E. LA QUESTION DE LA VIABILITÉ FINANCIÈRE DES TÉLÉVISIONS LOCALES

1. Un cadre juridique précisé par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle

a) Les évolutions législatives et réglementaires propres aux télévisions locales

L'attribution d' autorisations pour les chaînes de télévision hertziennes privées locales ou nationales s'effectue après une procédure d'appel à candidatures lancée par le CSA pour l'utilisation des fréquences disponibles conformément aux articles 28, 29, 30, 30-1 à 30-4 et 31 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée précitée.

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a notamment modifié les conditions dans lesquelles peut être lancé un appel à candidatures pour des services de télévision. Il a été rétabli un article 31 prévoyant que si les décisions d'autorisation d'usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause, le CSA doit procéder à une consultation publique préalablement au lancement des procédures prévues aux articles 29, 30, 30-1, 30-5 et 30-6 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

La loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a ouvert, aux personnes morales relevant de la loi du 29 juillet 1901 sur les associations, la possibilité d'exploiter un service de télévision locale par voie hertzienne . La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 a étendu cette possibilité à d'autres personnes morales que les sociétés commerciales ou les associations . Sont ainsi visées, à l'article 30 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, les sociétés d'économie mixte locale ou les sociétés coopératives d'intérêt collectif ou les établissements publics de coopération culturelle . Les modalités d'intervention des collectivités locales ont donc été élargies afin de permettre à toutes les collectivités d'éditer et de financer des télévisions locales , notamment par le biais des sociétés d'économie mixte.

La loi du 9 juillet 2004 précitée a également assoupli le cadre juridique antérieur par la suppression des contraintes liées à la composition du capital de l'éditeur d'une télévision locale hertzienne et par un allégement important des règles de cumul entre autorisations nationales et locales.

Par ailleurs, l'alinéa 1 de l'article 28-1 modifié par la loi du 9 juillet 2004 précité prévoit désormais un délai pour la délivrance de telles autorisations par le CSA. Ce délai est de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services.

b) L'impact favorable de l'ouverture des secteurs interdits de publicité pour les télévisions locales

L'ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée a également créé des conditions juridiques favorables au développement des télévisions locales.

Un décret du 7 octobre 2003 5 ( * ) a autorisé la publicité télévisée pour les enseignes de la grande distribution , ainsi que sur les produits, à l'exception des opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national 6 ( * ) . Cette ouverture doit s'opérer progressivement à partir du 1 er janvier 2004 sur les chaînes locales du câble et du satellite (soit 15 millions de personnes), lors de son lancement, prévu en mars 2005, pour la télévision numérique terrestre (qui pourrait alors concerner 24 millions de téléspectateurs potentiels) et le 1 er janvier 2007 pour les chaînes nationales hertziennes analogiques.

Après accord avec les professionnels, une ouverture complète est effective depuis le 1 er janvier 2004 dans le secteur de la presse . De fait, dès le 1 er janvier 2004, certains titres de presse ont lancé des campagnes publicitaires télévisées, essentiellement des titres de la presse magazine spécialisés dans les programmes de télévision.

Concernant l' édition littéraire , le syndicat national de l'édition a proposé que la publicité télévisée soit autorisée sur les seules chaînes thématiques du câble et du satellite à compter du 1 er janvier 2004 , compte tenu des tarifs actuels des espaces publicitaires qui les rendraient accessibles à la plupart des acteurs concernés.

Aucune ouverture n'est prévue s'agissant du cinéma.

2. Le paysage élargi des télévisions locales

a) Les télévisions locales permanentes

Au 1 er octobre 2004, on dénombrait 10 télévisions locales hertziennes terrestres permanentes en métropole , dont cinq couvraient des agglomérations importantes et cinq desservaient une ou plusieurs villes moyennes et des zones rurales.

Dans la première catégorie précitée figurent :

- TLM à Lyon, dont le CSA a, par décision du 2 mai 2001, reconduit l'autorisation pour une durée de cinq ans ;

- TLT à Toulouse qui a vu son autorisation reconduite pour une durée de cinq ans par décision du 12 décembre 2000 ;

- la chaîne locale Clermont/1 ère , pour laquelle le CSA s'est prononcé en faveur de la reconduction de son autorisation hors appel aux candidatures le 15 juin 2004, et dont les représentants ont été entendus en audition publique par le CSA le 6 juillet 2004 ;

- la chaîne locale TV7 Bordeaux, autorisée le 26 juillet 2000 ;

- Canal 32, à Troyes, autorisée par décision du 24 juillet 2001 pour une durée de cinq ans.

Dans la deuxième catégorie figurent les télévisions locales dites « de pays » :

- Télé 102, dans l'agglomération des Sables-d'Olonne (Vendée), autorisée en juillet 1999, qui a vu son autorisation reconduite, pour une durée de cinq ans, par décision du 30 mars 2004 ;

- Télé Sud Vendée, autorisée en octobre 1999, pour laquelle le CSA s'est prononcé, le 8 juillet 2003, en faveur de la reconduction de son autorisation hors appel aux candidatures, une nouvelle convention ayant été conclue le 15 juin 2004 ;

- TV8 Mont-Blanc en Savoie, autorisée en juillet 2000, pour laquelle le CSA s'est prononcé en faveur de la reconduction de son autorisation hors appel aux candidatures le 15 juin 2004, et dont les représentants ont été entendus en audition publique le 6 juillet 2004 ;

- TLP, dans le Luberon, autorisée le 25 novembre 2003 pour une durée de cinq ans ;

- TL7 Plaine du Forez, également autorisée le 25 novembre 2003 pour une durée de cinq ans.

Votre rapporteur spécial précise que, en 2004, le paysage télévisuel s'est également diversifié outre-mer . Il compte sept télévisions locales autorisées diffusant en clair par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence (ACG, ATV, KMT, Canal 10, Carrib'IN TV, Antenne Réunion, TNTV), trois autres étant en cours d'autorisation à l'issue d'un appel aux candidatures (Archipel 4, Eclair TV, La Une Guadeloupe).

b) Les télévisions locales temporaires en métropole

Des autorisations temporaires pour un service de télévision hertzienne privé peuvent être délivrées par le CSA, hors appel aux candidatures, pour une durée n'excédant pas neuf mois . A ce titre, le CSA a délivré 15 autorisations en 2003 et 9 autorisations au cours des neufs premiers mois de l'année 2004.

Les autorisations concernent à la fois des opérateurs expérimentés ayant déjà bénéficié d'autorisations similaires (Vision 24 à Chamonix lors de la course automobile internationale des 24 heures sur glace de Chamonix, Alégria pour la féria à Dax, Solidays lors du festival Solidays à l'hippodrome de Longchamp, TV Mistral à Saint-Tropez, TV Bruits et Activa TV à Toulouse) et de nouveaux opérateurs (004 Télévision à Lille, Voi Sénart dans la région parisienne, Pays d'Aix TV à Aix-en-Provence).

Le CSA a choisi , par décision du 24 juillet 2003 et compte tenu du calendrier électoral, d'éviter de délivrer des autorisations pour une diffusion entre le 1 er janvier et le 13 juin 2004 inclus pour des projets de télévisions temporaires à caractère généraliste comportant notamment la diffusion de magazines et de journaux d'informations . Le CSA a justifié ce choix par le fait qu'il doit s'assurer que le projet présente toutes les garanties nécessaires pour éviter les éventuels contentieux qui pourraient naître des obligations fixées notamment par l'article L.52-1 du code électoral. Seuls les services de télévision de courte durée proposant une thématique précise qui sont liés à la couverture d'un événement particulier pouvaient ainsi faire l'objet d'une autorisation pendant cette période, selon le CSA.

Suite à cette décision, le CSA a demandé aux opérateurs concernés de modifier les dates des périodes demandées afin de se mettre en conformité avec la décision du 24 juillet 2003 précitée. Aussi, à l'exception de « Voi Sénart » et du « Mois le plus long », aucune autorisation temporaire n'a été délivrée pour la diffusion d'un programme local entre le 14 janvier et le 13 juin 2004.

Au cours de l'année 2003, le CSA a autorisé 12 opérateurs sur le canal 35 : Zaléa TV, Télé Bocal, Télé 91, Pariphérie, ILM La Locale, VO'TV, Téléssonne, Cinéplume, Lemers TSF, Télé Plaisance, OSF et Télé Kif Cité à diffuser des services de télévision de proximité sur Paris et la région parisienne jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la recommandation du CSA relative aux campagnes électorales pour l'année 2004.

Depuis cette date, le CSA a été saisi de plusieurs demandes pour la diffusion de services temporaires de télévision sur Paris et la région parisienne, dont les dossiers sont en cours d'instruction.

3. Les appels à candidatures en métropole

Les nombreuses autorisations de différentes télévisions locales dans la période récente témoignent de la volonté de nouveaux opérateurs de nature très diverse de s'engager dans l'exploitation de services diffusés aujourd'hui en mode hertzien analogique et, à terme, en numérique.

S'agissant des demandes actuelles au titre de la ressource hertzienne analogique, à la suite de la mise en oeuvre, le 18 mars 2003 , d'une procédure de consultation des candidats potentiels à l'usage de fréquences analogiques pour des télévisions locales, le CSA a décidé de lancer des appels aux candidatures sur sept nouvelles zones : Montpellier, Marseille, Nîmes, Le Mans, Orléans et Tours, Angers. Par ailleurs, à la suite des appels déclarés infructueux sur les zones de Grenoble (8 juillet 2003) et dans le département de la Dordogne (15 juillet 2003), le CSA a décidé de lancer également de nouveaux appels sur ces deux zones, la ressource hertzienne étant disponible et de nouvelles demandes d'appels ayant été enregistrées.

Une première tranche de trois appels aux candidatures a été décidée par le CSA, lors de sa séance plénière du 25 novembre 2003 pour l'édition de nouvelles chaînes locales : à Nîmes (Gard), à Marseille (Bouches-du-Rhône) et à Montpellier (Hérault).

Une deuxième tranche de trois appels a été lancée, par décision du 27 janvier 2004, sur les zones du Mans, d'Orléans et de Tours.

Une troisième tranche a été lancé, par décision du 30 mars 2004, sur les zones d'Angers, du département de la Dordogne et de Grenoble.

A l'issue de la clôture des appels de la première tranche, le CSA a, par décision du 20 avril 2004, fixé la liste des candidats recevables sur les trois zones concernées : 8 candidatures pour Marseille, 2 pour Nîmes et 7 pour Montpellier.

Le CSA a ensuite entendu en audition publique les représentants des personnes morales candidates à Marseille, le 16 juin 2004, et les représentants des personnes morales candidates à Montpellier et à Nîmes, le 12 juillet 2004.

A l'issue de la clôture des appels de la deuxième et troisième tranche, le 27 août 2004, le CSA a fait connaître la liste des candidats ayant présenté un dossier de candidature sur les six zones : 5 dossiers de candidatures au Mans, 4 dossiers de candidatures à Orléans, 5 dossiers de candidatures à Tours, 4 dossiers de candidatures à Angers, 1 dossier de candidatures dans le département de la Dordogne et 4 dossiers de candidatures à Grenoble. Le CSA doit désormais vérifier que chacune des candidatures répond aux critères de recevabilité : dépôt du dossier de candidature dans le délai fixé par l'appel aux candidatures, existence effective de la personne morale, projet de télévision dont l'objet correspond au texte de l'appel.

4. Une situation financière toujours fragile

Les télévisions locales hertziennes ont connu jusqu'à présent des difficultés financières permanentes.

Bien qu' elles répondent à l'attente de leur public , les difficultés financières qu'elles continuent de rencontrer risquent de mettre en péril leur existence. En effet, les télévisions locales privées, dont les budgets de fonctionnement restent modestes, sont confrontées à des marchés publicitaires limités alors qu'elles doivent assurer quotidiennement la diffusion d'une programmation dont le coût est important, même si elles font largement appel à la rediffusion de leurs programmes.

Les cinq télévisions dites « de ville » sont aujourd'hui dans une situation économique difficile. Votre rapporteur spécial rappelle qu'elles sont liées à la presse quotidienne régionale (TLM, TLT, TV7 Bordeaux, Clermont/1ère, et Canal 32 à Troyes). Elles enregistrent pour la plupart des pertes annuelles de 1,2 million à 2,5 millions d'euros en moyenne.

Les télévisions dites « de pays » sont majoritairement déficitaires. Elles sont néanmoins dotées de structures et de moyens plus faibles. L'une d'entre elles, TV8 Mont-Blanc, couvre une zone de diffusion plus vaste ce qui induit de lourdes charges de diffusion (680.000 habitants). Les budgets sont très variables : 1,6 million d'euros pour TV8 Mont Blanc qui réunit une douzaine de salariés et des bénévoles ; 276.000 euros pour Télé Sud Vendée à Luçon (68.000 habitants) et 110.000 euros pour Télé 102 aux Sables d'Olonne (40.000 habitants), moins de cinq personnes animant chacune de ces deux chaînes. La chaîne locale Aqui TV en Dordogne a dû déposer le bilan à la suite de difficultés financières et la liquidation judiciaire a été prononcée en janvier 2003.

Eu égard aux expériences étrangères, votre rapporteur spécial est toutefois confiant dans l'avenir des télévisions locales . Les attentes du public et l'ouverture des secteurs interdits de publicité créent un effet des conditions favorables. Il observe en outre que la mise en commun de l'espace publicitaire , aujourd'hui encouragée par le CSA dans l'instruction des dossiers de candidatures, constitue un facteur de succès financier, afin d'étendre la cible de diffusion .

* 5 Décret n° 2003-960 du 7 octobre 2003 modifiant le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.

* 6 « Au sens du présent décret, on entend par opération commerciale de promotion toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d'événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l'offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l'importance du stock mis en vente, de la nature, de l'origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts » (extrait de l'article 1 du décret du 7 octobre 2003 précité).

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