II. LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES »

A. CARACTÉRISTIQUES DU PROGRAMME

Le programme 175 « Patrimoines » doit permettre de décliner les « trois orientations stratégiques » suivantes :

- rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l'humanité et de la France ;

- sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine culturel dans toutes ses composantes ;

- encourager les initiatives culturelles locales et développer les liens entre les politiques culturelles de l'Etat et celles des collectivités territoriales.

Ce programme représente 1.082,2 millions d'euros en autorisations d'engagement auxquels s'ajoutent 39,7 millions d'euros en fonds de concours d'une part, et 976,2 millions en crédits de paiement auxquels s'ajoutent 27,4 millions d'euros en fonds de concours d'autre part. Les autorisations d'engagement diminuent de 3,5 % par rapport à 2005, et les crédits de paiement de 9,4 %. Les effectifs inscrits au programme diminuent de 3.953 emplois exprimés en ETP, pour s'établir à 3.968 ETPT.

Il s'agit toutefois d'un effet de changement de périmètre . Si l'on ajoute, comme le prévoit le schéma de déversement analytique du programme , les 284,6 millions d'euros provenant de l'action 7 « Fonctions soutien communes aux trois programmes » du programme 224, les crédits de paiement du programme 175 augmentent de 17 % en 2006. De même, l'essentiel des effectifs supprimés au sein du programme 175 ont été transférés à l'action 7 du programme 224. Le solde d'emplois du programme 175 progressera en réalité de 62 agents 6 ( * ) de 2005 à 2006, contre 636 entre 2003 et 2004 et 368 entre 2004 et 2005.

Tirant les leçons des expérimentations de globalisation des crédits au niveau des DRAC en 2004 et 2005, le ministère de la culture a regroupé les dépenses de personnel sur la seule action 7-224 afin d'atteindre la taille critique pour le pilotage de la masse salariale. L'essentiel des crédits de cette action, soit 73 %, est réaffecté au programme 175, dont 39 % au profit de l'action 1 « Patrimoine monumental et archéologique », et 15 % au profit de l'action 2 « Architecture ». Ceci correspond à la réimputation, sur ces actions, des crédits de rémunération des personnels des services patrimoniaux des DRAC et des services départementaux d'architecture et du patrimoine .

B. LA JUSTIFICATION AU PREMIER EURO DOIT ÊTRE CLARIFIÉE ET COMPLÉTÉE

Le programme comprend huit actions, présentées dans le tableau suivant.

La justification au premier euro du programme 175

Votre rapporteur spécial a examiné avec attention la « justification au premier euro » des dépenses des actions du programme 175 et est amené à formuler un certain nombre d'observations.

1. L'utilisation des ressources issues des privatisations des autoroutes est assez peu lisible

Une première remarque générale doit être faite sur la justification des dépenses par action. Elle met en évidence une imprécision sur l'origine des crédits. En effet, à de multiples reprises, il est précisé que « les crédits de paiement affecté aux actions tiennent compte des ressources exceptionnelles apportées à l'EMOC 7 ( * ) par le rattachement de produits des cessions de participations financières de l'Etat, pour des opérations à caractère patrimonial » . Le total de ces ressources exceptionnelles ainsi allouées au programme 175 s'élève à 75,7 millions d'euros .

Leur ventilation est présentée dans le tableau suivant.

Ventilation des ressources issues des privatisations au sein du programme 175

(crédits de paiement en millions d'euros)

Actions

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d'investissement

1

Patrimoine monumental et archéologique

0

28,9

3

Patrimoine des musées de France

10,7

22,9

5

Patrimoine écrit et documentaire

0

0,6

6

Patrimoine cinématographique

0

12,6

Pour les actions 3-175, 5-175 et 6-175 (cf. tableau ci-dessus), on constate que les ressources exceptionnelles apportées à l'EMOC, par le rattachement de produits des cessions de participations financières de l'Etat, pour des opérations à caractère patrimonial sont supérieures au montant de crédits de paiement ouverts au titre des actions citées.

Pour l'action 3-175, les dépenses d'investissement, qui bénéficient à la restauration des collections et aux travaux des musées nationaux, s'élèvent à 5,85 millions d'euros en crédits de paiement, alors que les crédits de paiement tenant compte des ressources exceptionnelles apportées à l'EMOC, atteignent 22,9 millions d'euros.

Pour l'action 5-175, les dépenses d'investissement de cette action, qui sont destinées au chantier Richelieu, montrent un différentiel de 0,6 million d'euros entre les crédits de paiement prévus par le PLF 2006 et les ressources exceptionnelles apportées à l'EMOC et affectées à cette action.

Enfin, pour l'action 6-175, les dépenses d'investissement s'élèvent à 7,225 millions d'euros, les ressources exceptionnelles apportées à l'EMOC atteignant 12,6 millions d'euros. Les crédits de paiement engagés pour la Cinémathèque française s'élevaient, avant 2006, à 21 millions d'euros, le coût total de la Cinémathèque étant estimé à 34 millions d'euros. Faut-il comprendre que les ressources exceptionnelles de l'EMOC auraient financé 60 % des crédits de paiement engagés avant 2006, c'est-à-dire des factures en souffrance, et 37 % du coût total de la Cinémathèque ?

2. Le cas de l'INRAP et des autres opérateurs du programme 175

Les subventions pour charge de service public de l'action 1 « Patrimoine monumental et archéologique » du programme 175 bénéficient aux opérateurs du présent programme. Votre rapporteur spécial s'étonne que l'Institut national des recherches archéologiques préventives (INRAP) ne figure pas dans la liste des opérateurs concernés pour les trois raisons suivantes :

- en 2006, l'INRAP doit rembourser au Trésor une partie de l'avance de trésorerie transformée en prêt de 23 millions d'euros qui avait été faite en 2002, pour résorber les déficits cumulés depuis la création de l'établissement public. Un premier remboursement de 7,5 millions d'euros a dû être effectué en 2005, deux autres remboursements de 7,5 millions d'euros et 8 millions d'euros sont prévus pour les années suivantes, selon un échéancier qui doit encore être négocié. Le ministère de la culture s'est engagé à financer ces remboursements par une subvention spéciale , selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial dans le cadre de son récent rapport d'information sur l'archéologie préventive 8 ( * ) ;

- la loi du 9 août 2004 9 ( * ) a modifié le régime de la redevance d'archéologie préventive (RAP) et a permis aux redevables d'opter, jusqu'au 31 décembre 2004, pour le dispositif plus favorable qu'elle instaurait. L'INRAP doit donc rembourser la différence entre la « RAP 2003 », calculée selon e dispositif en vigueur avant le 9 août 2004, et la « RAP 2004 ». Le trop perçu concerne notamment un certain nombre de cas d'imposition dits aberrants 10 ( * ) et n'est pas évalué. Votre rapporteur spécial a été saisi de nombreuses plaintes et pétitionnaires ayant opté pour le régime de taxation institué en 2004 et ne parvenant pas à obtenir le remboursement du trop perçu. Il souhaite vivement que le rapport de l'inspection des finances sur l'archéologie préventive qui devrait être prochainement remis propose une solution à ce problème, en prévoyant, par exemple, que l'Etat fasse l'avance des remboursements de RAP ;

- l'INRAP peine à équilibrer son budget depuis sa création, en raison de l'insuffisant rendement de la redevance d'archéologie préventive telle qu'elle avait été initialement conçue en 2001 11 ( * ) , puis, après sa réforme en 2004, en raison des retards et des difficultés de recouvrement . Si l'INRAP ne maîtrise pas strictement sa politique de recrutement, et si les engagements pris par la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA) tendant à définir une politique de programmation de la recherche archéologique préventive et à améliorer le recouvrement de la redevance n'étaient pas tenus, il paraît inévitable que l'INRAP enregistre un nouveau déficit en 2006.

Votre rapporteur spécial estime que ce déficit pourrait atteindre, voire dépasser, en 2006, une dizaine de millions d'euros, auxquels il conviendrait d'ajouter 7,5 millions d'euros de remboursement du prêt au Trésor. Il estime donc qu'une subvention pour charge de service public devrait être inscrite au budget de la mission « Culture » au bénéfice de l'INRAP, non pour l'inciter à dépenser plus, mais pour garantir la sincérité du budget . Votre rapporteur spécial vous proposera un amendement en ce sens, basé sur de réelles économies au sein de la mission « Culture ».

Les dépenses de fonctionnement de l'action 5 « Patrimoine écrit et documentaire » du présent programme bénéficient exclusivement à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Votre rapporteur spécial note que les ressources propres de la BnF ont presque été divisées par deux entre 2004 et 2005. Dans le même temps, la subvention du ministère de la culture augmente. Cette même tendance est observée pour le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, et concerne donc deux des trois opérateurs présentés dans le document budgétaire détaillant les crédits de la mission « Culture ».

Votre rapporteur spécial constate que la diminution des ressources propres de la BnF, entre le budget prévisionnel pour 2004 et celui pour 2005, de 41,6 % s'explique par un effort de sincérité budgétaire.

En effet, le budget prévisionnel pour 2005 tient compte du niveau réellement atteint en moyenne par les ressources propres de la BnF et non plus d'une surévaluation chronique qui lui permettait de prévoir des dépenses supplémentaires. Votre rapporteur spécial se félicite de l'amélioration de la présentation du budget de cet opérateur. En revanche, il ne sait pas si cette explication vaut également pour les autres opérateurs du programme 175. Il envisage en 2006 de mettre en oeuvre une mission de contrôle, au titre de l'article 57 de la LOLF, sur les relations entre le ministère de la culture et de la communication et quelques établissements publics culturels, afin d'éclaircir ce point notamment.

Votre rapporteur spécial s'étonne d'ailleurs que la liste des principaux opérateurs du programme « Patrimoines » ait été si drastiquement réduite . Il note que dans la présentation des crédits du ministère de la culture et de la communication pour 2005 ces opérateurs comprenaient, outre ceux qui figurent dans le « bleu Culture » pour 2006, l'INRAP, le Centre des monuments historiques, la Réunion des musées nationaux, le Centre national du livre, et l'établissement public du musée du quai de Branly.

Il s'étonne d'autant plus de l'absence d'information sur les grands opérateurs du programme « Patrimoines » que :

- bon nombre d'entre eux reçoivent des subventions substantielles inscrites au programme 175 12 ( * ) ;

- dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, des contrats d'objectifs doivent être établis pour préciser les relations entre ces opérateurs et le ministère. Ces contrats pourraient contenir des objectifs et des indicateurs de performance sur lesquels votre rapporteur spécial souhaite obtenir des informations complémentaires. Il se propose d'interroger le ministre sur ces sujets lors de l'examen au Sénat des crédits de la mission « Culture » ;

- enfin, la consolidation des ETPT, comprenant les ETPT rémunérés par les opérateurs hors plafond d'emplois du ministère, est peu lisible dans la mesure où ceux de l'INRAP, par exemple, ne sont pas inclus dans ce total.

* 6 Les principales causes de création d'emploi sont les suivantes : l'ouverture du musées des arts décoratifs en 2006, soit 31 emplois créés, la poursuite du transfert des titulaires vers le musée du Louvre, notamment des agents titularisés dans le cadre du protocole « Sapin », et la mise en place des équipes du projet de création du département des arts de l'islam, soit 21 emplois au total, et l'ouverture du musée du quai Branly, soit 7 emplois.

* 7 Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels.

* 8 Cf. rapport d'information n° 440 (2004-2005) du 29 juin 2005 « Pour une politique volontariste de l'archéologie préventive ».

* 9 Cf. loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

* 10 Les cas aberrants d'imposition étaient dus à l'assiette de la RAP, avant sa modification en 2004, qui était l'unité foncière (désormais remplacée par la surface hors oeuvre nette (SHON-). Ils se caractérisaient par une niche RAP largement supérieure au coût total de l'aménagement réalisé.

* 11 Cf. loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

* 12 Il s'agit notamment de la Cité de l'architecture et du patrimoine (action 2-175 : 14,23 millions d'euros en CP et 14,26 millions d'euros en AE), du Centre national de la cinématographie et du Centre national du livre (action 2-175 : 10,19 millions d'euros en CP et en AE), des centres des archives nationales (action 4-175 : 5,45 millions d'euros en CP et en AE) et du centre des archives nationales de Pierrefitte (action 4-175 :13,1 millions d'euros en CP et 57,1 millions d'euros en AE), soit au total 42,97 millions d'euros en CP et 87 millions d'euros en AE.

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