES FINANCES PUBLIQUES : PLUS DE 300 MILLIONS D'EUROS EN 2007

Pour l'année 2001, la Cour des comptes avait estimé le coût du dispositif à 158,8 millions d'euros . En 2003 , il s'élevait à 203 millions d'euros.

Remis en novembre 2006, un rapport d'audit et de modernisation mené par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées montre que, depuis 1989, le nombre de bénéficiaire a été multiplié par 3,3, en hausse de 10 % par an depuis 2000 .

Le coût en 2005 s'établait donc à 250 millions d'euros pour 32.172 bénéficiaires. Il devrait dépasser les 300 millions d'euros en 2007 .

Bénéficiaires de l'indemnité temporaire (pensions civiles et militaires) en 2005

Taux de majoration

Nombre de bénéficiaires en 1995

Nombre de bénéficiaires en 2005

Montant en 2005
(en millions d'euros)

Réunion

35 %

10.522

19.450

112,44

Nouvelle-Calédonie

75 %

2.816

5.198

57,17

Polynésie française

75 %

3.583

6.708

75,70

Mayotte

35 %

211

505

2,26

SPM

40 %

197

311

1,86

Total

-

17.329

32.172

249,44

Source : DGCP, Cour des comptes

Cette hausse s'explique par deux raisons :

- une jurisprudence en a étendu les dispositions au minimum retraite, qui a donc été significativement relevé depuis 2001 ;

- les avantages du dispositif commencent à être connus des fonctionnaires de l'Etat, notamment suite à plusieurs reportages diffusés à des heures de grande écoute. Ce mouvement est relayé par les forums de divers sites Internet qui fournissent toutes les informations.

De plus, un contentieux est actuellement en cours devant le Conseil d'Etat. Il vise à étendre les dispositions aux départements de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe. En tout état de cause, et en cas de « succès » des requérants, le coût connaîtrait une très forte hausse.

D'autres contentieux, qui viseraient à inclure dans la liste des bénéficiaires les personnels des fonctions publiques territoriales et hospitalières, ne sont pas à exclure.

C. UNE POSITION CONSTANTE DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de défendre la réforme de cette indemnité temporaire.

Notre collègue Jean Arthuis, président de votre commission des finances , a proposé son adoption lors de l'examen par le Sénat de la loi de programme pour l'outre-mer le 22 mai 2003 . L'amendement avait été retiré.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2004 , votre commission des finances avait défendu deux amendements.

Le premier, à l'initiative de notre collègue Yves Fréville, alors rapporteur spécial du budget des charges communes, et adopté par le Sénat, visait à réduire de 5 millions d'euros les crédits du budget des charges communes, afin d'inciter le gouvernement à mieux contrôler le respect par ses bénéficiaires des conditions de résidence imposées par le décret de 1952.

Le second, à l'initiative de nos collègues Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général de votre commission des finances, tendait à limiter le nombre de bénéficiaires en instaurant une condition supplémentaire, qui était une durée de cinq ans en poste dans une des collectivités concernées. Il ne s'agissait donc pas, pour la commission des finances, de revenir sur les droits acquis des actuels bénéficiaires, ou de supprimer le système, mais de le limiter.

In fine , la commission des finances avait accepté de modifier son amendement, afin de prendre le temps de mieux examiner les problèmes posés. L'article 125 de la loi de finances pour 2004 disposait donc qu'un rapport devrait être remis au Parlement le 1 er avril 2004 sur ce sujet .

Le rapport remis aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, qui constitue en fait une analyse de l'ensemble des régimes salariaux spécifiques à la fonction publique en outre-mer, dressait un constat qui rejoignait celui formulé par la Cour des comptes dans son rapport particulier précité : « le montant budgétaire correspondant [aux compléments de rémunérations] pourrait, sans être globalement réduit, faire l'objet d'une autre allocation plus favorable à l'emploi et au développement ».

A l'occasion de l'examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, votre rapporteur général avait approuvé l'initiative prise par notre collègue Nicolas About, président de la commission des affaires sociales , qui visait à réformer cette indemnité, suite aux conclusions du rapport de l'INSEE, initiative défendue en séance publique le 18 novembre 2004.

Enfin, lors de l'examen de la loi de finances pour 2006, un amendement qui limitait le taux de l'indemnité avait été défendu par nos collègues Jean Arthuis et Dominique Leclerc le 3 décembre 2005.

II. LA SUPPRESSION DU FLUX DES BÉNÉFICIAIRES : TIRER LES CONSÉQUENCES DU RAPPORT D'AUDIT ET DE MODERNISATION

A. LE RAPPORT DE LA MISSION D'AUDIT ET DE MODERNISATION

A la demande des ministères de l'économie, des finances et de l'industrie, et de l'outre-mer, une mission d'audit a été menée conjointement par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées. Son rapport a été rendu public en novembre 2006 73 ( * ) .

Les conclusions de la mission rejoignent les remarques formulées depuis 2003 par votre commission des finances .

Le rapport fait état :

- de l'ancienneté du dispositif, jamais adapté depuis 1952 aux changements survenus en métropole et en outre-mer ;

- de la croissance extrêmement rapide du nombre de bénéficiaires depuis 2000, et donc, du coût, qui devrait dépasser 300 millions d'euros en 2007 ;

- de l'absence de justification économique, et l'inéquité au regard des autres fonctions publiques et des départements français d'Amérique.

En conséquence, l'audit recommande, et sans délai, « l'extinction du dispositif », avec un redéploiement des sommes économisées au profit du développement de l'outre-mer .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article additionnel propose d'insérer un article dans le code des pensions civiles et militaires de retraite. Il tire toutes les conséquences du rapport d'audit précité.

Il convient de souligner que les actuels bénéficiaires de l'indemnité ne sont pas concernés : ils continueront donc à percevoir l'indemnité dans des conditions inchangées.

La disposition serait applicable au 1 er janvier 2007 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La position de votre commission des finances sur l'indemnité temporaire est guidée par le respect de trois grands principes.

A. NE PAS ENCOURAGER LES FRAUDES

Dans son rapport particulier sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat d'avril 2001, la Cour des comptes souligne le caractère « quasi impossible » du contrôle de ce dispositif.

Notre collègue Anne-Marie Payet avait reconnu ce point lors des débats sur la loi de programme pour l'outre-mer : « Ils sont chaque année près de cinq cents à se rendre à la Réunion pour y louer ou acheter un appartement, à la seule fin de disposer d'une adresse, unique formalité indispensable à remplir pour bénéficier de l'avantage en question. Cette adresse est, en général, fictive car souvent ils ne font que passer et résident en réalité en métropole. Aucun contrôle sérieux n'est effectué ».

De manière générale, il paraît extrêmement difficile de contrôler la réalité de la condition de résidence , pourtant relativement contraignante.

B. LE RESPECT DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ

Le bénéfice de cette indemnité est réservé aux seuls fonctionnaires de l'Etat en retraite, et dans certains territoires . En conséquence, les retraités de la fonction publique territoriale ou hospitalière, ou encore les retraités du privé n'y ont pas accès. Cette sélectivité de l'indemnité est contraire au principe d'égalit é, et tend, sur place, à créer des différences de traitement peu justifiables entre différents types de retraités.

Ainsi, le maintien de cette indemnité pose une question de principe, alors que la réforme des retraites adoptée en 2003 a nécessité des concessions de la part des retraités du privé comme du public.

C. UN SOUCI D'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE

Instituée en 1952, à une époque où les voyages en outre-mer prenaient des mois, et où les conditions de vie étaient difficiles, l'indemnité temporaire pouvait se concevoir dans une « logique keynésienne » de soutien à l'économie ultramarine . Il s'agissait alors pour l'Etat d'attirer des retraités sur ces territoires.

La situation a depuis profondément évolué en outre-mer. La Polynésie française a développé une activité dans le tourisme de très haut niveau, la Nouvelle-Calédonie se dote, avec les projets de Goro et de Koniambo 74 ( * ) , d'une industrie de traitement du nickel parmi les plus performantes au monde. Il n'est plus nécessaire ni souhaitable de « fausser » l'image de ces territoires au nom d'une politique de soutien de la demande qui a fait son temps .

De plus, et comme l'a souligné notre collègue Henri Torre lors de la présentation en commission de son rapport d'information sur le logement en outre-mer, ainsi que des crédits de la mission « outre-mer » pour 2007, les besoin sont considérables dans ce secteur, où la dette de l'Etat est comprise entre 450 et 800 millions d'euros.

Ainsi la démarche de votre commission des finances vise à oeuvrer en faveur de l'amélioration de la gestion et de l'efficacité des crédits publics outre-mer, et à assurer une meilleure transparence dans l'utilisation des fonds publics qui y sont consacrés.

En conséquence, il semblerait normal de supprimer ce dispositif, dénoncé dans des termes proches à la fois par votre commission des finances, la Cour des comptes et la mission d'audit, afin d'affecter les sommes correspondantes aux vrais besoin de l'outre-mer.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.

* 72 Les Antilles et la Guyane sont donc exclues.

* 73 Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/bib_res/218.pdf

* 74 A propos de ces deux grands projets, voir le rapport d'information n° 7 (2005-2006) de notre collègue Henri Torre : « Le nickel en Nouvelle-Calédonie : une opportunité enfin saisie ? ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page