2. Le cadre de la réforme de la justice de proximité adoptée en 2002

Le titre II de la loi quinquennale du 9 septembre 2002 a défini les compétences des juges de proximité en leur transférant certaines des attributions des tribunaux d'instance en matière civile comme en matière pénale.

Les compétences dévolues aux juridictions de proximité

En matière civile , relèvent de la juridiction de proximité les actions personnelles mobilières , les injonctions de faire et les injonctions de payer. Il s'agit essentiellement d'actions en paiement d'une créance modeste ou d'actions en réparation d'un petit préjudice.

Deux restrictions ont néanmoins été prévues, l'une relative au seuil de compétence, limité à 1.500 euros maximum , l'autre portant sur le champ des personnes habilitées à la saisir , circonscrit aux seuls particuliers pour les besoins de leur vie non professionnelle . Le tribunal d'instance demeure donc compétent pour les actions intentées par les personnes morales et les litiges liés à la vie professionnelle. L'exposé des motifs de la loi du 9 septembre 2002 expliquait cette limitation par le souci « de ne pas détourner le juge de proximité de sa mission première ».

La juridiction de proximité statue à juge unique en dernier ressort . Ses décisions ne peuvent donc faire l'objet d'un recours, à l'instar de toutes les affaires d'un montant inférieur à 3.800 euros , taux en dessous duquel l'appel est exclu par le code de l'organisation judiciaire. Comme devant le tribunal d'instance, la procédure applicable est simplifiée : les débats sont oraux et les parties peuvent se présenter seules à l'audience.

En marge de ses missions proprement juridictionnelles, la vocation conciliatrice du juge de proximité a été affirmée par le législateur. Outre qu'il doit favoriser la conciliation avant de rendre un jugement, il peut, après avoir tenté une conciliation et faute d'accord entre les parties, leur enjoindre de rencontrer un conciliateur aux fins de les informer sur l'objet et le déroulement de la procédure de conciliation. Il est également compétent, comme le juge d'instance, pour homologuer les constats d'accord obtenus dans le cadre d'une tentative préalable de conciliation en vue de leur donner force exécutoire.

En matière pénale , ses attributions s'étendent aux contraventions de police de la première à la cinquième classe (article 706-72 du code de procédure pénale) énumérées par le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 4 ( * ) . S'agissant des mineurs , l'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante limite cette compétence aux contraventions des quatre premières classes qui figurent dans ce même décret. Les infractions visées, d'origine variée, ont pour point commun de concerner la vie quotidienne des justiciables .

Enfin, il peut, sur la délégation du président du tribunal de grande instance, valider les mesures de composition pénale applicables aux délits et aux contraventions.

Dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 64 de la Constitution n'interdisait pas, « par lui-même, la création des juridictions de proximité dont les membres ne sont pas des magistrats de carrière, dès lors que ces juges exercent une part limitée des compétences dévolues aux tribunaux d'instance et aux tribunaux de police ». Celui-ci a par ailleurs considéré qu'en matière pénale, les attributions du juge de proximité ne méconnaissaient pas l'article 66 de la Constitution « dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ».

La participation des citoyens aux décisions de justice : des juges de proximité recrutés au sein de la société civile

L'originalité de la réforme de la justice de proximité réside dans le mode de recrutement des juges, qui ne sont pas des professionnels . Il s'agit de personnes de la société civile âgées de 35 à 75 ans. Défini par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité 5 ( * ) , leur statut s'inspire fortement d'un dispositif analogue prévu par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ayant institué les magistrats exerçant à titre temporaire dans les tribunaux d'instance et dans les tribunaux de grande instance 6 ( * ) . La mise en oeuvre de cette loi organique s'étant révélée décevante, le législateur est en droit de s'interroger sur les raisons de cet échec qui constitue dans les faits un refus d'appliquer la loi. Il serait extrêmement regrettable que cette situation soit imputable au ministère de la justice.

Nommés pour une durée de sept ans non renouvelable , les juges de proximité exercent leur activité judiciaire à titre temporaire. L'exercice concomitant d'une autre activité professionnelle , sous réserve de sa compatibilité avec les fonctions judiciaires, est autorisé. A l'instar des magistrats professionnels, ces juges sont soumis au statut de la magistrature .

Des critères de sélection rigoureux ont été définis par le législateur afin de garantir la qualité de leur recrutement.

L'accès aux fonctions de juge de proximité est ouvert aux anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif, aux anciens fonctionnaires de catégorie A et B des services judiciaires , aux conciliateurs de justice , aux auxiliaires de justice soumis à un statut réglementé, honoraires ou actifs depuis au moins quatre ans, à condition d'exercer dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance dans lequel ils effectuent leurs actes professionnels et enfin aux personnes justifiant soit d'une expérience de quatre ans dans le domaine juridique , sous réserve d'avoir obtenu un diplôme d'études supérieures de niveau BAC +4 , soit de vingt-cinq années d'activité dans des fonctions d'encadrement ou de responsabilité dans le domaine juridique.

Cette dernière voie d'accès résulte d'une initiative de votre commission des Lois, de même que la passerelle prévue en faveur des conciliateurs de justice et de certains anciens fonctionnaires des services judiciaires. Votre rapporteur, alors rapporteur de la loi organique du 26 février 2003, avait fait valoir la nécessité d'éviter une trop grande rigidité des conditions de recrutement et souhaité prendre en compte l'expérience du terrain indépendamment des seules connaissances juridiques 7 ( * ) .

A l'instar des magistrats professionnels, les juges de proximité sont nommés par décret du président de la République sur proposition du garde des Sceaux après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Celle-ci peut décider de les soumettre à un stage probatoire accompli sous la forme d'un stage en juridiction de vingt-quatre jours. Les candidats exemptés de stage probatoire doivent toutefois suivre une formation pratique qui prend également la forme d'un stage en juridiction -plus court- d'une durée de seize jours. Une formation théorique de cinq jours organisée par l'Ecole nationale de la magistrature est dispensée à tous les candidats reçus.

* 4 Cette liste comprend notamment les infractions réprimées par le code de la route.

* 5 Articles 41-17 à 41-24 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 6 Voir rapport n° 404 de M. Pierre Fauchon, rapporteur au nom de la commission des lois de la loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité (Sénat, 2001-2002).

* 7 Voir rapport de M. Pierre Fauchon n° 404 précité - p. 24 et 25.

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