ARTICLE 31

Transfert de la créance détenue par l'Etat sur l'UNEDIC
au Fonds de solidarité

Commentaire : le présent article a pour objet de transférer au Fonds de solidarité la créance de 1,2 milliard d'euros que l'Etat détient sur l'UNEDIC depuis 2001

I. LA GENÈSE DE LA CRÉANCE

A la suite de la crise financière traversée par l'UNEDIC en 1993, une première convention avait prévu, entre autres mesures, un subventionnement de l'Etat qui s'est traduit par le versement de 2,94 milliards d'euros de 1993 à 1995.

La forte baisse du chômage observée en 2000 a conduit à la conclusion, le 1 er janvier 2001, d'une nouvelle convention entre l'Etat et l'UNEDIC, qui prévoyait notamment un reversement à l'Etat de 1,067 milliard d'euros en 2001 puis de 1,22 milliard d'euros en 2002. Cet engagement a été repris par l'article 5 de la de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel (DD0SEC).

Selon les termes de la convention précitée, cette contribution de l'UNEDIC devait être affectée « au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité 168 ( * ) ». Bien sûr, la contribution prévue venait d'abord en contrepartie du subventionnement passé, et elle n'était pas sans lien avec l'avènement des « 35 heures » : le renforcement de la politique d'allègement de charges, coûteuse pour l'Etat, engendrait aussi quelques économies pour l'UNEDIC du fait des emplois créés.

L'année suivante, une nouvelle dégradation de la situation financière de l'UNEDIC a conduit au report de la dette de 1,22 milliard d'euros. Ainsi, l'article 40 de la loi de finances pour 2003 a eu pour objet de reporter en 2003 le versement à l'Etat qui aurait dû être fait en 2002.

Votre rapporteur général avait alors remarqué : « il est aujourd'hui fortement probable que cet accord 169 ( * ) sera insuffisant pour rétablir les finances de l'UNEDIC, et qu'en conséquence la dette reportée ne pourra être davantage honorée en 2003 » . De fait, la dette de 1,22 milliard d'euros n'a pas été remboursée et continue de figurer au passif de l'UNEDIC .

Dès 2003, M. Fillon a subordonné le paiement de cette dette par l'UNEDIC au retour de ses comptes à l'équilibre 170 ( * ) , sans toutefois préciser s'il s'agissait de l'équilibre cumulé du régime ou seulement de l'équilibre annuel...

Cette situation n'a rien d'exemplaire. La Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour l'exercice 2005, estime que « la créance de l'Etat est assimilable à une avance sans intérêt et sans date d'exigibilité, ce qui est contraire à l'article 24 de la LOLF », lequel précise que « les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée » et qu'« ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche » 171 ( * ) . Même si cette assimilation peut être juridiquement contestée, il n'est pas inutile d'invoquer la LOLF ou son esprit pour se rapprocher de l'orthodoxie budgétaire et l'absence de suivi normatif de cette créance depuis 2003 constitue une carence évidente .

II. LA MESURE PROPOSÉE

Il est rappelé que le Fonds de solidarité, « opérateur » du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi », assure notamment l'indemnisation du chômage dit « de solidarité ». Ses dépenses, qui atteignent 2,5 milliards d'euros en 2006, sont couvertes environ pour moitié par le produit de la contribution de solidarité des fonctionnaires, soit 1 % de leur traitement brut, le financement du solde étant assuré par une subvention de l'Etat 172 ( * ) . L'UNEDIC verse les allocations de solidarité pour le compte du Fonds.

Le présent article prévoit purement et simplement le transfert au Fonds de solidarité de la créance de 1,22 milliard d'euros que l'Etat détient sur l'UNEDIC.

Il est indiscutable qu'un tel transfert aboutit, pour reprendre les termes de la convention du 1 er janvier 2001, « au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité ». L'Etat permettrait donc à l'UNEDIC de s'acquitter, dès l'année prochaine, d'une part importante de sa dette directement auprès du Fonds de solidarité. Un premier remboursement, prévu à hauteur de 550 millions d'euros pour 2007, doit contribuer à l'équilibre du budget du Fonds de solidarité .

Ce remboursement aboutit à diminuer d'autant les crédits de la mission « Travail et emploi » et, dans le contexte d'un budget affichant une diminution en volume a priori méritoire, il n'est pas indifférent d'observer que, pour 2007, la subvention au fonds de solidarité baisse ainsi de plus de 240 millions d'euros 173 ( * ) malgré une hausse de ses dépenses de près de 290 millions d'euros.

Evolution de la dépense et des effectifs des allocataires du Fonds de solidarité

(en millions d'euros)

LFI 2006

PLF 2007

Dépense

Effectifs

Dépense

Effectifs

Allocation de solidarité spécifique (ASS)

2.047,9

360.950

2.181,2

403.687 174 ( * )

Allocation équivalent retraite (AER)

405,2

47.300

496,2

57.404

Allocation forfaitaire

25,0

50.400

5,9

11.960

ASS-ACCRE

13,6

nd

14,0

nd

Intéressement ASS

-

-

36,0

36.000

Total

2.491,7 175 ( * )

458.650

2.733,2

509.051

Il n'est pas non plus indifférent de constater que, depuis 2006, le Fonds de solidarité a la charge d'un nombre croissant d'indemnités.

Les indemnités versées par le Fonds de solidarité

L'indemnisation du chômage « de solidarité » est assurée par le Fonds de solidarité . Ses recettes comprennent le produit de la contribution de solidarité des fonctionnaires, soit 1 % de leur traitement brut, et une subvention de l'Etat. L'indemnisation prend d'abord la forme de trois allocations différenciées : l ' allocation de solidarité spécifique (ASS) versée à certaines personnes ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage, l' aide aux chômeurs créateurs d'entreprise sous la forme d'un maintien des droits à l'ASS pendant un an ( ASS-ACCRE ), et l' allocation équivalent retraite (AER) pour les chômeurs âgés en fin de droit.

En application de l'article 161 de la loi de finances pour 2006, le Fonds de solidarité prend aussi en charge depuis 2006 l'« allocation forfaitaire » versée sous conditions en cas de rupture d'un contrat « nouvelle embauche » (CNE) ainsi que, dans une perspective d'« activation » de l'ASS, l' aide forfaitaire aux employeurs embauchant des bénéficiaires de l'ASS en contrat d'avenir ou en CI-RMA 176 ( * ) . En revanche, l'allocation d'insertion (AI), transformée en allocation temporaire d'attente (ATA), sort du champ du Fonds de solidarité.

En 2007, le Fonds de solidarité prendra également à sa charge, au titre des bénéficiaires de l'ASS, la « prime de retour à l'emploi » et les « primes forfaitaires mensuelles d'intéressement à la reprise d'activité » introduites par la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux 177 ( * ) ( intéressement ASS ).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement présenté par le gouvernement, tendant à rendre la dette exigible auprès de l'UNEDIC à la date du 1 er janvier 2011 .

En raison des engagements tendant à subordonner le paiement de cette dette par l'UNEDIC au retour de ses comptes à l'équilibre, le gouvernement a, en effet, proposé de fixer la date d'exigibilité de cette créance au 1 er janvier 2011, date à laquelle les comptes techniques de l'UNEDIC prévoient le retour de l'organisme à une situation cumulée excédentaire.

En réalité, des négociations en cours tendent à obtenir le règlement d'une part importante du solde dès 2008.

Le tableau suivant fait apparaître un déficit cumulé de l'UNEDIC dépassant 13 milliards d'euros en 2005 et 2006, mais aussi le retour à une situation annuelle excédentaire dès 2006 et un rétablissement sensible de la situation financière à partir de 2007 :

Situation financière de l'assurance chômage de 2003 à 2008

(en millions d'euros

2003

2004

2005

2006

(prévision)

2007

(projection)

2008

(projection)

Recettes

25.784

26.732

27.695

29.324

30.333

31.154

Dépenses

30.067

31.152

30.887

29.028

27.535

26.251

Résultat annuel

-4.282

-4.420

-3.192

296

2.798

4.903

Situation financière cumulée au 31 décembre

-5.836

-10.260

-13.452

-13.156

-10.358

-5.445

Source : direction des études et des statistiques de l'UNEDIC, chiffres publiés le 27 octobre 2006

Or il se trouve que, dans le cadre des négociations en cours et dans ce contexte toujours déficitaire, le montant de la nouvelle créance n'est pas définitif . M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a déclaré, à l'occasion de l'examen en séance 178 ( * ) du présent article à l'Assemblée nationale : « Reste la question de la décote : sur ce dernier point, les discussions se poursuivent. Je m'engage à proposer, d'ici à la fin de la discussion budgétaire, un amendement fixant le montant définitif de la créance ».

Votre rapporteur général ne souhaite pas se livrer à une exégèse des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC pour tenter de déterminer ce que pourrait être aujourd'hui le montant équitable de la dette de l'UNEDIC envers l'Etat. Tout en observant que la créance est légalement constatée depuis 2001, il relève que les conditions de financement de l'UNEDIC sont proches de celles de l'Etat et que l'endettement public et les prélèvements obligatoires, dont au fond seuls les niveaux importent réellement, font masse de leurs ressources et de leurs engagements respectifs...

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Nonobstant la lettre de la convention du 1 er janvier 2001, le transfert prévu par le présent article aboutit ainsi à financer une dépense pérenne par une ressource non pérenne et il contrevient, d'une façon générale, au principe d'universalité budgétaire : les recettes et les dépenses doivent en principe figurer au budget pour leur montant brut sans être contractées. Concomitamment, le nombre croissant des indemnités à la charge du Fonds de solidarité peut donner l'apparence d'un mouvement de débudgétisation rampant auquel il conviendrait de mettre un terme.

Heureusement, si les perspectives actuelles de diminution du chômage devaient se prolonger, le nombre d'allocataires de l'ASS devrait, à son tour, finir par diminuer. Ainsi, il n'est pas certain que l'épuisement de la « ressource UNEDIC », qui pourrait ne se produire qu'à l'horizon 2009 si l'UNEDIC soldait l'essentiel de sa dette auprès du Fonds de solidarité dès 2008, se traduise alors nécessairement par une majoration sensible de la subvention de l'Etat au Fonds.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les inconvénients que présente aujourd'hui l'absence de gouvernance globale de l'assurance chômage et du chômage de solidarité. Les décisions prises par l'UNEDIC sur les filières d'indemnisation ont un impact direct sur le nombre d'allocataires de l'ASS et de bénéficiaires du RMI, l'évolution du nombre de ces derniers dépendant aussi des décisions susceptibles d'être prises par l'Etat concernant l'ASS...

Un jour, il conviendra de remédier à cette configuration baroque, peu favorable à l'efficience globale du système d'indemnisation des chômeurs. Dans cette perspective, la mobilisation par le fonds de solidarité d'une dette de l'UNEDIC peut revêtir une signification encourageante pour les partenaires sociaux et, dans le contexte du redressement financier annoncé de l'UNEDIC, porter le germe d'une unification des différentes filières d'indemnisation, dont les contours restent bien sûr à définir.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 167 Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006.

* 168 Il s'agit du régime de l'Etat qui concerne les chômeurs sans droits à l'assurance chômage, c'est-à-dire du Fonds de solidarité.

* 169 Un accord entre partenaires sociaux du 19 juin 2002 avait tenté de contrecarrer la dégradation des finances de l'UNEDIC en décidant d'une hausse de 0,20 point des taux de cotisation et de certains aménagements techniques.

* 170 En 2004, à suite du rétablissement des droits des « recalculés », M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, a annoncé que « le gouvernement [aménagerait] sa créance sur l'UNEDIC de 1,2 milliard d'euros afin de faire face au coût supplémentaire entraîné par la réintégration » et que « cette créance ne [serait] remboursable que par les excédents à venir de l'UNEDIC ».

* 171 Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'Etat. La Cour des comptes indique en outre que « la créance de 1,2 milliard d'euros (...) devra être inscrite au bilan [de l'Etat], ce qui améliorera la situation nette du même montant ».

* 172 Celle-ci transite par l'action 1 « Indemnisation des demandeurs d'emploi et rapprochement de l'offre et de la demande d'emploi » du programme 102.

* 173 De 1,174 milliard d'euros en 2006 à 0,932 milliard d'euros en 2007.

* 174 L'augmentation des effectifs de l'ASS s'explique d'abord par un effet de déversement lié au resserrement des conditions d'indemnisation (résultant des conventions UNEDIC de décembre 2002 et décembre 2005) et par les difficultés persistantes rencontrées par les chômeurs de longue durée sur le marché de l'emploi.

* 175 Dépense globale finalement estimée à 2,445 milliards d'euros en 2006 dans le « bleu » 2007.

* 176 Cette prise en charge a été présentée comme neutre pour le Fonds, car chaque aide versée est du même montant que celui de l'ASS qui aurait été versé si cette allocation n'avait pas été « activée » via un contrat d'avenir ou un RMA.

* 177 Instituée dans le cadre de la réforme des dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires de l'ASS, de RMI, de l'API et de l'AAH, ces primes, d'un montant de 1.000 euros pour la prime de retour à l'emploi et 150 euros pour les primes mensuelles, seront versées aux bénéficiaires de l'ASS reprenant sous conditions une activité professionnelle.

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