3. Le plafond de variation de la dette : 41 milliards d'euros en 2006

En application de l'article 34 de la LOLF, le 4° du II de l'article 51 du projet de loi de finances pour 2006 fixe à 41 milliards d'euros le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an.

Cette variation de la dette négociable représente la variation entre le 31 décembre de l'année 2005 et le 31 décembre de l'année 2006 de la somme des encours d'OAT et de BTAN nets des amortissements et rachats.

La fixation d'un plafond de variation de la dette, pour la première fois dans le projet de loi de finances pour 2006, répond à deux préoccupations.

L'une, exprimée par notre collègue Alain Lambert, alors rapporteur de la proposition de loi organique relative aux lois de finances pour le Sénat : « il s'agit en quelque sorte de donner un contenu à l'autorisation d'émettre des emprunts en le liant au besoin de financement révélé et exprimé par le tableau de financement ».

L'autre, exprimée pour le gouvernement, par Mme Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget : « s'il devait y avoir un plafond d'emprunts, cela ne devrait pas placer le Gouvernement dans une situation d'incapacité brutale à financer ses dépenses, parce qu'il y aurait une rupture de trésorerie et un retard dans l'encaissement d'une recette importante, par exemple. »

Pour tenir compte de ces deux positions, un « amendement de compromis » avait été adopté à l'initiative de notre collègue Alain Lambert et de votre rapporteur général considérant que : « il est certain que les aléas qui s'attachent tant aux décaissements qu'aux encaissements de l'Etat justifient que les opérations liées à la tenue de la trésorerie de l'Etat ne soient pas contraintes par un plafond strict, sauf à imaginer des procédures d'urgence complexes. De même, fixer un plafond brut de la dette risquerait de soulever des difficultés pour la gestion de celle-ci. Des techniques financières complexes, qui peuvent conduire à racheter de la dette passée pour en émettre une nouvelle et donc à augmenter les émissions brutes, pouvant permettre de minorer finalement la charge de la dette. Celle-ci représentant la première dépense de l'Etat, il serait désastreux d'en rendre impossible la diminution par des dispositions inappropriées » .

Le plafond de variation de la dette défini par l'article 51 du projet de loi de finances pour 2006 ne doit pas être confondu avec le dispositif très strict qui existe aux Etats-Unis où son Président est contraint de venir dans l'urgence devant le Congrès négocier le relèvement du plafond dès que celui-ci est dépassé, quelles que soient les raisons du dépassement 41 ( * ) . Dans l'intervalle, faute de moyens de paiement, les services publics s'arrêtent et les agents fédéraux ne sont plus payés. Le dispositif français apprécie la variation de la dette en fin d'année et exclut du plafond les mécanismes de gestion de la trésorerie et de gestion active de la dette.

Ce plafond a néanmoins une valeur juridique contraignante. Il obligera le gouvernement à en demander le relèvement dans une loi de finances rectificative s'il lui paraît ne pas pouvoir être respecté en raison d'une aggravation du déficit budgétaire et d'une augmentation des besoins de financement. La décision du Conseil constitutionnel n° 91-298 en date du 24 juillet 1991 dispose en effet que le gouvernement est tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale une loi de finances rectificative dès lors que les conditions de l'équilibre économique et financier sont bouleversées.

Contrairement à ce qui a été un temps considéré par les gestionnaires de l'agence France Trésor, le plafond proposé dans le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit pas de « marge de manoeuvre » particulière pour faire face à des aléas éventuels.

Le plafond de variation de la dette a ainsi le même statut, juridique et politique, que celui du déficit budgétaire : s'il peut être dépassé en cours d'année, il ne peut être dépassé en fin d'année qu'à la condition expresse qu'un collectif budgétaire l'autorise. La loi de règlement constituera la sanction politique ultime d'un éventuel dépassement, comme c'est aujourd'hui le cas pour le déficit budgétaire.

* 41 Cette hypothèse n'est pas un cas d'école. Compte tenu de moins-values fiscales et des dépenses engagées pour lutter contre le terrorisme, la dette fédérale américaine avait ainsi atteint en mai 2002 sa limite légale, fixée à 5.950 milliards de dollars le 5 août 1997. Le Président a dû négocier avec le Congrès l'augmentation de cette limite dans l'urgence .

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