N° 99

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès verbal de la séance du 24 novembre 2005

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
(Compte spécial : prêts à des États étrangers
Compte spécial : accords monétaires internationaux)

Rapporteur spécial : M. Michel CHARASSE

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2540 , 2568 à 2573 et T.A. 499

Sénat : 98 (2005-2006)

Lois de finances.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Rappel : le présent rapport porte sur la mission « Aide publique au développement » du budget général, ainsi que sur les deux comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des Etats étrangers ».

I - MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT »

- La réforme de la coopération décidée par les CICID de juillet 2004 et mai 2005 devrait permettre de renforcer la coordination, la prévisibilité et la cohérence stratégique de l'aide , à laquelle participe une multiplicité d'acteurs. Les sept stratégies sectorielles pluriannuelles contribuent à mieux formaliser les orientations de l'aide mais ne constituent cependant pas de réelles priorités, compte tenu de leur nombre et de ce qu'elles couvrent l'essentiel des dimensions du développement.

- Après une forte hausse en 2005 (+ 18,7 % prévus) portée par les annulations de dettes, l'évolution de l'APD en 2006 devrait se traduire par une augmentation limitée en volume (+ 1,5 %) et une part stable du RNB (0,47 %), qui demeure toutefois en ligne avec l'objectif de 0,5 % du RNB en 2007. L'aide multilatérale augmenterait fortement , en particulier du fait des contributions au FED, au fonds de lutte contre le sida et aux banques et fonds de développement tandis que l'aide bilatérale diminuerait de 6,3 %. L'APD « réelle », concrétisée sur le terrain, représente 61 % de l'APD globale en 2006 si l'on exclut l'écolage, l'aide aux réfugiés et les annulations de dettes, ces dernières contribuant encore pour près du quart de l'APD.

- Votre rapporteur spécial insiste sur la nécessité pour les ambassadeurs de disposer sur place de la connaissance et de la pleine maîtrise de la totalité des moyens de coopération mis en oeuvre par la France . Les documents cadres de partenariat conclu avec les Etats partenaires doivent donc mentionner l'ensemble des financements français directs ou indirects, transitant par les canaux bilatéraux et multilatéraux et par des opérateurs publics, parapublics ou privés. Il est, en outre, indispensable que l'administration centrale du MAE assure une information exhaustive des ambassadeurs sur les crédits de coopération qu'elle gère directement, et surtout, que toute initiative de coopération d'un autre ministère soit préalablement communiquée à l'ambassadeur concerné, qui donne le cas échéant son accord . Il est également nécessaire que le préfet, dès qu'il a connaissance d'un projet de coopération décentralisée, en informe l'ambassadeur intéressé, afin d'assurer une parfaite cohérence de ces actions décentralisées avec la stratégie et les priorités de l'Etat en matière de coopération.

- En dépit de certaines difficultés de comparaison avec le « jaune », le DPT traduit cette volonté de coordination et améliore la lisibilité des crédits budgétaires d'APD, qui demeurent néanmoins dispersés sur une dizaine de programmes , la mission « Aide publique au développement » représenterait en 2006 59 % des dépenses d'APD du budget général, 48 % de l'ensemble des crédits budgétaires d'APD (incluant la quote-part du prélèvement sur recettes au profit du budget européen), et 41,5 % de l'APD au sens du CAD. Certains crédits budgétaires auraient sans doute vocation à être logés dans cette mission ; a contrario , les crédits de francophonie et de promotion de la langue française ne constituent pas réellement une aide au développement et devraient rejoindre la mission « Action extérieure de l'Etat ». Les dépenses d'écolage connaissent une forte augmentation depuis dix ans, alors que la transparence de leur comptabilisation en APD n'est pas assurée.

- Les objectifs et indicateurs des deux programmes de la mission ont été concentrés et améliorés , et sont pour la plupart correctement renseignés, en particulier sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement ». Des améliorations sont toutefois possibles sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » géré par le MAE. Les justifications au premier euro des actions de ce programme se révèlent également insuffisantes .

- Le recours à l'aide multilatérale, la diminution du nombre d'assistants techniques et le grand nombre d'opérateurs (ADETEF, EGIDE, FCI, ONG...) auxquels les deux principaux ministères délèguent une part croissante de leurs missions introduisent le doute quant à la maîtrise des objectifs et des moyens de la coopération . Si l'externalisation de certaines actions auprès d'opérateurs spécialisés apparaît justifiée, elle ne doit pas pour autant conduire à une dilution de la cohérence recherchée et à la perte de visibilité, pour les Etats partenaires, d'une aide française pourtant en constante augmentation depuis quatre ans. Ce risque doit être notamment apprécié à l'égard des ONG , qui ne reconnaissent pas toujours le caractère essentiellement public de leurs financements, ainsi que l'a montré la récente enquête de la Cour des comptes demandée par la commission. Les ONG doivent acquérir une plus grande visibilité à l'échelle internationale et être davantage impliquées dans une logique de partenariat avec le MAE, via les conventions d'objectifs. Cette démarche est nécessaire, dès lors que ces associations se révèlent essentiellement dépendantes des fonds publics et bénéficient du soutien du ministère pour acquérir la taille critique.

- La sincérité de certaines dotations budgétaires est sujette à caution . Il apparaît en particulier que les montants des crédits de paiement inscrits au titre de la contribution au Fonds européen de développement et des contrats de désendettement-développement (C2D) se révèleront vraisemblablement sous-évalués, quand ils n'entrent pas en contradiction avec les hypothèses sur lesquelles se fondent le MINEFI et l'AFD (cas des C2D).

- L'évaluation globale de l'APD française est déficiente et parcellaire : la structure interministérielle qui avait été mise en place en 2000 n'a plus d'existence et seules les actions de certains opérateurs (AFD ou ADETEF par exemple) font l'objet d'une évaluation sérieuse de leur impact. Les nouveaux indicateurs de performance ne sauraient tenir lieu d'instrument exclusif de l'efficacité de l'aide.

- La nouvelle taxe sur les billets d'avion , applicable dès 2006 et dont les modalités seront discutées à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2005, aurait un rendement escompté de 200 millions d'euros et serait affectée au fonds multilatéral de lutte contre le sida. Elle ne sera crédible et économiquement acceptable que si d'autres Etats partenaires adoptent rapidement une initiative analogue.

II - MISSION « PRETS A DES ETATS ETRANGERS »

- La création de cette mission, et les justifications de crédits qu'elle comporte, contribuent à une présentation beaucoup plus claire des dépenses engagées par l'Etat au titre des prêts à des Etats étrangers . Les informations fournies dans le « jaune » sur l'imputation budgétaire des différents mécanismes d'annulation constituent également une réponse aux remarques formulées depuis plusieurs années par votre rapporteur spécial et certains de ses collègues du Sénat ou de l'Assemblée nationale. Plusieurs lacunes peuvent cependant être identifiées : la justification des prévisions de recettes pour les trois programmes se révèle insuffisante, les montants d'annulations portées par la Coface, bien que n'exerçant qu'un impact budgétaire indirect, ne font l'objet d'aucune explication, et la justification des crédits imputés sur le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » est quasiment inexistante. Faute de réponse précise, votre rapporteur spécial estime qu'un contrôle sur pièces et sur place s'imposera à brève échéance.

- Il importe de relever l'impact déterminant des annulations de dettes du Nigeria et de l'Irak sur l'APD française en 2005 et 2006. Le traitement de la dette irakienne (qui impactera l'APD française à hauteur de respectivement 510 millions d'euros et 200 millions d'euros en 2005 et 2006) intervient dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord multilatéral en Club de Paris du 21 novembre 2004. Ces montants demeurent évaluatifs, et la France exercera une option de l'accord permettant de lisser jusqu'en 2008 la contribution de ces annulations à l'effort français d'APD. Le poids des annulations de dettes du Nigeria est encore plus important , puisque l'accord du Club de Paris conclu le 20 octobre 2005 devrait conduire la France à annuler près de 2,4 milliards d'euros de dettes intégralement comptabilisables en APD, dont 1,1 milliard d'euros en 2005 et 1,3 milliard d'euros en 2006.

- La part élevée des annulations de dette dans l'APD française, tributaire de la montée en puissance de l'initiative PPTE et de certains dispositifs bilatéraux, peut susciter des inquiétudes quant à la capacité de la France à honorer à moyen terme ses engagements d'APD , compte tenu du caractère additionnel des annulations par rapport à l'APD « traditionnelle ». La probable diminution de ces traitements de la dette à compter de 2008 ne pourra qu'être relayée par une forte augmentation des crédits budgétaires si la France veut respecter son engagement d'une APD équivalente à 0,7 % du RNB en 2012.

- Le programme 851 finance des prêts essentiellement dédiés aux pays émergents, et ne constitue pas à cet égard le « coeur de cible » de l'APD française . La cible de l'indicateur de ce programme, fixée pour 2009, serait en outre déjà atteinte en 2005, ce qui témoigne soit de son manque d'ambition, soit de l'inadéquation dudit indicateur.

III - MISSION « ACCORDS MONETAIRES INTERNATIONAUX »

Compte tenu de l'absence d'opérations budgétaires sur cette mission, qui n'a vocation à être dotée qu'en cas de dégradation de la situation économique et financière des Etats de la zone Franc, votre rapporteur spécial n'a pas de remarques particulières à formuler sur le contenu de la mission « Accords monétaires internationaux ».

Votre rapporteur spécial s'interroge toutefois sur le caractère non déclarable auprès de l'OCDE, en tant que dépense d'APD , du coût que peut occasionner pour la France le maintien de la parité entre l'euro et le franc CFA ou le franc comorien. Il considère que ce type de dépense ressortit en effet à l'APD, dans la mesure où il constitue, au même titre que les annulations de dette, un soutien économique et financier aux pays concernés de la ZSP. Elle devrait en tout état de cause figurer dans le récapitulatif des crédits octroyés par la France que comporte le document-cadre de partenariat qui a vocation à être conclu avec chaque Etat partenaire.

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